Liz & l’oiseau bleu

Le silence est d’or

Le pitch: Membres de la fanfare du lycée Kitauji, Mizore et Nozomi sont deux joueuses talentueuses: la première au hautbois, la seconde à la flûte traversière. Néanmoins, lorsqu’elles vont devoir travailler ensemble sur le solo d’une chanson nommée Liz & l’oiseau bleu, les deux jeunes filles vont brusquement prendre conscience des fragilités de leur relation…

  • Un film de: Naoko Yamada
  • Scénarisé par: Reiko Yoshida
  • Sorti le: 21 Avril 2018 (Japon) ; 17 Avril 2019 (France)
  • D’une durée de: 1h30

Liz & l’oiseau bleu raconte une histoire extrêmement simple: celle de deux adolescentes dont leur amitié est mise en péril par un léger manque de communication. Hantées par les non-dits et les mauvais souvenirs, nos deux héroïnes vont s’infliger elles-mêmes des peines qu’elles auraient pu s’éviter juste en en parlant entre elles, et devenir victime de leurs propres peurs. Mizore, en bonne timide, va intérioriser au maximum cette terreur tandis que la plus éloquente Nozomi, va elle choisir la fuite en avant. Une intrigue simple, donc, qui pourrait être source de nombreuses frustrations pour un spectateur habitué à vingt ans de comédies romantiques où la non-communication est un moteur d’intrigue, mais qui est ici magistralement traitée.

Car en mettant en place des personnages crédibles et réalistes, Naoko Yamada évite tous les pièges liés aux intrigues centrées sur les problèmes de communication. On comprend très vite, clairement, la terreur qui traverse nos deux héroïnes à l’idée de devoir songer à un futur où elles devraient être séparées. On reconnaît des problèmes que nous, spectateur, avons nous mêmes traversés. Les erreurs de Mizore et de Nozomi, c’est un peu les nôtres, ces paroles que l’on ne s’adresse plus, ces distances que l’on se crée par peur de perdre une amitié que, par nos actions, on va paradoxalement perdre.

Un message qui passe d’autant plus clairement que Liz & l’oiseau bleu est un film qui parle lui-même très peu: les scènes de dialogue ne sont pas si légion, et l’on constate très vite que la relation entre Mizore et Nozomi, elle se développe et se crée par le silence, par la simple présence. Depuis le début de sa carrière de réalisatrice, sur K-On, Naoko Yamada a toujours travaillée sur la communication et l’expressivité de ses personnages par les gestes, les regards, les expressions, les tics… Ce travail, déjà ahurissant dans A Silent Voice, trouve son aboutissement logique dans Liz.

Visuellement, le film est somptueux. En apparence beaucoup plus modeste que des mastodontes comme Silent Voice ou la série Sound!Euphonium, où tout semblait montrer la démonstration de force technique, Liz va choisir un style visuel radicalement différent et, en terme d’animation, ne jamais « poser. » Ici pas de grands sakugas impressionnants mais une qualité d’animation constante, qui participe à créer aux personnages un arsenal de mouvements et d’expressions fluides. D’autant plus intéressant que ces scènes de quotidien sont entrecoupées de scènes mettant en scène l’histoire de la pièce musicale Liz & l’oiseau bleu, scènes qui vont permettre aux animateurs et aux designers de se lâcher, avec des couleurs éclatantes et des mouvements beaucoup plus exagérés, plus proche de ce qu’on attends du « style Kyoto Animation. »

Paradoxalement, le film peut, sur certains points, décevoir le fan de Sound!Euphonium, dont Liz est un spin-off. Ainsi le casting principal de la série (Kumiko, Reina) est assez absent, et les morales sont relativement différentes: là où Euphonium en dit long sur la pratique d’une passion et sur la nécessité de faire des efforts qui soient payants, Liz reste avant tout une fable sur l’amitié et sur la communication, avec un rythme beaucoup plus posé, des longues scènes de quatre ou cinq minutes qui peuvent se limiter à un ou deux mots. On est loin, donc, d’une série au rythme effréné et où les dialogues, forts, joués à merveille par des actrices de talent, jouent un rôle prédominant. A l’inverse, Liz & l’oiseau bleu peut se targuer de pouvoir être vu sans rien savoir de la série: en se focalisant uniquement sur la relation entre les deux jeunes filles et en en tirant un propos universel, Liz ne met jamais de côté les nouveaux venus.

Quant à la musique qui vient accompagner la splendide mise en scène, on est aux anges: la bande originale de Kensuke Ushio fut, c’est important de le noter, composée « en direct » devant des storyboards du film afin de coller au mieux à chaque mouvement, pour un résultât ahurissant, particulièrement dans la longue scène d’introduction, où tout est fait pour coller au rythme de chaque héroïne. Quant à la scène de concert elle est tout aussi incroyable, forte en émotion et accompagnant à merveille un tournant scénaristique majeur. En somme, malgré les différences avec la série, on reste dans de l’Euphonium pur jus, où la musique contribue directement à illustrer les développements des personnages. Somptueux.


Liz & l’oiseau bleu

4.5 out of 5 stars (4,5 / 5)
Magistral

Tenu d’une main de maître par une Naoko Yamada qui va au bout de ses idées et de ses ambitions, Liz & l’oiseau bleu est une vraie merveille, qui sublime une relation adolescente à la fois simple, crédible et juste.

Galerie:

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *