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La place de la famille dans les films de Mamoru Hosoda: trois films pour trois points de vue

On est quelques semaines après la sortie en France du Garçon et la Bête et, très naturellement, le nom de Mamoru Hosoda est sur toutes les lèvres. Un peu facilement qualifié de « nouveau Miyazaki » dans la presse généraliste, jugé comme la meilleure chose qu’il soit arrivé à l’animation japonaise depuis Satoshi Kon par la presse spécialisée dans le cinéma, plus généralement adoré par les passionnés et otakus français. Bref, encore une fois le réalisateur japonais, qui n’en est qu’a son sixième long-métrage et son quatrième sorti en salles en France 1, déchaîne l’enthousiasme général comme j’ai rarement vu en matière d’animation japonaise – seulement Miyazaki et Kon pouvant justement prétendre à un tel amour du public français.

Après c’est comme tout: il n’est pas intouchable. Et comme le consensus total ça serait, il est vrai, un peu chiant, des voix commencent ici ou là à signaler que Hosoda, ce n’est peut-être pas la statue irréprochable qu’on veut décrire. Une des critiques revenant le plus régulièrement signalant qu’il a beau être sympa mais que, bon, ses films parlent tout le temps de la même chose.

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Mamoru Hosoda qui fait un sourire forcé après avoir entendu dire qu’il fait « tout le temps la même chose »

En soit, il y’a effectivement trois thèmatiques qui reviennent constamment chez les films d’Hosoda 2 : la première thématique c’est souvent de faire d’événements fantastiques et extraordinaires des éléments concrets du quotidien d’une personne jusque là « normale » – l’homme loup, le pouvoir de voyager dans le temps, un monde parallèle rempli de bêtes, un monde parallèle numérique – et de traiter ça de manière à ce que la frontière entre éléments fantastiques / science-fictionnels et éléments réels soit la plus fine possible.

La seconde c’est l’amour. Y’a toujours une histoire d’amour chez Hosoda. Ca se manque pas. Mais y’a pas forcément énormément à en dire dessus, d’autant qu’on ne peut pas vraiment dire qu’il possède le monopole des histoires d’amour au cinéma.

La troisième c’est bien évidemment la famille. Ca ne vous aura pas échappé car il ne faut pas avoir BAC+6 en critique cinéma pour le constater mais, oui, Hosoda aime en parler. Peut-être pas tant que ça dans La Traversée du Temps mais ses trois films suivants – Summer Wars, Les Enfants Loups, Le Garçon et la Bête – tournent clairement autour de ça et en font, sans la moindre subtilité, leur thème principal.

Du coup c’est devenu une critique: Hosoda, il parle tout le temps de la même chose, il change pas. C’est pas illogique de le reprocher, et on peut comprendre la frustration que certains peuvent avoir de voir quelqu’un de talentueux comme Hosoda pas tenter des thématiques « neuves. »

Neuves comme quand il a décidé de rendre One Piece super glauque
Neuves comme quand il a décidé de rendre One Piece super glauque

Mais en même temps ça me semble montrer qu’on est passé à coté de quelquechose: à chaque fois, Hosoda parle de la famille mais change comment il en parle. Et si il en parle c’est ni par facilité ni par calcul, mais aussi parce que quand on s’informe sur sa vie personnelle et ses convictions, on comprends qu’il a une certaine légitimité à parler de familles. Dès lors, il faut à mon sens prendre le trio Summer Wars / Enfants Loups / Garçon et la Bête plus comme une sorte de trilogie venant d’un véritable auteur qui va tout simplement parler de famille sous trois angles à chaque fois différents mais qui seront au final complémentaires.

Et comme expliquer c’est déjà un peu excuser, revenons sur ces films et sur leur manière d’aborder les liens familiaux. On en profitera pour revenir sur la personnalité et la biographie de Hosoda, le tout pour voir d’où peut lui venir sa passion pour ce thème.

Ça spoile les trois films donc… euh… vaut mieux les avoir vus.

Par contre ça spoile pas la Traversée du Temps donc ça va
Par contre ça spoile pas la Traversée du Temps donc ça va

L’enfance d’Hosoda, et ses idéaux plus généraux sur la famille

Mais avant de parler des créations, évoquons le créateur.

On sait de l’enfance d’Hosoda que ce qu’il a bien voulu dire en interview ou dans quelques makings of dispersés de ci de là. On sait que son père travaillait dans le monde merveilleux des chemins de fer, que celui-ci était très souvent absent en raison de ce travail, qui nécessite souvent de s’éloigner de sa famille, et que sa mère l’a souvent élevé en étant seule. Son adolescence, il la décrit comme celle d’un garçon introverti qui trouve dans le dessin une forme d’échappatoire et qui a été énormément marqué par Galaxy Express 999 et Le Chateau de Cagliostro. C’est un peu tout ce qu’on sait. Mais c’est déjà précieux puisqu’il suffit d’une seule phrase pour comprendre qu’il a énormément de respect et d’admiration pour sa mère et que la figure paternelle, il pourrait en revanche en avoir un peu manqué.

Autre points importants de sa vie personnelle: il va se marier autour de 2006/2007 et avoir son premier enfant autour de 2012, ce qui va jouer un rôle important pour la suite, notez ça bien.

Hosoda recevant un équivalent de l'Oscar japonais pour le prix du meilleur film d'animation. Je ne sais pas pour quel film: la Traversée du Temps, Summer Wars et les Enfants Loups l'ont eu
Hosoda recevant un équivalent de l’Oscar japonais pour le prix du meilleur film d’animation. Ici ne sais pas pour quel film: la Traversée du Temps, Summer Wars et les Enfants Loups ont eu ce prix.

Le thème de la famille, cependant, le rend beaucoup plus loquace. Il a pas mal exprimé ces dernières années ses craintes vis à vis de la baisse de la démographie japonaise et semble réellement chagriné du déclin des « valeurs traditionnelles de la famille », surtout, dit-il, dans un « monde aussi instable que le nôtre. » Un message pas forcément très doux à nos oreilles françaises, quand des termes comme « valeur traditionnelles de la famille » est souvent lié – à tort ou à raison – à des partis politiques très conservateurs et bien à droite sur l’échiquier politique. Il s’attriste aussi de la multiplication des parents uniques, des couples qui se séparent et de l’impact néfaste que cela peut avoir sur les enfants.

On va développer cela plus tard mais, en somme, Hosoda est très traditionnel sur la question de la famille, et c’est un idéal qui semble profondément ancré en lui. Comme Miyazaki pouvait se sentir vis à vis d’idéaux écologistes, en somme.

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Summer Wars: la famille avec un grand F

Je passe donc sur La Traversée du Temps qui ne parle que peu de famille: tout au mieux pourrait-on parler des relations entre Makoto et sa tante (tante qui lui sert vaguement de mentor vu qu’elles ont vécues la même expérience 3) mais ça reste assez léger et c’est loin d’être important dans le film. Donc je me permets d’évacuer, à vous de me dire si j’ai tort de le faire.

Summer Wars, donc, débute la production peu après que Hosoda se marie. Ce qui va le faire intégrer une seconde famille et va donc l’amener à rencontrer toute la famille de sa dulcinée. C’est quelque chose qu’a pu expérimenter tous ceux qui se sont mis en couple de manière un peu sérieuse: la découverte de la famille de l’autre. Devenir membre de ce « clan » qui était, il y’a encore peu de temps, de parfaits inconnus mais qui sont susceptibles un jour de devenir des proches. Ce n’est pas juste rencontrer les parents de l’être aimé, c’est aussi rencontrer les grands parents, les oncles, les tantes, les cousins… Beaucoup de gens. C’est un sentiment similaire à celui d’être jeté au milieu d’un océan en sachant nager que la brasse !

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Summer Wars c’est donc Kenji qui, l’espace d’une semaine, va devoir s’intégrer dans la famille de celle qu’il aime, Natsuki, en se faisant passer pour un potentiel futur membre de la famille. Mais chez Natsuki on retrouve les Jinnouchi qui est une famille très vivante, très nombreuse, a eu une  forte puissance dans le passé et vit sous le patronage d’une matriarche, et grand mère de Natsuki, Sanae, qui possède l’expérience, l’autorité et les capacités d’écoutes suffisantes pour réussir à bien faire fonctionner ce mélange de caractères extrêmement variés.

La famille Jinnouchi est composée d’une vingtaine (trentaine ?) de personnages mais peut presque être considéré comme un personnage unique, qui parle souvent d’une seule voix et dont l’unité n’est jamais vraiment remise en cause. Unis, ils peuvent même se montrer sans pitié et être un mur implacable, comme le montre leur exclusion de Wabisuke, qui certes porte en lui le crime d’avoir vendu le virus Love Machine aux Etats-Unis, mais en fait est surtout coupable du crime de ne pas être « vraiment » de la famille puisqu’il est le fils illégitime du grand père. Ca va être justement parce que Sanae va imposer via son testament que les autres membres de la famille vont l’accepter, et essayer d’enfin comprendre les motivations de ce personnage qui, au final, aura fait tout ce qu’il a fait uniquement dans le but de se racheter de ce crime de sang auprès de sa famille « d’adoption » en essayant de lui retrouver sa gloire pécuniaire passée.

Bref, les événements principaux de Summer Wars arrivent surtout parce qu’un fils illégitime voulait essayer de se racheter auprès d’une famille qui le voyait comme un étranger. Pas mal !

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Pour résumer: Summer Wars va donc traiter d’une cellule familliale super unie, qu’on va découvrir en même temps que le personnage principal, et cette famille va être à elle seule un personnage à part entier, qui va soutenir de manière incroyable le héros à la fin mais dont l’unité est aussi indirectement à la source des problèmes que celui ci va devoir affronter. La matriarche va jouer un rôle central pour contrôler cette famille, aussi bien dans la vie que… dans la mort (j’avais dit que ça allait spoiler.)

 

Les Enfants Loups: Être mère, être enfant

Donc Mamoru Hosoda est marié et, du coup, avoir un enfant semble la suite logique. Sauf que cet enfant, il n’arrive pas. C’est dans cet état d’esprit que Hosoda commence la production des Enfants Loups. Heureusement il va apprendre un an avant la sortie du film, qui sera alors déjà bien avancé, qu’il va enfin devenir papa donc, rassurez-vous, ça finira bien pour lui. Mais reste que pendant ce temps, il a pu observer tous ses amis devenir progressivement parents et la volonté d’écrire un film sur le fait d’élever des enfants semble lui être devenu une évidence.

La première version du film aurait dû être, selon Hosoda, l’histoire de trois générations. L’une d’entre elles aurait vu le père devoir partir à la guerre peu après la naissance de son premier film et le film aurait été centré sur la mère, et sur comment elle aurait survécue jusqu’à nos jours. Pas vraiment de loups mais déjà la volonté de montrer une mère redevenue célibataire par la vie et qui aurait du dédier sa vie à la fois à sa survie mais aussi à l’éducation de ses enfants. Ce qui décrit déjà totalement Hana.

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Hana c’est une jeune femme qui tombe amoureuse d’un homme, qui vit une relation complète et fusionnelle avec lui, qui parvient à accepter son secret, qui a deux enfants de lui, qui doit surmonter sa disparition, qui sacrifie sa vie pour celle de ses enfants et devient une toute nouvelle personne quand vient le moment de déménager, ce qui signifie pour elle quitter son ancienne vie urbaine. Elle est la pièce maîtresse du film et on va la voir grandir, changer et évoluer durant la quinzaine d’année que dépeint le film. Sa vie, elle va la mener non pas pour son bien mais pour celui de ses enfants, qu’elle va mettre en priorité plus que tout. Quand ses enfants sont heureux, elle est heureuse. Quand ils sont en mauvaise santé, elle même en dort plus. Son humeur va dépendre de leur humeur mais elle sera toujours seule dans cette situation, et n’ira jamais demander le soutien de quiconque.

Pour décrire ce genre d’archétype on utilise parfois le terme « Mère Courage » mais vu que ça vient d’une pièce de Bertoldt Brecht qui, spoiler alert, se termine pas très bien, on va juste rester sur celui de la mère forte et indépendante. C’est un thème, pour le coup, vraiment universel, ce qui explique sans doute le très bon succès de l’anime en France et ses 150 000 entrées en 2012.

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Mais le film va pas se contenter de parler de Hana. C’est aussi l’histoire de Ame et Yuki, qui sont nés de deux parents tous deux différents, et qui vont devoir choisir à quelle « famille » ils appartiennent. Du point de vue de Hosoda, quand on lui demande de définir la « parenté », tu es un parent entre le moment où ton enfant né et au moment où celui-ci devient indépendant. L’indépendance, c’est ce à quoi accède Ame et Yuki à la fin du film, chacun faisant un choix primordial qui va dicter le reste de leur vie et se détacher de leur mère. A ce titre, le film traite donc de l’intégralité de l’expérience de parent pour Hana.

La fin est d’ailleurs un peu ambigue: Hana est-elle triste d’être « abandonnée » par ses enfants ou heureuse de les voir voler de leur propres ailes ? Hosoda avoue avoir choisi l’ambiguïté volontairement, quel coquin.

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Par contre ce qu’il dit plus explicitement c’est que ce film a aussi été fait pour dire quelle joie on peut ressentir en devenant parent. Bon, je vais être honnête, vu tout ce que mange Hana dans la première heure de film, j’ai pas interprété comme ça à la première vision. Mais il le soutient à mort, comme il le dit dans cette interview à twitchfilm, et dans ce paragraphe en particulier que je vous traduis du mieux que je peux:

Au Japon il y’a en ce moment beaucoup de personnes non mariées ; de personnes qui n’ont pas d’enfants ou qui attendant « plus tard » pour leurs enfants. Dans ce contexte, et avec ce film, j’ai souhaité montrer aux spectateurs à quel point avoir des enfants et être parent c’est fantastique.

Voilà pour Les Enfants Loups. C’est évidemment son film le plus centré sur la famille, et chaque minute en parle. Est-ce que c’est aussi un hommage à sa mère qui l’a souvent élevé seule ? Eh, ça ne serait pas étonnant. Maintenant, si Hosoda peut se transformer en loup, dites le moi vite parce que c’est quand la méga classe.

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La Scène de la Neige / 20

Le Garçon et la Bête: Être père, être fils

Du coup Hosoda est devenu père en 2012 et cela lui a fait decouvrir plein de choses sur lui-même en très peu de temps. Et pourtant, en plus d’apprendre à être père, il se met déjà au travail sur son film suivant et inutile de dire que l’un va empiéter sur l’autre… et vice et versa.

Un point très important d’ailleurs, et je me rends compte que je suis moi même passé à coté de ça quand j’ai critiqué le film: c’est la première fois depuis La Traversée du Temps qu’il écrit et réalise un film sans l’aide de la scénariste Satoko Otoko, qui a joué un rôle prépondérant – et un poil sous-estimé – sur les trois précédents films. Ce film, c’est Hosoda qui va l’écrire, seul.

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Pour récapituler: Le Garçon et la Bête va donc raconter l’histoire de Kyuuta / Ren, un garçon dont la mère vient de mourir et au père parti qui va fuguer et se retrouver dans un monde parallèle, dans lequel il va rencontrer Kumatetsu, prétendant au titre de seigneur des bêtes mais qui va devoir élever un disciple si il souhaite accéder à ce rang. Il va donc prendre Kyuuta sous son aile et les deux possédant un caractère assez explosif, ils vont très vite se compléter.

C’est cette fois la paternité qui est évoquée dans ce film, qui est aussi le premier de Hosoda où on ne trouve pas vraiment de personnages féminins au premier plan 4. On pourrait donc le prendre pour un film « de mecs » mais cette fois Hosoda va développer la facette qu’il n’avait pas pu développer dans son film précédent et, aussi, témoigner de ses premières expériences de père.

Car même si au final il fait office de père de substitution pour Kyuuta, Kumatetsu semble pourtant pas fait pour le job à première vue. Acarîatre, arrogant et égocentrique, sa cohabitation avec Kyuuta aurait pu tourner facilement au psychodrame. Mais avec ce « fils » qui sait lui tenir tête, l’univers de l’ours va clairement changer et il va s’ouvrir, progressivement, à des changements de son caractère et de sa manière de penser, devenant un homme meilleur mais qui ne sacrifie pas forcément pour autant ses valeurs. Et la fin du film est même révélatrice puisque Kumatetsu, qui nous est initialement présenté comme un personnage rempli de défauts dont celui de l’égoïsme, va décider de sacrifier son corps pour sauver celui de ce fils d’adoption qu’il avait pourtant accueilli initialement par obligation, terminant ainsi son évolution, qui n’aurait jamais débutée sans l’arrivée de Kyuuta dans sa vie.

Un des deux a un petit problème de père et ça va créer des soucis: saura tu deviner lequel ?
Un des deux a un petit problème de père et ça va créer des soucis: saura tu deviner lequel ?

Mais il n’y a pas que Kyuuta et Kumatetsu: il y’a Kyuuta et son véritable père biologique, qu’il retrouve lors d’une vadrouille dans le monde réel. Un père biologique qui a été inquiet de la disparition de son fils, qui culpabilise de ses actions passées et qui est prêt à tout pour rattraper le temps perdu. Kyuuta ne traverse pas une longue crise existentielle à se demander lequel de son père biologique ou son père adoptif est son « vrai père » , il considère les deux comme des parents légitimes, et, même si le point de vue peut paraître simple, il reste adéquat à la vision d’Hosoda.

Autre relation père/fils du film, il y’a aussi celle entre Ichirohiko et son « père », Iozen, qui est finalement très semblable à celle de Kyuuta et Kumatetsu, mais prend une direction beaucoup plus tragique. On a ainsi Ichirohiko qui, ne trouvant jamais la satisfaction de connaître son véritable père, va voir naître en lui un mal profond, qui va amener au parricide… du père adoptif. On pourrait pas mal théoriser là dessus d’ailleurs: est-ce que Hosoda, via cette relation, nous montre qu’une relation paternelle « cassée » peut amener à la naissance d’un pétage de câble meurtrier ? C’est peut-être un peu tiré par les cheveux, mais on peut l’interpréter comme ça.

Bref: là ou dans Les Enfants Loups il voulait rendre hommage aux mères, à commencer par la sienne, il est dans Le Garçon et la Bête, plus dans le témoignage de son expérience actuelle de la paternité. A ce titre, si Hosoda s’identifie en Kumatetsu et qu’il voit son fils en Kyuuta, c’est aussi le plus beau message d’amour qu’un parent peut faire à son tout jeune enfant.

 

Preuve un peu plus tangible de l'entrée de Hosoda dans le mainstream: le Garçon et la Bête qui accompagne une marque de jus de fruits dans de nombreuses publicités, animées par le studio Chizu.
Preuve un peu plus tangible de l’entrée de Hosoda dans le « grand public »: le Garçon et la Bête qui accompagne une marque de jus de fruits dans de nombreuses publicités, animées par le studio Chizu.

 

Pour conclure

Comme je l’ai dit en premier lieu, je considère que Summer Wars, Les Enfants Loups et Le Garçon et la Bête forment une trilogie sur le thème de la famille. Je reste subjugué par la manière qu’il a à chaque fois de tourner la thématique sans jamais renoncer à ses idéaux – il ne montre finalement que très peu les aspects « sombres » des familles – et en changeant à chaque fois le point de vue qu’il adopte sur la question. A titre personnel, je ne suis pas quelqu’un qui soit très attaché aux valeurs familiales, mais Hosoda arrive à traiter le sujet sans me lourder ou me sentir victime d’une sorte de moralisme sur la question.

Après c’est un sujet universel: l’immense majorité des spectateurs potentiels pensent que oui, les valeurs familiales c’est important. Nos sociétés se sont toujours fondées autour de cela et on a souvent été éduqué avec cette idée en tête. Donc oui, les histoires positives autour de la famille, ça sera toujours bien reçu et apprécié. Ce n’est pas un thème casse-gueule comme quand Satoshi Kon aborde la folie dans Perfect Blue ou quand Yuasa pète un câble et nique les codes avec Mind Game. Car oui, Hosoda il fait partie du mainstream. Malgré ce que disent certains, si aujourd’hui tu fais un film qui fait l’apologie des valeurs familiales, tu n’es pas à contre-courant. 

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C’est un peu ça qui me semble être reproché à Mamoru Hosoda quand il traite de la famille: même si l’auteur le fait avec ses tripes et sa vision, mais ce n’est pas « risqué. » Qu’on le veuille ou non, Hosoda reste un auteur grand public qui est extrêmement bienvaillant avec son public et ne cherche finalement pas à le sortir de sa zone de confort. D’un point de vue chiffres ça cartonne puisqu’on peut voir le public être de plus en plus nombreux à voir ses films 5. A partir de là, on peut comprendre la tristesse de certains passionnés de voir cet auteur produire des choses qui sont, finalement, consensuelles, là ou les auteurs et les oeuvres qui prennent des risques ne sont pas forcément aussi bien récompensées 6.

Après, c’est les qualités et défauts individuels des films qui entrent en jeu: est-ce que Les Enfants Loups ne se veut pas trop larmoyant pour son bien ? Le scénario de Summer Wars n’a t-il pas quelques détails à se reprocher ? La relation entre Kaede et Kyuuta dans Le Garçon et la Bête n’est-elle pas maladroitement écrite ? C’est des questions qu’on peut légitimement se poser et il n’est pas question de dire ici que tous les films d’Hosoda sont intouchables. C’est comme tout: ça se débat 7.

Mais peut-on nier à Mamoru Hosoda son statut d’auteur ? Non.

Peut-on légitimement lui reprocher de faire tout le temps la même chose ? Non, parce que ce n’est pas le cas.

Peut-on considérer que son amour pour les valeurs traditionnelles et conservatrices le desservent en tant qu’artiste ? Je suis méga progressiste et libéral comme garçon et je pense que non, parce qu’il arrive à rester universel dans sa manière de s’exprimer sur ses idéaux. Les Enfants Loups et Le Garçon et la Bête c’est des messages qui parleront à tous. 

Peut-on le traiter de vendu au système ? Non plus, si il en est là ou il est, c’est grâce à ses compétences et jamais parce qu’il a baisé les pieds du système de création artistique.

C’est pour ça que Hosoda fascine, enthousiaste, est aimé et fait parler: il est immensément talentueux, très créatif et il utilise ses films pour s’exprimer autour de sujets qui lui sont chers. C’est donc un grand artiste qui a non seulement tout l’avenir devant lui mais à en plus la chance d’avoir à sa disposition les moyens de pleinement s’exprimer et de réussir à toucher un public pas seulement limité au Japon. C’est donc naturellement qu’il devient, un peu par défaut, la nouvelle grande figure de l’industrie de l’animation japonaise. Haters gonna hate, comme on dit sur Internet, mais reste qu’on attend toujours son premier véritable faux pas.

Donc rendez-vous en 2018 pour son prochain film ? Difficile de ne pas être motivé !

D'ici là, Hana aura peut-être réussie à faire croître autre chose que des patates
D’ici là, Hana aura peut-être réussie à faire croître autre chose que des patates

Interviews intéressantes et complémentaires

Elles m’ont pas mal aidées à developper cet article, mais attention c’est en anglais 🙁

http://www.japanpolicyforum.jp/archives/culture/pt20131201125829.html => Retranscription d’une table ronde réalisée peu après la sortie des Enfants Loups et principalement centré autour des questions familliales et sociales du film. Hosoda y parle énormément de choses personnelles et comme il peut étayer son propos dans un contexte plus cool qu’une interview, il y est moins « radical » dans sa vision de la famille que ce qu’on entend de lui d’habitude.  C’est passionnant.

http://twitchfilm.com/2013/03/mamoru-hosoda.html => Interview de twitchfilm pas forcément ultra passionnante mais avec quelques questions très précises sur Les Enfants Loups, où Hosoda va expliquer plus succintement que dans le lien précédent sa motivation à faire le film.

http://blogs.indiewire.com/sydneylevine/the-boy-and-the-beast-dir-mamoru-hosoda-on-shared-fatherhood-why-his-films-deal-with-two-worlds-20160115 => Interview d’Indieware pas mal centrée sur  Le Garçon et la Bête

 

Notes de fin de page

J’ai installé cette extension WordPress, je sens déjà que ça va être ma nouvelle amie c’est TELLEMENT pratique <3. 

  1. Je ne compte pas Digimon le film parce que vu le remontage barbare, c’est plus vraiment le film qui a été conçu par Hosoda au départ
  2. Quand je dirais « films d’Hosoda » dans cet article, je vous préviens dès maintenant: je ne prends en compte ni Bokura no War Game ni One Piece et le Baron Omatsuri, non pas parce qu’ils seraient mauvais (c’est très loin d’être le cas et j’en profite pour vous dire que le Baron Omatsuri ça déchire pas mal) mais surtout parce qu’ils sont des films à licence où Hosoda n’a pas forcément eu les mêmes libertés que ce qu’il aura à partir de La Traversée du Temps.
  3. Puisque je le rappelle, dans le roman original, c’est la tante de Makoto qui a les pouvoirs de remonter dans le temps durant son adolescence.
  4. Le personnage de Kaede arrive assez tard dans le film et ne joue pas vraiment de rôle « majeur » dans le film même si là j’avoue être subjectif as fuck.
  5. Au Japon en tout cas, où Le Garçon et la Bête a été longtemps en tête du box office local. En France, Le Garçon et la Bête pourrait finir avec moins de spectateurs que Les Enfants Loups, malgré l’appui du groupe Gaumont dans la distribution, qui aurait du lui bénéficier. Est-ce dû au film lui-même où à la distribution qui a quelques soucis à se reprocher ?
  6.  Beaucoup de personnes sont toujours très salées après avoir appris que le film postume de Satoshi Kon ne serait sans doute jamais terminé, manque de moyens. Si c’est dégueulasse de voir une figure emblématique comme Kon être ainsi piétinée par l’industrie, il me paraît plus important de dénoncer le système actuel de financement de l’animation japonaise – extrêmement fébrile et conservateur, lié à une bulle qui peut exploser n’importe quand – que les succès que peuvent avoir Mamoru Hosoda ou les adaptations des lights novels fantasy-classique à la mode. C’est l’industrie dans son ensemble qui doit être remise en cause et ni ses succès, ni son public. Maintenant, ça ne changera pas en un claquement de doigts, c’est sûr, et j’avoue être assez pessimiste en pensant que pour que l’animation japonaise reconstruise sa manière de fonctionner, toujours trop tributaire des méthodes créées par Tezuka dans les années 50, elle va devoir exploser un de ces quatre
  7. Même si je considère que si t’as pas pleuré sur Les Enfants Loups, t’es un psycho. Déso pas déso.
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Un commentaire

  • m3r1

    C’est marrant que tu n’as pas pensé que les enfants loup nous montre la joie qu’on peut ressentir en devenant parent. Parce qu’avant que tu le dises, ça me paraissait tellement évident, je pensais même pas qu’on pouvait ressentir ça autrement.
    J’imagine que le fais que j’ai hâte d’avoir des enfants joue pour beaucoup dans tout ça.

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