Uma Musume: Pretty Derby Season 2 – Aces High
Il y’a donc trois ans je vous tapais un petit article sur la série Uma Musume: Pretty Derby, que j’évoquais à l’époque comme un des meilleurs animés de sport mettant en scène des personnages féminins, une victoire que l’animé obtenait hélas un peu par défaut. La série était fun, bien réalisée, avait un chouette sens du détail, et tirait le meilleur d’un postulat très casse-gueule (une histoire de filles-chevaux qui font des courses dans des hippodromes ??) pour en faire une œuvre très positive, très progressiste (l’héroïne a deux mamans T_T) et capable d’amener un sourire sur les visages les plus durs. Je n’ai même pas peur de dire que c’est devenu mon animé coup de coeur au sein du catalogue du studio PA Works – à qui on doit quand même des trucs comme Angel Beats, Nagi no Asukara, Shirobako, Maquia ou Sakura Quest.
Après, cette première série de Uma Musume était chouette et même si elle racontait l’histoire fun de Special Week, petite fille-cheval qui souhaitait gagner une course au moins dans sa vie, elle restait clairement un outil promotionnel visant à mettre en avant les personnages et l’univers du jeu mobile Uma Musume. Cela se ressentait entre autres en nous introduisant vraiment un casting extrêmement large, avec beaucoup de personnages secondaires au design travaillé et léché mais qui débarquaient souvent dans l’animé que pour faire de la figuration ou lâcher quelques lignes. Et le plus drôle c’est que du coup… le jeu mobile en question n’était pas encore sorti au moment de la diffusion de la saison 1. Et il va même se faire attendre encore très longtemps après la diffusion vu qu’il est sorti au Japon… en février 2021. C’est à dire y’a à peine deux mois.
Jeu mobile produit par les mastodontes de chez Cygames (Granblue Fantasy, Shadowverse, Rage of Bahamut, Princess Connect, Dragalia), le mobage Uma Musume Pretty Derby a donc longtemps fait figure d’arlésienne dans un monde où la popculture s’oublie très vite et il n’est finalement pas illogique que pour célébrer la sortie du jeu mobile, Cygames se soit donc posé les bonnes questions et ait commandé une nouvelle série animée Uma Musume pour le premier trimestre 2021. J’étais évidemment aux anges au moment de l’annonce, mais j’ai eu très rapidement quelques petites craintes, entre autres dû au fait que PA Works ne gérait plus l’adaptation, laissant la place au Studio Kai, un studio très jeune, ayant démarré ses productions en 2019 et des productions… peu convaincantes. C’est à dire que je veux pas être méchant mais quand t’arrives sur Uma Musume après PA Works et que ton CV contient uniquement Cagaster of an Insect Cage et Phantasy Star Online 2 bon bah le spectateur il baisse ses attentes, quoi. Heureusement, cet aspect là fut au final très mineur puisque finalement on retrouve crédité au générique de fin, dans la section réalisation et écriture, une très grande partie du staff ayant bossé sur la saison 1 ! A commencer par le très chouette réalisateur Kei Oikawa, qui sort de son taf sur les deux dernières saisons de SNAFU et nous aura aussi pas mal gâté sur l’adaptation de Hinamatsuri en 2018.
Ensuite, si on épluche de près la liste des personnes ayant bossés sur cette seconde saison, on constate une tendance: Yukiyoshi Shikiji occupe le poste de « directeur de l’action », un poste qu’il occupait déjà… sur Symphogear XV. Poste qu’il occupe en compagnie de Ken Obata, qui avait été animateur clé et directeur de l’animation aussi sur Symphogear. Hasard, coïncidence ? Je ne sais pas. Mais reste que par exemple si on regarde les directeurs de l’animation en chef on croise Satoru Fujimoto (qui a dirigé l’animation… des cinq séries Symphogear) accompagné de Yôsuke Kabashima (qui a dirigé l’animation… de trois des cinq séries Symphogear.) On pourrait derrière faire le tour un par un des animateurs clés et intervallistes cités mais ceux qui ont « Symphogear » quelque part dans le CV sont mine de rien pas mal nombreux.
Donc pour faire simple: la série est écrite et dirigée par les gens qui ont déjà écrits et dirigés la première série de Uma Musume, tandis que les gens qui dirigent l’animation et les scènes d’actions sont ceux qui ont déjà faits un staff similaire sur Symphogear. C’est donc plutôt emballant (surtout pour le fan de Symphogear que je suis, ok) et ça rappelle que dans le monde de l’industrie japonaise, qui repose énormément sur ses freelancers indépendants, le nom d’un studio ne veut pas forcément dire grand chose. Surtout quand derrière on retrouve Cygames à la production, qui est certainement un des producteurs les plus sains du milieu, qui a toujours offert aux studios d’animation avec qui il traite le temps de bien faire les choses, ce qui est peut-être la denrée la plus rare dans cette foutue industrie.
Bon bref sur le papier, y’a du talent. Mais du coup, Uma Musume 2 ?
Déjà un point intéressant à noter: cette seconde saison est clairement écrite comme pouvant servir de point d’entrée dans la franchise ! C’est évidemment très malin car vu que le mobage allait sortir durant la diffusion, ça aurait été con de se niquer l’élan en sortant une nouvelle série qui était pas immédiatement accessible. Car même si la première saison avait plutôt cartonnée au Japon en terme de ventes de Blu-Ray, ça restait un succès à nuancer énormément vu que énormément de ces ventes étaient motivées par la présence de codes pour Granblue Fantasy dans les neufs. Je vais pas vous mentir que dans les boutiques d’occasion otaku japonaises de septembre 2019, j’en ai croisé des tonnes et des tonnes des volumes 1 de Uma Musume… à pas très chers… Il fallait donc remettre Uma Musume dans les esprits, manifestement !
Du coup comment ils ont rendu cette saison 2 immédiatement accessible et facile d’accès pour ceux qui n’auraient pas vu la première saison ? Bah tout simplement en ayant d’autres personnages comme héroïnes ! Si la première saison se concentrait sur la vaillante Special Week et sa rivale / petite amie Silence Suzuka, cette seconde saison va nous parler majoritairement du duo composé par Tokai Teio d’un côté et Meijiro McQueen de l’autre ! Si Special Week et les héroïnes de la saison 1 continuent de refaire de nombreuses apparitions, c’est surtout en tant que personnages secondaires, et l’on ne revient jamais en détail sur leurs aventures. Ce qui fait que cette saison 2 est, du coup, effectivement très accessible ! Tokai Teio et Majiro McQueen faisaient certes quelques apparitions pendant la saison 1 mais étaient très peu présentes, au moins que si vous relisez ma critique de la saison 1, vous noterez que c’est deux personnages dont je disais être très déçu d’en voir très peu. Comme quoi j’avais qu’à être un peu patient !
Et sans surprise, l’univers reste le même: on est toujours dans ce monde parallèle étrange où existe une race nommée « les filles-juments » qui vivent en compagnie et en parallèle des humains, et qui existent surtout pour courir et faire des courses qui se déroulent dans des hippodromes. Nos héroïnes font partie de la seule académie officielle de « filles-juments » et chaque héroïne est en réalité une version anthropomorphisée d’un vrai cheval ayant marqué l’histoire des sports hippiques japonais, reproduisant souvent le déroulement de la vie du cheval en question avec exactitude. Ainsi vous pouvez vous spoiler toute l’intrigue de Uma Musume en lisant la page Wikipédia du cheval correspondant à l’héroïne, la seule chose qui change c’est que heureusement on abat pas la fille-jument si elle se pète un tibia sur un talus.
Mais là aussi, si vous n’êtes pas un féru de courses hippiques japonaises, soyez rassurés, l’anime en a pleinement conscience donc c’est juste du bonus et connaître par coeur les courses de la saison 1994 n’est jamais nécessaire pour prendre son pied dans tout ça.
Donc ouais du coup on suit Tokai Teio. Et Tokai Teio tout lui réussit: quand on commence la série, elle est déjà en traîn d’enchaîner les victoires ! Elle est celle à qui tout réussit, adorée par le public, extrêmement douée sur la piste et avec un caractère jovial qui lui permet de voir la vie toujours en rose. L’inverse donc d’une Special Week qu’on voyait démarrer depuis le fond et s’élever au fur et à mesure des courses. Ici, on est sur l’archétype de l’histoire qui va suivre une gloire du sport, ce qui était un truc qui m’inquiétait un peu à la base (on préfère les histoires d’outsiders et d’underdogs que les histoires sur ceux qui gagnent toujours, non ?) mais qui va rapidement trouver un twist parce que à la fois elle va devoir faire face à une rivalité de plus en plus exacerbée avec les autres filles-juments, mais en plus son propre corps va aussi lui montrer, parfois brutalement, les limites.
En somme, au programme, c’est un fall and rise qui nous attends: la chute de notre héroïne, mais aussi une belle histoire de come-back, d’abnégation face aux blessures et face à l’adversité. C’est comme dans Rocky 3, le propos sur l’embourgeoisement et l’arrogance des champions en moins – parce que Tokai Teio, y’a jamais un pet d’arrogance chez elle, elle est juste contente de courir. Une intrigue simple, efficace, qui amène à un superbe dernier épisode qui m’a fait lâcher une larme de joie et de bonheur, bref un récit sportif classique mais bien mené, qui chauffe le coeur.
Mais la série ne va pas s’intéresser qu’à Tokai Teio et organisera, de temps en temps, quelques pauses pour se concentrer sur d’autres personnages. On a ainsi quelques moments passés en compagnie de Meijiro McQueen mais SURTOUT quasiment deux épisodes concentrés principalement sur Rice Shower, autre compétitrice de marque au sein des championnats locaux, une petite gothique timide qui court très vite mais a la malheureuse habitude de gagner avec un « mauvais timing », ruinant les chances de favorites, ce qui lui crée une réputation qu’elle a beaucoup de mal à vivre. Arc très court, mais très chouette, bien aidé car il est porté par un personnage aussi adorable que badass, portant un propos toujours très actuel sur le fait de devoir gérer le public et ses relations avec lui quand toi tu veux juste faire du sport, courir un max et t’en foutre de ces conneries de relations publiques. Y’a t-il un parallèle à tracer entre Rice Shower et la tenniswoman Naoki Osaka, qui a marquée le Roland Garros de cette année ? Peut-être….
Mais du coup ces petites pauses de l’intrigue de Tokai Teio non seulement elles sont plutôt bien faites mais en plus, en vrai, elles permettent à la série d’éviter de s’essoufler ! En consacrant 2 épisodes à Rice Shower et un épisode à Meijiro McQueen, ça permet d’éviter de trop allonger l’arc narratif de Tokai Teio, arc narratif qui en dix épisodes trouve un rythme idéal et peut se targuer de n’avoir aucun gras – aucune longueur, ni sentiment d’inachevé. Le seul petit reproche qu’on pourrait faire à tout cet arc c’est quelque part d’être trop fidèle à la réalité et de pas assez se détacher de ce qui est vraiment arrivé aux chevaux originaux, particulièrement en ce qui concerne leurs rythmes de blessures parce que, oh boy, en très peu de temps on a quand même 3 ou 4 rebondissements à base de jambes pétées et c’est vrai que ça peut paraître un peu répétitif à la longue.
Mais bon, du coup, malgré ce petit aspect cassement de jambes, on a une série qui en 13 épisodes trouve un rythme idéal, sait varier son tempo et son ambiance au fil des épisodes pour tout donner dans le rush final. C’est plutôt adapté pour une série qui parle de courses hippiques !
Et plus que jamais la force de cette seconde saison reste ce qui était déjà la force de la première: l’univers. Ces histoires de filles-juments qui font des courses hippiques ça reste toujours un postulat extrêmement chelou, on va pas se mentir, mais c’est suffisamment bien exécute pour que ça fonctionne ! Et cette qualité d’exécution on la constate par exemple en admirant le travail fait sur la cohérence d’ensemble de l’univers, sur les relations dynamiques entre les personnages, sur le rapport que le monde extérieur a avec ces filles juments qui sont loin de vivre exclues des humains plus normaux ou bien sur les détails débiles qui soulignent un peu les aspects les plus absurdes de cet univers (les fameux téléphones aux combinés « adaptés » pour les oreilles de nos héroïnes par exemple) tout en montrant que c’est assumé et pensé jusqu’au bout. En gros que les gens qui ont conçus ça se sont quand même posés quelques questions. C’est vraiment un monde qui paraît « crédible », on sent que les filles juments y vivent en harmonie avec les humains depuis des siècles, qu’elles n’en sont pas exclues. Que ce n’est pas juste notre Japon actuel copié/collé. C’est cool que ça soit réflechi, non ?
Et puis du coup, derrière, on peut aussi s’intéresser à l’armada de personnages secondaires, vu que la quasi totalité des personnages du jeu mobile (et des personnages de la saison 1) font au moins une apparition ou un caméo. Toujours plein de designs extrêmement chouettes et extrêmement cools mais c’est souvent une habitude avec les jeux Cygames (salut Granblue et tes chara-designs diablement efficaces), et pour le coup comme on a des personnages souvent très hauts en couleur d’un point de vue caractère, ça donne cet aspect très chargé où la moindre interaction avec un personnage random peut partir tous les sens très vite. Mais heureusement, et contrairement à cette critique que j’avais un peu adressée sur la saison 1, la série se perd pas trop à vouloir introduire tous ses personnages à tout prix. Parce que ça c’est un problème que je trouve récurrent sur quelques autres adaptations de jeux mobile – genre Magia Record ou Assault Lily Bouquet y’avait ce souci de vouloir introduire toutes les waifus des gachas à tout prix, ce qui chargeait beaucoup trop des épisodes qui avaient déjà un peu de mal à savoir où ils voulaient aller. Dans Uma Musume, problème réglé: on se focalise à donf sur les trois héroïnes de la saison, et tous les autres personnages sont des caméos / des bonus.
(Ce qui m’empêche pas de mourir de rire quand Special Week passe tout un épisode a pleurer à chaque fois qu’elle apparaît dans un plan, peu importe qu’elle soit au premier, second ou trouzième plan.)
Donc ouais, les designs sont cools, c’est bien rythmé, on a de l’émotion à la fin, techniquement c’est solide, le générique d’ouverture est cool, les personnages sont vraiment funs à suivre, et c’est surtout une saison incroyablement accessible à un public large. Ils auraient pu s’enfermer dans un délire un peu réservé aux nerds de l’hippisme japonais mais tout ça reste un énorme bonus accompagnant une intrigue sportive simple mais maîtrisée, qui fait appel aux codes les plus connus du genre sans jamais leur faire perdre un gramme d’efficacité. Une saison 2 en plus accessible à tous et à toutes, qui n’exige pas d’avoir maté la saison 1 et a été conçu avec ça en tête: cool !
Et bref j’avais commencé à écrire cet article mi avril, je l’ai mis en pause pendant presque deux mois parce que c’est parfois chelou l’inspiration quand t’es blogueur (en gros la première moitié date d’avril, la seconde moitié date de juin) et donc entre les deux dates, Uma Musume Pretty Derby 2nd Season est officiellement devenue la série animée la plus vendue de tous les temps au Japon (et du coup, sans doute du monde.) Plus de 160 000 BluRay vendu en deux semaines pour le premier volume, et quelque part c’est un succès que cet animé mériterait un chouia tant il est bien fait. Mais après, honnêtement, on sait tous qu’une grosse partie des ventes vient surtout des tickets que contiennent le BR en question, entre bonus pour le jeu mobile (qui du coup CARTONNE et a l’air excellemment bien fait) et ticket de tombola pour assister à événements divers et variés. Donc oui on peut relativiser, l’animé en lui-même est presque un bonus dans l’équation de ce succès mais pour autant ça me fait étrangement plaisir de le voir devenir numéro 1, haha.
Parce que quelque part j’aime Uma Musume parce que c’est toute l’expression de ce genre de folie animée typiquement japonaise. Comme j’expliquais déjà à l’époque de la saison 1 c’est vraiment ce genre de projet ultra couillon sur le papier mais qui est fait avec intelligence, avec du coeur et avec les bons réflexes. La bonne surprise d’avoir un postulat qui pourrait être hyper craignos mais qui est traité avec tant de bienveillance de la part des créatifs qu’au final y’a pas le moindre sentiment négatif qui en ressort. C’est un animé qui est là pour vous vendre un mobage, certes, mais n’oublie pas pour autant de raconter une chouette histoire, complète, avec des personnages qu’on a envie d’aimer et d’encourager. C’est juste fun. Uma Musume c’est l’incarnation d’un fun décomplexé, d’un divertissement qui ne méprise ni son sujet ni son public, et va jusqu’au bout de ses idées, sans en gâcher ou en sous-exploiter le potentiel. C’est souvent ce genre d’animé que j’adore, et là c’est en plein dedans.
Et toujours plus d’amour parce que, quelque part, j’ai vu cet univers grandir sous mes yeux ! En mai 2018 je galérais à trouver des fanarts de Special Week cools, début 2020 je me souviens avoir vu passer l’opening à un karaoké et dire « tin c’est dommage qu’ils sortiront jamais le jeu, le potentiel est cool. » Je pensais sincèrement à cette période que le mobage allait sortir dans l’anonymat parce que Cygames assumerait pas d’avoir passé des siècles à développer le jeu sauf que non, ça a été un carton incroyable et, quelque part, avoir posé l’univers dans nos esprits presque 3 ans avant la sortie du jeu a peut-être été l’un des éléments qui ont contribués au succès immédiat du jeu. Aujourd’hui des fanarts de Special Week qui sont cools, j’en ai 3 ou 4 par jour qui tombent sur pixiv ou Twitter, et je ne parle pas des autres personnages. Tous les artistes que je suivais pour leurs arts Symphogear, Kantai Collection, Touhou ou Fate font aujourd’hui du Uma Musume ! C’est un raz de marée général. De filles juments. Et c’est à priori la nouvelle licence forte de ces prochaines années. Damnit Cygames, you did it again.
Bref, félicitations pour ce succès, j’espère que le studio Kai et que surtout les très talentueux staff free-lancer qui ont fait de cette seconde saison une bombe de fun pourront bénéficier de quelques fruits de ces profits records, et j’espère maintenant que dans deux ou trois années, on puisse nous laisser retourner dans le petit monde des filles-juments pour suivre d’autres héroïnes. Est-ce que je veux une série où Gold Ship fait le tour du monde pour tabasser des gens ?
Peut-être…