Nozokiana – Glory Hole
Eh ça fait longtemps que ça a pas parlé de cul sur Néant Vert.
Tiens ouais c’est assez inhabituel: Kurokawa qui sort un manga érotique. On pensait l’exercice désormais réservé à Soleil ou Taifu mais assez étonnant de voir un éditeur « sérieux » se lancer là dedans. Faut dire que le genre du manga érotique reste toujours très ghettoisé dans son coin, un peu mal aimé et sous estimé. Plus généralement, dépeindre le sexe dans un ouvrage reste toujours aujourd’hui un exercice délicat tant l’idée la plus en vogue semble être de se convaincre que l’érotisme tire toujours quelque chose vers le bas. Ca a toujours été un sujet délicat, de toute manière, et nous avons beau, nous peuple de la démocratie français, nous convaincre que nous sommes un peuple tellement libéral sur le plan sexuel, nous sommes toujours incapable de nous rendre compte qu’entre la pornographie et une épaule dénudée, il y’a souvent un escalier de nuances suffisant pour grimper la Tour Eiffel. Et nous nous surprenons encore trop souvent à avoir un comportement pas aussi libre de jugements qu’on le voudrait et qu’il le faudrait sur la question de la manière dont les gens s’occupent de leur corps.
Le manga érotique est donc devenu un genre à part, un peu honteux, à qui on ne laisse souvent aucune chance de base. Oh, je ne veux pas paraître naïf: 95% de ce qui sort en France en la matière est exactement ce qu’on imagine du genre: un outil masturbatoire primaire et souvent crétin. Il y’a autant de philosophie dans un Saigado que dans un album de K’Maro et, si vous ne comprenez pas ma référence parce que vous êtes trop jeunes pour avoir écouté Femme Like U alors disons qu’un discours de Jean-François Copé peut faire un équivalent idéologique similaire. Mais malgré tout il faut se rendre que dans le h-manga il y’a de tout. Pour un h-manga de lolifutasodomie complétement whathefuck sans sens ni interêt pour les gens amateurs de trucs baisables on trouve parfois des pépites, des h-mangas qui essaient de raconter quelque chose. Dream Maker de Cuvie, Take On Me de Takemura Sessyu, n’importe quelle histoire de Hanaharu Naruko… un vrai scénario, des vrais enjeux, des tentatives de faire passer des émotions, de ne pas se servir du scénario pour faire du sexe, mais de faire du sexe qui serve le scénario. Ce genre de truc.
Mais donc voilà, Kurokawa sort un manga érotique. Et du coup j’y ai jeté un oeil. Et du coup j’ai lu tout le manga en trois petites heures juste derrière. Nozokiana est exactement ce que j’attendais: un h-manga avec du scénario et… du pas spécialement mauvais.
A gauche la couverture japonaise, à droite la couverture française. La France, le pays de la classe <3.
Le scénario est pas spécialement dégueulasse: un jeune étudiant arrive à Tokyo. Bam. Dans le mur de son petit appartement y’a un trou. Bam. Il regarde. Bam. Sa voisine est en train de se chatouiller le bouton. Bam. Il va la prévenir parce qu’il est super sympa. Bam. Elle lui fait du chantage. Bam. Elle lui impose une série de règles à la con sur le voyeurisme: lui il a le droit de mater lundi, mercredi, vendredi. Elle mardi, jeudi, samedi. Le dimanche c’est temps mort. BAM. Et la régle est de faire comme si de rien n’était. HYPER BAM. Et si y’a manquement à une règle, punition. SUPRA BAM.
Donc voilà le plot de base. Effectivement, ça pisse pas super loin. Sauf que de ce scénario, l’auteur arrive à en tirer onze tomes. Et le fait bien.
Le principal attrait de ce manga, de très loin, est son personnage principal. Je parle pas du héros, je parle d’Emiru, la voisine voyeuse. Eh, voisine voyeuse c’est une allitération super cool, je me fais la réflexion maintenant. Enfin voilà un personnage extrêmement intriguant: semblant avoir un réel fétichisme pour le voyeurisme et l’exhibitionnisme, elle se révèle également une manipulatrice extrême, mais du genre capable de tout. Un peu psychopathe sur les bords à certains moments, elle cache aussi un jardin secret un peu moins… agressif. Beaucoup de mystères tourne autour du personnage, et elle a souvent le pouvoir de renverser un peu toutes les situations, se révélant sur ce point là une sorte de deus ex machina permanent… et souvent rarement porteuse de bonnes nouvelles pour le héros ! Imprévisible, relativement mignonne (même si dans le tome 1 elle a souvent des expression de visages qui donnent l’impression qu’elle est totalement stone) et génie du mal, c’est un peu le principal moteur du manga.
Le vrai héros est lui aussi assez attachant… ce qui est assez intéressant au final avec ce manga c’est qu’il se déroule sur deux ans et on voit donc ce personnage tout à fait sympathique évoluer. Et le manga prend le temps de développer ses relations amoureuses et c’est fortement appréciable. Même si il a encore ce défaut très récurrent du héros aimant-à-gonzesses (il doit se retrouver en position de nudité totale avec tous les personnages féminins à un moment ou à un autre), le brave garçon en voit émotionnellement des vertes et des pas mûres. Mais vraiment. On est très heureux pour lui quand il noue une relation avec une fille, on est tout aussi heureux quand cette relation se développe, devient encourageante, on souffre avec lui quand il a des doutes, quand il se pose des questions, et évidemment je dirais pas qu’on pleure avec lui quand il se fait plaquer ou se fait détruire le coeur parce que c’est pas suffisamment bien écrit pour être aussi émouvant mais bon, on a un petit pincement au coeur pour ce brave gars. Enfin, un brave gars qui sait quand même se poser les bonnes questions au bon moment et qui subit pas juste la situation avec gentilesse et bonhomie. Il sait se révolter quand il le faut, et ça c’est bien.
Maintenant, en ce qui concerne le cul, parce que c’est sans doute pour ça que la majorité des gens sont venus.
Déjà, oui, Nozoki Ana est de l’éro, pas du H. Comprendre par là que ce n’est pas explicite explicite… de toute façon c’est censuré de telle façon à ce que les parties génitales soient un peu comme le visage de Mahomet sur les représentations officielles musulmanes et oh merde je vais avoir des problèmes, oubliez cette phrase tout de suite. Puis globalement les scènes d’érotisme y sont assez courts, souvent rarement plus de trois ou quatre pages… Même si ça reste un passage « obligé » à chaque chapitre. Pas un chapitre sans le plan téton / masturbation / plus si affinités. C’est pas forcément gênant car c’est bien imbriqué mais il y’a quelques chapitres ou on sent que c’est là parce que c’est un manga érotique donc il doit y’avoir des quotas contractuels à respecter, une connerie comme ça. J’imagine bien les réunions d’éditeurs avec leurs mangakas éro, à négocier le nombre de tétons par volume… « eh il y’a que cinq tétons dans le chapitre deux et une fellation dans le trois, ça va pas avec le cahier des charges, faudra que dans le chapitre quatre tu me fasses le combo double tétons + sexe avec fétichisme bizarre, tiens fais tourner les roues des fétichismes pour choisir ce qu’on va y foutre. »
En bref, comme un Koe de Oshigoto voir, j’oserais, un To Love Darkness, Nozoki Ana arrive très bien à gérer l’aspect « sexuel. » Celui-ci reste un attrait évident mais n’étouffe pas trop le reste. Je vais pas mentir en disant que ça reste la principale chose qui m’a fait lire le manga, hein, mais le simple fait d’avoir lu Nozoki Ana pour le reste de l’histoire est quand même un chouette indicateur.
Car au final, ouais, voilà, Nozoki Ana est une comédie romantique qui tourne parfois au drame mais qui, je pense, remplit relativement bien son rôle. L’ouvrage se révèle assez passionnant à lire et arrive à nouer un certain sens du cliffhanger dans un genre dans lequel on n’attend pas forcément l’utilisation d’un tel procédé. L’histoire se suit bien, les personnages y sont attachants et si on peut tout de même noter une légère répétitivité (dont le manga prend parfois conscience) bah ça se laisse suivre. Bref, c’est cool. Kurokawa a misé sur le bon cheval.
3 commentaires
Mian
Après test des deux premiers chapitres, je me sens obligé de confirmer. Certes, le scénario, au moins pour l’instant, est franchement facile et classique. On n’est pas à mille lieux d’un Love Hina et, pour l’avoir encore vu dans des ouvrages similaires, j’ai l’impression que le motif de l’étudiant commençant une nouvelle vie est particulièrement apprécié pour ce genre de romances à fanservice. Mais la recette fonctionne et est agréable. En choisissant un cadre (et probablement un public) post-lycéen, Nozokiana prend ses distances par rapport aux répliques, gags et comportements utraconvenus de shônens proposant un contenu proche. Même si ce ne sont que des détails, cela donne un cachet de maturité au manga.
Du reste, si l’article fait moyennement honneur aux dessins, ceux-ci se révèlent plus que corrects et même bons lorsque la nature de l’oeuvre l’y oblige. Le trait est simple et expressif, les expressions variées et il y a au moins une personne pour aimer la tronche de junky d’Emiru. L’auteur s’est même créé tout seul du travail puisque, fac oblige, on découvre que les Japonaises peuvent porter autre-chose qu’une marinière et ça fait plaisir!
Merci pour ce bon article, sois juste maudit pendant sept ans pour avoir sorti « Femmes like U » du placard où elle aurait du rester.
retarded_fly
Oh ! Nozoki Ana ? En France ? °_°
Je pense pareil que toi pour l’ensemble de ce que tu as écrit, cela fait un bout de temps que je suis le bouzin, mais je note tout de même une certaine lourdeur/répétition (Mais eh ! On en est à plus de 90 chapitres et le plot de base et toujours valable ! Plutôt pas mal pour un ero).
En fait c’est le coté éternel deus-ex-machina-dans-la-tête-de-emiru qui est un peu lourd. À 95 chapitres je ne sais toujours pas ce qu’elle a dans la tête, mais elle est sacrément dérangé.
Le héros, je le trouve un poil lâche sur les bords (pour plusieurs raisons, mais bon…).
En fait, tu n’en parles pas et je n’en dirai pas plus (spoil, toussa), mais ce qui me fait largement tenir la bar sur ce manga, c’est bien Madoka. <3
Oh mon dieu Madoka. <3<3<3
Pour en venir aux dessins, j’aime beaucoup les traits de visage quand les perso s’énervent.
Cela leurs donne un aspect « vieux alcooliques rouges de rage/pinard prêt à tabasser leurs femmes ». C’est très expressifs. 😮
Et les femmes sont assez divinement dessinées, mais les perso mâles sont pas mis de coté comme à l’accoutumé dans les autres mangas.
Enfin, les coïts ne sont pas dégeu, mais il faudrait expliquer à l’auteur que les boobz ne sont pas des joystick de N64.
ElKa
Tu as lu jusqu’à la fin des scans ? C’est fini ou toujours en cours ?
Perso j’avais bien apprécié sur le moment, peut etre parce que finalement des mangas éro j’en lis pas tant que ça, ça changeait un peu et puis il y avait cette diablesse de Emiru, toujours l’air fourbe, grosse manipulatrice, le noir totale sur ce qui lui sert d’esprit, hop conquis.
Sauf que en fait finalement au bout de XX chap la ptite Emiru elle vire complètement en une forme de Mary Sue qui prévoit tout, que rien ne pourrait ébranler, qui est quasiment invincible (quand elle parait en position de faiblesse c’est uniquement parce que ça rentre dans le cadre de ses plans) et ça a fini par me saouler grave. Surtout que finalement je trouve un peu les travers du héros harem typique dans la nouille de l’autre perso principal. Okay, le mec pousse la gueulante à certains moments, spas totalement une larve mais c’est quand même un mec qui a l’air de subir les évènements, qui mets des plombes avant de résoudre ces problèmes intérieurs (il l’a baise Emiru oui ou non ?) et qui semble avoir des relations féminines hors-emiru hyper artificielle. Oui, j’ose, les relation qu’il a avec ses copines sont quasiment uniquement d’ordre sexuelle.
Bref, à part Emiru je trouve que le reste du casting ne suit vraiment pas et dans la mesure où Emiru a finie par me gonfler mon enthousiasme pour ce mange a finit par totalement s’évaporer au fil du temps (plus ou moins vers Madoka). Dommage 🙁