Kaiju n°8 – No alarms and no surprises
Je suis ronchon en ce moment. La fatigue, le retour du pollen, les transports interminables, l’attention qui se disperse toujours un peu plus, Emmanuel Macron, mon onglet « pour vous » sur Twitter qui me montre de plus en plus de dramas et moins en moins de fanarts Project Sekai: les temps, comme les jeux From Software, sont durs.
Du coup, conséquence triste et un peu pathétique: me voilà à faire un article sur une œuvre populaire pour dire que je ne l’ai pas aimée. J’aime pas faire ça mais j’ai vraiment envie d’écrire cet article, et j’aime pas non plus réprimer mes envies – donc quitte à pas aimer faire quelque chose, autant faire la chose qui peut vous distraire, vous divertir et peut-être vous amener des idées, des concepts… ou du mépris à mon encontre.
Donc oui – j’ai terminé hier mon visionnage de la première saison de Kaiju n°8 et j’ai pas aimé ce que j’ai vu. Je vais donc essayer de vous expliquer pourquoi, et tâcher de développer pourquoi, à mes yeux, cette série représente ce que j’aime le moins dans le monde contemporain du divertissement international – rien que ça !
(Je vais discuter des points d’éléments de l’intrigue de la première saison donc si vous voulez pas être « spoilé » c’est pas votre article – mais je me limite uniquement à cette première saison vu que j’ai pas lu le manga et que j’en ai plus trop l’intention. Mais si je dois être honnête, et j’essaie de le dire sans paraître méprisant, Kaiju n°8 n’est pas une série qui perd particulièrement en interêt si elle vous est spoilée – entre autres à cause de défauts liés à son intrigue, qui est hélàs très prévisible, et que je vais justement développer.)
Déjà donc très vite: je découvrais Kaiju n°8 via l’anime. Je me souviens avoir lu les deux premiers chapitres à l’époque de leur sortie sur Mangaplus, avoir trouvé ça efficace mais ne pas avoir trouvé de quoi me faire revenir aux chapitres suivants. Cette impression mitigée de ma part est évidemment un point de vue minoritaire: la série a vite trouvée le succès sur la plate-forme en ligne de la Shueisha (où l’ON PEUT LAISSER DES COMMENTAIRES POUR SOUTENIR L’OEUVRE !! COMMENT EST-CE POSSI- pardon, traumatisme post-Japan Expo), mais aussi en librairie – que ce soit au Japon ou en Occident, bien aidé par des campagnes publicitaires souvent très ambitieuses. Pour moi, Kaiju n°8 ce sera à jamais la série qui a décorée la façade de la Bibliothèque François Mitterrand, dans ce qui est encore aujourd’hui la plus impressionnante campagne marketing que j’ai pu voir venant de la bulle manga française.
Du coup – pour rappel, Kaiju n°8 nous projette dans un Japon où les monstres débarquent régulièrement pour dégommer des villes et tuer de l’humain. Pas cool ! Dans tout ça, on va suivre les aventures de Kafka Hibino, trentenaire qui travaille en tant que nettoyeur de cadavre de kaiju (les combats sont rarement propres) mais qui rêve de rejoindre les forces exterminatrices. Un rêve loin d’être possible tant il est pas très bon, mais tout va changer le jour où un parasite s’introduit en lui et le transforme en…. kaiju, justement. Capable à partir de là d’alterner entre forme humaine et forme monstrueuse, il va essayer de cacher ces pouvoirs et, de fil en aiguille, va se retrouve justement dans les forces d’extermination de monstre. C’est donc son histoire !
Et c’est un pitch qu’on… connaît déjà, non ?
Un personnage masculin… qui rêve de rejoindre une force d’extermination de monstres qui sont souvent dotés d’une taille gigantesque. Mais qui malgré sa détermination est pas forcément au top dans le sujet… Au contraire de son amie d’enfance qui est l’as de sa classe ! Malgré tout il va devenir une pièce importante dans le combat contre ces monstres parce qu’il va acquérir des pouvoirs lui permettant de se transformer en un monstre similaire ! Il donc combattre le feu avec le feu, et devenir un monstre pour tuer des monstres similaires ! Les autres humains vont d’abord être super inquiets, ils vont le juger mais ils vont aussi l’accepter !
Oui, c’est L’Attaque des Titans !
Bon ok je vais pas faire une fixette là dessus parce que reprocher à Kaiju n°8 d’avoir un pitch très proche dans l’esprit de certains autres grands classiques c’est une critique assez facile et assez simpliste – après tout, on pourrait aussi citer Jujutsu Kaisen qui a le même délire (Yuuji héberge le démon le plus puissant, les autres humains sont inquiets) mais aussi remonter à des trucs encore plus lointains genre Bleach (Ichigo… a des pouvoirs de Hollow au fond de lui !!) C’est pas dramatique, en soit, d’avoir un pitch proche d’autres – et l’originalité est un bonus appréciable, mais jamais vraiment une nécessité pour apprécier une histoire. Ce qui va nous intéresser est souvent tout ce qui va être autour – comment on va nous raconter ça, avec quels types de personnages, avec quels types de rebondissements, d’ambiance, de particularité ?
Mais le problème, et c’est vite là que la souci arrive – Kaiju n°8 a un terrible problème de personnalité.
Et pour être simple, ce terrible problème c’est que, après 12 épisodes, de personnalité Kaiju n°8 n’en a tout simplement pas vraiment.
Prenons les originalités et les points intéressants du pitch, voulez-vous ?
Première originalité qui nous est présentée: les ennemis sont des kaijus ! C’est vrai que c’est séduisant, c’est un domaine finalement pas tant exploré que ça dans le monde du manga et de l’animation japonaise. Les kaijus de cet univers sont disponibles en plusieurs formes – y’en a des petits, y’en a des moyens, y’en a des gros… Bon ça devrait assurer une certaine variété, non ?
Bon déjà premier souci, à mes yeux: l’aspect « kaiju » des adversaires est rapidement oublié, et ces monstres deviennent rapidement… des monstres classiques de japanime. Je citais Jujutsu Kaisen plus haut mais pour moi les kaijus que la série nous montre semblent parfois plus proches en terme de design des démons de Jujutsu Kaisen que de kaijus dans le sens historique et cinématographique. Quand j’imagine « kaiju », j’imagine les grands classiques: Godzilla, Mothra, Ghidorah, Gamera, Hedorah… Et je ne retrouve pas cet esprit ou cet ADN dans les monstres qu’on nous propose, qui semblent entrer dans la moyenne de ce que tous les shonens-de-bastons-contre-des-engeances-surnaturelles nous proposent depuis maintenant une dizaine d’année.
Je comprends que d’un point de vue pragmatique, tu peux pas nous sortir des monstres géants tout le temps – mais là aussi j’ai été assez deçu de voir que la majorité des combats de cette première saison sont contre des adversaires à taille « humaine » – ou à peine plus grand.
Bref – je trouve que ça pourrait être nommé des « démons » que ça ne changerait rien à la manière dont ils se battent, à la manière dont ils sont chara-designés ou à la manière dont ils sont utilisés dans l’intrigue. C’est pour moi une première déception – tu peux mettre du Coca Cola dans une bouteille de Pepsi Cola et essayer de me vendre ça comme du Pepsi, je saurais reconnaître le Coca quand je le boirais, et j’aurais tout de même ingéré une quantité inhumaine de sucre au passage.
Mais bon ça c’est un reproche très personnel, dû peut-être à une vision un peu erronnée que je peux avoir des « kaijus », ne connaissant finalement que l’aspect le plus populaire de cette culture.
Le second point censé être original c’est l’âge du héros – 32 ans, on est loin des clichés du shonen n’est-ce pas ?? Enfin un shonen sans adolescent héros !!! Enfin un mec mature, responsable, qui a la tête sur les épau-
… Non arrêtez, je peux pas mentir plus longtemps: malgré son âge avancé, Kafka Hibino est quand même le mec le plus immature de tout le casting. Y’a trop de moments dans la série où il surréagit et se conduit comme un ado de 16 ans. De toute l’équipe qu’il va rejoindre, c’est lui le mec qui se conduit le plus comme un gamin. A l’inverse, la gamine de 16 ans est peut-être le perso le plus mature du casting. Alors ouais y’a 2/3 moments où son âge devient soudainement un facteur – il va soudainement se montrer un peu paternaliste auprès des autres membres, il va parfois faire remarquer que son corps est plus usé que les autres… Mais c’est des moments très marginaux, et qui semblent presque être out of character par rapport à son comportement normal.
Bref, encore une fois: ça aurait été un perso ado « normal » ou un jeune adulte, y’a beaucoup de moments qui auraient été tout simplement inchangés. La seule chose réelle et concrète que son âge « avancé » (👴👴) permet de justifier c’est sa connaissance des kaijus grâce à l’expérience professionnelle qu’il a pu acquérir. Y’a aussi tout un enjeu au début de la série dû au fait que 32 ans c’est l’âge limite pour rejoindre les forces spéciales, mais comme c’est fini après 4 épisodes, bon, c’est un enjeu qui a une date limite de consommation plus faible qu’une barquette de framboise laissée à l’air libre.
Enfin la troisième particularité qui a mon sens donne lieu aux meilleurs moments de cette première saison: le fait que Kafka doit cacher ses pouvoirs au reste des forces spéciales, quitte à parfois se trouver dans des situations où il doit les affronter sans les massacrer. Y’a toute une baston super sympa entre lui et son commandant adjoint où ce dernier fait tout pour le détruire et le tuer, alors que notre héros doit absolument limiter sa force et ses pouvoirs pour pas défoncer un mec pour qui il éprouve pas mal de respect et d’affection. De même y’a toute une épée de Damoclès autour de ce secret, qui monte les enjeux et force le personnage à parfois prendre des décisions difficiles, où à trouver des moyens ingénieux de pouvoir utiliser ses pouvoirs sans se faire griller. Ca permettait aussi de faire de sa relation avec son pote et avec la prodige quelque chose d’un peu « privilégie » car eux aussi devaient l’aider à maintenir la masquerade, avec plus où moins d’aisance.
Bon bah hélàs fin de la saison: son secret est éventé, la bureaucratie militaire est divisée mais au bout du compte suite à un test de volonté il reste dans sa division et va désormais mettre ses pouvoirs au service de la force d’extermination, tandis que tous ses potes sont super contents de le voir revenir. Fort classiquement.
Ah, c’est con, y’avait un petit truc qui parvenait parfois à pimenter un peu la série, et vous l’avez retiré !
Donc voilà déjà une de mes vraies déceptions vis à vis de Kaiju n°8: il a trois particularités fortes dont il ne fait très vite rien, et qu’il neutralise pour coller au maximum aux codes des autres oeuvres du genre. Comme si la série essayait de prendre un début de risque, de mettre un pied dans la piscine… pour aussitôt le retirer parce que ça paraît un peu trop froid.
Du coup derrière, je me suis rapidement rendu compte d’un truc terrible: Kaiju n°8 est une série qui vit constamment dans l’absence totale de prise de risque. Une série que dès qu’on lui donne la possibilité de faire le choix le plus sage et le moins compliqué possible… va sauter sur cette opportunité pour essayer d’être la plus prudente possible. Et derrière, effrayée à l’idée de perdre son public, elle va faire débarquer toute une multitude de codes ultra classiques et toujours un peu appréciés du genre: on va rapidement trouver le personnage de la prodige arrogante qui va trouver l’humilité grâce à la gentillesse du héros, on va avoir un sidekick sympa et fidèle, un supérieur hiérarchique taquin et mystérieux, sans oublier, évidemment, des niveaux de pouvoir !
Les niveaux de pouvoir ça a jamais été ma tasse de thé parce que j’ai pas grandi avec Dragon Ball. Chiffrer la « puissance » des personnages m’a toujours paru assez vain et prompt à niquer toute sorte de suspens. J’ai jamais porté Seven Deadly Sins dans mon coeur mais j’ai trouvé que c’était un manga qui chutait drastiquement en terme de qualité peu ou prou au moment où ils ont filés un power scouter au cochon et commencés à créer une hiérarchie chiffrée dont on s’était très bien passé pendant dix tomes. Je ne dis pas que le manga s’est effondré à cause spécifiquement du power scouter – je dis que c’est un des symptomes qui illustrait le déclin du manga.
Donc du coup quand dans Kaiju n°8 on commence à te parler de « potentiels de combinaison » avec des gens qui ont du 40%, du 10%, du 1%… Moi je me sens pas forcément impliqué. J’y vois qu’un moyen simpliste et peu intéressant de nous parler des pouvoirs et de la puissance d’un personnage, en réduisant ça à un chiffre… une lettre…. Au lieu de nous montrer ces pouvoirs. Mais bon, chacun ses délires, moi j’avoue que je préfère tout ce qui est délire de hiérarchie et de classement – genre la démarcation or / argent / bronze dans Saint Seiya ? Fondamentalement c’est un délire similaire mais je trouve ça tellement plus cool et tellement moins « définitif » – une hiérarchie, ça se défie, ça se renverse ! Les chiffres et les lettres ? Mouirf…
(Même les monstres sont designés avec des « niveaux de fortitude » censés donner leur puissance, du coup toute la série devient une partie de Des Chiffres Vs Des Lettres ou madame 36% est censée être en difficulté contre monsieur 9.0, par contre 92% contre 9.7 ça va.. C’est un peu l’indigestion.)
Du coup dans l’ensemble la série a été un visionnage… très prévisible. Je n’ai jamais été surpris à un seul moment. Tout s’est toujours passé comme je m’attendais à ce que ça passe. Et ça ne se limite pas à l’intrigue: les personnages ont tous et toutes eu des développements peu surprenants, et se sont toujours conduits de manière attendue, dans les directions « habituelles » du genre. Aucun n’a caché de surprise particulière, aucun n’a montré la moindre aspérité – c’est des personnages tous très propres. On met un peu l’emphase sur la camaraderie entre les protagonistes masculins pour essayer de toucher le public fujoshi, chaque personnage féminin d’importance commence à développer des signes d’affection potentielle pour le héros, le sidekick est un bon pote qui va toujours bien faire les choses pour son frérot et Kafka est… Kafka, un trentenaire qui perd 30 points de QI dès qu’il entre dans l’armée, et qui fait preuve des qualités attendues d’un protagoniste de shonen – il est gentil, déterminé, yadda yadda.
Quelque part ça fait aussi de Kaiju n°8 un visionnage très… zen. Très relaxant. Où on est jamais mis mal à l’aise, jamais vraiment choqué ou jamais mis dans la position de vraiment détester ce qu’il se passe. D’autant que je ne l’ai pas évoqué mais les qualités techniques de la série sont réelles, avec quelques jolis plans et quelques séquences de bastons vraiment soignés. J’apprécie surtout le travail sur le sound design, avec des coups qui retranscrivent parfaitement la puissance des kaijus. Quand ça se balance des patates de monstre, ça se sent aussi bien visuellement qu’auditivement. Je suis pas non plus enthousiaste sur tout – la palette de couleurs est un peu trop caca d’oie à mes gouts, et je trouve le générique d’ouverture parfaitement ignoble, comme si c’était une merdouille générée par IA – mais c’est un animé solide en terme de production… de production IG devrais-je même dire 😉😉 !
Quelque part Kaiju n°8 est une bonne porte d’entrée dans l’animation japonaise – et si j’en constate son succès auprès du grand public, ça a l’air d’être déjà le cas. Cet aspect prudent et pas trop fou le rend facile d’accès, et clairement le marketing autour de la série a essayée de le vendre avant tout à un large public, que ce soit en étant disponible sur le plus de services de streaming possible ou bien en faisant venir aux génériques deux groupes de rock anglophones assez populaires (YUNGBLUD et OneRepublic.) Et vous savez quoi ? C’est un bon move, je leur reprocherais absolument pas et c’est ce qu’il fallait faire. C’est un bon animé « blockbuster » que tu peux montrer à n’importe qui sans trop de soucis et sans trop de honte. C’est même le genre d’animé qui est clairement bien plus sympa si t’as jamais trop maté de shonens d’action dans ta vie – beaucoup des clichés et des archétypes apparaîtront sans doute comme étant bien plus frais à ce genre d’yeux. Ça peut expliquer aussi pourquoi une grande partie du fandom Kaiju n°8 semble assez jeune – c’est là aussi un bon « premier shonen » et je vois bien la série bénéficier dans une quinzaine d’années d’une petite vague de nostalgie de la part de ce qui est aujourd’hui la jeune génération.
Maintenant, encore une fois – l’Attaque des Titans parvenait aussi à ce statut, et sans sacrifier sa personnalité ou en réprimant au maximum ses originalités. Idem pour un Demon Slayer ! Donc popularité et statut de « bonne porte d’entrée dans la japanime » n’équivaut pas forcément avec le sacrifice de ses individualités.
Bon on arrive à la fin de cet article, qu’est-ce que je veux dire ? Que si Kaiju n°8 n’a pas été une expérience de visionnage désagréable, elle aura été pour moi une expérience frustrante qui passe son temps à introduire des idées un peu intéressantes pour constamment les assagir juste dernière. Et je vous avoue que j’ai un vrai agacement sur cette tendance de la pop culture moderne à de moins en moins oser des trucs, et à toujours vouloir prendre les chemins les moins risqués et les plus faciles, comme par peur de trop sortir du lot. Ca nous enseigne un message bizarre où les différences doivent être au maximum réprimées car vues comme porteuses de risque financier ou risque d’être détesté.
Cette chasse aux « spécificités », c’est un truc qui pour moi est encore moins acceptable dans un monde comme l’animation japonaise où, normalement, l’absence de compromis fait partie historiquement de l’ADN du média. Demon Slayer aurait pu atténuer considérablement le personnage de Zenitsu pour moins agacer le public occidental, il ne l’a jamais fait car il n’y avait pas de volonté de compromis ou de sacrifice envisagé. Et c’est comme ça que ça devrait rouler !
Kaiju n°8 semble se comporter comme un animé qui a peur d’être trop semblable aux autres animés et de faire fuir ce grand public occidental qu’il rêve de toucher. Du coup il semble respecter un cahier des charges qui s’imagine ce que sont les attentes de ce public, en supprimant au fur et à mesure toutes ses individualités pour derrière se concentrer sur ce qu’il envisage être les raisons pour lesquelles les gens matent de l’anime shonen d’action: une succession de combats bien réalisés portés par des personnages que y’a aucune chance que vous détestiez tant ils sont étudiés pour être le plus tolérable possible.
Plus généralement il offre une vision de l’animation japonaise la plus « facile » possible, en essayant de réduire et supprimer au fur et à mesure les codes les plus clivants. Ça marche bien, la série trouve le succès, mais du coup ça en fait une œuvre qui ne fait pas trop parler – et c’est normal, car il n’y a finalement pas trop de choses à en dire.
Je pense surtout que cet agacement vis à vis de la série dévoile surtout une partie de moi qui supporte plus trop l’eau tiède – aujourd’hui, je suis dans un état où la qualité concrète d’une série m’importe moins que les risques qu’elle prend, ou les individualités qu’elle peut développer. Et voir une série qui fait au maximum tout pour supprimer ses individualités trouver derrière un succès populaire en terme de chiffres brut m’énerve un peu parce que ça continue de valider le fait que c’est « rentable » de faire des œuvres sans risque.
Du coup j’ai peur de voir l’animation japonaise continuer de sacrifier ses particularités qui m’ont fait l’aimer pour essayer de satisfaire le public occidental… et tirer les mauvaises conclusions de ce succès. Être aveuglé par le succès de Kaiju n°8 chez nous et s’en servir comme modèle pour continuer de produire des gros blockbusters un peu aseptisés, tout en ignorant le fait que des Attaque des Titans, des One Piece, des Demon Slayer, des Chainsaw-man ou des Jujutsu Kaisen ont très très bien marchés tout en restant fondamentalement des œuvres extrêmement japonaises, qui n’ont jamais eu besoin de ce compromis.
J’y vois peut-être beaucoup trop de choses, et je tourne sans aucun doute un peu parano – mais vous l’aurez compris, Kaiju n°8 m’a déçu et je voulais surtout vous dire que si vous êtes un raconteur d’histoire, que ce soit en manga, en jeu vidéo, en animation… Sacrifiez pas votre identité. Essayez d’être fier de vos individualités, et d’avoir confiance en elles – adaptez les, modifiez les, mais essayer pas de les effacer. Essayez pas de vous forcer à les remplacer par des codes plus populaires du genre, ces codes les plus populaires, intégrez les uniquement si vous aussi vous les aimez et que vous avez envie de les inclure dans ce que vous racontez.
Mais, vraiment, aseptiser c’est vraiment la pire chose que vous pouvez faire à votre histoire.
(Si Kaiju n°8 se passait à Marseille, est-ce que ça s’appellerait KaiJUL n°8 ? Je vous laisse là dessus.)
2 commentaires
Maze
Salut Amo et merci pour cette critique inattendue. En plus de me donner de la lecture, ça me permet aussi de cerner un peu tes goûts actuels en animés (et de comprendre mieux pourquoi tu trouves top des trucs que j’aime pas trop et inversement). Pour le coup, je suis d’accord avec toi. J’ai lu kaiju n°8 (pas vu l’anime), au début je trouvais que l’angle était intéressant (héros trentenaire, nettoyage de kaiju, dissimulation) mais c’est vite tombé dans un scénario hyper classique, je me suis rendu compte que je ressentais pas grand chose pour les personnages et leur univers. J’ai fini par lâcher quand le grand méchant du moment envoie ses « généraux » pour faire des combats à 1 contre 1 contre les commandants humains. Ça a été le coup classique de trop. Je partage l’avis que c’est bien pour une nouvelle génération qui découvre le Shonen, ça fonctionne, après moi je m’alarme pas, des œuvres lisses et consensuelles y en a toujours eu, y a juste celle-là qui a réussi à capter son public mais je ne pense pas que ça puisse se répéter trop souvent. En tout cas si les éditeurs essayent je pense qu’ils vont s’y casser les dents.
Muzo
Si ça peut te rassurer (?) la série se fait pas mal critiquer dans les commentaires des récents chapitres sur Mangaplus (en tout cas en japonais) et ce pour des raisons largement similaires à ce que tu as listé : trop d’adversaires à taille humaine, disparition de la backstory de nettoyeur, manque de controle éditorial, et globalement le fait que ça soit devenu une série d’action sans originalité, donc je ne pense pas que l’absence d’individualité soit quelque chose qui va jouer en sa faveur sur le long terme. Aucune idée de si ça se répercute ou répercutera sur les ventes de tomes par contre, et avec un bref coup d’oeil les commentaires anglais avaient l’air en moyenne plus positifs.
(Bon par contre quand ils reprochent le nombre de pauses de l’auteur et le fait que la série soit fonctionnellement sur un rythme bimensuel en disant que les autres auteurs arrivent très bien à tenir le rythme hebdo c’est moins cool :/ )