Blabla Otaque

C’était Nolife

J’ai souvent des rêves récurrents, des situations qui reviennent en permanence dans mes songes. Ainsi je rêve naturellement souvent que je vais « à Japan Expo » avec « Thalie » pour y faire « des jeux et des activités. » Sauf que dans ces rêves, cette « Japan Expo » peut se dérouler dans des endroits qui n’ont pas de sens, l’association « Thalie » peut être bien différente de l’association réelle et le contenu des « jeux et des activités » n’aura rien à voir avec ce que je fais… si évidemment contenu il y’a, car se ramener à poil aussi bien littéralement que figurativement n’est pas exclu. De même, si je dois être dans une maison, ça sera « la maison de mes grands parents », grande, avec un jardin gigantesque, une véranda, un chemin campagnard pour y accéder… Par manque d’originalité ou d’imagination, mon esprit va donc me proposer de revisiter deux à trois fois par semaines cette maison pour de toutes nouvelles aventures. La dernière fois que j’en ai rêvé, par exemple, je voyais des étoiles tomber du ciel et je devais éviter d’être dessous. Des trucs classiques de rêves, quoi.

Et puis parfois, dans ces rêves, j’ai besoin de rêver que je bosse. Et depuis cinq ans, je rêve parfois soit que je vais bosser à mon vrai boulot actuel, soit que je vais aller bosser à « Nolife. » Et la nuit dernière, j’ai justement rêvé que j’allais à « Nolife ». Je mets entre guillemets car c’était pas vraiment Nolife: c’était un studio dans un grand appartement accessible dans un sous sol, les bureaux partaient dans tous les sens, des livres s’accumulaient partout. Dans ma tête, dans mon esprit c’était « Nolife. » Mais le gag du rêve c’est que un gars de « Nolife » venait me voir et me disait que le ulule pour la chaîne avait dépassé les 150 000€. Moi j’étais là « c’est pas le ulule de Canard PC » et lui était là « non non c’est aussi le nôtre. » Bref, je me suis réveillé en me disant « faudrait que je tweete ce rêve nul » mais au final je me suis rendormi tout de suite après.

QUELLE IRONIE.

Car là, si vous n’avez pas suivi, Nolife organisait une grande émission de premier avril ou, à 20h, ils ont donnés rendez-vous à tous leurs téléspectateurs pour faire un peu la grande histoire des poissons d’avril de la chaîne, ce qui était du coup l’occasion de revoir le superplay de SOS Ouistiti, sans doute un des plus grands moments de télévision des années 2000. Le gag c’est que à la fin de l’émission, Davy Mourier annonce que la chaîne… ferme le 8. 

Là on bugue un peu, mais le fait qu’en parallèle de l’annonce je reçoive un mail de Sebastien Ruchet1, le PDG de la chaîne, qui confirme que c’est pas une blague, achève un peu le moral. Puis c’est vrai que l’annonce était suivie de la diffusion du clip de Heavenly Star, le tout premier clip diffusé par la chaîne, donc la forte symbolique fini d’achever de nous convaincre. 

Nolife a toujours eu une existence tenue, difficile. Mais on avait commencé dangereusement à s’habituer au fait qu’elle serait toujours là. On l’a vu survivre avec abnégation à tellement de sales trucs qu’on s’était peut-être dit, au fond, qu’elle était devenue triomphalement invincible. Pourtant ces dernières années, les sacrifices ont été encore plus durs qu’avant: départ d’une grande partie de la rédaction, disparition progressive des programmes, passages de certains programmes emblématiques sur d’autres chaînes, changement de formule… 

Donc voilà, cette fois-ci c’est terminé. Après exactement 10 ans et 10 mois de très bons et de très loyaux services. 

Et ça me mine le cœur. 

Ca me mine le coeur car, je l’ai déjà dit à plusieurs fois ici, ma rencontre avec Nolife m’a profondément changé. J’ai découvert la chaîne non pas à son lancement mais deux ans plus tard, quand Nolife Online est arrivé et a permis à ceux qui ne disposaient alors pas de la télé par ADSL de découvrir les programmes de la chaîne. Je me souviens vraiment avoir sauté sur le service dès la première soirée et m’être payé une semaine d’abonnement grâce aux pouvoirs magiques d’ALLOPASS. Et la rencontre elle fut détonante: j’avais alors passé une nuit blanche entière à regarder le maximum de programmes. A m’enquiller les Retro & Magic, les Chez Marcus, les Roadstrip, les Hall of Shame, les Critiques JV… J’avais trouvé une sorte de maison. Une maison où la passion côtoyait le professionnalisme, où le partage côtoyait l’exigence, où la modestie côtoyait l’humour. 

Le grand talent de Nolife ça a toujours été de nous faire croire qu’ils étaient des « amateurs à la cool », au point que quand je suis allé passé un mois au sein de leur rédaction, j’ai été presque surpris de l’ambiance ultra studieuse et ultra calme des bureaux. Quand on regardait la chaîne, quand on voyait les Debug Mode, les making off d’émissions on avait le sentiment d’une « bande de potes » à l’ancienne, mais ce qu’on a pas conscience c’est que tout le monde là bas charbonnait comme jamais. C’était sérieux, rigoureux, il y’avait là une mentalité exceptionnelle dont la chaîne ne s’est jamais vanté. Car encore une fois, je l’ai dit plus tôt, Nolife ne s’est jamais vanté de quoi que ce soit, ils ont toujours tout fait avec une humilité incroyable. Certains diront que cette humilité les a desservis, que la chaîne aurait peut-être gagné à mieux communiquer sur ses forces, sur ses talents, et ça sera sans doute vrai. Mais ça n’en reste pas moins un caractère admirable, auquel on ne peut que s’attacher.

A titre personnel, Nolife est devenu pour moi un objectif à atteindre dans mes projets personnels. Que ce soit dans ce que j’écris, dans ce que je produis, j’ai envie de faire « comme du Nolife. » Partager sans me poser de limites, en essayant de travailler à mort mes sujets mais en essayant de faire en sorte que ce travail soit « camouflé » aux yeux du public, et toujours tâcher de le faire avec une vraie modestie, sans jamais tirer la couverture vers soi. Car même si des fortes personnalités il y’en avait sur Nolife, ce qui a toujours compté sur la chaîne c’est moins les têtes que les sujets qu’ils traitaient.  Et ça c’est une grande source d’inspiration.

Et puis, oui, plus largement, au délà de ce que toute la chaîne aura pu m’apprendre personnellement et professionnellement, on perd quand même un des principaux médias dédiés à la culture japonaise en France. Qui aura contribué de manière indéniable à l’essor de la musique japonaise de par chez nous, et aura fait découvrir à beaucoup de personnes la grande diversité de la popculture japonaise, dans tout ce qu’elle peut avoir d’excitante et de positive. Nolife c’était la garantie d’une zone de confort pour nous tous, d’une zone où nous aurions la certitude que nos passions ne seraient pas traitées avec condescendance ou mépris, des valeurs dont la chaîne n’a jamais fait preuve sur quoi que ce soit. 

La grande tristesse, aussi, c’est que les archives de la chaîne sont en danger. Les onze ans de productions télévisuelles vont peut-être disparaître, on ne sait pas, on ne connaît pas forcément les détails sur ce sujet. J’espère que quelqu’un, quelque part, trouvera les moyens de les sauvegarder. Il y’a des trésors dans ce contenu. Des interviews avec des grands noms du jeu vidéo japonais, des émissions historiques pointues et pleine d’enseignements, des séries humoristiques… Il faut pas que ça s’en aille. 

Dans tous les cas, beaucoup de remerciements à ceux qui depuis 2007 ont faits tournés la boutique et ont tout donnés, voire plus encore. Que ce soit Sebastien, Alex, Cyril, Emmanuel, Pierre-Alexandre, Thierry, Sylvain, Suzuka, il y’en a tellement. Vous avez été pour moi une ancré à des moments difficiles et un phare quand il s’est agi de partir naviguer, je ne vous en remercierais jamais assez. Vous pouvez être vraiment fiers du travail accompli, fiers de votre détermination et fiers de votre travail, il n’a jamais été vain, toujours admirable. 

Vous êtes des modèles.

  1. Rassurez-vous, c’était un mail collectif pour prévenir tous les collaborateurs / anciens collaborateurs de la chaîne, je n’ai pas Sébastien Ruchet qui m’envoie des mails pour me rassurer personnellement quand je traverse des périodes de doute, même si j’en aurais bien envie
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9 commentaires

  • Antirune

    Grosse grosse peine également, j’ai commencer a dl des archives d’emisions sur noco.tv.
    Avec un abo il est possible d’enregistrer la vidéo avec un simple clic droit « enregistrer la vidéo sous »
    J’en parle un peux partout car il i a 10To au dernier estimation et je pourrais pas tout sauvegarder. Mais il est hors de question que dans les prochains mois des vidéos soit complètement perdu ou introuvable so plz help me !

  • RequiemforFemto

    Comment savoir que Nolife a marqué le fandom français ? Je n’ai jamais regardé la chaîne, je pourrais pas citer une émission ou un animateur. Et pourtant, ça m’a fait un pincement au coeur que j’ai appris la nouvelle.

    Je n’ai pas grandi avec mais à force d’en lire du bien partout depuis des années, je voyais quel impact a pu avoir Nolife. A force d’alimenter la rubrique difficulté financière et faire front à chaque fois, je pensais (moi aussi) que Nolife pourrait jamais mourir. Malheureusement, toutes les aventures ont une fin. Pour avoir tenu aussi longtemps, Chapeau bas à Seb Ruchet.

    Si je devais imager cet événement, ça serait :

    *tape*
    « Et 1 »
    *tape*
    « Et 2 »
    *tape*
    « Et 3 »
    *son de cloche*

    (comprendra qui pourra)

  • Benjamin Rullier (@brullier7)

    Sur la question des archives de la chaîne. L’INA assure le dépôt légal des chaînes télé. Nolife n’appartient pas au catalogue de leurs fonds, mais peut-être se tourner vers eux.
    Dans leur catalogue, ils ont bien Game One, Mangas ou Télétoon par ex. Cela pourrait les intéresser.
    Mais pour le coup, ce sera à l’équipe de Nolife de faire la démarche…

    Courage à eux ! Je regarde assidûment cette chaîne depuis quelques années et cela m’attriste de la voir disparaître. J’espère qu’ils pourront rebondir sous une autre forme, quelque part !

  • depassage

    Ce qui m’avait fasciné à l’époque c’était le projet. Comment 2 personnes quittent leur job et se lancent dans cette aventure avec peut de moyen. Puis d’avoir une petite fenêtre sur les jobs de chacun avec les debug mode. A l’époque ça me faisait rêver.
    Je suis tombé sur un très ancien article de 2007 qui s’intéressait aux aspects media TV http://mediablog.over-blog.com/article-6836972.html

    Aujourd’hui je constate que j’ai l’age de seb à l’époque du lancement, j’ai l’impression d’avoir raté un train…

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