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La mort aux trousses – Grim Fandango Remastered

Une des raisons qui explique pourquoi je ne suis pas vraiment un joueur très PC c’est que les ordinateurs sont arrivés très tardivement dans mon enfance. J’avais genre 11 ans la première fois que la famille a décidée de s’acheter un ordinateur. J’étais en 6ème à l’époque. A titre de comparaison, ma première console j’avais 6 ans. Donc, forcément, ma culture gamer je l’ai bâtie sur Megadrive puis PlayStation et pas sur PC. Par conséquent, j’ai raté toute cette culture PC du milieu années 90, à commencer par les LucasArts.

Ce qui du coup fait que j’éprouve, finalement, très peu d’affection pour des séries pourtant estimées comme Monkey Island. Pire: quand fin 2009 je décide de profiter d’une promo pour me faire le remake du premier sur Xbox360, j’ai littéralement calé sur ce jeu. Je le trouvais assez pénible à manier, incroyablement nullissime en terme d’énigmes et, surtout, pas drôle du tout. C’est pas que je me suis forcé à le finir mais, si, un peu. Pourtant je suis convaincu que si je l’avais fait plus jeune et dans le contexte des années 90 je l’aurais sans doute adoré.

Un peu comme, par exemple, j’adore Grim Fandango. C’est l’un des premiers jeux que je m’étais fait sur PC. Et à l’époque j’étais dingue de ce jeu. J’ai même écrit un article dessus en me basant sur mes souvenirs il y’a, wow, déjà quatre ans. A l’époque j’indiquais espérer un remake sur XBLA parce que le jeu était devenu difficile à trouver légalement. Eh, la bonne nouvelle c’est que mes souhaits sont devenus réalités. La mauvaise, c’est que c’est pas sur XBLA. La bonne, c’est que je m’en fous, j’ai une Vita.

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Et, c’est terrible, mais y rejouer m’a rappellé pourquoi j’adorais ce jeu mais m’a aussi ramené à la gueule tous les défauts que j’avais oublié ou occulté dans ma mémoire.

Il y’a cinq ans (déjà ?) sortait le remake XBLA de Perfect Dark. J’étais à fond et j’y rejoue aujourd’hui encore régulièrement et religieusement. Perfect Dark est un de mes jeux cultes, c’est donc normal. Mais en parallèle le fier Concombre Masqué découvrait le jeu après une hype de dix ans et, well, a été beaucoup déçu. J’avais beaucoup de mal à comprendre sa déception mais pourtant elle se justifiait: le remake était un simple remake HD mais beaucoup de choses typiques du début des années 2000 s’y trouvaient et n’avaient pas été améliorées ou repensées pour s’adapter à un « nouveau » public. Et c’est vrai que, fatalement, Perfect Dark possède un mode solo qui peut être très pénible à découvrir en 2010. Ses objectifs sont pas toujours clairs, il est facile de se perdre dans certains niveaux, l’IA manque de peps, etc etc. Du coup pour apprécier le jeu à sa juste valeur, il faut se remettre dans le contexte de son époque, ce qui demande d’énormes efforts.

Et redécouvrir Grim Fandango m’a beaucoup ému mais… m’a aussi forcé à refaire beaucoup d’efforts. Là j’en suis à la moitié du jeu et autant vous dire que je commence à être un peu largué. Quand j’étais gamin, j’étais bloqué dans la Forêt Pétrifiée. L’énigme de l’arbre à Moelle m’a figé pendant prêt de deux mois. Je connaissais donc par coeur le début du jeu, à El Alamoual, puisque je l’avais refait des tonnes et des tonnes de fois. Quand je l’ai refait y’a quinze jours, c’était presque de la mémoire mécanique: je me souvenais exactement où aller, quoi faire, que choper. Mon cerveau était une soluce géante et le plaisir était complet. Je redécouvrais les dialogues fantastiques du jeu,  cette VF délicieuse, ses décors, son univers, son humour… Et en bonus j’avais le droit à des commentaires audio hyper instructifs dilapidés partout dans le jeu. J’étais aux anges. 

Ca se bécote au pays des morts
Ca se bécote au pays des morts

(Oh vous ne savez pas de quoi Grim Fandango parle ? Je vais reposter le synopsis que j’avais posté y’a quatre ans.)

Grim Fandango raconte donc l’histoire de Manny Calavera, qui est mort y’a déjà bien longtemps et qui vit une vie profitable dans l’au-délà puisqu’il est devenu vendeur de voyages vers le véritable au-délà. Les gens sont ainsi jugés par leurs prestations dans le monde des vivants et se voient donc offrir grâce à leur karma un voyage plus où moins confortable vers le repos éternel, voire même le voyage ultime: le Neuf Express, un train hyper rapide qui rejoint l’au délà en quatre minutes au lieu des habituelles quatre années nécessaire au voyage… Sauf que depuis un petit moment déjà, le pauvre Manny peine à vendre de bonnes choses. Tous ses clients semblent avoir eu une vie peu méritante et impossible pour lui de trouver de bons clients… Et pas de bol pour lui, il doit VENDRE un max si il veut pouvoir goûter un jour au repos éternel. Commence alors une aventure où il découvre que tout n’est pas forcément très sain chez les morts. Corruption, magouille, révolution et limousines retapées l’attendent au cours d’un très long voyage de quatre années vers la vérité. Et l’au-delà.

Mais là je viens d’arriver dans le second chapitre et c’est là que je me rends compte à quel point Grim Fandango est un pur produit de la fin des années 90. Avec les défauts qui vont avec. Et comme ce second chapitre je le maîtrise beaucoup moins et je commence à en avoir des souvenirs beaucoup plus flous puisque je ne l’ai fait qu’une seule fois, je galère beaucoup plus. Et c’est terrible parce que:

1/ Les énigmes commencent à être vraiment retorses (y’en a une avec des faux tickets je suis en mode panique.)

2/ On a plein de choses à faire en même temps (on a quatre ou cinq objectifs en parallèle, chacun dépendant d’une quête bien précise et assez longue.)

3/ La carte de ce chapitre est vachement grande. J’ai pas compté mais doit y’avoir une trentaine d’écrans. Voire plus.

Et là, ouch. Au fond de moi j’ai envie de sortir une soluce et de faire le jeu en envoyant les énigmes se faire foutre afin de juste profiter des dialogues et des cinématiques extraordinaires du jeu mais c’est là que je commence à sérieusement me questionner si j’aurais pas du mater un Let’s Play à la place.

Grim Fandango est un pur point & click des années 90, avec les énigmes à base d’objets qui ont fait la réputation de LucasArts à l’époque. Et encore, Grim Fandango simplifie pas mal puisque là on a pas forcément à mélanger les items entre eux… Et je me plains des énigmes du second chapitre qui sont jamais très claires mais le premier chapitre, finalement, avec du recul, ont des énigmes qui peuvent là aussi demander pas mal d’investissement ! Cette énigme à la con à base de ballons à remplir de liquide mousseux et à envoyer dans le tube pour faire venir le réparateur et ne pas oublier de verouiller la porte derrière lui… 

Le saviez-vous ? Ce protège-dents est indispensable pour continuer le jeu
Le saviez-vous ? Ce protège-dents est indispensable pour continuer le jeu

C’est pour ça que parfois je me questionne. J’ai envie de crier sur tous les toits « Grim Fandango est arrivé en HD, c’est le meilleur point and click que j’ai jamais fait, vous devez y jouer ! » Mais est-ce qu’on peut découvrir Grim Fandango en 2015 sans pester toutes les dix minutes ? La maniabilité est pas impec, les énigmes forcent énormément d’aller-retour à la con… C’est un jeu qui va vous faire perdre beaucoup de temps au sens propre. Et si tu aimes l’histoire et l’univers, alors il faut se replonger dans cette mentalité de l’époque qui voulait que l’histoire soit une récompense du travail accompli par le joueur. Tu veux la suite ? Travaille, bonhomme. 

Après c’est finalement toujours le même problème que je traverse depuis deux ans: j’aurais été encore un enfant, un étudiant ou un chômeur, ça m’aurait pas posé de problèmes parce que j’ai plein de temps devant moi. Mais maintenant que je travaille et que j’ai une vie animée, je n’apprécie plus de perdre du temps sur un jeu. Je commence à comprendre ceux qui sont satisfaits d’un jeu qui se termine en six heures. J’ai plein de JRPG que j’ai envie de faire mais dont je me prive car je SAIS que je les finirais jamais par manque de temps. Et Grim Fandango est dans le même cas. Il a la chance d’être sur console portable, du coup j’y joue dans le Transilien entre deux events Love Live. Mais même, j’apprécie guère de passer tout un aller-retour en train à bloquer sur la même énigme. Je me retiens d’utiliser une soluce pour je ne sais quelle question de fierté mais j’avoue sans peine être à deux doigts de craquer. Il est chaud ce jeu, yo. 

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On gueule beaucoup contre le culte de « l’instantanéité », que « faut tout tout de suite », que « les gens prennent plus le temps de s’impliquer dans les jeux » et c’est vrai. Mais hélas, on a plus le choix. Parce que passé un certain point, la société ne nous laisse plus le temps de nous poser et de nous laisser profiter des choses. Et ce remake de Grim Fandango continue  de me mettre ce fait à la figure. Je l’ai acheté pour revivre mon début d’adolescence et, ironiquement, il a fini de me convaincre que je suis devenu adulte. Et que du temps libre, j’en ai pas tant que ça ! Smile triste 🙁 !

Malgré tout je conseille énormément Grim Fandango Remastered. Mais il faut le remettre impérativement dans son contexte et l’acheter en connaissance de cause: c’est un univers magnifique, une écriture fantastique, des dialogues d’une très grande qualité, une musique merveilleuse… mais c’est aussi un gameplay qui a vieilli et un jeu qui ne t’expliquera jamais clairement ce que tu dois faire. Ce qui peut être extrêmement frustrant par moments !

Ouais, foutus patrons !

 

Mais si vraiment la thématique vous branche et que ça ne vous fait pas peur, alors prenez le, vraiment. Et n’ayez pas honte de sortir une soluce des tréfonds de l’Internet dès que vous bloquez vraiment trop. Je pense que ouais, c’est un jeu ou parfois faut mettre son orgueil de coté.

Un peu.

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