Mangas & Animes

Tamako Love Story – Le fil de nos sentiments enlacés

Si vous suivez Néant Vert depuis au moins six mois, vous le savez déjà: je suis puissamment acquis à la cause de Naoko Yamada, une des réalisatrices les plus remarquables du non moins reconnu studio Kyoto Animation. Que ce soit la saison 2 de K-On, le film A Silent Voice ou tout son travail sur Sound! Euphonium, il n’y a rien chez elle qui ne trouve pas un minimum grâce à mes yeux et en règle générale, dès que je sais qu’elle taffe sur quelque chose – même minime -, je saute dessus comme si il n’y avait plus d’avenir…

… En tout cas c’est ce que j’aimerais dire mais je dois vous le confesser, je n’ai pas forcément ce fanatisme: j’ai mis cinq ans à m’attarder sur son seul travail original, en l’occurrence la série Tamako Market. Ce qui veut dire que, par résonance, j’ai aussi jusqu’alors pas mal ignoré le film Tamako Love Story, sorti en 2014, pile un an après la fin de la série. On avait beau m’en dire tout le plus grand bien, je n’ai jamais trouvé la motivation nécessaire pour m’y mettre. Ça arrive à tout le monde, me dis-je quand je tente de me rassurer. 

Enfin qu’importe, l’erreur est réparée: je me suis fait en un peu plus d’une semaine Tamako Market, que j’ai enquillé juste derrière par le visionnage du film Tamako Love Story. Et comme pour mieux expier mes péchés, je vais tâcher de leur rendre honneur via cet article afin que vous ne fassiez pas la même erreur que moi et que vous ne boudiez pas plus un film rempli de qualités.

Mais avant d’aborder Tamako Love Story on va prendre un peu de temps pour disséquer la série qui a tout démarrée: Tamako Market. Cette série, qui a débutée sa diffusion en janvier 2013, avait beaucoup attiré mon attention au moment de sa sortie car, pour la première fois depuis l’obscur Munto, on voyait Kyoto Animation se lancer dans un projet original, crée au sein du studio, qui ne soit pas l’adaptation d’un light novel, visual novel ou autre manga qui passait par là. Si jusqu’alors le studio s’était fabriqué une solide réputation de sublimer toutes les œuvres qu’elle adaptait, voir le studio se lancer dans un projet qu’ils ont crées de zéro séduisait énormément, d’autant que, déjà, le simple fait de savoir que la réalisatrice de K-On chapeautait le projet m’excitait ardemment. Insérez ici mentalement trois paragraphes sur le fait que l’épisode 1 n’avait pas collé à mes attentes démesurées… et du coup j’avais jamais regardé la suite.

Tamako Market, donc, se déroulait dans une galerie commerciale à l’ancienne quelque part dans ce qui semble être la ville de Kyoto. Au sein de cette galerie peuplée de commerçants originaux se trouve face à face deux boutiques spécialisées dans le mochi, dont les deux gérants se vouent une rivalité nourrie au « je t’aime moi non plus. » Dans tout ça on va donc suivre le personnage de Tamako, fille d’un des deux gérants, qui va voir débarquer dans sa vie un oiseau parlant nommé Dera qui, venant des îles, se stoppe dans la galerie afin de se reposer dans sa quête qui est de trouver la fiancée idéale pour le prince de son îe paradisiaque lointaine. Sauf que le piaf va se faire bourrer le bec de mochi et deviendra trop gros pour repartir donc va s’installer dans la ville. On va donc passer une année avec Tamako, Dera, et tous les personnages qui peuplent cette rue commerçante. Le tout avec un ton feel good omniprésent.

Autant le dire tout de suite: Tamako Market avait deux problèmes, qui peuvent expliquer le fait que ça soit une série finalement passée assez inaperçue. Le premier souci c’était clairement le personnage de Dera, piaf tapageur, qui gueule plus qu’il ne parle, et venait souvent saboter chaque scène dans lequel il pénétrait, souvent avec fracas. Il dessert réellement la série, vient niquer le tempo global de la série et amène avec lui quelques rebondissements inadaptés. Un souci d’équilibrage qui se règle au fur et à mesure de la série, certes, car plus on avance et moins l’oiseau apparaît, mais rien que ce personnage est un sacré barrage qui vient pas mal tester la patience du spectateur. Incompréhensible.

Le second souci c’est que aussi sympathique la série peut être, elle ne décolle jamais vraiment. C’est « juste » une année avec des personnages affables, qu’on a envie de cotoyer, mais jamais il n’y a de gros développements, de grosses ambitions. La série reste souvent très modeste dans son écriture, n’ose jamais aller très loin dans le domaine de l’émotion. On évoque quelques trucs intéressants de ci de là mais jamais c’est creusé. Du coup on sort des douze épisodes avec un sentiment d’avoir passé un bon moment mais… pas forcément plus ? Il n’y a rien qui va rester particulièrement en tête. Un manque d’ambition inattendu, surtout quand on prend conscience du fait que c’est la même réal et le même studio qui avait réussi trois ans avant à rendre K-On particulièrement émouvant. 

Néanmoins ne soyons pas réducteur car les douze épisodes avaient également leurs lots de qualités. Il y’avait ainsi un vrai travail sur la mise en scène, on sentait l’envie du studio de proposer des belles images et des beaux plans, un goût pour l’esthétique sur lequel on ne va jamais cracher. Les épisodes disposent également d’un bon rythme, on ne s’ennuie jamais vraiment, et tous les personnages de la série sont aussi sympas et attachants que Dera est insupportable. Je veux dire, tin, tous les marchands de la galerie sont des gens que j’aimerais avoir dans une rue prêt de chez moi. Les copines de classes de Tomoko elles sont réussies: Kanna est hilarante, Midori est cool. La soeur de Tamako elle est top. Même le garçon un peu bêta et amoureux de Tamako – Oiji – il est pas aussi tête à claque que vous le croyez. Je veux dire, c’est ouf: à part l’exception nette de Dera, tout le monde est bien. Et, du coup, c’est des personnages qu’on est toujours heureux de voir interagir entre eux. Y’a un aspect chaleureux qui marche. 

Donc voilà mes quelques mots sur Marketvous l’aurez compris, donc: une série très agréable, bien travaillée, mais qui hélas n’a jamais trouvé une direction claire à poursuivre, ce qui l’empêche d’aller plus loin que le titre de « oeuvre sympa. » 

Mais la bonne nouvelle c’est que entre la fin de la série et le début du film, la direction, ils l’ont trouvés.

Tamako Love Story se veut donc une suite directe à la série. Dera est reparti dans les îles, Tamako aborde sa dernière année scolaire et Oiji a décidé que l’année prochaine il quitterait la galerie commerçante pour aller faire ses études à Tokyo. Arrivera t-il à annoncer la nouvelle à Tamako et, surtout, à lui déclarer son amour ?

Rien qu’avec ce -court- pitch, vous aurez compris déjà la bonne nouvelle: Love Story a réglé les deux problèmes de Market. D’une part ils se sont purement et simplement débarrassés de Dera (qui, comme Poochie, est mort sur le chemin le ramenant à sa planète) et de deux, on a ici un vrai fil conducteur, des vrais enjeux, et des vrais éléments susceptibles de mettre les personnages dans des situations difficiles, de les voir évoluer, de les voir se développer. Car un des aspects les plus frustrants de la série était clairement de la voir mettre plein d’éléments intéressants de ci de là sans jamais les réevoquer: le fait que Tamako ait perdue sa mère, l’amour que porte Oiji à Tamako, l’amour que porte Midori à Tamako, le passé de « rockeur » du père de Tamako… Tout ça aurait pu donner des moments forts que jamais Market n’a osé particulièrement aborder en profondeur. Par peur ? Par modestie ? On ne saura jamais, ne restait qu’un sentiment de gâchis.

Et de haine

Tamako Love Story est un film court – à peine une heure vingt – et conserve les mêmes qualités de rythme de la série donc ça passe relativement vite. Je vous préviens juste tout de suite: si vous êtes allergique aux romances lycéennes à la japonaise à base de confessions qui mettent des heures à arriver, de lycéens timides qui savent jamais trouver les bons mots et autres « réponses aux confessions » qui mettent plus de temps à arriver que la paix au Proche-Orient, ce film n’est clairement pas pour vous. Car si Love Story évite certains clichés du genre (il n’y a pas spécialement de quiproquos), il reste enfermé à certains codes du genre et il est peut rester un peu agaçant de voir deux jeunes si explicitement amoureux l’un de l’autre autant se tourner autour et se morfondre sans rien faire. Mais si vous acceptez ça, eh, ça reste incroyablement mignon et surtout tout ça mène à une scène finale que j’ai trouvé extrêmement forte, avec un final… vraiment fort. Quand l’ending a commencé à débouler je me suis surpris en premier lieu à nettoyer deux/trois larmes qui ont déboulées instantanément et en second je me suis fait la remarque de regarder l’heure et de me dire « quoi la fin, déjà ? » 

Bref, une des meilleures scènes de confession de toute l’animation japonaise que j’ai pu voir est dans ce film. C’est pas mal.

Mais ce qui m’a pas mal marqué, au délà des romances, est qu’enfin les personnages sont développés et, oh boi, c’est ça que je voulais depuis le départ. Oiji sort même grand gagnant de ce film: la série ne semblait le dépeindre jusque là qu’en gentil garçon un peu gauche, ce que le film va s’efforcer d’étoffer considérablement durant la première demie-heure. On le voit ainsi douter, se prendre la tête et, surtout, avoir la meilleure bromance du monde avec ses deux potes du club de ciné. Le voir faire l’idiot avec ses deux gringalets de potes échauffe le coeur et offre un peu plus de personnalité à un personnage qui abordait le film limité au peu qu’on connaissait de lui jusqu’ici.

Idem pour Tamako, qui débute le film comme la gentille fille très songeuse et rêveuse qu’on avait appris à cotoyer pendant la série, mais Tamako Love Story sera suffisamment magnanime pour nous permettre de la voir sous un jour radicalement différent passé une des scènes clé et, au délà de ça, on va enfin en apprendre un peu plus sur sa mère. Ca va rester très léger, le film ne nous sortira pas du gros pathos sur le sujet et on peut le saluer pour ça, mais le peu qu’on découvrira sur maman-Tamako sait être attendrissant et nous aide mieux, en tant que spectateur, à comprendre la place qu’avait cette figure dans cette famille et ce que sa perte a causé. Encore une fois le film n’explicite rien, nous laisse faire les liens nous même, et c’est aussi digne qu’efficace.

Enfin le dernier personnage a pas mal y gagner c’est bien celui de Midori, qui va devoir elle-même prendre des décisions quant à son amour envers Tamako, trouvant une conclusion définitive. Encore une fois, ici, tout se fait avec subtilité et élégance. 

Je pourrais finir en abordant Kanna mais le personnage n’est au final pas très développée. Mais rassurez-vous: elle reste le ressort comique principal de la série et brille vraiment de mille feux à ce rôle donc, eh, tout est pardonné. J’ai rarement vu un personnage réussir à être aussi drôle à chaque réplique, c’est le plus important.

Kanna victime de son succès

Puis, oui, le film est beau à en crever. Encore une fois le talent de mise en scène de Naoko Yamada paie: on y retrouve des plans uniques, travaillés, avec des tics de réalisation qu’on reconnaît de loin (les plans sur les jambes, ceux où l’on ne voit que le haut du visage) et des décors ahurissants de qualité. Le film possède également une animation très travaillée, avec quelques scènes même particulièrement flamboyantes comme le spectacle de baton. Cette animation n’est pas là que pour faire juter le fan de sakuga mais participe à rendre les personnages plus expressifs, plus vivants, et à parfois permettre aux images de nous épargner de longs discours. Une évidence que l’animation japonaise n’a pas toujours les moyens de s’offrir. Et puis je veux dire y’a une scène en timelapse. 

Note amusante: j’ai néanmoins trouvé le film moins éblouissant visuellement que… Sound! Euphonium. Cela n’est absolument pas une plainte de ma part, mais déjà que Tamako Love Story est une superbe oeuvre, se dire que Kyoto Animation a fait encore plus beau, encore plus fort pour une série télé à peine un an plus tard rend la performance encore plus admirable.

Enfin mention spéciale pour l’OST: si celle-ci n’était pas particulièrement marquante dans la série originale (à part Neguse, le très planant générique de fin), ici elle fonctionne beaucoup mieux, et contribue à sublimer certaines scènes: ce moment où Tamako s’enfuit en courant, le tout sur une petite chanson toute guillerette, rend la scène d’autant plus savoureuse.

De plus, la bonne nouvelle pour les impatients c’est que Tamako Market n’est, au final, pas forcément nécessaire ici: le film introduit bien les choses, n’évoque pas grand chose qui s’est déroule dans la série et, soyons honnêtes, l’intrigue reste relativement simple, y’a peu de chances que vous soyez vraiment paumé. Vous pouvez mettre le film directement, skipper le petit court métrage de 5mn dédié à Dera (qui n’est absolument pas intéressant, c’est terrible) et vous installer confortablement. Néanmoins, si vous avez la possibilité et l’envie de mater la série au préalable, alors ne vous gênez pas du tout, y’a quelques scènes du film qui deviennent plus fortes dans un tel contexte (genre quand Tamako arrive enfin à attraper ce foutu pot de yahourt après douze épisodes d’essais infructueux.)

Tamako Love Story est donc un vrai bon film de romance et d’adolescence que je ne peux que conseiller à quiconque n’est pas réfractaire aux codes du genre. Alors, certes, ce n’est peut-être pas la meilleure oeuvre de la carrière de Yamada, ça n’a pas forcément la force d’un Euphonium, la maîtrise d’un Silent Voice ou la surprise d’un K-On saison 2 mais ça reste du vrai bon cinéma d’animation et ça, croyez-moi, c’est le plus important.

Je suis flou de toi ♪
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