Jeu Vidéo,  Visual Novel

Dangan Ronpa – Vivre et laisser mourir

Popularisé ces derniers mois par la sortie simultanée de l’adaptation animée, d’un patch anglais pour le jeu original et de l’annonce d’une sortie officielle en 2014 en Europe et aux Etats Unis de la version PS Vita du jeu, Danganronpa n’est pourtant pas un jeu ultra récent puisqu’il est sorti il y’a trois ans au Japon, ce qui équivaut de nos jours à une éternité dans le monde du jeu vidéo. Mais ce n’est pas une nouveauté puisque certains jeux japonais ont le droit à une seconde vie occidentale – voire même une troisième vie dans le cas de certains titres comme Persona 4, que la ludothèque désertique de la Vita a permis de briller aux yeux des joueurs européens.

De mon coté, la découverte s’est faite, comme je l’ai raconté il y’a une semaine, via l’adaptation animée qui m’avait tout de suite convaincue. Attiré par cet univers haut en couleur et par ce concept de survival game mixé aux canons de la littérature du whodunnit, j’ai laché l’idée d’attendre une semaine entre chaque épisode après avoir vu l’épisode 2 et je me suis jeté sur le jeu et son patch. Après environ vingt heures de jeu, je l’ai terminé, et voilà que je viens en parler plus longuement.

Et oui, c'est la vie
Et oui, c’est la vie

Scénario simple: 15 « super étudiants » pensent commencer leur premier jour dans une école réservée aux élites mais s’évanouissent tous dès leur premier pas dans l’établissement. Quand ils se réveillent, ils découvrent qu’ils ne peuvent pas sortir: les fenêtres sont recouvertes par des plaques de métal et la porte d’entrée par une gigantesque porte blindée. Et très vite on leur signale qu’ils doivent jouer un jeu: si quelqu’un veut sortir de l’école, alors il doit tuer quelqu’un et ne pas se faire prendre. Il se fait prendre ? Il est exécuté. Il parvient à ne pas être accusé ? Il sort de l’école et tous les autres sont exécutés. Oh bah ça.

Evidemment tout ne se limite pas à ça: l’académie en elle-même cache de nombreux mystères et personne ne sait vraiment comment tout ce jeu a pu être mis en place, et pourquoi personne ne vient les aider… Il va falloir là aussi faire quelques recherches..

D’un point de vue gameplay là aussi le jeu est très simple et divisé en trois actes distincts.

La première partie de chaque chapitre vous autorisera à vous balader librement dans l’école, à fouiller les environs à la recherche de médaille que vous pouvez utiliser pour débloquer des objets débiles et surtout à discuter avec vos camarades afin d’augmenter vos points de relation avec eux, afin d’en savoir plus sur leur background et débloquer des bonus divers et variés.

La seconde partie sera celle qui suivra les inévitables meurtres et là il vous faudra fouiller les décors, la scène du crime, discuter avec les éventuels témoins et assistants… On est là très proche des phases investigation d’Ace Attorney en beaucoup moins chaud parce que le jeu te prend un peu par la main donc ça va.

Enfin la troisième phase est l’inévitable procès, et là ça va devenir plus compliqué de tout décrire car beaucoup de gameplay différents entrent en jeu: pointer littéralement à l’aide d’une cible les éventuelles contradictions, des jeux de rythme, des questions à choix multiple, reconstruire une timeline à l’aide de cases de manga… Ca varie beaucoup et là on est carrément trèèès loin d’Ace Attorney. Oh et à la fin du procès, quelqu’un meurt de manière exotique.

Le jeu exige de littéralement tirer sur les contradictions
Donc là voilà une contradiction évidente: « tué sans avoir combattu » mais on a la preuve que y’a eu de la bagarre, alors voilà Chihiro, on t’aime bien, mais la vérité doit être rétablie à coup de balles.

Le jeu est divisé en plusieurs chapitres, chaque chapitre réutilisant ce même schéma de déroulement, avec parfois quelques twists, mais rien de bien important. Le plus important à retenir c’est que des gens meurent, que les coupables laissent toujours des indices derrière eux, et que bien souvent vous aurez quelques soupçons avant le procès mais que, comme dans Ace Attorney, celui-ci sera nécessaire pour connecter les liens entre eux et avoir l’assurance de désigner le coupable. Le jeu se plaira souvent à vous faire soupçonner trois ou quatre personnes différentes consécutivement tandis que le vrai coupable sera gardé hors des projecteurs.

Le jeu est donc finalement semblable à des montagnes russes: chaque début de chapitre vous remettra dans un état d’esprit positif et chaleureux, à interagir avec des personnages excentriques et attachants. Puis y’en a un qui se fera buter histoire de vous rappeler d’où vous venez, et ça sera à votre cerveau de s’activer, de se remettre à soupçonner tout le monde et de voir un de vos petits camarades se révéler être plus corrompu que prévu, et mourir de manière cruelle mais amusante. Le terme « amusant » étant ici laissé à l’interprétation de chacun.

Et dans tous les cas, le jeu parvient à se réveler extrêmement addictif, ce qui est un excellent point. Maintenant, comme toutes les addictions, il n’y a pas que des bons cotés…

... oui, c'est vrai
… oui, c’est vrai

 

Dangan Ronpa peut se vanter d’avoir un univers visuel plutôt original, extrêmement excentrique.  Les personnages y sont tous reconnaissables d’un clin d’oeil à l’aide d’éléments visuels uniques, quand ils ne sont pas extrêmement exagérés: Sakura la combattante est une montagne de muscle dont la féminité laisse à douter, Yamada l’otaku fanzineux est un Katamari sur pattes qui tient plus du porcin que de l’humain, Touko la romancière qui pourrait être l’héroïne d’un spin-off de Watamote porte des lunettes en cul de bouteille et respire « malaise » à chacun de ces mots ou Oowada le biker a une grosse banane et un manteau de biker, histoire qu’on sache bien à qui on a à faire. Au moins on est sûr de pas confondre les personnages et de savoir immédiatement à quoi ils font référence. Le cerveau derrière ce jeu malsain est Monokuma, une peluche d’ours yin-yang qui parle avec la même voix que Doraemon et semble plus débile que vraiment malin (avant de vous poignarder dans le dos) et l’école elle-même est exagérément vaste, possédant toutes les salles attendues d’une école… dont un jardin botanique avec une plante géante mangeuse d’hommes. Par exemple. 

Cet aspect excentrique à deux avantages: le premier est d’offrir au jeu une véritable personnalité, là ou des survival game d’actualité comme Judge ou Btooom font dans un tel classique qu’on ne peut que bailler d’ennui. Le second est évidemment le contraste que ça occasionne: ces personnages d’exception au look parfois cartoonesque… se battent pour leur vie. Et étrangement ça fonctionne plutôt pas mal. Evidemment ça déprendra de vos capacités à prendre cet univers au sérieux ou pas, et ceci sera sans doute très personnel, mais on ne peut pas reprocher Spike Chunsoft de vouloir tenter.

Le CHARLES BARKLEY, carrément
Le CHARLES BARKLEY, carrément

En plus d’avoir un visuel relativement unique, les personnages ont également tous des caractères bien trempés, et tout aussi excentriques que leurs apparences. Le « Super Duper High School Prefect » aura à coeur de faire respecter le réglement et de vouloir à tout prix être un modèle pour tout le monde (- parce que dans la vie réelle il n’a pas d’amis -), la « Super Duper High School Swimmer » n’est pas très maligne mais est remplie d’énergie, se bourre de donuts et fait de l’exercice partout tout le temps (- parce que dans la vie réelle elle a une fascination pour la compétition qui l’a isolée -), le « Super Duper High School Heir » sait que le monde lui appartiendra un jour grâce à sa famille, ne parle pas à la plèbe et connaît plus de choses sur le monde que sur lui-même (- parce que dans la vie réelle c’est un connard, ah non pas de surprises là -), la « Super Duper High School Gambler » fait une pokerface un peu permanente et on ne sait jamais ce qu’elle pense, cachée derrière une persona mystérieuse  (- parce que dans la vie réelle c’est une fille « normale » -) et caetera et caetera. Ils cachent tous derrière leurs caractères archétypés quelques secrets plutôt sombres, et discuter avec eux permettra d’en apprendra un peu plus sur leurs motivations.

J’ai personnellement mes petits favoris, en l’occurrence Aoi la nageuse et Chihiro la programmatrice, qui sont un peu les archétypes que j’apprécie le plus au monde. Mais je ne vous mentirais pas en disant que j’ai su apprécier la grande majorité du casting, à part l’Otaku qui m’a semblé un peu trop extrême dans sa caricature et Togami le connard parce que bon, c’est un connard.

 

Bon parfois le design donne l'impression d'avoir des yanderes partout.
Bon parfois le design donne l’impression d’avoir des yanderes partout.

Finalement le défaut de Danganronpa c’est qu’il manque un poil de profondeur. On a affaire à un jeu extrêmement divertissant, qui joue avec nombre de codes, qui sait se montrer passionnant et parvient à surprendre plus d’une fois avec une gestion diabolique des cliffhangers et des retournements de situation. Non, le jeu est globalement bien écrit, et se laisse suivre comme une bonne série, avec un peu de pop corn si possible. On a envie de savoir ce qu’il va se passer ensuite, on a envie de savoir qui va mourir et qui est coupable, on a envie de savoir comment ils vont s’en sortir et si ils vont s’en sortir, on a envie de savoir ce que cache l’école… Non, vraiment là dessus y’a rien à dire, mes parties ont toujours été des longues sessions de trois/quatre heures, passionné par ce que je lisais.

Mais, de manière fort triste, le jeu ne raconte pas forcément grand chose. Des codes sont parodiés mais ne sont jamais discutés, la seule vraie leçon que le jeu nous enseigne est qu’on a toujours la possibilité d’un troisième choix car les situations binaires n’existent jamais vraiment. Et, hélas, on est souvent tenu par la main, le héros lui-même n’étant finalement tout le long du jeu et jusqu’a la dernière affaire qu’un suiveur derrière les vrais « cerveaux » du groupe (Kirigiri et Togami, qui savent tout à chaque fois mais qui ne le font partager à personne parce que fuck you), donc on regrettera légèrement de n’être finalement que l’observateur de l’histoire, sans vraiment pouvoir agir de nous même. On est loin d’Umineko No Naku Koro Ni qui pratiquait une dissection cruelle du mystère, des attentes du public vis à vis d’un archétype d’histoire ou de personnage ou bien du rôle intellectuel attendu du lecteur. Evidemment, entre 8 épisodes d’une quinzaine voire vingtaine d’heures de lecture et un jeu de 20h, avantage va à celui qui peut prendre le plus de temps pour développer son propos. Mais pas sûr que Dangan Ronpa ait voulu ne serait-ce qu’essayer.

Mais malgré tout difficile de ne pas apprécier les deux derniers chapitres du jeu, qui s’amusent à surprendre toutes nos attentes et à même jouer directement avec l’interface du jeu, quand il ne brise pas le quatrième mur avec un grand sourire un peu vicelard. Généralement, l’appréciation des chapitres dépendra de chacun. Par expérience, j’ai pu remarquer que des meurtres dont le coupable paraissait évident pour certains étaient plus compliqués pour d’autres, et vice-versa. J’ai par exemple été surpris par l’identité du meurtrier du chapitre 2 qui pouvait être démasqué rapidement grâce à une bonne observation, tandis que le coupable du chapitre 3 m’avait paru suspect dès le début alors que certains m’ont dits au contraire ne l’avoir jamais vraiment suspecté. Le chapitre 3 est en général désigné comme le plus faible du lot niveau écriture et crédibilité (quand l’arme du crime sont des marteaux qui ont l’air de jouets, c’est vrai que c’est dur de prendre ça au sérieux) mais il n’y a pas un énorme fossé qualitatif avec le reste donc ouf. 

#élitisme
#élitisme

Il m’est difficile de vous déconseiller Dangan Ronpa. Avec sa personnalité et son écriture solide, vous êtes assuré de bien vous amuser pendant une petite vingtaine d’heures, et c’est déjà pas mal. Les procès restent des bons pourvoyeurs d’adrénaline, et à plusieurs reprises, quand on nous annonce qu’un meurtre vient d’être commis, on tremble un peu à l’idée que l’un de nos personnages préférés y soit passé. Ajoutez à cela une bande originale de Masafumi Takada plutôt bonnasse, et vous avez un univers qui marque de part son originalité en prenant pourtant un postulat qu’on croyait dangereusement usé, en l’occurrence celui du survival game. Mais était-il usé parce qu’il était mal utilisé, finalement ?

 

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