Mangas & Animes

Haibane Renmei, Ailes Grises

Haibane Renmei raconte l’histoire de Rakka, une jeune fille qui se retrouve dans un monde qu’elle ne connaît pas après être sortie d’un cocon. Sans le moindre souvenir de ce qu’elle faisait « avant », elle est devenue une « Haibane », une personne dotée d’ailes et d’auréole et devant obéir à un ordre mystérieux servant les être humains qui peuplent également ce monde… Habitant un vieux bâtiment situé en dehors de la seule ville du coin avec d’autres Haibane, elle découvre en même temps que nous ce nouveau monde entouré d’une muraille et qui est désormais sa maison.

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En mai 2005 sortait l’intégrale DVD d’Haibane Renmei en France. A cette époque là, le magazine Coyote – qui prépubliait encore Sentai School à l’époque – avait fait un petit article sur l’anime, très élogieux, et fourni en plus d’un poster A2 super sympa qui utilisait une des illustrations de Yoshitoshi ABe. Ca avait été mon premier véritable poster, à l’époque mes murs étaient supers blancs ! Mais déjà à l’époque j’avais été marqué par l’histoire, par cet article. Je ne savais pas comment on faisait pour télécharger sur Internet – enfin j’avais eMule mais c’était loin d’être pratique -, du coup j’avais passé six mois à scruter les boutiques à la recherche de la fameuse intégrale DVD, sans jamais trouver la fameuse série. Aucune boutique de Caen ne l’avait et à l’époque le rayon DVD anime de la fnac était aussi squelettique qu’un somalien musulman un jour de Ramadan. Rude époque quand on était provincial ! Et puis est arrivé le 31 Décembre 2005. Ce jour là je faisais ce que je considérais être à l’époque une tradition un peu débile: aller faire les courses sur Caen avec mon argent de Noël pour acheter des trucs en complément des achats précédents. Je kiffais secrètement faire tout ça le 31 Décembre, y’avait une ambiance particulière en plus bref vous voyez le délire que je me faisais. Et bah là, bam, bien affiché dans le rayon DVD de la fnac, où j’avais même pas prévu de passer, en gros, en lourd, en rayonnant, cette intégrale était là ! 40€ ! Je les avais ! J’aurais pu ne pas les avoir si j’étais passé à la boutique de jeu vidéo avant ! Achat direct. Comme ça, bam.

Le soir même du réveillon, y’avait des festivités de prévues et je devais aller chez des amis d’amis de mes parents, le truc habituel et famillial quoi. Bah j’y suis allé. Mais avant de partir j’avais maté le premier épisode, j’étais emballé. En rentrant, il était 7h, j’avais passé la nuit à jouer à Mario Kart DS avec un ami de mon frère et à tester la fameuse Xbox360 de celui-ci, et je crois que j’avais du passer la nuit sur le forum Mad Movies aussi, enfin bref, tout ce dont je me souviens vraiment c’est qu’en rentrant, j’ai lancé la PS2, j’ai lancé le DVD, et j’ai fini le premier DVD, avec une grosse nuit blanche dans la face. Puis je suis allé me coucher, puis après quand je me suis levé j’ai regardé la suite, peut-être que j’ai alterné ça avec un jeu vidéo genre Second Sight ou quoi que ce soit. Je m’en souviens plus vraiment pour être franc. Tout ce que je me souviens c’est que le lundi précédent la rentrée scolaire était férié, et que cette soirée là, je m’étais couché à une heure du matin (une folie pour l’étudiant très sérieux que j’étais à l’époque) pour finir de regarder la série. Et j’étais un peu triste d’avoir fini. Je me souviens avoir cette nuit là gribouillé des trucs sur un carnet genre « et si je faisais une suite à ça. » Puis je me suis endormi vers 3h pour me lever vers 7h. Et depuis ce jour-là, cet anime est sérieusement ancré dans ma tête. Le fait que je me souvienne parfaitement du contexte et tout ça, c’est juste pour vous souligner l’impact que ça a eu sur moi.

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Haibane Renmei est une série que j’ai eu beaucoup de mal à quitter et qui a longtemps hanté mes esprits et mon imagination. Je l’ai toujours beaucoup évoqué sur ce blog sans jamais aller beaucoup en profondeur. C’est une oeuvre que j’ai longtemps eu peur de revoir, de peur de perdre un peu mon amour pour elle, avant de me rendre compte que c’était un sentiment assez stupide. Je l’ai rematé l’an dernier, et je n’ai définitivement pas perdu mon amour pour cette série. La problématique c’est que je ne sais toujours pas comment écrire sur cette série. Elle est fantastique, mais comment le montrer ? Comment trouver les mots pour inciter les gens à la voir sans trop leur vendre tellement de rêve qu’ils en sortiront forcément deçu ?

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Alors en attendant, je vais exhiber sans subtilité mon coffret dédicacé par Yoshitoshi ABe et Yasuyuki Ueda <3.

Je pourrais donc lancer l’article une bonne fois pour toute et donc introduire Haibane Renmei en parlant, par exemple, de son héroïne, Rakka. Je pourrais dire que c’est une héroïne « avatar », dans le sens où tout est fait pour nous identifier en elle. Elle en sait après tout autant sur l’univers que nous et on la découvre en sa compagnie. Ca fonctionne tout à fait, c’est très bien fichu, elle devient forcément extrêmement attachante et jamais on a envie de la baffer où de la détester, le lien entre elle et nous est toujours tendu, présent, jamais il ne se brise, c’est de l’excellent boulot. Je pourrais dire ça mais j’arrive vraiment pas à écrire sur cet anime de manière « objective », je n’arrive pas à l’analyser techniquement sans me forcer, je n’arrive pas à justifier chaque point parce que pour moi, tout fonctionne de manière si naturelle que j’ai l’impression d’être contre nature, comme si je devais expliquer pourquoi l’eau désaltère où pourquoi ca fait plaisir de regarder un orage depuis l’intérieur de sa maison.

Dans un sens, l’opening est pratique pour quelqu’un comme moi qui peine à trouver les mots, les phrases. Il donne un bon échantillon de l’esprit de la série. Ici pas de Jpop foutue ici pour vendre les albums, pas de gros remixs qui tâchent, pas de nourriture à karaoké, juste une piste instrumentale qui présente sobrement les personnages et l’univers. Tout est là. De manière amusante, ça tend à prouver que les pistes instrumentales comme opening sont souvent signe d’extrême qualité puisque les trois animes que je connaisse qui en utilise sont tout les trois des chefs d’oeuvres (Haibane Renmei, Cowboy Bebop et Baccano), enfin bref je m’égare.

Il ne faut pas attendre beaucoup d’action dans Haibane Renmei: si il y’en a un minimum, on est ici dans le même type d’univers qu’un Aria, avec qui Haibane Renmei partage pas mal de similarités: emphase sur l’univers, casting très féminin, absence totale de fanservice, messages positifs et philanthropes sans être niais, petite touche de fantastique, scénario basé sur le quotidien des jeunes filles, absence quasi-totale de romance… Avec toutefois une grande différence pour Haibane Renmei qui offre des épisodes beaucoup plus sombres qu’Aria. Il faut dire que le premier épisode met tout de suite dans l’ambiance, avec une scène de bon sentiment qui se trouve suivie presque sans transition d’une scène horriblement douloureuse, qui ne met à l’aise que les gens dénues de tout coeur. Et évidemment, difficile de ne pas évoquer les derniers épisodes qui sont eux presque étouffants, déprimants. Mais l’important a retenir c’est que Haibane Renmei assure quel que soit l’ambiance qu’il veut poser.

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La Vieille Maison.

Graphiquement la série m’a d’abord plu pour ses décors, tous très réalistes et faisant preuve de beaucoup de soin. Il faut dire que l’univers d’Haibane Renmei cultive là aussi les différents styles, avec une ville perdue entre les âges, dont les rues étroites cohabitent avec les larges collines, sur lesquels se trouvent de mystérieuses éoliennes. Le tout entouré de gigantesques murailles, dont nul ne connaît ce qui s’y trouve au delà… Pendant ma seconde vision, je me suis rendu compte de l’aspect au final quasi oppressant de ces décors. Comme Mackie le faisait signaler dans son excellent article sur la série, les murs sont quasiment omniprésents. Même les décors « naturels » montrent des murs, ici ceux qui entourent la ville et sa campagne, quand ce n’est pas la terreur d’une forêt sombre et profonde où la nuit qui enferme les personnages dans son manteau d’obsidienne. Plus la série avance, plus les murs semblent se rapprocher ( – le boulot de Rakka étant même le cauchemar des claustrophobes – ) et plus la lumière baisse, ce qui rend la fin de série, comme je l’ai dit, terriblement oppressante. On ne s’y sent pas forcément bien mais, heureusement, la fin rééquilibre tout ça et l’anime se termine « bien » – ça dépendra du point de vue haha -, comme pour nous libérer et nous laisser espérer de jours meilleurs.

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L’Episode 7, point charnière de la série et changement total d’ambiance, de ton.

Enfin Haibane Renmei se termine bien, mais n’explique pas tout. C’est d’ailleurs une grande frustration mais pas forcément un défaut: il reste beaucoup de zones d’ombre dans l’univers d’Haibane Renmei après avoir fini les 13 épisodes. Beaucoup de questions – pour ne pas dire quasi toutes – demandent encore une réponse qu’on aura sans doute jamais. De l’autre coté, est-ce qu’on veut que tout soit explicité ? Est-ce qu’on veut savoir à tout prix ce qu’est ce monde ? Ce qu’il y’a derrière les murs ? Qu’est-ce qui arrive le jour de l’envol ? Si Rakka était une étudiante japonaise lambda avant de se réveiller dans ce monde ? Pour quelle raison exacte les Haibane doivent « servir de bonniche » aux humains ? Nous n’avons pas forcément besoin de le savoir. Haibane Renmei laisse dans l’ombre mais le fait bien parce qu’on comprend immédiatement, où très rapidement, que ce ne sont pas des choses « importantes. » Enfin si, elles sont importantes pour le scénario mais le détail, le fonctionnement précis, ça ce n’est pas important. On aimerait le savoir, quand même un peu, mais ce n’est pas grave si on ne l’a pas. C’est à chacun de se faire son idée. C’est quelque chose de bien.

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Les visages sont globalement très expressifs, autre grande force de la série.

Difficile aussi de ne pas mentionner l’OST de la série, par Kow Otani, qui regorge de thèmes sublimes et planants. A commencer par Refrain of Memory mais surtout l’extraordinaire Blight, titre stressant et oppressant au possible, mais sachant rester beau et majestueux. Toute l’OST vaut l’écoute, ne serait-ce que pour s’imprégner – où retrouver – une certaine ambiance.

Haibane Renmei, au final, c’est la fusion entre l’univers graphique formidable et les idées inspirées de Yoshitoshi ABe, le talent de Kow Otani à la composition et un staff motivé et peu avare en effort, tout en sachant qu’ils sont pourtant sortis un peu de nulle part: Haibane Renmei n’est pas une oeuvre réalisée par un directeur connu – Tomokazu Tokoro n’a pas un historique très « impressionnant » -, idem pour le studio qui n’est pourtant pas un studio très prestigieux – la Radix (qui travaillera ensuite sur les .hack et le très moyen film Brave Story, Haibane Renmei étant au final leur seul « gros projet ».) Il faut avouer que techniquement, l’animation n’est peut-être pas forcément le fort de la série: si les décors sont, comme je l’ai dit, très bien fichus, très bien travaillés, il arrive parfois que le chara-design… se perde un peu en route. Où l’animation être un poil limitée. Rien d’extrêmement génant tout de même, mais il ne faut pas s’attendre à quelque chose de très bien fichu sur ce plan là. L’anime commence à accuser un peu ses neuf ans… Et techniquement affronte moins bien les âges qu’un Cowboy Bebop où un Evangelion ! Voire même un Noir par exemple !

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Oh le joli visage gribouillé que voilà !

L’oeuvre a été réedité récemment au sein de la collection coffret Gold, ce qui la rend pécunièrement extrêmement accessible. La VF y est d’ailleurs de bonne qualité (ce qui lui a d’ailleurs permis une diffusion sur France 4 à l’époque, mais aussi sur Nolife) et comme d’habitude les bonus se font remarquer par leur relative absence – sauf si vous considérez le trailer de Pretear comme un bonus -, ce qui n’est fort heureusement pas dramatique en soit. Attention néanmoins, très récemment une réédition DVD a été effectuée par Dybex et comme ce qui désormais d’habitude chez eux, un des DVD (le 3e) se révèle être illisible chez certaines éditions et nécessite un échange – ce qui est dommage vu qu’on y trouve les épisodes les plus éprouvants et les plus réussis (AMHA tout ça.) Si vous trouvez la vieille « édition limitée » préférez la. Enfin voilà. DYBEX QUOI.

Bref, une oeuvre magnifique, émouvante, riche et philanthrope et une des rares choses que je considère vraiment comme un immanquable. Une oeuvre proche d’un conte, avec toute la magie que ça nécessite, et une morale bien discrète. Une référence, et un des meilleurs animes qu’il soit. Si vous n’avez rien à faire de votre été, jetez vous dans cette série, il y’a peu de chances d’y laisser des regrets. Vous l’avez déjà vue ? Rematez là à l’occasion… En espérant ne pas vous avoir trop vendu du rêve car si vous êtes deçu, je me sentirais mal. L’idéal restant de découvrir cette oeuvre « par hasard » mais eh, ça arrive pas à tout le monde ce genre de miracles.

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Note: c’était effectivement la lettre H de l’alphabet estival. Rendez vous samedi pour la lettre I, qui ne sera pas dédié à Apple ! Et rendez-vous à Epita pour leur nocturne des grandes vacances où je serais peut-être !

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