One-Punch Man pour les Nuls
Oui alors, donc, vous avez sans doute pas échappé à la sortie française du manga One-Punch Man qui est juste en train de tout exploser sur son passage: l’éditeur a du réimprimer des tomes en urgence à cause d’un risque de rupture (alors qu’il en avait imprimé 60 000 initialement, ce qui est déjà franchement pas mal), tous les médias en parlent (de France Info à Animeland en passant par Direct Matin) et pour être allé à une convention ce week-end, inutile de dire que OPM était sur toutes les bouches.
Mais du coup qui dit « succès » dit « tout le monde en parle. » Qui dit « tout le monde en parle » dit soit « magneto Serge » soit « y’a quand même des gens qui disent des bêtises dessus. » Et voir des gens qui disent des bêtises ou des inexactitudes, ça me rend un peu triste, donc soit je pourrais commencer à insulter tous ceux qui disent nawak, soit je pourrais essayer de corriger ces erreurs, très gentiment, avec beaucoup de pédagogie et d’humilité, tout en me caressant les tétons.
Donc on va récapituler, très rapidement, tout ce qu’il faut savoir sur One-Punch Man et essayer de corriger les petites erreurs habituelles qui tournent autour de cette série. L’article idéal à faire tourner à votre mère ou à votre collègue qui en a entendu parlé mais qui sait pas c’est quoi.
Ca raconte quoi ?
C’est l’histoire de Saitama, un mec qui rêvait de devenir un super héros et a réussi à devenir tellement fort qu’il détruit désormais tout d’un seul coup de poing. Du coup, il se fait un peu chier et, en plus, il vit dans un anonymat complet. Sa vie il la passe donc à scruter les meilleures soldes au supermarché du coin et à… se faire un peu chier.
Il va rapidement récupérer un « disciple », nommé Genos, et au bout d’un moment les menaces sur la Terre vont non seulement devenir plus impressionnantes mais en plus Saitama rejoindra l’ordre local des super héros avec pour ambition d’être reconnu un minimum par ses pairs. Spoiler: ça va être plus dur pour lui de trouver le respect que de battre des ennemis super balèzes.
C’est qui l’auteur ?
C’est déjà là que ça devient compliqué.
One-Punch Man est initialement un webcomic, un manga publié sur le net, écrit et dessiné par un japonais inconnu nommé ONE, et ce depuis 2009.
Et donc là vous vous dites: « Oh, donc l’auteur, c’est ONE, ça va, c’est pas compliqué. »
Oui… et non. Parce que l’oeuvre réalisée par ONE, elle ressemble à ça:
Tandis que le manga dont le premier tome est sorti en France la semaine dernière, il ressemble à ça:
« Ok, du coup ONE fait les brouillons et le dessinateur repasse derrière, c’est normal. »
Non parce que le webcomic original est sa propre oeuvre. Il sort au Japon sur le net, à part, dans son coin. Il ne sort même pas en volumes reliés ! A l’heure actuelle il en est à un peu plus de cent chapitres et il a trouvé un succès assez ouf avant même que le manga « actuel » soit réalisé.
Retournons quatre ans en arrière, on est en 2012 et ce webcomic un peu moche cartonne vraiment à fond sur l’Internet japonais. C’est à ce moment là que le dessinateur Yusuke Murata, connu pour l’excellent shonen de football américain Eye Shield21, s’approche de l’auteur pour lui dire « eh mec, c’est cool ton truc, ça m’inspire pas mal, je peux en faire une série ? » Ca passe bien et du coup, Murata va ensuite voir son éditeur, la prestigieuse Shueisha, pour lui proposer le projet. On pourrait croire que ça va finir dans le tout aussi prestigieux magazine Shonen Jump mais au final le projet est casé dans… la version numérique du Weekly Young Jump, le magazine seinen de l’entreprise. C’est un peu un placard mais on sait pas si Murata a choisi volontairement le format numérique ou si la Shueisha l’a mis là en mode « on s’en fous de son truc mais au pire, y’a une minuscule chance que ça lance enfin nos apps numériques dont tout le monde se fout. »
Dans tous les cas ce remake est crédité très différemment: ONE est considéré comme « l’auteur original » tandis que Yusuke Murata est considéré comme « l’auteur du manga. » Si ONE apporte ses idées, Murata va se réapproprier pas mal de l’histoire de base, au point d’en faire sa propre oeuvre via pas mal de petites modifications de ci de là (certaines bastons allongées, des scènes inédites, etc etc.)
DONC.
ONE est l’auteur original mais la version la plus populaire a pour auteur principal Yusuke Murata, assisté par ONE dont on ignore réellement le rôle exact dans ce « remake ». C’est pour ça que dire que One Punch Man est réalisé « par un inconnu » c’est compliqué parce que Murata est loin d’être si inconnu que ça, Eye Shield 21 a quand même connu un très gros succès au Japon et en Occident. Et que son rôle dans ce remake est quand même très important.
Pourquoi est-ce que ça a du succès ?
One-Punch Man est une oeuvre très méta dans son déroulement: elle joue beaucoup avec les codes des mangas « shonen » de baston qui ont été mis en place avec des séries comme Dragon Ball, Les Chevaliers du Zodiaque, Naruto ou Bleach. Donc déjà, de base, la série touche ce public – très large – qui va pouvoir retrouver une parodie efficace à la fois drôle mais très intense de ce qu’ils aimaient lire quand ils étaient plus jeunes. A ce titre, One-Punch Man va énormément plaire à un public qui commence à avoir un peu de bouteille en manga de bagarre et qui est en « manque » d’un truc qui va un peu plus loin que juste de la baston pour public adolescent (car il a vielli et est passé au délà des publics visés par les magazines shonens japonais, fort logiquement.)
Le second atout de One-Punch Man c’est que la série ne touche pas que ce public: avec son histoire simple, son héros hyper balèze mais loser (il perd ses cheveux, a un costume ultra ridicule, ne fait rien de ses journées et est préoccupé par les promos de son super marché entre deux lattages de monstres), son style visuel époustouflant et son humour ultra efficace, il peut être également mis dans les mains de n’importe qui. C’est une série ultra accessible parce que, finalement, ça parodie aussi les super héros américains et ça aussi ça cartonne pas mal en ce moment.
Troisième atout: c’est un manga qui dispose d’un excellent bouche à oreille et ce depuis le début. Les passionnés de mangas français parlaient déjà du webcomic en 2010/2011 avec un vrai enthousiasme ! Quand on a vu arriver les premiers chapitres par Murata, cet enthousiasme ne s’est qu’amplifié et jamais vraiment il est retombé car, avouons le, il est difficile de critiquer One-Punch Man. Y’a peu de voix dissonantes ou réservées sur le titre, et le seul défaut qui lui est reproché est le fait que malgré tout, ça ne reste « qu’un » manga de baston, qui ne va jamais vraiment plus loin. Certains trouvent le début un peu anecdotique mais dès que commence à s’installer les différentes histoires liées au groupe de héros, et l’évolution de Saitama dans les ranks, ce sentiment s’efface.
Enfin, quatrième atout: l’adaptation animée est très récente et est très réussie. Le studio qui s’en est occupé, Madhouse, a vraiment soigné son travail et a fait appel au gratin des animateurs japonais ou des réalisateurs pour l’occasion. Adaptation animée qui est disponible gratuitement et légalement en France chez l’éditeur, ADN, qui a fait ici le coup marketing de l’année.
Bon après l’enthousiasme autour de l’animé est allé très loin: par exemple les fans de la série ont fait en sorte de mettre la série n°1, par exemple, du top 500 des séries télévisée sur imdb. C’est un peu exagératif (on peut pas vraiment dire que One-Punch Man soit objectivement meilleur que des séries comme Breaking Bad ou Six Feet Under) et c’est plus les actes d’un fandom qui se fait un peu chier qu’autre chose mais ça témoigne, un peu, du genre de passion que peut créer la série. Il faut dire aussi qu’une partie du fandom s’est crée via 4chan, reddit ou 9gag, communautés qui connaissent peu… la modération.
En somme: oeuvre réussie qui dispose d’un excellent bouche à oreille + qui parle à un public très large, qui va des jeunes lecteurs fans de comics aux nostalgiques de l’époque Dragon Ball + adaptation animée réussie = succès
C’est vraiment le « meilleur shonen du moment ? »
Ca dépend de vos gouts mais moi je lui préfère My Hero Academia (qui sort en avril chez Ki-Oon.)
En vrai, fun fact: le Young Jump dans lequel est publié le manga bah c’est un magazine… seinen. Pour jeunes adultes. Evidemment, en France on perçoit pas cette classification de la même façon (au Japon c’est selon le magazine, en France c’est selon la volonté de l’éditeur.)
La phrase que j’aime bien dire en ce moment, en règle générale, c’est quelque chose comme « C’est le meilleur shonen jamais fait et je peux le dire fièrement, j’ai rien lu depuis Dragon Ball. » Mais c’est lié au fait que les personnes que je vois proclamer que One-Punch Man c’est le meilleur manga jamais fait sont souvent des gens qui sont très très attachés à Dragon Ball et, justement, sortent pas forcément des gros blockbusters mangas. Donc c’est une généralisation comme une autre, je fais mon gros élitiste snob bien sale là, faites pas attention.
Le plus important, au délà de ces petites phrases, c’est que One-Punch Man reste une très bonne oeuvre. Ouf.
J’ai vu ce gif ou le manga était mieux animé que l’anime…
Sur Twitter y’a eu ce gif qui a tourné, donc:
Yusuke Murata est donc un putain de dessinateur mais à coté de ça il essaie de plus en plus de faire de l’animation. C’est un kiff qui lui est perso.
Autre point important: comme je l’ai dit, le manga One-Punch Man est initialement publié dans un magazine numérique. Qui est lu sur ordinateur ou portable. Du coup Murata a réfléchi au support qu’il utilise et ça lui arrive régulièrement de faire des doubles pages qui se « suivent » et qui, si on les déroule très vite sur notre écran, donne l’impression d’une véritable scène animée. La scène qu’on voit dans le gif n’est qu’une seule parmi beaucoup.
Par contre, ce genre de petits délires visuels est plus difficile à retranscrire dans un tome relié: c’est pour ça que vous ne verrez pas la scène en question dans le tome relié, qui sera « simplifiée. » Car Murata retravaille le manga quand celui-ci passe du format numérique au format papier.
En somme la même scène peut être visible en quatre versions: la version originale de ONE, la version numérique de Murata, la version papier de Murata et la version animée de Madhouse.
Oui, y’a du boulot derrière tout ça.
Par contre, ceux qui disent « c’est la preuve que l’animé est nul, regardez, le manga anime mieux la scène », c’est un peu chaud parce que faire tourner une caméra autour d’un personnage c’est un truc qui, d’un point de vue animation, coûte super cher et demande énormément de moyens. Donc c’est un peu hardcore de sortir ça dans le cadre d’une série animée qui se doit d’ultra respecter son planning et son budget. Et en plus c’est nier un peu gentiment le reste de l’animé qui défonce quand même pas de bois. C’est pas cool de tout simplifier !
J’aime pas ce manga, comment je fais si je veux plus en entendre parler ?
OUPS.
Je suis désolé.
Essaie de trouver un bunker sans Internet ni contact avec l’extérieur pour au moins les cinq prochaines années.
Hop voilà, c’est un peu tout d’important qui me vienne en tête. N’hésitez pas à me corriger dans les commentaires si je me suis planté sur des trucs (ça serait con de faire un billet « récapitulatif » avec des fautes) ou à ajouter d’autres questions (ça serait con qu’il soit incomplet), en attendant, enjoyez vous bien. Maintenant j’espère que Straighten Up aura le même succès en France et ohlala laissez moi vivre dans le déni et l’espoir un peu trop exagératif.
4 commentaires
Gemini
S’il faut jouer les rabats-joie, je veux bien m’en charger. J’ai lu le début du manga, j’ai vu l’anime, et si j’ai trouvé l’ensemble sympathique, cela m’en a touché l’une sans faire bouger l’autre ; en tout cas rien qui ne justifie un tel succès (un peu comme Bienvenue chez les Ch’tis), sinon les designs des antagonistes, souvent de forte inspiration gagabalienne, que j’ai trouvé très réussis. Je n’ai rien contre l’humour méta, mais je trouve que l’ensemble tourne rapidement en rond. Surtout, Saitama résume assez bien les raisons pour lesquelles j’ai fini par me désintéresser des comics de Spiderman et des X-Men : tous ces personnages sont des perdants ! Ils peuvent bien faire tout ce qu’ils veulent, sauver la Terre autant de centaines de fois qu’ils veulent, jamais ils ne seront reconnus à leur juste valeur. C’est marrant un temps, métaphore de l’adolescence tout ça, mais bordel, cela fait 53 ans qu’ils sont dans cette situation ! Alors certes, Saitama n’a pas encore 53 ans de carrière derrière lui, par contre, j’ai 20 ans de Marvel Comics derrière moi, et même traité à la sauce manga, cela a fini par m’énerver.
Pegase
Je suis content que tu invite le lecteur à te corriger, parce que j’en avais envie, quitte à être super relou parce que c’est un détail.
« Retournons quatre ans en arrière, on est en 2012 et ce webcomic un peu moche cartonne vraiment à fond sur l’Internet japonais. C’est à ce moment là que le dessinateur Yusuke Murata, connu pour l’excellent shonen de football américain Eye Shield21, s’approche « , dis-tu.
Oui, sauf que non. En fait en cette belle journée de juin 2012 où le premier chapitre du remake de OPM est sorti, ONE et Murata se connaissaient et travaillaient déjà ensemble depuis un an (au moins), et avaient déjà sorti deux one-shots ensemble. Ils ont même ouvert un circle doujin ensemble en 2013, preuve que c’est pas juste une relation professionnelles, c’est des potos. J’en parle en long et en large dans un article sur mon blogue si tu veux en savoir plus sur ce qu’ils ont fait ensemble (https://margeraisonnablededeviance.wordpress.com/2015/12/13/yuusuke-murata-one-shot-man/, désolé de faire ma pub dans tes coms). Ou à la limite lis directement les one-shots en question, ils sont très bons et ça te prendre environ autant de temps. 😀
Qui plus est, je ne pense pas que Murata aie autant d’influence que ce que tu dis sur le scénario du remake, parce que c’est vraiment un pur dessinateur, il est infoutu de faire un scénario qui tient la route donc il travaille presque toujours avec un scénariste. Du coup je pense qu’il a appris à laisser ça entre les mains du scénariste, mais j’ai pas non plus de certitude, donc si t’as une source sur ce point, je suis intéressé.
Enfin, quitte à aller dans les détails, tu ne l’as pas précisé mais l’anime est en fait une adaptation des tankoubon, pas de la version numérique (puisque après tout, c’est fait pour faire la promo des tankoubon). Du coup, le combat dans les arbres, c’est pas parce que les animateurs étaient au bord du coma (enfin peut-être mais pas que), c’est juste le même que dans le manga physique, où la scène avait été réduite à une seule double page.
En tout cas, c’est une bonne idée de billet, j’ose espérer que les chroniqueurs culturels de France TV et d’ailleurs prendront leurs infos ici plutôt que d’essayer de deviner ce qu’ils ne savent pas. 😀
Yomigues
Rien à corrigier, juste une précision: lorsque Murata fait ses planches, il le fait parfois en ligne avec des internautes japonais. Du coup, les fans peuvent intéragir avec lui et leur donner leur avis sur tel ou tel dessin… C’est assez novateur pour être cité et surtout original.
J’ignorais que la version reliée était différente de celle du web, c’est dommage d’enlever les planches détaillées qui sont juste superbes.
Et j’ignorais que Murata se permettait ces libertés, mais ONE doit être au courant.
Bon article !
WnHtim
En parlant de OPM il se doit de partager cette vidéo de très bonne qualité http://youtu.be/i1vtai1iJv0