Films sur des films
Je me suis dit en ce début 2022 que j’allais essayer de mater plus de films d’animation, et retrouver un peu – en moins frénétique – le rythme que j’avais en 2018 où j’en avais maté presque une centaine. A la fois parce que j’ai encore beaucoup de films que j’ai en stock et que j’aimerais regarder, mais aussi parce que de temps à autres faut quand même que je me rappelle que si j’aime les séries animées, ça reste au final pour le format film que mon cœur est le plus ouvert. Et le hasard a voulu que j’ouvre cette année avec trois films récents et trois films qui, chacun à leur façon, parlent… de films.
Ce n’est pas si surprenant car fatalement le méta est la tendance du moment, et même les plus grands blockbusters s’y mettent: j’ai aussi pu voir à deux reprises Matrix Resurrections qui dédie une grande partie de ses 2h30 à commenter sur l’impact de la trilogie originale et sur l’absurdité qu’est l’idée même d’y apporter une suite 20 ans plus tard, tout comme Spider-man Far From Home compile 20 années de films Spider-man au sein d’une même narration, offrant même l’opportunité pour le Peter Parker de The Amazing Spider-man d’enfin expier pour les erreurs qu’il a pu faire lors de sa propre série de films. Le cinéma a toujours été un art qui aime parler de lui-même, mais il le fait de plus en plus d’une façon assez explicite, comme si il aimait de plus en plus faire prendre conscience au spectateur… qu’il regarde un film, et que ce film existe au sein d’un environnement, d’une industrie. C’est comme si l’industrie du cinéma voulait avant tout attirer l’attention sur elle-même, pas sur ce qu’elle raconte. Ca peut parfois être malin, ça peut parfois être très lourdingue, c’est comme tout: ça dépend du talent de ceux qui s’emparent de ce type de sujet, et de ton.
Donc bref, voilà trois films animés que j’ai beaucoup aimé, qui sont très récents, qui tous les trois ont un ton un peu méta, et qui sont… euh… tous les trois pas disponibles en France. Y’en a un je pense qu’il sortira jamais chez nous, y’en a un je pense qu’il a ses chances et le dernier je pense que c’est du 50/50. Bref, voilà le moment où Néant Vert reparle de trucs pas forcément très accessibles dans l’immédiat. Let’s go les amis ! Et évoquons donc directement Revue Starlight le film.
Shoujo Kageki Revue Starlight est donc initialement une série sortie durant l’été 2018, et que j’avais adoré au moment de sa diffusion. Mettant en scène neuf élèves de l’école la plus prestigieuse en matière de Takarazuka (art théâtral japonais intégralement féminin, fusionnant jeu, danse et chant), élèves qui devaient se battre pour le rôle principal de leur pièce, Starlight, un combat aussi bien figuratif que… littéral, puisque toutes les nuits elles se combattaient en duel à l’arme blanche, sous le regard d’une girafe particulièrement mystérieuse. Ça durait en tout douze épisodes, les combats étaient époustouflants, le développement des personnages bien réalisés, et tu sentais une inspiration très claire des œuvres de Kunihiko Ikuhara (Utena, Penguindrum), dont beaucoup de ses disciples étaient à des postes hauts placés sur la fiche de staff de la série – ce qui explique un ton souvent surréaliste, un goût pour l’absurde rempli de sens et une frontière toujours fragile entre le réel et le factice.
Mais au delà de ses qualités concrètes d’oeuvre, Revue Starlight se révélait déjà être également un commentaire sur le Takarazuka et, plus globalement, sur les arts collectifs et leurs pratiques. Car au final, ce qu’on suivait surtout dans Revue Starlight c’était neuf héroïnes qui se battaient entre elles pour obtenir le premier rôle, devant une girafe ravie de ces combats internes car pendant ce temps elles ne pensaient pas à se battre contre le système qui les forçait à se combattre en premier lieu. Car le Takarazuka, c’est une histoire, c’est des traditions et c’est des codes bien particuliers, qui enferment les actrices dans des rôles pour l’ensemble de leur vie. Les stars restent des stars, les seconds rôles des seconds rôles: rien ne change, rien ne bouge, le status quo est savamment maintenu. Heureusement, à la fin de la série, ce status quo est brisé par une héroïne qui veut redynamiser les choses, changer les codes et briser le prévisible pour, peut-être, apporter un nouveau vent. Et retrouver le cœur de sa petite amie au passage, tant qu’à faire.
Comme souvent, un film a rapidement été annoncé après la série, ce qui m’avait un peu surpris car la série se suffisait du coup amplement à elle-même – elle avait bouclée son histoire en douze épisodes, n’avait laissé aucune question en suspend et avait terminé le développement de chacun de ses personnages. Il n’y avait, en théorie, plus grand chose à dire sur Revue Starlight et je m’attendais, du coup, à voir débarquer un film recap bête et méchant. Ce qui est arrivé début 2020 avec Rondo Rondo Rondo qui était bien le film recap que j’avais prévu. Sauf que celui-ci a été suivi, un an plus tard, par Revue Starlight Movie. C’est le nom: Revue Starlight Movie. Et ce « movie » est pas là par fainéantise. C’est un film.. et il le sait.
Mais, avant tout, c’est donc une suite à la série ! On est un an après, nos héroïnes se préparent à quitter leur académie et doivent décider où elles iront et ce qu’elles feront du reste de leur vie. Mais un élément impromptu va les forcer à reprendre le combat… en wide screen baroque ! Un combat non plus pour être la star de leur génération, mais bel et bien un combat pour déterminer leur avenir, pour se convaincre elles-mêmes, et les autres, de l’avenir qu’elles souhaitent tracer et retrouver.
Comme la série, c’est du surréalisme à plein tube. Le terme « baroque » n’est pas usurpé, tout continue à se faire par le biais de symbolisme brut, de métaphores filées et exagérées. Tout est théâtral, grandiloquent: les combats font appel à des décors humainement impossibles à créer, le design est globalement léché, les dialogues sont lourds en sens, les animations sont soignées, exagérées, le mouvement étant au service du ton et de l’ambiance. C’est un trip artistique pur et simple, qui est mis au service d’un développement complémentaire de chaque duo de la franchise. Maya et Claudine, Nana et Junna, Kaoruko et Futaba, Karen et Hikari (feat. Mahiru): partons explorer les dynamiques crées par la série originale et essayons de voir comment ces dynamiques de couples peuvent être exploitées et encore étendues.
Quelque part c’est exactement ce que j’attends d’un film voulant faire suite à une série qui aurait pourtant déjà tout dit: comme un Madoka Magica Rebellion ou un The End of Evangelion, on apporte des propos complémentaires, on développe de nouvelles idées, on n’annule pas ce que racontait la série originale et on tire parfaitement profit du nouveau format pour s’offrir de nouvelles ambitions. Car ce film Revue Starlight est tout simplement somptueux: au délà de son usage un peu « petit malin » du format cinéma, les combats y sont encore plus époustouflants que dans la série, que ce soit en terme de décors, d’animations, de design, de chorégraphie ou même de musique. C’est en quelque sorte la quintessence et l’apogée des qualités de Revue Starlight qui nous sont exposées ici.
Je suis dithyrambique sur les combats parce que c’est clairement parmi les meilleurs que j’ai pu voir dans toute l’animation japonaise, et je pense que toute ma vie je vais la passer à me remater régulièrement le premier combat… mais tout le reste du film est très solide ! Il m’est cependant moins facile de prévoir si ça va autant faire mouche, car autant je pense que n’importe qui pourra kiffer les combats, autant toute l’intrigue du film reste avec ce ton surréaliste dont j’ai parlé plus tôt, où tout est évoqué par métaphores et symbolismes divers, donc même si y’a des éléments explicites (elles doivent choisir leur avenir, et elles se questionnent sur si c’est bien nécessaire de reprendre des combats qu’elles pensaient déjà terminées), il peut aussi être facile d’être largué ou saoulé par le fait de pas tout comprendre. Le film reste assez clair sur ses intentions, et le message reste assez limpide, c’est dans les détails que ça va être un peu tendax donc ça dépendra de votre tolérance à laisser passer les choses si vous les comprenez pas forcément immédiatement. Comme à l’époque de Ikuhara, c’est beaucoup de compréhension qui se fait inconsciemment, mais j’avoue que perso ça fait partie d’un de mes plaisirs d’essayer aussi de décrypter pendant le film ce qu’il veut dire via ses plans et ses symboles.
Et damn, qu’est-ce qu’il y’en a des plans et des symboles cools, haha.
Encore une fois, c’est vraiment le genre de film et de franchise que je kiffe grave parce qu’il me paraît calibré et étudié pour mes goûts personnels. Des combats extravagants dans le milieu du théâtre ? Le réel et le faux qui se battent en duel ? Des personnages qui se battent en chantant ? Des héroïnes cools ? Des dynamiques de couple ? Une narration tout en plans stylés et en symbolisme mystérieux qui me donne parfois l’impression d’être pas trop con ? Allez, je vous en prends 10kg, ça me fera une réserve pour l’année.
Après, évidemment, revers de la médaille: c’est clairement le genre de film qu’on verra jamais officiellement en France. La série avait déjà été boudée à l’époque par les simulcasteurs français (entre autres parce que la licence mondiale avait été prise par HlDVE) et le film est encore annoncé nulle part en Occident. Le mobage a un succès très mineur dans nos contrées, et comme c’est une franchise un peu liée à l’ogre Bushiroad, ça peut être beaucoup de prises de tête un peu inutiles. C’est une œuvre un peu condamnée à être difficile d’accès, ce qui est pas non plus illogique compte tenu du fait que, de base, c’est une oeuvre difficile d’accès: surréaliste, symbolique et centrée sur le Takarazuka, qui est un art assez peu connu et respecté en Occident ? Oh boi, toi tu vas avoir que 15 fans en France.
Ca m’attriste évidemment un peu, mais eh, c’est la vie. Tout n’est pas voué à être ultra-populaire, et je vous recommande toujours dans tous les cas de vous débrouiller pour voir Revue Starlight. La série puis le film. C’est vraiment deux œuvres avec une très forte personnalité, donc n’hésitez pas à les expérimenter !
Forte personnalité, du coup, comme le possède également Pompo the Cinephile.
Là on est explicitement dans un film qui parle de comment on fait des films puisque dans ce film adapté d’un webmanga pixiv on va suivre un jeune homme, Gene Fini, qui se retrouve propulsé par sa productrice, la Pompo du titre, a la tête de son premier film en tant que réalisateur. Et pas n’importe quel projet puisque ce film marque le retour d’une énorme star du cinéma, donc les attentes sont fortes ! Sachant que la vraie pression que ce réalisateur va subir ne sera finalement pas les attentes de sa productrice ou du public… mais ses attentes personnelles, et son perfectionnisme qui va l’amener dans une quête désespérée du cut parfait.
Film qu’on doit au tout jeune studio CLAP, et film surtout réalisé par l’excellent Takayuki Hirao, un talent issu du ufotable des débuts, dans lequel il aura alors supervisé l’aspect technique du très bon Manabi Straight mais surtout dirigé le cinquième film Kara no Kyoukai. Mais si vous savez, le film Paradox Paradigm, celui avec un mystère chelou dans un immeuble, le meilleur film de la franchise, celui-là lààà. Depuis qu’il a quitté ufotable, le bougre était un peu plus discret, collaborant souvent avec le réalisateur Tetsuro Araki, storyboardant du coup quelques épisodes de l’Attaque des Titans ou de Kabaneri, mais Pompo marque bien son retour à la réal depuis God Eater en 2015. Et on dirait qu’il a des choses à dire sur son métier, et l’adaptation de ce web-manga va lui permettre de s’exprimer complétement !
En 90mn, le film va donc essayer de nous raconter la conception d’un film, mais aussi essayer de nous adresser le rapport très personnel que Pompo et Gene ont avec le cinéma. Car si les deux s’embarquent dans la conception d’un « grand film », qui serait aussi populaire auprès des critiques que du public, ce sont deux personnages avec un rapport très différent au cinéma, la productrice étant plutôt fana de série B et le réalisateur plutôt fan de grands chefs d’oeuvre fleuves ! L’occasion par moments de disserter sur le cinéma et sur la manière de raconter une histoire, mais aussi de voir comment ces deux conceptions à priori extrêmes peuvent se retrouver pour créer une oeuvre « ultime. »
Si une partie du film est donc dédié à l’écriture, au tournage et à la réalisation, le film n’oublie pas également que l’argent fait tourner le monde et met une emphase assez particulièrement sur le financement, sur les contraintes pécunières qui pèsent réellement sur un long-métrage et le rôle des producteurs dans la recherche des quelques deniers qui peuvent manquer. Une des scènes les plus longues (et étrangement peut-être celle que j’aime le moins) du long-métrage se déroule ainsi dans une réunion banquière, marquant le fait que le cinéma est certes là pour créer du rêve et raconter des histoires, mais qu’il est aussi une industrie, avec ses exigences financières.
Bref, on fait plutôt bien le tour des questions « pourquoi créer un film » et « comment créer un film », mais aussi… « comment monter un film » ?
Le film se divise globalement en trois actes, et mine de rien le plus important – et celui qui est le plus développé par rapport au manga original – est bien le troisième et dernier acte, qui se concentre sur l’après tournage. Souvent la phase la plus oubliée des films qui parlent de comment on fait du cinéma, le film essaie donc pendant un tiers de film de réhabiliter l’art souvent trop sous-estimé du montage. Car si le tournage a eu ses difficultés et ses moments de grâce, le vrai moment qui compte réellement sera sur comment le réalisateur et le monteur vont exploiter les heures de film qu’ils ont en stock pour raconter exactement l’histoire qu’ils voulaient initialement raconter. Et cette phase… elle est compliquée ! Notre héros va se retrouver face à des choix difficiles à faire, à des dilemmes et même se retrouver à quasiment réecrire le film alors même qu’il a été intégralement tourné. C’est là que son obsession du cut parfait va le dévorer, le détruire mais aussi le forcer à prendre des paris extrêmement risqués pour essayer d’obtenir le film qu’il veut exactement avoir.
Bref c’est pas tous les jours que je vois un film rendre le fait de passer des heures sur un logiciel de montage comme quelque chose de super intense et de super épique, et le moi qui a passé un mois entier sur Vegas en ce début d’année s’identifie du coup étrangement bien au pauvre Gene et à ses remords à l’idée de devoir supprimer du banc de montage des scènes qui lui sont importantes mais qui engraissent un film plus qu’ils le nourrissent.
Derrière tout ça, Pompo est au final aussi un film qui porte une sorte de message en faveur de la brièveté. Dans une époque où le moindre blockbuster exige désormais 2h30 de notre attention, voilà ce petit film d’animation de 90mn qui dédie une longue partie de son propos au fait que, eh, la recherche de la concision c’est pas un mal. Et c’est une leçon qu’il s’applique à lui même, le film lançant ses crédits de fin à 1h29 et 55 secondes ! Cela n’empêche étrangement pas le film d’avoir une scène un peu trop longuette dans le dernier tiers (la scène dans la banque m’a semblé durer beaucoup trop longtemps) mais si on excepte ce petit passage, j’ai été épaté par le dynamisme et la fluidité globale du récit. Faut dire que c’est là aussi techniquement vraiment bien réalisé: les couleurs sont très belles, les designs des personnages sont ultra jolis, y’a énormément de superbes plans, et globalement l’animation des personnages et des actions amène vraiment constamment du mouvement. C’est un film sur le cinéma qui n’a pas oublié qu’il était lui aussi un objet de cinéma, donc il s’amuse énormément !
Donc dans l’ensemble, ouais, le film est très bon et fera passer un excellent moment à de nombreuses personnes parce que c’est clairement un film sur le cinéma qui s’adresse à un public qu’il veut le plus large possible. Même si les cinéphiles sauront mieux compatir avec les difficultés de Gene ou les goûts particuliers de Pompo, le grand public saura trouver dans Pompo une jolie histoire d’un réalisateur obsédé par la création du film parfait, entouré par un casting de personnages tous aussi sympas les uns que les autres qui vont le soutenir dans cette quête qui est toujours à la limite de l’auto-destructeur. C’est plein de bons sentiments, on y apprend des choses, ça nous fait un peu réflechir sur la manière de concevoir et ça permet de mieux se rendre compte des efforts que demande le moindre film.
Bref un film cool !
Mon seul vrai regret (à part la scène de la banque) (encore une fois) (jamais deux sans trois) c’est que finalement la Pompo du titre… apparaît pas tant que ça ! Cette gremlin-productrice vole néanmoins chaque scène dans laquelle elle apparaît, que ce soit via ses petites mimiques ou bien même sa voix toujours difficile à éviter. Le fait qu’elle soit doublée par la fantastique Konomi Kohara (Chika dans Kaguya-sama, Lala dans Star Twinkle Precure), spécialiste des personnages comiques et exubérants, aide énormément à ce qu’elle capte l’attention mais si jamais on devait nous offrir un second film dédié à Pompo et sa carrière dans les films B, moi je serais d’accord !
Du coup, je suis surpris que le film ne soit pas encore annoncé pour la France ! Surpris parce que si y’a bien un pays dont la culture cinéma est de kiffer les films qui parlent de film, la France est sans doute en tête, un peu devant les Etats-Unis. Ce serait le genre de film que je vois étrangement bien dans la ligne édito de Eurozoom même si je perçois un peu les difficultés à éventuellement le vendre – je sais pas combien de personnes iraient voir un film à priori centré sur une gamine qui aime le cinéma, haha. Mais bon, j’ai étrangement espoir pour ce long-métrage, que là aussi je recommande pas mal !
Comme je recommande pas mal Looking for Magical Doremi, que je viens tout juste de regarder !
Point important que je dois dire dès maintenant: je n’ai jamais vu Dorémi Magique ! J’étais déjà trop grand pour regarder les dessins animés à la télé ! Du coup je matais pas Doremi sur la 5 ! Du coup je suis allé mater ce film en ayant que très peu de connaissances sur la série, tout au mieux je connais sa valeur historique (le nombre de saisons qu’elle a eu, son impact commercial et populaire, l’héritage qu’elle a créée et que Precure va récupérer, etc) ce qui est, vous l’avouerez, un peu insuffisant à priori pour mater un film Doremi moderne.
A priori !
Car le film est surtout dédié justement… à la valeur historique de Doremi. A son impact commercial et populaire. A l’héritage qu’elle a créée. Car on y suit pas vraiment les aventures de Doremi et ses amies. Celles-ci n’apparaissent même qu’une minute à peine dans tout le long métrage ! Car en fait on va suivre trois jeunes femmes qui ont des problèmes dans la vie et se rencontrent… parce qu’elles sont toutes les trois fans de Doremi.
La première est une femme de 22 ans qui se prépare à s’engager dans une carrière professionnelle pour laquelle elle ne se pense pas vraiment douée, la seconde a 19 ans et est bloquée avec un mec toxique qui l’empêche de s’épanouir dans ses projets personnels, enfin la troisième a 27 ans, et se fait humilier en permanence par ses supérieurs hiérarchiques masculins qui sont bien contents d’exploiter ses talents mais seraient encore plus heureux si elle pouvait se taire. Les trois ont des soucis, les trois ont découvertes Doremi de manière différente (l’une en live à l’époque de la division, l’autre via les DVD, la troisième via le streaming), les trois vont se rencontrer, très vite devenir amies, et s’aider mutuellement à déjouer ces petits problèmes que la vie leur a mis dans les pieds. Et peut-être que la magie de Doremi peut également leur venir en aide ?
Au délà d’invoquer l’esprit de Doremi, le film invoque également une partie du staff de l’époque: on retrouve ainsi Yoshihiko Umakoshi au chara-design et à la direction de l’animation, mais aussi et surtout le réalisateur des séries originales, le très vénérable Junichi Sato (aussi connu pour avoir réalisé les premières saisons de Sailor Moon, Aria ou l’excellent Hugtto Precure) qui va être accompagné pour l’occasion d’une seconde réalisatrice, Yu Kamatani, qui a jusqu’ici surtout travaillée sur la franchise Precure en réalisant des épisodes. Mais c’est un des talents les mieux gardés de la Toei, qui aura par exemple réalisé un des meilleurs épisodes de Hugtto Precure (tiens tiens.) Bref, on est dans un staff entre tradition et modernité, et qui aura eu le bon goût de trop éviter de se ramener avec un boy’s club pour raconter ce qui est avant tout une histoire de femmes.
Au final l’angle de ce film c’est un choix plutôt malin et pas si risqué: le public de Doremi étant désormais trentenaire (ou presque), le film est donc avant tout centré sur des thématiques clairement trentenaire-core. Trouver sa place dans une société qui a eu le temps de nous désillusionner, réfléchir sur comment quand même parvenir à changer le monde malgré les obstacles posés par les générations antérieures, savoir quoi faire de sa vie, retrouver sa confiance en soi, picoler entre amies en se remémorant les bons souvenirs de ce qu’on aimait quand on était gosse: même si vous n’avez jamais vu un seul épisode de Doremi, tant que vous être trentenaires y’a de fortes chances que vous vous identifiez à une des trois héroïnes car vous aurez certainement été confronté au même obstacle que l’une des trois.
Sachant que ok, du coup, sur le papier ça fait très « film de célibattante » assez classique, mais ici faut rajouter tout le style visuel des vieilles séries Doremi qui vient dire bonjour pour accompagner le récit ! Donc ça veut dire plein de personnages qui tirent des tronches débiles, des animations rigolotes quand les personnages sont gênés et des couleurs partout, histoire de faire plaisir aux yeux. Des propos pour les trentenaires, avec le style visuel qu’ils kiffaient certainement quand ils avaient dix ans: le hold-up est finement pensé !
Du coup, oui, le film m’a un peu ému sur sa fin ! Et en même temps, il m’a parlé ! Je veux dire, j’ai quitté mon taf y’a quinze jours pour partir à la recherche d’une nouvelle carrière et, quelque part, d’une nouveau départ professionnel. Ça a été une décision certes longuement murie, et qui me fait déjà du bien, mais cela faisait neuf ans que j’étais au sein de l’entreprise en question, donc ça fait quand même bizarre d’en partir et je peux pas m’empêcher d’être un peu effrayé par la nouvelle routine qui va arriver. Du coup, voir dans ce contexte ce film Doremi qui parle de jeunes femmes qui vont partir à la recherche d’un nouveau départ pour enfin faire ce qu’elles veulent vraiment faire, bah ça me parle.
Tout comme me parle aussi le fait que le film développe un message sur la nostalgie assez positif sans être naïf. Ici la nostalgie que les héroïnes ont pour Dorémi Magique est quelque chose d’assez sain: c’est ce qui leur permet de nouer des liens avec d’autres personnes, et c’est les messages forts que la série a su porter qui vont les influencer et les amener à s’améliorer. Pas d’attachement nocif à la série, pas d’obsession malsaine pour la figure de Doremi ou de stagnation mentale à l’époque de la diffusion, pas de « c’était mieux avant, à l’époque de Doremi », non juste trois femmes qui adorent toujours une vieille série, et savent en tirer le meilleur. C’est une vision de la nostalgie qui me parle bien, et qui me paraît assez salvatrice surtout venant d’un film qui, honnêtement, mise aussi sur la nostalgie que son auditoire a pour Doremi.
Non, vraiment, le film a fait le bon choix de rester accessible et de porter un message universel, c’est vraiment top.
Après évidemment le film est pas exempt de défaut, par exemple y’a des tics de réalisation de Junichi Sato qui ont un peu vieillis et qu’il est un peu étrange de voir dans un film cinématographique: l’usage de petites scènettes en super-deformed coupe parfois un peu brutalement le rythme. C’est des scénettes qui seraient passées sans soucis dans des séries mais qui en film… fait un peu bizarre. Dans l’ensemble, rien de dramatique, le rythme global du film reste bien fichu et l’heure et demie passe quand même assez vite, mais y’a quelques tics de série télé qui viennent quand même s’immiscer !
L’autre petit défaut que je citerais est que l’équilibre entre les trois héroînes est pas forcément optimal: si Mire et Reika s’en sortent très bien avec leurs histoires personnelles et la relation qu’elles tissent l’une avec l’autre, le personnage de Sora paraît un peu en retrait. Elle est un peu plus absente du film que les deux autres, pèse « moins lourd » sur les histoires personnelles de ses deux comparses et le film est obligé de lui flanquer une petite amourette en dernière partie de film pour essayer de dynamiser son développement. Amourette que j’ai pas forcément toujours très bien compris, pour être honnête ! Néanmoins, sa conclusion est plutôt jolie, donc comme quoi parfois la destination compte… autant… que le voyage, j’imagine ?
C’est vraiment les deux seuls petits trucs que je pourrais reprocher au film qui, dans l’ensemble, m’aura fait passé un bon moment et m’aura vraiment pas mal parlé. J’aime vraiment bien tisser des liens personnels avec des œuvres de fiction, décidément !
Là aussi, d’ailleurs, film encore non accessible en France. Techniquement il a été diffusé lors du festival d’Annecy 2021 mais pas de nouvelles d’une distribution quelconque. C’est le genre de film que je pourrais voir distribué directement en DVD / BR mais je vois pas un éditeur le faire sans en même temps en profiter pour ressortir la série originale (dont les dernières éditions françaises datent d’il y’a vingt ans.) Je sais que Doremi a quand même encore une petite place chez quelques français et françaises donc, eh, c’est pas improbable !
Tout cela étant dit, voilà un peu pour ce tour cinéma de mes derniers visionnages en date ! Une grande thématique méta en commun et j’espère que vous m’excuserez pour le petit mensonge que je vous ai fait puisque Looking for Magical Doremi n’est pas un film qui parle de film mais un film qui parle d’une série télévisée. Mais c’était chiant de faire une intro si je devais dire « deux films qui parlent de films et un film qui parle de série. » Du coup, voilà. Le blogging, comme le cinéma, ça reste aussi l’art de mentir donc eh c’est dans l’ADN de cet article, non ?
Un commentaire
red
>en live à l’époque de la division
« Diffusion » je présume?