Mangas & Animes

A Silent Voice – Dont les écumes font la beauté

Yooooooooooosh.

Je sors de ma première vision de A Silent Voice, l’adaptation cinématographique du manga de Yoshitoki Oîma, et je suis, comment dit-on déjà ? En feu ? Sur-excité ? Enthousiasmé à mort ? Pétant de hype ? Allez, prenez le terme que vous voulez tant que vous comprenez l’idée. Le manga initial, je l’aime énormément, au délà de son très marquant premier chapitre – qui racontait de manière concrète le tourment qu’une classe de CM1 infligeait à une fille sourde -, il racontait par la suite une histoire de redemption auquel je parvenais à m’identifier, porté par son très affable héros. Alors, oui, effectivement, l’histoire n’était pas sans maladresses mais beaucoup de ces choses là je les pardonne, surtout quand je connais l’âge de son autrice… qui est né le 15 Mars 1989, soit un jour avant moi. Vu qu’à mon âge je suis toujours incapable d’oser écrire une histoire, ce qu’a fait Oîma me rend toujours plus admiratif et je vais suivre de près To Your Eternity qui, là encore, ouvre sur un premier chapitre en béton donc, eh, y’a un vrai potentiel là dedans.

Cela étant dit.

La version animé de A Silent Voice elle fait partie de cette grande renaissance du film d’animation japonais qui, depuis deux ans, nous balance des oeuvres excellentes, comme si la fin du studio Ghibli1 avait réveillé tout le monde . Que ce soit Le Garçon ou la BêteDans un Recoin de ce Monde, Dokyuusei ou même encore Your Name, on a eu du lourd, et c’est pas près de se terminer: Hosoda continue son rythme d’un film tous les trois ans et sortira quelque chose l’an prochain, Yuasa est sur un projet, Miyazaki revient également tandis que Yonebayashi a bien l’intention de continuer sans Ghibli. Bref, il y’a quelque chose qui se passe dans l’archipel et c’est tant mieux pour tout le monde, d’autant que ça marcheYour Name est le carton que vous connaissez et même A Silent Voice et Dans un Recoin de ce Monde ont fait des scores vraiment bons, reconnus aussi bien par le public que la critique. Du changement, qu’on vous dit ! Si l’industrie animée télévisée devient effectivement un peu moribonde, c’est au cinéma que les animés reviennent en force !

Cela étant dit².

Cette version animée de A Silent Voice je l’attendais surtout avec impatience en raison de son staff. Déjà pour une première grande curiosité qui est celle de voir le remarquable studio Kyoto Animation loin des terres de l’animé comme ils en ont l’habitude (Suzumiya Haruhi, K-On!, Clannad, Euphonium) pour à la place les voir sur une oeuvre résolument grand public, qui de part ses thèmes et son ambiance ne va pas chercher à toucher les otakus au coeur, mais à la place s’adresser à tout le Japon. Car le manga original, au Japon, c’est comme en France: Silent Voice a touché un public bien au délà des simples lecteurs de manga. Donc voilà le studio qui se confronte à autre chose que les plages de diffusion nocturne pour animés, ce qui est aussi bien excitant qu’intriguant.

Le second point qui me motivait à donf c’était la réalisatrice, Naoko Yamada. Si vous n’avez pas écouté le LOLJAPON où j’ai parlé d’elle de manière rigoureuse et exacte, et vous avez le droit c’est vrai que c’est des émissions très longues, sachez juste que c’est une personne que j’admire profondément. C’est bien simple: dès qu’elle a fait quelque chose pour Kyoto Animation, j’ai adoré. Les épisodes qu’elle a fait pour Clannad ? C’est mes préférés. Sa direction de la saison 2 de K-On ? Ca m’a époustouflé et porté aux larmes. Tamako Market ? Bon ok j’avais pas aimé à l’époque, j’ai revu l’épisode 1 y’a une semaine et j’ai adoré, j’étais juste pas dans le mood à l’époque. Euphonium saison 1 ? Ma série favorite des deux dernières années, ni plus ni moins ni négociation. C’est une femme qui sait diriger, qui sait mettre en scène, qui a des idées, une patte, un ton. Et qui, là aussi, est encore une fois incroyablement jeune, avec à peine 32 ans au compteur. Bref, vu ce qu’elle a fait dans les quinze premières années de sa carrières, qui sont celles où elle est censée faire des erreurs et en apprendre, inutile de dire que les trente années qui suivent, ça va être rock n’roll !

Vous avez donc bien compris la hype qui m’habitait dès l’annonce du projet et qui a continué à m’habiter jusqu’à ce que je sois devant le logo « Kyoto Animation » au début du film ? Cette hype qui est celle de voir un manga que j’adore être adapté par un studio que j’adore qui met sur le coup une personne que j’adore ?

Bien.

Et bah, bonne nouvelle: le film m’a pas deçu. Et ce malgré mes attentes.

Je vais donc vous faire mes sentiments à chauds, sans spoiler. Je ferais peut-être plus tard sur le blog, une fois que le film sera plus facile d’accès, une analyse plus complète. Ca va nécessiter que je relise le manga aussi. Parce que y’a pas mal de différences intéressantes.

Cela étant dit^3.

Le travail d’adaptation est exactement ce qu’il fallait. Le film est déjà mine de rien plutôt long, avec 2h10 au compteur, ce qui pour de l’animation est un paquet de travail. Inutile de vous dire que malgré tout pas mal d’éléments du manga original ont été retirés, particulièrement tout l’arc autour du tournage du film. Vu que c’était l’arc le moins bon du manga, qu’il amenait à une conclusion très peu subtile et très peu utile dans la globalité de l’intrigue, et que le studio a trouvé le moyen de quand même faire en sorte que les conséquences de cet arc sur la « macro-intrigue » puissent avoir tout de même lieu, je prends ce retrait avec un léger soulagement. Pour le reste: on garde tout ce qui est nécessaire, et la fin du film diffère légèrement du manga, tout en gardant le même message et le même ton. En règle général, tous les changements sont une amélioration du récit. On pourrait chipoter et se dire qu’on aurait pu continuer à dégraisser un peu le manga en retirant certaines scènes de ci de là, mais ça n’aurait sans doute été qu’un gain de cinq minutes au mieux, et même les scènes les moins à priori « utiles » d’un point de vue de l’intrigue ont un interêt réel au niveau de la narration, servant souvent de bulle d’air entre deux scènes graves ou fortes.

 

 

Du coup certains personnages bénéficient de l’adaptation: le pote du héros, Nagatsuka, est l’exemple le plus concret. Il est beaucoup moins insupportable, pour ne pas dire qu’il devient vraiment appréciable ! Si il reste assez immature par moment, il est beaucoup plus équilibré et amène plus de choses au récit. Idem pour la soeur de Shoko, Yuzuru, qui est toujours aussi présente mais gagne toujours plus de petites répliques humoristiques qui font mouche, rendant le personnage beaucoup plus attachant et sympathique que dans le manga. Enfin, le personnage de Maria m’a semblé mieux mis en avant dans l’adaptation, et c’est vrai que là aussi elle apporte toujours un peu de légèreté quand nécessaire.

D’autres en souffrent: Sahara fait moins d’apparitions mais le plus gros perdant est sans doute Satoshi qui n’existe plus que pour être « le pote de Kawai » et qui possède un nombre de répliques très restreint par rapport aux derniers tomes du manga. Si vous aimiez ces persos dans le manga, vous allez être deçu. Notez que c’est pas forcément un mal que certains persos passent à l’as, c’était hélas nécessaire pour que le film tienne mieux en 2h10 et ils étaient très liés à toute l’intrigue du tournage de film donc…

Le film est visuellement incroyable. Quelques screenshots supplémentaires ? Ok.

(J’ai pris les premiers au pif)

Le travail de Kyoto Animation sur les décors est aussi bon voire meilleure que dans une série comme Euphonium. Et, j’en suis le premier surpris, leur chara-design typique colle vraiment bien à l’univers de Silent Voice. On reste dans leur style habituel, entendons nous bien, mais il est plus effacé qu’à l’accoutumée. Le choix des couleurs est constamment juste, bref le film est un vrai plaisir pour les mirettes avec, en bonus, la qualité d’animation habituelle du studio.

D’ailleurs, la mise en scène fonctionne pas mal sur les effets d’écho. Il y’a des petites répétitions de situation qui sont intéressantes via la symbolique qu’elles apportent. Ce qui est pas mal fait c’est que souvent la scène initiale nous marque sans nous faire poser de questions puis que quand cette scène est « recréée », on est doublement touché via la comparaison qu’on va tout de suite faire. C’est pour ça que je vous enjoins à regarder le film en étant vigilant, tout est susceptible de revenir ! Plus largement cet effet de style est doublement intéressant car il assoit un des thèmes principaux du film qui est qu’on est tous le miroir de quelqu’un. Les personnages principaux sont en effet pris des mêmes doutes, des mêmes peurs, et nous ne sommes pas tous si différents !

 

 

La scène d’introduction qui utilise du The Who ? C’est doublement, triplement, définitivement oui. Naoko Yamada semblait tenir absolument à utiliser ce morceau et depuis que l’animé K-On a rajouté à Ritsu un culte de Keith Moon, je soupçonne Yamada d’être fan du groupe mais, soyons honnêtes, y’a vraiment pire comme groupe favori. Le morceau est bien utilisé, apporte un vrai bon rythme au début du film et n’est pas gratuit, puisqu’il illustre bien à quel point Shoya et ses amis étaient « heureux » avant l’arrivée de Shoko dans leur classe. L’OST, en général, est vraiment de très bonne facture. Elle contribue pas mal à l’émotion quand nécessaire, et sait se faire discrète si il le faut. Pas de violons tristes, juste des jolis titres, adéquats.

D’un point de vue doublage, on va d’ailleurs effectivement saluer le travail de Saori Hayami qui parvient à jouer une sourd-muette sans en faire des caisses. Tous les autres personnages ont des comédiens solides, qui font le taf et qui, comme dans le film et la seconde saison de Euphonium, atténuent le « surjeu » habituel de l’animation japonaise pour tâcher de trouver un ton plus crédible.

 

 

D’ailleurs c’était ma peur: le langage des signes est traité convenablement à l’image. C’est à dire que les gestes sont parfaitement retranscrits (mais ne nous serons d’aucune utilité nous occidentaux vu que c’est du langage des signes japonais) mais au lieu de les sous-titrer, ils nous sont souvent traduits de manière un peu artificielle, c’est à dire que Shoko va dire quelque chose en langage des signes et son interlocuteur va repéter tout haut pour qu’on comprenne. Le fameux syndrome Flipper le Dauphin, si vous voyez ce que je veux dire 2. La bonne nouvelle, par contre, c’est que certains gestes sont expliqués une fois mais jamais re-traduits de cette manière par la suite. On ne nous prend donc pas pour des idiots et, vous allez voir, si vous savez pas dire pardon en langage des signes japonais après avoir vu le film, c’est vraiment que vous avez pas fait attention.

Tant qu’on est sur le visuel, il semblerait que Yamada et Kyoto Animation ont méga kiffés le concept des croix sur le visage des personnes que Shoya « refuse d’entendre », et ça va jouer une place primordiale dans le récit et la mise en scène. Les croix vont souvent se décoller… mais aussi se recoller. Et à chaque fois, vous vous en doutez, ça aura une vraie importance.

Que dire de plus ? Le film m’a pas mal ému. Pourtant c’est une histoire que je connais déjà mais j’ai quand même été pris par ce que le film disait ou montrait. Ca se joue pas mal sur des petits détails ou sur des plans parfois très forts (GROS SPOILER celui-ci en particulier me brise le coeur GROS SPOILER) qui ont fait montrer en moi de manière souvent instantanée une vraie tristesse. Et la fin restant très belle, j’ai aussi été emporté par celle-ci.

Si je devais citer quand même un défaut avant de partir, j’en ai un et c’est hélàs la même chose que dans le manga: je ne comprends vraiment pas le personnage d’Ueno. Je ne sais pas ce qu’on essaie de nous dire avec elle ? Le film continue, comme le manga, a être trop ambigu sur son sujet. Je ne demande pas un personnage simple et manichéen, qu’on sait clair, mais je n’arrive vraiment pas à saisir son caractère, ses idées, son objectif. Elle me paraît s’en sortir trop facilement. Mais pour le coup c’est un jugement qui est très personnel, vous pouvez avoir mieux compris le personnage que moi…

Donc voilà ce que je peux dire à chaud ! Le film est une vraie réussite et je vous le recommande chaudement dès que possible. Si vous pouvez aller le voir à Annecy, sautez dessus, vous passerez deux excellentes heures. Damn, dès que vous apprennez qu’il passe dans un festival près de chez vous, réservez vos places, ce film est si beau que le voir dans des conditions cinéma doit être un vrai bonheur. Sinon, attendez patiemment la sortie BR de par chez nous même si, et c’est là que je vais râler, on a toujours zéro nouvelles à l’heure d’aujourd’hui. Et le problème c’est que je suis pas optimiste: ces derniers temps Kazé- qui est donc le distributeur du film- nous a fait quelques sales coups comme, par exemple, leur gestion lamentable du film Jun, la voix du Coeur qui est depuis un an perdu dans les limbes, sans date claire pour la sortie en format physique et ce malgré des projections en festival depuis juin 2016 ! J’espère sincèrement que Silent Voice va pas connaître le même sort… Déjà que je suis méga salé de pas voir le film avoir une sortie en salles (alors qu’au Royaume-Uni ils l’ont eus !) (et ce alors que les britanniques sont habituellement peu férus d’animation jap !), si en plus le BR sort jamais chez nous…

Moi qui me disait « tin la France va enfin découvrir Naoko Yamada, ça va être ouf »…

… Bon bah je peux me gratter…

Mais bref, je voulais pas forcément finir mes impressions à chaud en pétant l’ambiance parce que le vrai message, dans l’histoire, c’est que le film est inratable. Vous avez lu le manga et vous l’avez aimé ? Vous allez redécouvrir l’histoire, magnifiée ! Vous avez lu le manga et vous avez été peu convaincu ? Redonnez lui sa chance, le « gras » des 4 derniers tomes a été nettoyé ! Vous ne connaissez rien à Silent Voice ? Parfait, non seulement vous allez découvrir l’histoire de manière optimale mais en plus si ça vous plaît vraiment, vous pourrez découvrir après le manga et en apprendre plus sur certains personnages secondaires.

C’est donc un excellent film qui ne vous laissera pas… silencieux… 

Oh god c’est là dessus que je vais conclure ?

On dirait.

  1. QUI REVIENT, COMME PREVU
  2. Un dauphin parle à un mec, le mec dit « comment ça dauphin ? la racine carrée de 4 c’est 17 ? Mais tu as bu quoi, dauphin ? » et voilà, le dialogue est pas naturel mais au moins on a compris le dauphin et oui je pense qu’on peut créer un nom de syndrome en s’inspirant de sketchs de Anthony Kavanagh
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