Granbelm – Lost & Damned
Granbelm est sorti cet été et ça pourrait être au final une de mes séries favorites de cette année, dans un classement personnel qui est un peu axé sur des choix « par défaut » tant 2019 m’aura pas fait tant vibrer le coeur que ça. Faut croire que Symphogear XV a pris toute ma passion et mon enthousiasme, n’en laissant pas un seul gramme pour le reste ! Mais du coup vous avez peut-être plusieurs questions, essayons d’y répondre le plus rapidement possible.
« T’as pas d’autres animés que t’aimes bien cette année ? »
Non, bien sûr, j’ai adoré Kimetsu no Yaiba, j’adore Stars Align, je suis méga fana de Vinland Saga, je prends du plaisir à mater les bastons de Fate/Babylonia et ok faut que je scrute le fond de ma mémoire pour me rappeler que j’avais bien kiffer Mob Psycho 100 au début de l’année mais si y’a du coup pas mal de séries que j’aime bien mater y’a peu de séries qui m’enthousiasment de ouf. Ca contraste avec une année 2018 où j’avais un ou deux coups de coeur par saison.
« Quoi t’aimes bien Granbelm ?«
Ouais j’ai bien aimé Granbelm.
« Pourquoi ? »
Bienvenue dans cet article !
« C’est quoi Granbelm ? »
Ah, oui, non c’est vrai qu’il faudrait commencer par ça. Allez, fin de la conférence de presse, présentons Granbelm et essayons d’expliquer pourquoi j’ai kiffé tout en essayant également d’expliquer pourquoi j’ai quand même du mal à le recommander parce que, vous allez le voir, c’est pas une série simple.
Donc déjà, le commencement: Granbelm est une série animée en 13 épisodes, commencée à être diffusée début juillet 2019. On le doit au studio Nexus, un studio relativement jeune, et la principale chose qui peut vous réveiller niveau staff c’est qu’on y retrouve pas mal de gars qui ont bossés sur Re:Zero – le réalisateur, le chara-designer, des animateurs…. Bref, c’est des mecs qui s’échauffent un peu avant de se lancer dans la saison 2, on comprends.
Granbelm ça va vous raconter une histoire entre plusieurs genres: on y suit une ptite lycéenne aux cheveux roses nommée Mangestu, qui est ce genre de meuf qui en chie à trouver un objectif à suivre dans sa vie. Elle sait pas trop en quoi elle est bonne, elle se trouve nulle en tout, elle arrive pas à se trouver une « spécialité » et du coup elle compense en essayant d’aider tout le monde, mais comme elle est pas très adroite, elle aide pas forcément tout le monde.
Son acte d’héroïsme quotidien c’est de ramener chaque jour à l’école des bentos pour toutes ses copines, afin de pouvoir nourrir tout le monde, mais même ça c’est autant respecté que la porte « Descente Uniquement Montée Interdite » à l’arrière des tramways parisiens parce que ses bentos ils ont un goût moyen. En somme, Mangestu elle est moyenne en tout, et ça la fait complexer, et elle cache tout ça sous un masque de bonne humeur et d’énergie. Cool.
Mais un soir elle va rester tard à l’école et là ça va commencer à être ce qu’on peut décrire facilement via le mot de « schbeul« . Le décor tout autour d’elle change, la lune prend une couleur cheloue et des meufs avec des pouvoirs magiques se battent tout autour d’elle avec des mini méchas aussi ronds que potentiellement léthaux. Bref, Mangetsu, autour d’elle, c’est le schbeul.
Quelques minutes plus tard, Mangetsu a survécue a tout ça, elle s’est au passage découverte elle-même des pouvoirs magiques qui impliquent qu’elle peut aussi conduire, telle une marionnettiste, son propre mini-mécha. Sur le papier, c’est pas une mauvaise nouvelle, sauf que écrit en petits caractères tout en bas, y’a un truc simple: « t’es mage, mais du coup tu dois te battre dans une giga battle royale entre mages. » Si tu gagnes ? Une force mystérieuse donne forme au voeu de ton choix. Comme dans Fate ? Oui, un peu comme dans Fate.
Mangetsu va donc se retrouve au milieu de cette battle royale, et va rapidement faire équipe avec Shingetsu, autre mage qui participe à tout ce schbeul (définitivement le mot-phare de ce pitch.) Mangetsu elle accepte volontiers ce duo parce que tout d’abord Shingetsu elle a la méga classe et semble vouloir prendre Mangetsu sous son aile avec une véritable bienveillance donc ça inspire confiance mais surtout parce que Mangetsu… bah elle sait pas trop ce qu’elle veut dans la vie. Elle a pas de voeu. Du coup son voeu c’est un peu d’aider Shingetsu à obtenir le sien sachant que bon le voeu de Shingetsu il déconne zéro: elle veut juste mettre fin au concept même de magie. Eh, viser gros plutôt que mourir petit.
Donc dans Granbelm on va suivre le duo de Shingetsu et Mangetsu qui vont essayer de survivre dans cette battle royale – qui est organisée au rythme d’un round par mois, à chaque pleine lune – pendant que le spectateur essaie de retenir qui est Shingetsu et qui est Mangetsu parce que damn, ces noms sont trop similaires pour pas être mélangés en permanence.
Vous avez peut-être un sentiment de tête qui tourne après ce pitch, parce que effectivement Granbelm a ce petit souci d’intrigue qui… semble un peu tout mélanger. Y’a des héroïnes qui semblent se transformer en magical girl sauf que leurs pouvoirs servent surtout à faire débarquer un petit mécha SD tout rond tout mignon (à la Tail Concerto ou à la Sakura Taisen, ce qui nous rajeunit pas), le tout dans une méga battle royale avec un voeu à la clé. Bref c’est plusieurs genres d’un coup et le milk shake que ça occasionne paraît peu attirant à la base. D’autant que Granbelm passe beaucoup de temps, dans ses premiers épisodes, à exploser longuement son univers et son lore, se perdant parfois dans des détails un peu insignifiants. Toi t’es là tu fais « wah, ok il est cool ton univers, tu l’as bossé, mais tu t’en sers quand ? » Après tout c’est pas pour rien que JK Rowling elle t’a tapé 3 paragraphes sur les sorciers qui font caca ailleurs que dans ses bouquins.
Et puis ouais y’a Mangetsu, et c’est pas une protagoniste facile à apprécier. Elle est très… classique. Au final très vite tu t’accroches à Shingetsu parce que des deux c’est elle la plus charismatique, celle avec le design le plus classe, la seule des deux qui a une vraie raison d’être dans cette battle royale, la seule des deux qui a des vraies relations avec les autres participants, la seule des deux qui brille en combat… Donc au bout du 4e ou du 5e épisode de Granbelm, tu te demandes vraiment pourquoi donc cette série s’est encombrée d’une protagoniste qui semble avoir rien pour elle, et semble prendre beaucoup trop de temps dans l’intrigue pour évoluer au ralenti.
Bref, j’en étais au genre cinquième épisode de Granbelm et je commençais à vraiment me forcer. Ça me semblait pas trop avancer, ça passait plus son temps à décrire son univers et à montrer ses règles qu’a vraiment raconter une histoire, j’étais un peu saoulé et à deux doigts de lâcher.
Sauf que, attendez, j’ai dit en tout début de l’article que j’avais beaucoup aimé Granbelm. Il s’est passé quoi ?
Bah, euh, tout simplement: un twist.
Je vais pas vous raconter ce twist maintenant parce que je veux pas particulièrement vous spoiler. Disons juste que la plupart des défauts prennent soudainement « sens. » Particulièrement le personnage de Mangetsu – le fait qu’elle semblait moyenne en tout, sans spécialité, sans envie particulière, bah juste ça c’était carrément un élément de scénario. Le personnage était pas construit « par erreur » comme il l’était, c’était parfaitement volontaire.
Et puis, à partir de là, ok, tu comprends aussi pourquoi on te décrivait tant l’univers parce que à partir d’un point charnière dans la série, l’univers ne sera plus tant construit que ça, c’est l’intrigue qui va décoller et être au centre de l’écriture. A partir de ce point, chaque épisode va être l’objet d’un ou deux gros rebondissements, les personnages vont évoluer tous très brutalement, et chaque acte aura de profondes conséquences. Y’aura des alliances, des trahisons, de la colère, de la tristesse, et les enjeux vont rapidement escalader pour faire en sorte que l’objectif de Shingetsu devienne de plus en plus dur à atteindre – bah oui tu veux détruire le système mais celui-ci va évidemment se défendre. Des choix devront être faits, des sacrifices vont suivre, en somme il y’aura de la peine et de la souffrance, et la fin voulue ne s’obtiendra pas sans ces épreuves.
Parfois les gens disent d’une série « oui mais attends ça devient bien à partir de tel moment » et c’est une défense qui est souvent maladroite. Au point qu’aujourd’hui c’est une défense moquée parce qu’il est attendu de tous et de toutes qu’une série soit parfaite dès le démarrage. C’est pas un état d’esprit que je trouve particulièrement intéressant ! On pourrait croire par exemple vu ma description que Granbelm est une série « qui devient bien à partir de sa moitié » sauf que si cette série devient bien dans sa seconde moitié c’est parce qu’elle a passée toute la première moitié à poser les bases nécessaires. Pas toujours de la manière la plus réussie, je vous l’accorde – les longs dialogues explicatifs ou les combats un peu lénifiants pour nous montrer les pouvoirs de chaque personnage restent pas toujours des moments agréables pour autant. Mais au moins l’intrigue et la série justifie et légitime ces moments un peu pénibles parce qu’ils permettent de complétement se laisser aller sur la partie où l’action va se déclencher. En gros t’as construit tes montagnes russes, t’as passé les six premiers épisodes à mettre au point les trucs chiants genre les normes de sécurité ou le design des wagons, mais ça veut dire que tu peux passer les sept suivants à te laisser porter par l’attraction que tu as construite sans la moindre inquiétude.
Alors après, quand je dis que la seconde moitié est vraiment bien, ne vous attendez pas pour autant à du révolutionnaire: disons juste que le rythme est bon, que l’écriture des personnages dans cette phase fait sens, que les combats sont riches en enjeux… En gros on a une intrigue très divertissante, très cohérente, avec ce qu’il faut de tragédie et d’espoir, ça marche bien et ça se mate tout seul ! Je me souviens encore avoir lancé l’épisode 7 après m’être reveillé de ma courte nuit dans l’avion Tokyo-Paris, et m’être enfilé cinq épisodes d’un coup tant les rebondissements et le suspens donnait envie de rester.
Tenez, y’a toute une histoire secondaire dans Granbelm autour de Shingetsu et son ancienne amie d’enfance, Anna.
C’est ptet une histoire plus intéressante que l’histoire principale avec d’un côté Shingetsu, jeune fille « aimée » par la magie, aux pouvoirs sans égaux, et en face Anna, qui a été rapidement mise dans l’ombre de son amie et en tire une véritable jalousie. C’est une histoire d’orgueil et d’envie relativement simple, avec Shingetsu qui essaie de calmer le jeu mais Anna qui se laisse de plus en plus dévorer par ses sentiments négatifs, d’autant que certaines révélations vont être pour elle un gang bang de claques dans la gueule. En somme, Anna c’est un perso tragique, échouée dans une spirale destructrice, et qui va exploser dans tout ça. Cette intrigue elle est parfaite parce que non seulement ça donne lieu à des scènes fortes, que ce soit en terme d’action (l’affrontement final entre Anna et Shingetsu est peut-être le meilleur combat de la série) ou d’émotions mais en plus elle est importante d’un point de vue construction de l’univers parce que ça te permet de bien comprendre pourquoi Shingetsu veut retirer la magie de l’existence humaine: parce que de multiples personnes comme Anna en sont victimes !
D’autres personnages brillent à fond dans cette seconde moitié, comme Suishou. Personnage qui dans le début de la série semble juste vaguement mystérieux: elle sert Anna mais tu sens qu’elle cache énormément de choses, qu’elle a l’air bien plus puissante que sa maîtresse et y’a deux-trois moments où elle semble prendre plutôt à la légère tout ce qui l’entoure. Bref, twist-qui-en-est-pas-vraiment-un: elle joue un rôle central au bout du compte. Après tout, Shingetsu veut défoncer le système, il lui fallait un antagoniste qui lui voulait tout faire pour le défendre. Sauf que le système est tellement pourri que le personnage lui-même ne se rend pas compte qu’il est manipulé par le système qui lui fait miroiter des choses impossibles… Dans une série où les héroïnes conduisent leurs méchas comme des marionnettistes manipulent leurs jouets, le symbolisme ne passera pas inaperçu.
Bref, Granbelm est une bonne surprise. Mais comme j’ai dit plus tôt, j’ai du mal à la recommander avec un véritable enthousiasme parce que y’a vraiment une première moitié qui, même si elle a des intentions claires, peut faire office de mur. Pourtant pas déplaisant, mais pas vraiment passionnant. Mais nécessaire. Par contre la seconde moitié est une vraie bonne ligne droite, avec une intrigue maîtrisée, qui raconte tout ce qu’elle veut raconter de manière réussie. Les auteurs de la série ont racontés en interview que pour eux Granbelm était un « petit projet » avant tout crée pour faire vivre leur jeune studio naissant. C’est amusant parce que la morale de l’histoire c’est que ce petit projet a mine de rien mieux su trouver sa direction et raconter son récit que certains autres blockbusters !
Et plus loin, Granbelm c’est un peu ce genre de petit projet original sans vraies grandes ambitions qui fait un peu de bien entre une adaptation de manga à succès et une adaptation de light novel à succès. Parfois, dans leur coin, y’a encore des séries qui débarquent pour juste raconter une petite histoire et faire leur truc de leur côté. Je sais pas si économiquement ça tient debout – j’ai pas pensé à regarder les ventes, et les goodies Granbelm étaient assez durs à trouver dans les Animate quand j’étais au Japon en septembre – mais c’est une petite bulle fraîche bienvenue.