La tactique de l’échec
Le pitch: Documentaire en 8 épisodes qui retrace la saison 2017-2018 du club de football de la ville de Sunderland, alors fraîchement releguée de Premier League après dix ans dans les sommets du football anglais. Alors que tous les supporters, les joueurs, les réalisateurs du docu et les observateurs attendent du club des victoires faciles et un retour en fanfare dans la promotion supérieure, le club va à l’inverse connaître l’enfer et faire l’une des pires saisons de son histoire…
- Réalisation: Leo Pearlman & Ben Turner
- Date de début de diffusion: 14 Décembre 2018
- Nombre d’épisodes: 8
- Disponible en France: Netflix
Le football chez moi, ça s’en va et ça revient: je peux avoir des longues phases maniaques comme dans ma plus tendre jeunesse puis complètement oublier l’existence de ce sport pendant trois ou quatre ans, période souvent liée à mes rechutes dans cet enfer addictif qu’est Football Manager. Dans tous les cas une constante s’impose: ce qui me passionne plus dans le football n’est pas tant les matchs que tout ce qui entoure ce sport: les coulisses, le fonctionnement de ce sport-industrie, les tactiques, les compétitions, les statistiques… Logique, donc, que je sois attiré par ce documentaire en huit épisodes qui s’intéresse au destin tragique du club de Sunderland durant la saison précédente. Un documentaire d’autant plus attirant que… j’ignorais complètement le destin du club en commençant le visionnage du premier épisode !
Mais au délà des considérations sportives, Sunderland ‘Til I Die passe beaucoup de temps à observer les conséquences des défaites à répétition du club, et à nous montrer l’impact concret que ces mauvaises nouvelles amènent sur cette ville industrielle du nord-est de l’Angleterre, qui subit encore le contrecoup de la désindustrialisation radicale du pays et où le club de football était la seule fierté qui amenait encore du baume au coeur au sein d’une ville en périclitation permanente. Tout ce qui se déroule au Stadium of Light de Sunderland n’a donc pas que des conséquences purement sportives, et cet angle est particulièrement bien traité, particulièrement via quelques scènes fortes au sein d’une église locale.
Mais l’aspect sportif n’est pas en reste tant les rebondissements n’ont pas manqués tout le long de la saison de Sunderland, entre multiples limogeages d’entraîneurs, joueurs au comportement affreux, matchs ignobles, buts incroyables et gestion calamiteuse du club par son président, Ellis Short, un homme qu’on ne voit que très rarement tout le long du documentaire, mais qui semble porter la responsabilité des nombreux drames qui se jouent sous nos yeux. Pas d’argent pour acheter des joueurs ? C’est lui. Des joueurs inutiles qui restent parce que leur salaire est faramineux et qu’ils sont heureux d’être payés pour ne pas jouer ? Bam, ça arrive. Joueurs démotivés, blessures au timing ignoble ? On y est.
Ce qui est intéressant c’est que dans ces conditions horribles, Sunderland ‘Til I Die aurait pu monter une succession infinie d’engueulades ou de scènes de tension mais, à la grande surprise du spectacteur, il y’a peu de colère ou d’énervement au sein du club, juste une profonde déprime qui commence dès la première défaite de la saison – un cinglant 5-0 à domicile – et qui ne lâche aucun des joueurs ou membres du staff, qui ne croient plus en rien et portent leur spleen jusqu’au dernier épisode, qui semble soudainement montrer un nouvel espoir pour le club.
La conclusion de cette série est peut-être d’ailleurs sa partie la moins réussie, tant elle est abrupte et ne réponds à aucune question. De l’autre côté, une saison 2 a déjà été annoncé et les équipes de tournage sont actuellement à Sunderland pour observer la brilliante remontée en forme de l’équipe au sein d’un championnat de moindre envergure, mais qui a vu revenir les supporters dans ce qui est le 8e plus grand stade d’Angleterre. Plus généralement, on sent également quelques manipulations dans le montage: Chris Coleman semble être présenté comme un entraîneur saint, intouchable et trop bon pour le club (quand bien même son histoire d’entraîneur en club est notoirement calamiteuse), certains joueurs semblent en prendre pour leur grade sans avoir possibilité de répondre aux critiques. Mais c’est le jeu de ce genre de documentaire, qui ne prétend jamais faire autre chose que narrer une histoire en se servant d’images tournées de ci de là.
En somme, si ce documentaire reste un peu trop académique dans sa manière de montrer les choses et de les monter (il n’y a pas tant de beaux plans que ça), la vraie chance de Sunderland ‘Til I Die est d’avoir été présent tout le long de cette saison, et d’avoir pu observer de très près tous ces événements, tous ces rebondissements improbables qui rappellent que la réalité est parfois plus malicieuse que nombre de fiction !
Sunderland ‘Til I Die
(2,5 / 5)
Sympa
Très académique dans son montage, sans ambitions particulières dans la manière de raconter l’histoire d’un club en pleine explosion, Sunderland ‘Til I Die reste un documentaire intéressant, qui sait trouver l’équilibre entre l’aspect sportif et l’aspect social de son sujet. Idéal pour découvrir l’envers du football, et comprendre son impact sur les supporters.
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