Bakuman (et Robin)
Avec le recul, Death Note était un manga tout de même agréable à lire, et j’avoue que si avec le temps, mes émotions initiales face à certains twists assez puissants se sont estompées au profit d’un certain mépris surtout dirigé vers la certaine surexposition de l’oeuvre dans les différentes conventions (la Japan Expo 2007 et ses 400 000 cosplays L, holala), il faut avouer qu’au final c’était quand même un bon manga qui avait en plus la chance d’avoir en parallèle un anime pas dégueu et assez mémorable dans son exagération de certaines scènes (les… chips !) Bref, à l’époque on avait eu un studio Madhouse a fond sur le projet et ça avait fonctionné, le manga est devenu qu’on le veuille ou non, une certaine institution chez les jeunes fans de mangas – ceux que de notre coté on se complait à regarder de haut parce que eh, on était mieux qu’eux quand on était jeune genre MOI je matais Mai Otome- et une des grandes séries de la décennie pour le Shonen Jump.
Bakuman est donc le second manga du duo Obata/Ohba, et un autre manga intéressant à rajouter au pedigree de Takeshi Obata, déjà responsable de l’excellent Hikaru No Go ou du tout pourri Blue Dragon – pour ses oeuvres récentes, l’homme ayant une vingtaine d’années au compteur. Ce duo nous offre ici un shonen assez singulier, une sorte de documentaire qui aurait rencontré le shonen qui parle de pouvoir de l’amitié et de la jeunesse, et au final ? C’est très très addictif et sans doute une oeuvre qui parlera magistralement à tous les artistes et créateurs que nous sommes au fond de nous.
Ce billet se base sur les 117 chapitres actuellement publiés dans le Shonen Jump mais reste dépourvu de spoiler.
L’anime étant franchement pourri, il peut aller se faire foutre. (Pourquoi Madhouse JC Staff ? POURQUOI ?)
Bakuman raconte donc l’histoire de Mashiro et Takagi, deux jeunes collégiens qui ne se connaissent pas mais se découvrent très vite une passion commune pour le manga. Takagi est abasourdi par le talent de dessinateur de Mashiro, quant à Mashiro, il est admiratif devant le talent de scénariste de Takagi. Ils décident donc tout naturellement de travailler tous deux, en équipe, dans le monde du manga: Mashiro au dessin, Takagi au scénario. Et très vite d’autres éléments viennent se rajouter à la branche: l’opposition de la famille de Mashiro – qui a un oncle mangaka qui est mort d’épuisement sur une de ses oeuvres – et surtout une importante promesse entre Mashiro et son amoureuse, Miho, qui veut devenir doubleuse: quand tous deux auront atteints leurs rêves, ils se marieront. En attendant ? Ils ne se verront plus. Dès lors, les objectifs sont simples: pour Mashiro et Takagi, c’est le Shonen Jump, purement et simplement.
Commence alors une histoire aux multiples rebondissements, qui verront les deux adolescents grimper un à un les échelons vers la gloire, parfois les redescendre brutalement, mais ne jamais abandonner, ne jamais essayer de monter. Pouvoir de l’amitié, fuck yeah.
On y retrouve donc tous les éléments classiques du shonen manga, entre les héros précoces, les amis inséparables, la montée en puissance au fur et a mesure,… mais ici aucun élément de fantastique, le contexte est on ne peut plus réaliste, avec quelques élasticités ici ou là pour favoriser la tenue du récit (genre les héros qui récupèrent un atelier extrêmement facilement, là ou ça aurait été normalement juste impossible) mais on reste dans du shonen pur et dur, avec des héros qui donnent tout ce qu’ils ont pour avancer et n’ont peur de rien ! Et rien à dire, c’est une recette qui est toujours aussi efficace, d’autant plus qu’ici Obata et Ohba font cuire la mixture avec précision, et montrent une certaine aisance à maîtriser la dite recette. Ouais je sais, j’abuse encore avec les formules et les phrases toutes faites, du coup pour dire la chose avec plus de clarté et de précision: ça déchire grave la gueule.
Déjà choisir comme environnement le Shonen Jump est ÉVIDEMMENT incroyable, je peux pas nier que j’ai encore quand même une certaine fascination pour cet estimable magazine, et que je kiffe un peu ce qui y est publié, même si paraît que c’est plus de mon âge. Dans un sens, ça aurait pas été pareil avec un autre magazine ou avec un mag « comme le Jump » mais qui aurait pas été le Jump. Ok, ça ouvre quelques suspicions du genre « ouais mais si c’est publié dans le Jump, on risque pas d’avoir une vision un peu idéalisée du truc » et ça serait légitime. La seule chose que je peux vraiment dire c’est qu’au bout de 117 chapitres, j’ai pas vraiment de quoi critiquer le manga sur sa vision du Jump, qui assume pleinement dans ce manga qu’ils fonctionnent à la popularité, que beaucoup de mangas naissent mais que peu arrivent vraiment loin, que l’auteur vit sous la pression des ratings et de la menace de suspension, que celui-ci vit à un rythme parfois dangereux pour sa santé, qui lui laisse peu de temps libre ou que cela occasionne le fait que le mangaka ne tente que rarement des choses risquées… Oui on retrouve bien souvent beaucoup de choses qui sont sur Internet des reproches faits au Jump et qui sont ici pleinement assumés, montés en fierté. On est d’accord ou non, mais au moins Bakuman ne tente pas de cacher des évidences, et évite de les vendre trop en modèle. Bakuman est plus dédié au manga Shonen Jump qu’au « véritable » manga, et c’est important à prendre en compte.
Et là où le manga est au final plutôt passionnant c’est justement dès que l’intrigue se centre sur le Shonen Jump lui-même. Quel plaisir de voir les histoires de Mashiro et Takagi évoluer au fur et à mesure des rencontres avec leur éditeur, de voir leurs styles s’affirmer, de les voir découvrir de nouvelles astuces, essuyer certains échecs… Chaque scène de discussion avec leur éditeur est ainsi extrêmement intéressante, et pour être franc, titillent parfois franchement ma créativité, comme une sorte d’invitation à m’y mettre aussi. Car Bakuman est aussi et surtout une invitation à créer. Pas forcément du manga d’ailleurs, j’ai vraiment ressenti certains passages comme une main tendue des auteurs à leur lecteur, un message du genre « vous aussi, faites des choses », une sorte de réhabilitation de la création. Et j’avoue que depuis que j’ai fini d’engouffrer la quasi-centaine de chapitres, je me sens plutôt chaud pour me relancer dans mes projets créatifs perso – qui ne sont pourtant pas du tout du manga. Et ça fait du bien. Alors peut-être que je surinterprété quoi que ce soit, mais ce manga est encourageant. Il donne envie de créer des histoires, de faire des univers, des personnages. Pour certains, il peut donner l’envie d’être ambitieux qui sait. Mais j’ai vraiment envie de croire en ce message immensément positif.
Mais Bakuman n’est pas que du manga, c’est aussi de l’amour ! Je sais que la relation entre Miho et Mashiro est souvent pointé comme le défaut majeur du manga… C’est vrai qu’ils sont supra niais ces deux là, on aurait envie de les frapper et de les foutre dans un lit une bonne fois pour toute… Mais pour être franc… je suis plutôt fana de ce couple ! Non seulement je trouve que cette relation évolue vraiment bien au fur et à mesure du manga – devenant de moins en moins niaise sans perdre en romantisme – mais je peux pas m’empêcher de croire en eux et de vouloir les voir réaliser leurs rêves pour qu’ils se retrouvent enfin ensemble – c’est mon coté supra midinette qui parle, je sais que je viens de perdre toute crédibilité mais qu’importe, il ne m’en restait plus beaucoup ! Bref, c’est peut-être un défaut – si vous croyez pas une seule seconde en l’amour, vous allez vouloir leur peau tout le long du manga – mais je peux pas m’empêcher de l’adorer. Même si on va être franc, le pauvre Obata peine vraiment à faire des personnages féminins ! Même si Miho est super mignonne, elle dissone grave avec le chara-design du reste du casting, comme une poupée de cire au milieu de playmobils.
Tant qu’on est sur le sujet d’ailleurs, il est clair que Bakuman est un manga au casting extrêmement masculin, c’est désormais une habitude avec Obata, et ici plus que jamais, les femmes sont aussi absentes du récit qu’elles pouvaient l’être dans Death Note ou Hikaru No Go, dans la pure tradition. Il n’y a bien que le personnage de Miyoshi – la copine de Takagi – et un second personnage féminin apparaissant plutôt tardivement qui semblent être traitées « normalement » et égalitairement en terme de design et de développement avec le reste du casting. Les autres personnages féminins semblent tous un peu dissoner… Et évidemment, attention, ce manga est très japonais dans l’esprit et rappelle à plusieurs reprises que le but ultime d’une femme c’est de se MARIER. C’est un peu « gnnnanana » parfois mais bon, ils vivent de l’autre coté de la terre, on peut les pardonner pour ça.
Mais surtout, comme tous shonens à succès, Bakuman ne serait rien sans sa cargaison énorme de personnages, qui surgissent de tous les coins, et qui servent entre autres à alimenter de fantastiques concours de popularité dont nous ne pouvons plus vraiment nous passer avec le temps – ou quelquechose comme ça. Et holala dieu que j’aime certains personnages de cette série – les éditeurs du Jump entre autres, Hattori en particulier. Là où Death Note en chiait parfois à développer des personnages qui restaient figés dans le marbre tout le long de la série, Bakuman… développe les personnages ! Pas des masses mais suffisamment pour les rendre attachants et agréables à suivre. Voir par exemple Hattori passer de l’éditeur sympa fana de manga au type prêt à toutes les combines dans un grand élan de machiavélisme pour améliorer le Shonen Jump semble incongru sur le papier, mais le développement prend suffisamment son temps pour ne pas choquer.
Bref, plein de personnages attachants et certains sont mêmes justes hilarants: Hiramaru est un personnage juste fantastique, et chacun de ses dialogues avec son éditeur pue quasiment la parodie de Death Note, à base de manipulations, de plans et de combat psychologique – et c’est un personnage d’autant plus amusant qu’il écrit un manga avec un HOMME LOUTRE et qu’il serait inspiré par le mangaka de Gintama. Quel charisme bordel de loutre !
Que rajouter de plus sur Bakuman ? Certains aimeront la charge anti moe adressée par le manga ici ou là (les héros et les auteurs semblent penser que ceux qui savent dessiner des jolies filles ne savent pas faire autre chose de leurs doigts), beaucoup seront passionnés et happés par la description du processus de création d’un manga shonen jump, certains lui critiqueront son sexisme, d’autres resteront bloqués sur la romance niaise, certains regretteront de ne pas voir les mangas crées dans le cadre de Bakuman devenir des véritables mangas (je suis sûr que Two Worlds, Otters 11 ou PCP pourraient donner des trucs assez oufs en vrai), certains admireront les véritables pavés que sont chaques chapitres du manga – le moindre tome me prenant deux fois plus de temps à lire qu’un tome plus classique – , certains tomberont en pamoison devant les twists réguliers qui rendent la lecture du manga sacrément addictif, certains seront morts de rire devant certaines cases qui connaissent un changement de style graphique assez osé, certains trouveront les auto références à Death Note plutôt pompeuse, etc etc. Si vous suivez la parution française, je peux vous confirmer que la suite de Bakuman est dans la droite continuité des tomes 4 et 5. Mais n’hésitez pas à y jeter un oeil si vous n’y êtes pas encore passés, Bakuman peut être enrichissant en plus d’être fun, drôle et sympa à lire. Une vraie petite réussite dont je commence maintenant le dur passage de la lecture hebdomadaire…
6 commentaires
Soren
« L’anime étant franchement pourri, il peut aller se faire foutre. (Pourquoi Madhouse ? POURQUOI ?) »
Parce que c’est JC Staff?
Amo
Wow va savoir pourquoi j’étais sûr à en crever que c’était Madhouse – sans doute une confusion du genre « c’était Madhouse pour Death Note, alors ça doit être Madhouse pour Bakuman ». Mais ça explique soudainement TOUT. Même l’opening à chier.
papier.A5
Je me rappelle encore de certain gros temps forts comme par exemple le vote pour/contre sur la publication de PCP où le chapitre se termine exactement quand il le faut. C’est très classique, on sait parfaitement comment ça va finir et pourtant on est a fond dedans. Le chapitre sur Hiramaru et Aoki était lui aussi excellent, une véritable comédie romantique avec un final épique.
Et en plus ils se payent le luxe de passer quasiment trois chapitres a nous raconter The Classroom of Truth, qui serait lui aussi excellent si il existait vraiment, un manga dans le manga!
Tinky
« L’anime étant franchement pourri, il peut aller se faire foutre. (Pourquoi JC Staff ? POURQUOI ?) »
L’adaptation de Bakuman est plutôt une réussite et un délice à suivre. M’enfin.
Gold
J’ai lâché dès le premier ou deuxième épisode de l’anime mais a priori ça semblait parti pour être une bonne adaptation. Ceci dit le seul passage vraiment épique, je trouve que c’était le générique de l’anime du tonton, là.
Enfin, c’est vrai que c’est dommage de pas voir tous ces mangas développés, mais bon, peut-être un jour, qui sait !
Jacut
Idem, l’anime est très sympa à suivre, surtout à partir du 13e/14e épisode, et ne dépareille pas du manga. Et JC Staff est un excellent studio qui nous a pondu des merveilles telles que Nodame, Honey & Clover, Toradora! ou Azumanga Daioh, donc à la limite tu peux ne pas aimer la romance/comédie, mais admet que certaines de leurs séries sont quand même géniales (et je trouve le niveau général de leur production supérieur à la moyenne de la production japonaise en plus). Anyway, Bakuman., que ce soit en manga ou en anime, ça met longtemps à démarrer mais c’est vraiment cool.