Mangas & Animes

Double Arts – Shonen tactile

Encore un article manga, quelle débauche. Cette fois on va s’intéresser à une série courte et terminée, donc ça devrait être moins long que d’habitude. Donc ouais y’a pas si longtemps je parlais de mes sentiments compliqués pour Nisekoi genre « je sais que c’est pas génial mais l’auteur parvient à rendre ça extraordinairement fun » et du coup je m’étais jamais vraiment demandé qui était cet auteur, Naoshi Komi. Puis on m’a dit qu’il avait fait un autre manga dans le Jump avant, Double Arts. Ok. Et que c’était « bien. » Bon. Why not. Je venais de sortir de la lecture du tome 8 de Nisekoi donc j’étais à fond dans la confiance.

Le tome 8 de Nisekoi c'était surtout l'apparition de Drunk Onodera, ce qui place le manga directement dans le Panthéon des meilleurs Romcoms Ever.
Le tome 8 de Nisekoi c’était surtout l’apparition de Drunk Onodera, ce qui place le manga directement dans le Panthéon des meilleurs Romcoms Ever.

 

Bon y’a qu’une vingtaine de chapitres, trois tomes, ok on reconnaît les syndromes de la-série-abandonnée-par-le-Jump-au-bout-de-trois-tomes. Si vous avez lu Bakuman, vous savez comment ça se passe dans ce magazine de prépublication: si votre série est pas assez populaire ou ne vend pas assez (même si ok il est dur de vendre un manga en étant impopulaire), elle dégage. Donc Double Arts quand on s’y lance, on sait que ça va se terminer vite.

Les trois tomes dans toute leur splendeur
Les trois tomes dans toute leur splendeur

Et soyons francs: 90% des séries qui se terminent rapidement dans le Jump c’est souvent assez mérité. Soit parce que ça manque d’originalité, soit parce que ça se lance pas vraiment, soit parce que les personnages sont tartes. J’en avais déjà parlé y’a un an et demi avec Pajama na Kanojo, qui avait duré qu’une vingtaine de chapitres pour un bilan contrasté – du genre les 15 premiers chapitres sont vraiment biens mais soudainement on sent que l’auteur panique parce que les chiffres sont pas bons et il sort une multitude de tours de magie de sa manche pour essayer de redonner de l’interêt sauf que du coup il tue sa série. Il transforme un bon  pot au feu en mauvais hâchis, quoi.

Du coup je me suis lancé dans la lecture de Double Arts surtout dans un esprit d’analyse: j’allais lire ça pas pour voir ce que ça valait en tant qu’ouvrage (je partais avec peu d’espoir) mais voir si on y voyait les prémices de Nisekoi et le potentiel de son auteur. Après tout, Zombie Powder (le Kubo avant Bleach) est assez fun à lire et permet de remarquer plein de trucs qui seront utilisés plus tard dans Bleach.

Et j’en suis sorti dégoûté et frustré parce que, putain de merde, Double Arts c’est vraiment bien. 

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Elraine et Kiri, les deux héros, après avoir botté des popotins.

Bon niveau scénario c’est un shonen qui part sur des bases classiques mais avec un twist intéressant – genre grosso modo on est dans un monde d’heroic fantasy normal dans lequel sévit une sorte de peste ravageuse qui fait disparaître les gens. Dans ce monde on a des personnages nommé les « Soeurs » ou « Nonnes » qui grâce à leur toucher peuvent absorber cette maladie et guérir des patients. Problème 1: si on touche une nonne, on attrape du coup la maladie (oups.) Problème 2: l’espérance de vie d’une nonne c’est 20 ans grand max. On a donc comme héroïne une de ces nonnes qui voit son dernier jour arriver après une longue carrière de bons et loyaux services… avant d’être sauvé par un garçon mystérieux qui, quand elle le touche, fait cesser sa maladie. TL;DR – Si pendant plus d’une minute elle ne le touche pas, elle meurt.

Donc comme ce garçon a un pouvoir mystérieux, les deux jeunes personnes vont devoir cohabiter ensemble et survivre à des assassins qui semblent vouloir empêcher toute guérison de cette maladie…

Et donc oui c’est par l’auteur de qui fera plus tard Nisekoi et, surprise, ce n’est pas une comédie romantique mais bel et bien un shonen d’action qui, en trois tomes, pose donc des personnages attachants et des idées intéressantes. Le premier chapitre est ainsi assez sympathique même si, en le terminant, on a encore du mal à s’imaginer le plein potentiel. On comprend juste « l’originalité » de la série, c’est à dire les deux héros qui vont devoir rester en permanence en contact l’un de l’autre. En soit c’est plutôt bien trouvé et, effectivement, plein de potentiel. Après on ignore en terminant cette quarantaine de pages ce que sera vraiment la série: une comédie, un shonen d’action, de la romance ? Tout ce qu’on connaît c’est le cadre: un monde d’heroic-fantasy « classique » dans lequel on ajoute une étrange maladie. Oui, c’est beaucoup moins original du coup.

Sui, le genderswap de Zaraki Kenpachi
Sui, le genderswap de Zaraki Kenpachi

On a donc deux héros, Elraine et Kiri. Le postulat de la série fait donc qu’on peut les traiter de héros sur un plan d’égalité puisque les deux sont en permanence l’un prêt de l’autre, pour des raisons évidentes de scénario. Leur caractérisation n’est pas fondamentalement révolutionnaire: Elraine est une fille gentille, plutôt pure sans être naïve et dotée d’une volonté inébranlable, qui vit avec un fardeau important dont elle ne se plaint que peu, gardant pas mal de sentiments pour elle. Quant à Kiri c’est un jeune prodige artisan très doué de ses deux mains qui est lui aussi généreux et parfois taquin. Il dispose lui aussi d’un pouvoir assez intéressant puisque tout ce qu’il touche voit sa force et ses capacités être multipliée par deux tant que le contact est maintenu.

A coté de ça on rajoute deux personnages secondaires supplémentaires qui viendront compléter l’équipe: Sui une fille pleine d’énergie et qui ne vit que dans l’espoir de trouver des gens assez puissants pour se bastonner avec. Imaginez Kenpachi mais dans le corps d’une adolescente de 16 ans qui se bat avec une lame circulaire géante. C’est déjà assez séduisant. On a ensuite la figure de Farran, quatrième personnage, qui remplit un archétype assez classique de vétéran lassé par les combats mais qui, et c’est con pour lui, est très très bon dans le domaine. Il va apprendre aux héros de nouvelles techniques tout en les protégeant indirectement puisqu’il a fait la promesse de ne plus jamais protéger directement qui que ce soit à part lui-même.

DoubleArts08 Optionellement, Ferran a beau être mystérieux et dark, il aime prendre le Happy Meal pour la figurine Pokémon dedans.

Et c’est une des raisons pour laquelle, finalement, se séparer de Double Arts est difficile: en à peine trois tomes, ce quatuor est suffisamment attachant et intéressant pour qu’on ait envie de les voir poursuivre leur aventure. Elraine et Kiri ont une relation classique de buddy movie: au départ les deux ne s’aiment que modérement mais très vite ils apprennent à voir les bons cotés de cette relation et, évidemment, il ne faut pas attendre trop long pour qu’on donne deux ou trois indices sur le fait que la relation entre les deux va évoluer vers des terrains plus romantiques. Au moment ou on quitte la série, le duo apprend même officiellement à se battre avec une technique qui tire parti à la fois du pouvoir du héros et de la contrainte du contact obligatoire. Cette technique, spectactulaire et clairement décrit comme de la danse, on en a que finalement un aperçu rapide malgré, là encore, beaucoup de potentiel et de promesses.

 

Les parents de Kiri qui volent la vedette en à peine deux chapitres d'apparition
Les parents de Kiri qui volent la vedette en à peine deux chapitres d’apparition

C’est là que Double Arts diffère de pas mal d’autres mangas arrétés comme des colombes en plein vol, à deux au raz du sol: c’est que là ou, par exemple, un Pajama na Kanojo se stoppe « naturellement » parce que l’auteur sait déjà plus quoi raconter après vingt chapitres, Double Arts se stoppe de manière abrupte, en plein élan, alors qu’on sent qu’il n’a pas tout dit, qu’il en garde des tonnes dans le moteur et qu’il va se révéler bien plus original qu’on aurait pu imaginer. Quand Double Arts s’arrête c’est à peine deux ou trois chapitres après qu’on nous ai montré les deux héros se battre à l’unisson simultanément. C’est après avoir posé nombre d’indices et de foreshadowings qui ne seront jamais exécutés. Par exemple Sui perd son tout premier combat, ce qui promet une évolution très intéressante du personnage. Evolution qu’on ne connaîtra sans doute jamais. Farran commence à donner quelques éléments qui pourraient aider à comprendre son passé et son tempérament mais ça n’est jamais expliqué plus loin. On a des antagonistes qui sont évoqués et introduits mais aucun ne sera jamais montré dans un combat.

Mais cette fin abrupte et cruelle cache une promesse assez étrange. Car elle est ouverte. On nous montre un narrateur qui pose un journal et qui nous dit que tout cela, peut-être, « il nous le racontera peut-être plus tard. » C’est terrible mais en une phrase on se dit qu’un jour Double Arts pourra peut-être reprendre. Ce qui est con parce que jamais le Jump n’a repris un manga stoppé au début. Ce qui est con parce que l’auteur est sur Nisekoi qui s’annonce longuissime et dont le succès ne cesse de grandir depuis son dixième ou onzième volume. Et même si après avoir fini Nisekoi, qui nous dira que l’auteur se replongera sur Double Arts ?

Malgré tout difficile de ne pas vouloir cette suite et de s’accrocher à ce maigre espoir.

 

Surtout quand en 2014, Komi a redessiné les héros de Double Arts avec son "style actuel." ARRETE DE JOUER AVEC NOUS, MEC.
Surtout quand en 2014, Komi a redessiné les héros de Double Arts avec son « style actuel. » ARRETE DE JOUER AVEC NOUS, MEC.

Bref, Double Arts c’est vraiment cool. Tellement cool que même si j’adore Kosaki Onodera Nisekoi, je commence à lui en vouloir de ne pas être Double Arts. Un peu comme ma maman qui regrette que je sois pas une fille. Pardon maman*.

Après ce n’est que 3 tomes. Ca se trouve en développant la série, celle-ci aurait montrée cette faille. Après tout on peut regretter que la série n’ait pas pu se développer mais on ne sait pas si ce développement aurait été pour le mieux ou non. Après tout prenez n’importe quel shonen: imaginez Hunter X Hunter qui se serait arrêté sur un « je raconterais cette histoire plus tard » à la fin du 3e tome. Qu’aurait-on retenu de la série ? Ok c’était génial dès le premier tome alors prenez Bleach ou Saint Seiya. Comment on aurait jugé Bleach et Saint Seiya sans les chevaliers d’or de la Soul Society et les capitaines de division du Sanctuaire d’Athéna ?

Bref, si quelqu’un veut écrire un roman de 500 pages qui raconterait la suite, je prends. Je ne peux vivre plus longtemps sans savoir. 

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* Eh ho, stressez pas c’est une blague, à ma connaissance ma maman m’en veut pas d’être un garçon**

 

 

** Je crois

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