Mangas & Animes

Doukyuusei & Asagao to Kase-san – Walking After You

La philosophie millénaire Lorie nous disait un jour, dans son ouvrage de 2002 « Tendrement », ces mots: « J’ai besoin d’amour, des bisous des calins j’en veux tous les jours j’suis comme ça. » Des mots qui encore aujourd’hui résonnent en nous tous comme un mantra. C’est ce mantra qui explique peut-être, pourquoi, au fond de moi, j’ai toujours une accroche particulière pour tous ces ouvrages japonais qui dépeignent des premiers amours et des amours adolescents, avec des codes que je connais par cœur mais qui me remplissent toujours l’esprit de sentiments positifs. 

J’ai donc évoqué par le passé beaucoup de mangas de romance: des joyeux, des tristes, des dystopiques ou des exceptionnellement mignons, mais assez peu d’animes qui évoquent le sujet voire même, plus précisement, assez peu de films d’animation qui se veulent romantiques. Et moi quand je vois une erreur, parfois, quand j’ai pas la flemme, j’essaie de la réparer, ce qui va me permettre de vous présenter aujourd’hui deux moyens-métrages sortis récemment, centrés sur une romance adolescente remplie de bons sentiments: Doukyuusei et Asagao to Kase-san.

Commençons par Doukyuusei, vous le voulez bien ? Sorti le 20 Février 2016, Doukyuusei adapte un manga shonen ai mais le fait par le biais du studio A-1 Pictures et de la réalisatrice Shoko Nakamura. Une femme à la carrière extrêmement marquée par… du travail de qualité. On la retrouve ainsi comme chef animatrice sur Gurren Lagann, Kill la Kill, Ghost in the Shell Stand Alone Complex ou le film One Piece et le secret du Baron Omatsuri. Elle fut également l’assistante de Kunihiko Ikuhara à la réalisation de Mawaru Penguindrum, rien que ça.

Donc que ce soit Ikuhara, Hosoda, Inaishi ou même Sayo Yamamoto (sur Fujiko Mine), Nakamura a toujours su se faire remarquer d’excellents réalisateurs et d’excellentes réalisatrices, qui lui ont toujours fait confiance pour des tâches d’importances. Et c’est normal: elle est ultra talentueuse ! 

Quant au film en lui-même, Doukyuusei va raconter l’histoire entre deux garçons, Hikaru et Rihito, deux lycéens qui vont rapidement se découvrir des sentiments l’un pour l’autre, malgré deux caractères très ambivalents: Hikaru est un musicien rêveur aux cheveux d’un blond détonnant, médiocre élève, un peu rebelle, tandis que Rihito est lui beaucoup plus sérieux, beaucoup moins certain de son avenir, et est physiquement un binoclard à l’air souvent neutre. On va donc suivre, pendant une heure, différentes étapes de leur relation: la confession, les premiers moments ensemble et les premiers obstacles qu’ils vont devoir franchir.

De l’autre côté, nous avons Asagao to Kase-san. Lui est sorti très récemment, c’est à dire en juin 2018. Et cette fois-ci on adapte un manga shojo ai, cette fois de Hiromi Takashima, et c’est le studio Zexcs qui s’occupe de tout ça, mené par Takuya Satô, réalisateur et écrivain qui officie depuis près d’une vingtaine d’années sur des séries aussi variées que Princess Tutu (où il a écrit deux épisodes), Selector Infected WIXOSS (dont il fut le réalisateur, avant de laisser les saisons suivantes à d’autres personnes), Steins;Gate (à nouveau réalisateur) ou bien encore Les Petites Fraises (où il a été écrivain, chargé de la composition mais aussi storyboarder et script.)

Bref, un CV qui part dans toutes les directions mais qui à chaque fois surprend agréablement.

Quant à l’intrigue de Asagao to Kase-san, encore une fois, rien de très compliqué puisque nous allons suivre deux lycéennes qui vont voir une romance les lier. Là aussi nous avons d’ailleurs deux caractères que tout oppose avec, d’un côté, la timide Yamada, une petite blondinette passionnée par la maintenance du jardin de son lycée et de l’autre côté la fougueuse Kase, star de son club d’athlétisme et sprinteuse hors pair. Et comme son compère Doukyuusei, la structure du film va nous raconter la rencontre, la confession, la fondation du couple et les premiers obstacles. Rien de plus, rien de moins.

Comme vous l’avez remarqué jusqu’ici, pas mal de choses lient Doukyuusei et Asagao to Kase-san. Des intrigues similaires, une durée quasi-identique (1h pour Doukyuusei, 58mn pour Kase-san), des personnes talentueuses à la réal… Mais ça ne s’arrête pas là car disons le tout de suite, les films partagent aussi des énormes qualités en commun. A commencer par ce qui happe tout de suite les yeux: une direction artistique qui tabasse.

Que ce soit Doukyuusei ou Kase-san, attendez vous à retrouver dans ces films des très belles couleurs, des très beaux décors et, surtout, une sublime mise en valeur des personnages principaux. Ceux-ci sont animés, expressifs et, évidemment, beauxQue ce soit Hikaru et son air pensif ou bien Yamada et son sourire contagieux, chaque personnage a des qualités fortes sur le plan visuel, et s’intègrent à merveille dans des décors magnifiquement ciselés, souvent accompagnés (surtout dans le cas de Kase-san) de filtres délicatement utilisés. 

Après, si l’on veut entrer dans le détail, chaque oeuvre possède des forces visuelles  que l’autre n’a pas: la réalisation et la mise en scène dans Doukyuusei est très bien poussée, avec des découpages bien pensés, et un plus grand sens du symbolisme dans la composition visuelle des plans. On sent que y’a dans ce film une visée beaucoup plus « cinématographique », qui se voit dès le format mais qui s’explique aussi par le fait que le film a été pensé pour le cinéma dès sa création, là ou Asagao to Kase-san reste avant tout un OAV qui a eu, par opportunité, quelques diffusions en salle.

A l’inverse, Kase-san est incroyable sur l’expression des personnages, qui tirent pendant une heure des bouilles incroyables et contagieuses. De la joie, de l’humour, de la tristesse, de la gêne, de la peur: les personnages passent par tous les sentiments, et le film se fait un malin plaisir de varier leurs réactions. Mais là aussi ce n’est pas une qualité qui sort de nulle part: le manga était déjà très fort sur ce plan là ! Mais force est de constater, quand on compare les deux supports, que l’anime en rajoute d’autant plus, et que la tête de Yamada devient rapidement un Jardiland.

Même chose au niveau du ton et de la structure, qui vont voir les deux films accumuler les points communs. Déjà, disons le clairement: si vous cherchez un film social qui parle de la place de l’homosexualité au Japon, des difficultés à vivre en tant que minorité sexuelle ou de l’homophobie au sein des lycées… passez votre chemin. Les personnages principaux des deux films ne se questionnent jamais sur leur sexualité, n’ont jamais d’obstacles liés à la perception de l’homosexualité par des éléments extérieurs et ne doivent pas se battre auprès des autres pour que leur amour soit reconnu. Tous assument clairement aimer une personne de leur sexe, et cela leur apparaît naturel. Pour Yamada, par exemple, ce qui va être un obstacle n’est pas d’aimer une autre fille, mais juste de ne pas savoir comment gérer une relation amoureuse, vu que c’est sa première fois en couple.

On pourrait donc reprocher à ces deux films de ne rien apporter socialement aux combats LGBTQ et c’est un argument qui se comprend mais disons le aussi très clairement: voir des oeuvres ou les relations homosexuelles sont traitées comme des relations amoureuses classiques, avec des codes et des clichés « banals » de la romance… c’est aussi très bien. Ça contribue à la banalisation des relations homosexuelles au sein de la popculture, et ça le fait ici d’autant mieux qu’on sent que ces deux films ne sont pas réalisés que dans le seul but de parler à une « niche. » Qu’ils ont des ambitions universelles. Qu’ils veulent être des « animes de romance » plus que des « animes pour fans de yaoi / fans de yuri. »

Maintenant, encore une fois, le ton va différer légèrement sur chaque anime. Asagao to Kase-san est au final encore plus léger que l’est Doukyuusei, avec des obstacles assez mineurs et intégralement basés sur des soucis de communication entre les deux héroïnes: des mésententes, des quiproquos… mais aussi la peur de s’exprimer, le sentiment d’imposture, de ne pas mériter d’être en compagnie de l’être aimé. Quelque chose dans lequel peut s’identifier beaucoup de timides et d’anxieux, donc ! Sachant que, en plus de cela, Kase-san va aussi pas mal jouer avec les attentes: Yamada aura beau être la timide un peu petiote et Kase la sportive un peu grande gueule, ce n’est pas pour autant que c’est cette dernière qui va le mieux s’exprimer, le mieux faire avancer les choses et le mieux gérer les situations. Yamada va pas mal grandir !

Dans Doukyuusei, les deux héros vont avoir des crises plus… graves ? Une vraie différence tient dans le fait que le personnage de Ruhito souffre tout le long du récit de vraies crises d’angoisses qui vont aller au délà de la simple gêne ou de la timidité dont souffrent les héroïnes de Kase-san. Et quand les deux personnages vont mal se comprendre, cela va prendre immédiatement des proportions plus intenses, plus viscérales. Si Doukyuusei reste parfois drôle et léger, il ne l’est pas en permanence, loin de là. 

Et je passe aussi sur la scène où y’a un prof étrangement insistant avec Ruhito, dans l’une des seules scènes un peu limite du film, qui met réellement mal à l’aise… et ne semble pas avoir d’incidence sur le reste du récit. J’ai toujours pas compris.

J’apprécie aussi comment les deux oeuvres abordent le désir, avec subtilité. On nous fait comprendre très vite que à la romance ces adolescents, comme tous adolescents, ont tous très vite envie d’ajouter l’aspect charnel. Mais c’est ici traité de façon non érotique, juste comme un prolongement naturel de leurs relations. Que ce soit via les baisers que s’échangent régulièrement les protagonistes de Doukyuusei ou bien les moments intimes partagés dans la chambre de Yamada, ces relations n’ignorent pas le sujet et ne s’enferment pas ni dans une forme de fausse pureté ni dans une sexualisation constante du couple.

Un bon équilibre, donc ! 

Donc voilà, vous cherchez deux moyens métrages qui parlent de romance avec respect, justesse, bons sentiments mais sans niaserie ou moralisme? Doukyuusei et Asagao to Kase-san sont là. Tirant le meilleur des codes de la romance mais aussi le meilleur des codes de leurs genres respectifs. Si vous cherchez une porte d’entrée au shonen ai et/ou au shojo ai, ces deux oeuvres vont être forcément idéales. A l’inverse, même si vous avez des à prioris sur ces genres, ces deux oeuvres vont tout faire pour vous aider à les annihiler. 

En somme, vous l’avez compris: c’est vraiment deux oeuvres plus majeures qu’on ne pourrait le croire.

Galerie

Doukyuusei:

Asagao to Kase-san:

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2 commentaires

  • Yattoz

    Le premier truc qui m’a frappé… c’est que j’adore tes « sous-titres d’article » qui font référence à une chanson. Y’en a peu que je connais pas, et c’est toujours très bien trouvé.

    J’ai vu Asegao to Kase-san (et il est pas facile à trouver même sur des sites de streaming), et c’est super choupi. Je me prendrai un moment pour voir Doukyuusei, ça m’a bien donné envie, à te lire.

    Sur ce, je vais me réécouter tout l’album The Colour and the Shape. Merci !

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