Le Garçon et la Bête – Et Vlan
Inconvénients de vivre en Ile de France: les loyers sont beaucoup trop chers et tu peux désormais te faire flinguer par des mecs de Daesh quand tu vas faire tes courses.
Avantages de vivre en Ile de France: tu peux aller voir des avant-premières au cinéma.
Worth it ?
Bah quand il s’agit de voir en avance un film de Mamoru Hosoda, bah oui, bien sûr que c’est 100% worth it.
Il était donc diffusé hier dans le cadre de l’ouverture du festival Kinotayo, festival francilien dédié au cinéma contemporain japonais, et c’est une salle bondée mais enthousiaste qui a pu voir le film, un peu tous attristés de l’absence de Mamoru Hosoda, que les assurances ont empêchées de venir en France. Scrogneugneu comme on dit chez nous.
Voilà donc le moment où je donne mes ressentis sur le film en tâchant de ne rien spoiler. Le film sort dans deux mois – le 13 janvier – et j’espère que vous irez nombreux dans les salles pour aller le voir, car il le mérite. Mais pourquoi il le mérite ? C’est là que je développe…
Je vais être assez vague sur l’intrigue mais, en somme, sans vous surprendre, Le Garçon et la Bête va vous parler de la rencontre entre… euh… un garçon et… euh… une bête. La majorité de l’intrigue se déroule ainsi dans un monde parallèle où vivent des personnages mi-humains mi-bêtes dans lequel le héros – Ren – va se retrouver par hasard et y grandir comme disciple de Kumatetsu, la « bête » du film. Un ours anthropomorphisé particulièrement colérique et impulsif.
Le film est, comme Les Enfants Loups, divisé en trois parties assez distinctes. Sans dévoiler leur contenu, disons juste que la première partie est la plus longue des trois et est aussi, de très très loin, la meilleure. Car le film réussit très vite à nous happer et à nous immerger: tout commence par une très belle intro à base de flammes et la découverte du monde des Bêtes par Ren est assez prodigieuse, avec deux/trois scènes qui m’ont un peu rappelés quand Chihiro découvre petit à petit le monde des dieux dans le film éponyme de Miyazaki. La rencontre entre les deux héros du titre est également bien faite et les deux ont rapidement une bonne alchimie, qui rend leurs échanges plutôt savoureux. C’est donc un plaisir de voir ce garçon et cette bête évoluer ensemble dans une compilation de jolies scènes.
Cependant, si je peux émettre des réserves dès à présent: la troisième partie du film, elle, est clairement en déça. Si elle continue d’envoyer du bois en terme d’émotions et possède des très très belles scènes visuelles (dont une explosion qui m’a un peu rendu fou), c’est le traitement de l’intrigue et les personnages qui sont un poil décevant, à commencer par un antagoniste qui joue un rôle central à ce moment là mais qui a été, je trouve, trop mal amené et pas assez montré dans tout ce qui précédait. Du coup on a l’impression qu’il sort de nulle part pour prolonger la durée du film.
Autre réserve, qui m’attriste un peu plus: LE personnage féminin du film. Déjà je met « le » parce que des filles en rôle important dans ce film, y’en a littéralement pas d’autres, mais la pauvre Kaede a un peu du mal à exister tout au long de l’oeuvre. Elle est un peu tarte, passe son temps dans la troisième partie à tomber par terre ou à faire des choses complètement inutiles. C’est un personnage mal écrit et trop dépendante d’un personnage masculin. Elle offre quand même de belles scènes dans la seconde partie mais de la part d’un Hosoda qui jusque là nous avait offert des personnages féminins comme Makoto, Natsuki et Hana, c’est bête de le voir un peu régresser.
Enfin, dernière réserve: le film est peut-être un peu trop… mesuré. Le combat final aurait pu être plus fou, la relation entre le héros et sa mère plus développé, nos émotions plus souvent invoqués. C’est un film ambitieux mais qui n’ose pas aller jusqu’au bout.
Donc là voilà, j’ai cité d’un coup les trois réserves que j’avais, donc l’effet d’accumulation vous inquiète sans doute. Peut-être que ayé, vous attendez le film et vous pensez que ça va être nul. Que nenni ! Si le film me paraît objectivement moins bien fignolé que les Enfants Loups (qui allait dans un genre totalement différent mais était véritablement quasi incritiquable dans sa forme), il n’en reste pas moins rempli de qualités.
Visuellement, par exemple, le film assure totalement le contrat. Que ce soit les scènes à Shibuya ou celles dans le monde des Bêtes, les décors sont somptueux et un mini-arc bien précis à l’intérieur du film va même nous envoyer voyager dans une multitude de petites régions du monde des Bêtes, ou les graphistes du studio Chizu ont dû se faire très très plaisir à créer des mondes et des univers totalement incroyablement. L’animation est également au top et le seul vrai petit souci c’est que à certains moments dans le film je me suis amusé à regarder de manière détaillée les foules qui sont animées en 3D et, comme un débile, j’ai vu les trucs derrière les tours de magie. Ne faites pas ça chez vous.
Le rythme également me paraît bien mené. C’est deux heures qui passent vite. En outre, le film a l’avantage considérable d’être extrêmement accessible. La production autour du film n’a jamais caché le fait que son objectif était de toucher le public le plus large possible, et son très gros succès dans les salles japonaises semble confirmer que ce pari a été réussi. Du coup vous pourrez sans doute le montrer à vos neveux et nièces de 6 ans et plus qui l’adoreront complétement. Le film n’est pas compliqué pour un sou et la narration est bien menée (si on excepte, évidemment, ce méchant qui sort presque de nulle part.)
Ensuite je suis toujours content de voir Hosoda traiter de la famille. Car, sans surprises et comme dans ses deux films précédents, c’est le thème principal du film, une nouvelle fois. Et comme les films précédents, le lien du sang est toujours traité avec justesse et bienvaillance. On retrouve aussi, comme dans Les Enfants Loups, ces petites analyses du décalage qu’il peut y’avoir entre fantastique et réalité dans des scènes assez amusantes puisque, oui, c’est bien beau de partir à l’aventure dans un monde parallèle mais l’administration japonaise, elle s’en fout.
Enfin, je maintiens vraiment mon amour pour toute la première partie. Voir la relation entre Ren et Kumatatsu évoluer de scène en scène est un émerveillement, et je suis heureux de voir qu’on échappe au cliché du gamin relou mais aussi malin que les adultes. Non, Ren est un gosse, pas forcément plus intelligent qu’un autre, qui est juste plus têtu que quiconque. Remplie de belles scènes, des plus jolis décors et d’un fantastique OST, cette partie sera vraisemblablement ce qui va le plus rester en tête à la sortie du film.
EN SOMME. C’est un très beau film, pas le meilleur d’Hosoda mais sans doute un des meilleurs dans l’histoire récente de l’industrie de l’animation japonaise. Sa vraie grosse qualité c’est son accessibilité qui va peut-être pas mal jouer en sa faveur sur le long terme, d’autant qu’avoir Gaumont comme distributeur peut lui être avantageux (même si hélas ça veut dire avoir aussi une affiche assez moche.) Son vrai gros défaut c’est d’avoir une fin en déça du reste du film mais qui, malgré toutes mes critiques, m’a tout de même un peu émue. Ce n’est certes pas la même claque émotionnelle que Les Enfants Loups mais si on retrouve une thématique familiale extrêmement proche, le récit en lui-même n’a pas les mêmes ambitions.
Donc finalement allez-y en vous attendant à autre chose que Summer Wars ou que Les Enfants Loups. Ça reste un film à voir et il n’y a définitivement plus du tout à s’inquiéter pour l’avenir de Mamoru Hosoda dans cette industrie, si jamais vous aviez encore une micro-crainte.
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