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Crash Bandicoot 4 – Man in the Box

Ok du coup pour commencer, mettons les choses dans le contexte: Crash Bandicoot est une partie très intégrante de ma pré-adolescence. La trilogie originale et Crash Team Racing sont des jeux que j’ai ultra-poncés pendant mes années PlayStation et même si j’ai stoppé l’idée de suivre la franchise dès lors qu’elle a quittée les mains de Naughty Dog, ce sont des jeux que je me suis retrouvé à souvent refaire, que ce soit via leurs versions PlayStation, ou soit la N’Sane Trilogy sorti il y’a trois ans.

L’annonce de ce Crash Bandicoot 4 cet été m’avait donc plutôt intéressé: donner le bébé dans l’optique de refaire quelque chose « d’inédit » avec le moteur et les expériences accumulées sur le développement de la N’Sane Trilogy m’intéressait et j’avais un poil confiance sur le fait que ça pourrait être, au pire, sympathique. Le jeu est donc sorti début octobre, bonne presse, bons retours, ok c’est parti je rentre dans la danse.

Quinze heures de jeu plus tard, me voilà pris d’une étrange rage car, oui, Crash Bandicoot 4 est un jeu sympathique… mais ce n’est pas du tout un bon Crash Bandicoot. Et force est de constater que, pour un jeu qui souhaitait reprendre la suite de la trilogie, les développeurs ne semblent pas avoir très bien compris quoi que ce soit à son esprit et à ses qualités.

Mais commençons par les aspects positifs: le jeu est vraiment beau, les niveaux sont remplis de vie, c’est globalement jouable avec quelques atouts qui viennent participer au confort de jeu (je pense entre autres au petit cercle coloré qui vous permet de savoir où vous allez atterrir) et y’a un concept fort à base de masques temporaires qui transmettent des pouvoirs variés qui vont permettre une vraie variété au sein du jeu. Variété déjà bien boostée par la « variété » habituelle au sein de la franchise puisqu’en dehors des phases de plate-forme, vous aurez aussi des passages véhiculés ou des courses-poursuites effrénées.

Bref, dans sa plastique et dans sa forme, et si l’on excepte une bande originale peu inspirée, le jeu est séduisant et après une heure l’on est heureux de revoir le marsupial à jean en si bonne forme. Même le scénario est rigolo, pas forcément très passionnant, mais il a des dialogues sympathiques.

SAUF QUE.

Comme je l’ai dit, le jeu n’a pas bien compris ce qui faisait le charme de la trilogie originale. Et l’exemple principal qui illustre cela c’est la difficulté globale du jeu. Qui est infernale.

Quand N.Sane Trilogy est sorti en 2017, pas mal de critiques avaient emphasé la « grande difficulté » du jeu. En particulier le premier Crash Bandicoot qui était extrême en terme de difficulté. Certains niveaux du jeu – on pense entre autres à Road to Nowhere où à l’incroyable escalade sur facade de chateau mouillée – sont extrêmement retors, c’est un fait indéniable.

Mais spoiler: la difficulté du premier jeu n’était pas forcément une difficulté volontaire. Le premier Crash Bandicoot est dur mais surtout car il était le fruit de cette époque assez particulière qu’était 1995/1996, où l’on ne savait pas encore quelle était la difficulté « idéale » pour du jeu de plates-formes 3D. Naughty Dog ne savait pas encore très bien jauger ce qui était difficile de ce qui ne l’était pas, et a du coup mis un haut niveau de challenge qui était aussi exigeant que beaucoup de jeux de plates-formes 16 bits.

Je vous pose un screen de Stormy Ascent, ça vous rappellera de bons souvenirs

Car très vite, dans les deux jeux suivants, la difficulté fut progressivement revue à la baisse et le confort du joueur mis en priorité avec de plus en plus d’éléments censés combattre sa frustration. Le second jeu, Crash Bandicoot 2 du coup, possède ainsi une courbe de difficulté beaucoup plus maîtrisée, avec des niveaux finaux qui ne font certes aucuns cadeaux mais qui sont déjà beaucoup moins exigeants et précis que les niveaux les plus compliqués du premier volet. Et, surtout, c’est la quête vers le précieux 100% qui est facilité: désormais plus besoin de finir un niveau sans mourir pour obtenir la précieuse gemme de destruction de toutes les caisses, les caisses sont moins nombreuses dans chaque niveau et, surtout, on vous indique désormais en temps réel combien de caisses vous avez brisées, ce qui vous permet de tenir compte de votre avancée.

Puis arrive en 1998 Crash Bandicoot 3 qui baisse encore la difficulté d’un cran – les niveaux les plus difficiles étant paradoxalement tous les niveaux véhiculés qui sont souvent pas aussi réglés finement que les niveaux de plate-forme. Le jeu compense la baisse de challenge par encore plus de contenu d’offert, introduisant par exemple le concept de reliques qui vous propose de finir les niveaux le plus rapidement possible. Et ce concept de relique explique du coup très bien pourquoi les niveaux sont globalement moins durs: parce qu’ils doivent pouvoir être finis « facilement » sans perdre de vie, pour que ceux qui chassent les reliques ne soient pas trop frustrés.

Sachant que la frustration dans Crash 3 elle est dans ce screen

Donc bref, vous l’aurez compris via mon exposé, la trilogie originale Crash Bandicoot n’est pas reconnue pour sa difficulté. Contrairement à Megaman ou à Castelvania, par exemple, le joueur nostalgique du Crash Bandicoot des années 90 n’exigera pas d’un nouveau jeu Crash qu’il soit dur car ce n’est pas dans l’ADN de la franchise. Et souvent, d’ailleurs, le joueur nostalgique du Crash Bandicoot des années 90 pensera en priorité au second ou au troisième jeu, rarement au premier qui fait parfois plus office de très bon prototype qu’autre chose.

Bref la trilogie Crash Bandicoot c’est des niveaux courts et complets, une quête du 100% qui est riche mais rarement frustrante, une variété de styles de jeu et un univers qui nous fait voyager dans des décors nombreux.

Alors pourquoi les développeurs de Crash Bandicoot 4 ont surtout mis l’accent sur la difficulté du jeu ???

Crash Bandicoot 4 est un jeu difficile et, surtout, un jeu très vite difficile. Là où les Crash précédents attendaient les derniers mondes pour vous foutre dans les pattes des niveaux conçus avec une pointe de sadisme, ici on est bon pour de la plate-forme ultra millimétrée dès le troisième ou quatrième niveau… sur trente-deux ! Placement sadique de caisse Nitro, timing serré à respecter sous peine de finir dans le vide, ennemis prêts à vous prendre par surprise si vous peaufinez mal votre atterrissage, pouvoirs de masque à maîtriser rapidement, plaques de glace, plates-formes qui s’effondrent, caisses qui veulent vous tuer…

Le jeu n’est pas SIMPLE.

Après si votre objectif est juste de finir les niveaux, ok c’est pas facile mais ça reste jouable. Vous allez perdre quelques vies, y’aura des passages qui vont demander un peu d’entraînement mais, globalement, et dans la majorité des cas jusqu’à la fin du jeu (où là les niveaux vont devenir ultra-sadiques), ça sera challengeant mais ça ira.

Mais, hélàs, Crash Bandicoot ça n’a jamais été des jeux conçus en s’attendant à ce que le joueur finisse juste les niveaux. Atteindre la fin d’un jeu Crash – surtout le deux et le trois – n’est pas une tâche si compliquée. Je me souviens ainsi gamin avoir atteint la fin du trois en genre trois heures, et autant vous dire que moi à 10 ans j’avais pas le talent d’un speedrunner. Si tu fais juste Crash pour faire les niveaux en ligne droite ok c’est sympa… mais l’interêt du jeu réside dans la quête du 100%.

Et alors c’est là que Crash Bandicoot 4 est d’une difficulté ahurissante, difficulté qui pourrait être acceptable si elle n’était pas également complétement injuste.

Inattendu: N.Gin qui rend hommage à… Guitar Hero

Déjà, un point qui m’énerve vraiment dans ce jeu: les niveaux sont longs. Réellement longs. Parfois on y trouve cinq à six caisses checkpoint, et les temps demandés par les reliques frôlent souvent les trois ou quatre minutes. Un niveau de Crash 4 dure aussi longtemps que deux niveaux de Crash 2 ou Crash 3.

Cela amène évidemment quelques problèmes: déjà, les reliques deviennent encore plus chaudes à choper. Car là vous allez devoir finir le plus vite possible et sans perdre de vie des niveaux extrêmement longs qui ont tendance à être de plus en plus durs au fil de leurs déroulés. C’est extrêmement décourageant de se dire en terminant un niveau sur lequel on a paumé dix ou quinze vies qu’on va devoir à un moment le refaire avec la pression du chrono et la pression de l’exigence d’absence d’erreur. En gros, on est déjà dégouté du challenge avant même de le commencer. Ce qui n’est pas très bon signe.

Plus largement, le plaisir des reliques dans Crash 3 c’était l’aspect grisant d’aller à donf et au plus vite dans des niveaux conçus avec ces reliques en tête. Chaque niveau allait vous demander un petit niveau de maîtrise pour avoir la platine mais comme chaque niveau était court, on était moins dégouté en cas d’erreur. Ici, dans Crash 4, quand tu as pris 3mn à atteindre les 3/4 du niveau et que tu crèves comme une merde parce que les phases de plate-formes ont été prévues pour piéger même ceux qui prennent leurs temps, bah autant vous dire que vous savez pas si tout ça mérite d’y consacrer votre temps. Y’a juste aucun plaisir, et la relique devient plus une sorte de défi débile d’exigence qu’un plaisir de redécouvrir en mode speedrun un niveau.

Admirez le nombre total de caisses dans ce niveau. 398 ! C’est genre, autant que le nombre de caisses cumulées dans les cinq ou six premiers niveaux de Crash 2.

Et puis du coup qui dit niveau long dit niveau avec énormément de caisses à péter. Certains niveaux frôlent les 300 caisses. Inutile donc de vous dire qu’on en arrive à un chiffre tout simplement débile. Donc non seulement vous allez avoir énormément de caisses à péter sur votre chemin mais en plus vous allez devoir prendre des détours, parfois vous allez devoir prendre des risques inconsidérés juste pour aller péter une petite caisse paumée suspendue au dessus du vide et parfois vous allez juste vous faire niquer parce que ce que les développeurs ont adorés faire dans ce jeu c’est planquer des caisses dans le décor. Et quand je dis « planquer des caisses dans le décor » je veux dire qu’elles sont cachées et en aveugle. Vous ne pouvez pas savoir que y’a une caisse en vous basant juste sur vos yeux, faut que vous alliez faire la toupie comme un débile derrière chaque poteau, chaque marche d’escalier, chaque élément. Ah et parfois les caisses sont planquées hors du champ de la caméra.

Et ça c’est démeuré.

Le nombre d’objets demandés pour le 100% est ahurissant. 228 gemmes… multiplié par 2…

Parce que des caisses « en aveugle », dans la trilogie originale, ça arrive peu. Ca arrive si peu que je peux même citer l’unique cas où ça arrive, c’est à dire le niveau Cold Hard Crash dans le second jeu qui est un niveau où une caisse est planquée hors du champ de la caméra dans le niveau bonus. Voilà la seule caisse en aveugle de la trilogie originale.

Dans Crash Bandicoot 4 y’a en moyenne une à cinq caisses en aveugle dans chaque niveau. Le premier niveau a une caisse planquée derrière un élément du décor situé à quelques pas du départ.

Tu te fais niquer une fois, deux fois, trois fois. Au bout d’un moment c’est simple: tu arrêtes de chasser les caisses. Parce que tu sais que peu importe les efforts et l’attention que tu offres au jeu, certains trucs sont planqués de manière si tordues que tant que t’as pas une soluce ou un walkthrough sous la main, tu peux pas y arriver seul. Je vous avoue que parfois je passais des plombes dans un niveau à me stopper toutes les 10s pour jouer avec la caméra et essayer de voir toutes les caisses potentiellement planquées, parfois je perdais cinq ou six vies à choper une ou deux caisses situées en hauteur qui demandaient des manipulations de manette extrêmement précises, tout ça pour arriver à la fin du niveau et constater qu’il me manquait entre dix et une caisse. Donc me voilà à parcourir à la vitesse d’un escargot un niveau de Crash Bandicoot et je n’en suis absolument pas récompensé, je m’en sens même un peu humilié. Donc là ça fait quelques niveaux que j’ai juste laissé tomber les caisses et que je me contente de parcourir les niveaux…

Ce qui me pète les couilles parce que, putain, le plaisir que j’ai en jouant à Crash 2 et Crash 3 c’est justement à rechercher ce sentiment ultra plaisant que t’as quand tu casses tout sur ton passage et que t’es récompensé à la fin par une petite gemme qui apparaît. Ici, ce plaisir il n’arrive jamais: t’as beau te casser le cul à choper les caisses difficiles que tu vois, t’auras été niqué parce que t’as loupé une caisse super facile à péter mais où fallait faire une toupie sautée derrière on ne sait quoi.

Même si je regrette les bonnes vieilles Warp Room et que je regrette que le jeu soit redevenu « linéaire », faut quand même que j’avoue que la carte est plutôt cool

Rajoutez à cela l’enfer qu’est devenu les niveaux Bonus. Dans la trilogie originale, les niveaux Bonus ont toujours été un petit challenge parce que tu pouvais y mourir à volonté donc les développeurs se sont souvent amusés à y mettre parfois des petits puzzles qu’il te devait de résoudre pour que tu y chopes toutes les caisses mais c’était jamais extrêmement dur. Ici, encore une fois, c’est des niveaux qui vont te demander de maîtriser le jeu à la perfection et d’avoir une fine connaissance des techniques avancées. C’est très dur, c’est à s’arracher les cheveux, et encore une fois t’y trouves jamais une complète satisfaction, juste le sentiment d’avoir enfin fait à la virgule près ce que le développeur t’ordonnait de faire, d’avoir été, en somme, un bon chien-chien.

Et dans tout ça j’ai pas encore parlé de la mode N Verted qui est une mode de jeu que tu débloques à mi-chemin et qui te donne la possibilité de refaire les niveaux en mode miroir et avec une visibilité réduite. Le concept aurait pu être rigolo si seulement, du coup, ça créeait pas un contenu artificiel à chasser pour le 100% ! Car voilà pour finir un niveau à 100% il suffit pas de choper la relique platine, les caisses, les trois gemmes liées aux fruits wumpa, la gemme cachée et la gemme pour finir le niveau en moins de trois morts… non non il faut aussi refaire tout ça une seconde fois sur le niveau N Verted. Y’a une envie de nous faire du mal qui est décelable.

Autre truc évidemment très frustrant: les niveaux où tu contrôles d’autres personnages que Crash et Coco ! Crash 4 a la bonne idée de proposer des niveaux avec Tawna, Dingodile ou Neo Cortex comme héros, des personnages que tu vas jouer très différemment. Une bonne idée, vraiment, qui permet encore une fois de varier les styles de jeu. Mais une idée qui se tire une balle dans le pied puisque chaque niveau parallèle où l’on retrouve ces personnages… se concluent sur le joueur forcé de refaire la moitié d’un niveau Crash/Coco que non seulement il a déjà fait mais qui est en plus encore plus compliqué que quand il l’a fait pour la première fois. Rajout de caisses Nitro / TNT / Enflammées, rajouts d’ennemis, timings légèrement modifiés… Quel intérêt ?

Ah et évidemment autre rage: les niveaux où l’on est sur le dos de Polar l’ours. Je sais pas comment ça a été réglé mais la hitbox des caisses dans ces passages là est nulle à chier et il est extrêmement difficile de tout casser, surtout quand les caisses sont regroupées en bloc. Alors quand en plus un des niveaux parallèles de Tawna vous demande de refaire un passage à dos d’ours polaire avec encore plus d’obstacles et de caisses à péter, là aussi, encore une fois, le 100% vous lui dites bien gentiment d’aller se faire foutre.

Sah quel cauchemar

Bref, Toys for Bob nous a offert ici un jeu qui est objectivement bon. Mais hélàs j’imagine que le fait qu’ils aient passés plusieurs années à bosser sur le remake de la trilogie Spyro a fait que ce Crash Bandicoot 4 est un Crash Bandicoot sur lequel on a rajouté… l’aspect collectionnite extrêmement débile de la trilogie Spyro originale. Car ouais, les Spyro c’était des jeux où tu devais parcourir comme un débile une carte de fond en comble à la recherche du moindre joyau planqué. Et ce côté là, Crash Bandicoot l’a donc récupéré… sauf que ça ne s’adapte pas très bien à l’esprit de la trilogie originale, comme vous l’aurez compris !

Donc à qui ce jeu parle t-il vraiment ? Les fans nostalgiques de Crash Bandicoot vont être (et sont déjà) dégoutés par l’absurdité des exigences posées dans la quête des 100% et les néophytes vont eux découvrir un jeu de plate-forme bien ciselé mais extrêmement sadique, pas forcément accueillant pour un sou et dont l’aspect fanservice leur passera au dessus de la tête. Et inutile d’ailleurs d’envisager profiter de la sortie de ce Crash 4 pour faire découvrir Crash a des enfants parce que vu la difficulté y’a de quoi se taper quelques crises de nerfs.

En vrai, y’a quand même des bonnes bases de posée pour une éventuelle nouvelle trilogie. Si pour un Crash 5 les gars de Toys for Bob offrent une quête des 100% qui soit plus juste, mieux pensée, avec des niveaux plus courts, on tient un vrai bon jeu et un vrai bon nouveau Crash Bandicoot. Car chaque niveau de Crash Bandicoot 4 est un véritable marathon, ce qui dénote vraiment avec une franchise qui jusque là avait fait de chaque niveau un vrai sprint. Et honnêtement, le marathon, c’est pas ce pour quoi moi et tous les fans de Crash on s’était préparé. Donc pas étonnant qu’on fasse vraiment la gueule.

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