Plus Love Live est con, plus Love Live est bon
Love Live va fêter en 2024 ses 14 ans, ce qui à l’échelle de la pop-culture d’aujourd’hui en fait une sorte d’ancêtre vénérable, un pilier fondateur qui commence à être respecté plus que regardé. Il faut bien avouer que, vu de l’extérieur, il paraît clair que son âge d’or se soit terminé il y’a quelques années déjà.
L’époque où les neuf héroïnes du groupe µ’s semblaient omniprésentes au sein de la culture otaku paraît avoir eu lieu il y’a une éternité, et aucun des groupes suivants ne semble avoir atteint une aura similaire. Malgré des expérimentations et des animés toujours mieux produits, chaque nouvelle génération semble moins populaire que la précédente – même si on reste sur des trucs qui marchent tout de même suffisamment bien pour ne pas que la licence s’éteigne. Mais des fractures apparaissent: là où Love Live avait été un leader incontestable dans le monde très fermé des jeux de rythme sur mobile via son School Idol Festival, qui aura duré presque dix ans, aujourd’hui la franchise peine à s’imposer sur ce terrain, arrivant même à des situations absurdes comme un School Idol Festival 2 débranché au Japon après à peine une année, sortant malgré tout en février une version internationale… dont la fin est déjà annoncée pour mai.
Love Live est donc dans cette situation assez étrange où elle marche toujours suffisamment pour bénéficier d’importants moyens, mais n’a plus l’hégémonie culturelle qu’elle avait auparavant. La franchise n’est plus la numero uno, mais reste une des plus importantes sur son marché, et conserve l’ambition de vouloir continuer à peser. Ce qui fait qu’elle continue à générer beaucoup de contenu, dont certains… tentent clairement des choses.
Bref, toute cette intro buisness et sérieuse pour vous parler du groupe Aqours transformé en Lego façon Roblox.
Ca vient tout droit du clip de Waai WaiWai WaiWaiWai, chanson composée par un certain Hyadain (oui, le gars des génériques de Nichijou, aussi compositeur de mille autres trucs cools.) Le clip est sorti aujourd’hui, je l’ai maté et aussitôt je me suis rappelé d’un truc: wah, Love Live maîtrise vraiment bien la connerie. Entre les trois héroïnes faisant de l’Enka surjoué, les poses de Sumo, les Tanoshi chanté avec un air de surprise exagéré, les héroïnes en 3D Lego ou bien les transformations en petit singe dansant, on est face à quelque chose qui mélange les couleurs et les formes au service d’une chanson débilement entêtante.
Bref, une nouvelle expression de la tendance de la franchise à parfois être un peu couillonne !
Car je peux vous dire avec une certaine forme de fierté que j’ai vu toutes les séries Love Live jusqu’ici. Et en l’état si je devais retenir quelque chose de la presque centaine d’épisodes que j’ai vu, c’est que la force de la franchise, à mes yeux, n’est ni dans ses chansons, ni dans ses personnages, ni dans son intrigue… mais dans son humour. Moins Love Live se prend au sérieux, mieux le visionnage se passe.
Ainsi, la première saison de la série originale était au mieux sympathique, mais ne décollait jamais réellement, et étirait même en fin de saison une intrigue dramatique pas très passionnante. La seconde saison, au contraire, se saisissait au mieux des bases posées et, libéré de la nécessité d’avoir des enjeux dramatiques élevés, commençait à baser ses épisodes sur des situations plus légères, laissant plus de place à l’humour. C’est dans la seconde saison que Honoka et Hanayo deviennent potes de régime, que Maki laisse glisser le fait qu’elle croit toujours au Père Noël, que Umi apprend la nullité de sa pokerface, sans oublier l’épisode où µ’s essaie de « renouveler son style » ce qui implique des situations comme voir les héroïnes essayer d’échanger leurs caractères entre elles ou se déguiser en groupe de glam-rock pour terroriser leur école.
C’est à partir de là que Love Live va trouver son ton: des chansons, des enjeux d’école à sauver et des personnages toutes dotées d’une ou deux particularités bien précises qui vont permettre pas mal de petites blagues.
C’est sur ce modèle là que va être construit la seconde génération, Aqours, qui via son propre animé – Love Live Sunshine – va développer immédiatement un ensemble de blagues et de runnings gags qui, en plus d’être drôles, vont aussi participer à rendre les personnages rapidement plus identifiables et a leur conférer rapidement une personnalité bien distincte. Entre Yohane la chuunibyou qui se fait souvent maltraiter par l’univers tout entier, Riko la fille sérieuse et réservée qui a manifestement une petite passion pour le yuri, You qui semble être capable de tout faire sans suer ou bien Hanamaru qui semble épatée à chaque fois qu’elle voit un truc tournant à l’aide de l’électricité, on est sur un casting rapidement haut en couleur, qui permet régulièrement de bonnes blagues et de bons délires.
Même si il faut faire attention à l’excès: la seconde saison de Sunshine, par exemple, fait l’erreur de vouloir en faire trop en terme d’humour, et force pas mal de blagues, détruisant au même passage l’équilibre construit par les séries précédentes. On en arrive même à des situations où les personnages n’existent plus que par leurs blagues et leurs runnings gags, détruisant pas mal leur développement et les rendant même parfois uni-dimensionnels. L’exemple que j’utilise toujours est le personnage de Dia qui, durant toute la saison 2 abuse de son tic verbal à base de « buubuu« , quitte à le caser même quand ça ne marche pas – très clairement, ils ont vu que les rares fois où elle l’avait utilisée durant la première saison avait plu au public, donc ils en ont fait un peu trop derrière.
Bon bref, Love Live est une franchise qui, dès son anime, utilise bien ses éléments comiques, sans être pour autant une comédie. Qui sait bien utiliser l’humour pour donner à son univers et à ses personnages une personnalité distincte et mémorable. C’est ça qui fait que j’ai toujours passé des bons moments devant les différentes séries de la franchise et que j’ai toujours su en garder de bons souvenirs – même si, objectivement, ce que ces séries racontait n’étaient jamais particulièrement original.
C’est ptet pour ça que Nijigasaki est mon segment favori de la franchise parce que c’est celui qui embrasse le mieux une certaine forme de légèreté, voire même de joyeuse absurdité. Rien que le lycée qui se trouve dans l’immense Tokyo Big Sight en dit long sur le ton de la série, surtout quand il se révèle rapidement être peuplé de clubs tous plus bizarres les uns que les autres – je veux dire, y’a un club dédié au nagashi somen, c’est à dire la dégustation de nouilles sur toboggan !
Et quand y’a l’épisode classique du festival culturel genre quinze épisodes plus tard, le club de nagashi somen revient dans l’intrigue parce que c’est eux qui ont construits un toboggan qui fait tout le tour du lycée !
C’est qu’un seul exemple, évidemment, mais il est loin d’être le seul – j’aime généralement beaucoup ce soin apporté même aux éléments les plus « légers », ça contribue à construire la cohérence de l’univers, ça récompense l’attention avec des ptits blagues cachées et ça fait parfois preuve d’une forme de créativité. C’est une des raisons pour laquelle j’adore les séries Uma Musume, par exemple. En gros, l’humour est un bonus – mais un bonus très bien fait.
Mais bref là je vous parle des séries animées mais y’a aussi les à côtés ! Et là faut que je vous parle de la passion que j’ai depuis 6 ans pour…
…. la version marionnette de Love Live Sunshine. Sorti pour le 1er avril 2017, on y voit nos héroïnes – sous forme de marionnette – partir à l’aventure, être transformées en cochon, se faire bolosser par un cœlacanthe et chanter très faux l’ending de la série. C’est plutôt rigolo, assez débile… et c’est mine de rien plutôt bien travaillé ! Ca va entamer une petite série de poissons d’avril étrangement travaillés pour Sunshine – que ce soit la mise en place d’une peluche nesoberi géante en 2018 ou bien une parodie de Saint Seiya en 2020, avec clip officiel (réalisé par Shota Sakamoto, réalisateur… du clip WaiWai, qu’on évoque en début de billet), fausses cases de mangas, bref ils se sont fait chier dans leurs délires.
(Sachant que d’un point de vue méta, le poisson le plus drôle ça aura été l’annonce du jeu Yohane the Parhelion le 1er avril 2023… avant une confirmation quelques mois plus tard que non c’était pas un poisson mais bien une vraie annonce cachée dans un poisson.) (Oui c’est compliqué, faut suivre.) (Et en même temps c’est déjà un peu ce qu’ils avaient faits avec l’animé, teasé le 1er avril 2022.)
Bon cela étant dit – COTTON CANDY HEI HEI OH, du coup.
C’est aujourd’hui, avec ses 8 millions de vues, la vidéo la plus vue de toute la chaîne Youtube officielle Love Live. Et en même temps, ne serait-ce pas totalement mérité ? Avec une chanson aussi débile qu’entêtante et ces visuels mignons-moches qu’on doit au style très particulier de Kawaisouni (aussi connu pour ses vidéos un peu shitpost et, très récemment, pour une hilarante vidéo hommage à One Piece) qui, en tant que réalisateur du clip, bourre le tout d’effets visuels remplis de couleur et de sucre. Eh, barbapapa oui ou non ?
Cotton Candy Hei Hei Oh c’est ce genre de clip où, sans déconner, je me souviens exactement de la première fois que je l’ai vu. Je me souviens où je l’ai vu, comment je l’ai vu – c’était dans le bus, en revenant du taf. C’était mi-septembre 2020, je commençais à peine à m’acclimater à mon nouveau trajet suite à un déménagement, et on était encore dans cette phase entre deux confinements où mentalement c’était compliqué de tenir. Mais damn, voir ce clip absolument maîtrisé dans son extravagance et son ultra débilité m’avait fait tellement de bien que je me l’étais passé genre une ou deux fois, autant de fois que le court trajet en bus pouvait me le permettre. Encore aujourd’hui je me le repasse de temps à autres et je suis à peu près certain que le visionnage me fait aller un peu mieux à chaque fois.
Cette vidéo faisait partie d’un ensemble de vidéos dédiées à Aqours, avec 9 clips, une par membre du groupe, et à chaque fois sur une chanson solo. J’aime d’ailleurs bien certains des autres clips, même si ils sont clairement moins… cons. Genre celui de Hanamaru ou celui de Kanan, par exemple. Chaque clip avait son propre style, son propre design, faisant appel à un large éventail d’artistes et de styles – beaucoup de chouettes découvertes, et c’est cool quand une grosse franchise se permet de mettre en avant des créateurs et créatrices en leur donnant ainsi carte blanche. Même genre de vibe sympa que le Project Voltage qui ces derniers temps voit le combo Pokémon X Hatsune Miku permettre de laisser s’exprimer pas mal de designers et de producteurs Vocaloid assez cools sur une thématique commune. Ca c’est le genre de transmédia que j’aime.
D’ailleurs, Love Live se permet de plus en plus d’aller piocher chez des producteurs et artistes de la scène Internet pour ses créations. Certaines chansons de Nijigasaki sont ainsi composées par des producteurs comme DECO*27, et les héroïnes de la 5e génération font carrément des reprises de chansons Vocaloid – villain, par exemple. Et puis parfois on va même carrément aller chercher des DJ de la scène tokyoite un peu otaku, genre ChibaNyan pour l’extraordinairement con Ryoran Victory Road.
Jamais eu de clip officiel, ce qui m’attriste, mais on a par contre un clip amateur véritablement incroyable, qui voit les héroïnes faire du headbang de manière très professionnelle (incluant le matelas de Konoe), on a un train Kasumin, Karen qui devient un Gundam et Enna qui s’enfile cul sec une bouteille suspecte. Le tout sur une chanson qui enchaîne les sons électro-fête foraine avec les héroïnes qui se présentent en 3 phrases et demies. Le potentiel mémétique est fort, et la chanson est devenue si populaire que lors du grand concert cross-over entre Love Live et The Idolmaster, elle a été reprise par différentes héroïnes des deux sagas, avec évidemment des paroles réadaptées.
… Et c’est non-ironiquement une de mes chansons favorites de Nijigasaki, devant ptet ENJOY IT. Y’a une énergie fun à ce titre qu’aucune réecoute ne parvient à éroder ou affaiblir, c’est une sacrée magie que voilà.
Donc ouais, le petit bilan de ce petit billet c’est que Love Live est une série qui sait parfois faire éclater son côté un peu shitpost et qui quand il le fait a compris qu’il fallait jamais le faire à moitié. Que quitte à partir dans un délire, à chaque fois il valait mieux y aller à fond, surtout quand on a les moyens pour le faire. Mon petit regret c’est que ces délires musicaux, pour l’instant, c’est surtout chez Aqours et chez Nijigasaki qu’on trouve ça. C’est honnêtement le truc qui manque le plus à Liella pour le moment – une vraie chanson aussi sale que fun, portée par un clip à la hauteur du bordel. Quelque part c’est aussi des délires qui participent à un truc très salutaire – « désacraliser » le groupe. Chanter que du beau, que du joli, que des titres produits de manière très propre, c’est sympa mais au bout du compte, on a aussi ce besoin d’une légère dose de stupidité – à la fois pour voir une facette différente des personnages et du groupe, mais aussi pour s’amuser avec eux.
Les deux plus grands succès populaires de Love Live en terme de chanson sont donc Cotton Candy Hei Hei Oh et Snow Halation, prouvant donc que le beau et le con peuvent cohabiter ensemble assez aisément, sans se cannibaliser, si on y met le soin et les moyens nécessaires. Et ça, finalement, c’est un beau message – soyez aussi soigneux dans vos chefs d’œuvres que dans vos délires, l’un comme l’autre mérite votre amour !
Sur ce, je vous laisse avec ce medley Dr Mario / Love Live, adieu –