Mirai, ma petite soeur – Runnin’ Down A Dream
J’ai deux/trois heures devant moi donc écoutez, ça tombe bien, ça me laisse pile le temps d’écrire quelques mots sur Mirai, ma petite soeur qui est, vous le savez sans doute déjà, le nouveau film de Mamoru Hosoda. Un réalisateur que j’apprécie très fort et qui m’épate autant par la qualité de ses films que par sa capacité inouïe à respecter ce rythme auto-imposé d’une oeuvre tous les trois mois de juillet.
Donc déjà, je savoure pas mal la chance que j’ai eu de voir le film en avant-première au forum des images, dans le cadre de la reprise de la Quinzaine des Réalisateurs de Cannes, où Mirai avait été projeté. Car, oui, voilà, on vit dans un monde où Mamoru Hosoda est désormais partie intégrante du festival de Cannes, ce qui aurait encore été inimaginable il y’a une demie-décennie. Le film sort donc officiellement au Japon au mois de juillet mais ce sont bien des salles françaises qui auront profité du film au premier, ce qui est un sentiment un poil grisant… que je vais essayer de contenir.
Très rapidement, avant d’attaquer Mirai un rappel sur l’humeur dans laquelle j’étais avant de voir le film: pour préparer le quatrième épisode de Batoru j’avais ainsi revu Les Enfants Loups la veille et j’avais été à nouveau impressionné. Impressionné par la qualité concrète du long métrage mais aussi par sa force émotionnelle, toujours aussi efficace que la première fois. Si j’arrivais donc dans la salle avec la certitude complète que Hosoda est un homme vraiment talentueux, j’avais aussi, au fond de moi, la peur d’être à nouveau aussi deçu que je l’avais été après Le Garçon et la Bête, excellent film d’une heure… qui s’effondrait magistralement dans sa seconde moitié. Du coup j’en espérais beaucoup de ce Mirai mais j’essayais aussi de ne pas en espérer trop. C’est très dur à gérer.
1h40 de film plus tard, les lumières se rallument, on a tous vu Mirai et je pense qu’on a tous été… surpris. Je vais tâcher de bien expliquer pourquoi, sans le moindre spoiler.
J’expliquais donc dans mon article de février 2016 sur la place de la famille chez Hosoda que, à chaque fois, les films de Hosoda témoignaient d’un changement familial dans son propre entourage: Summer Wars s’inspirait de son mariage, Les Enfants Loups de sa difficulté à avoir un enfant et du fait d’avoir été élevé par une mère souvent seule, quant au Garçon et la Bête il parlait – enfin – de sa propre paternité. Depuis, Hosoda a eu un second enfant, et ce thème du « second enfant », sans surprises, c’est explicitement ce que va frontalement aborder Mirai. En effet, on va suivre dans ce film les aventures de Kun, un jeune garçon de 5 ans qui se retrouve désormais grand frère… ce qu’il accepte difficilement au début, le petiot n’acceptant que difficilement le fait de ne plus être le centre de l’attention. On va donc suivre la relation qui va lier Kun avec Mirai, sa petite soeur, mais aussi avec le chien de la maison, avec son père, avec sa mère… mais aussi avec son imaginaire et découvrir le passé de sa propre famille.
L’intrigue est donc simple. Ici pas de grandes aventures ou de grands univers. Pas de monde à sauver, pas de voyage initiatique, pas de patates à cultiver pour empêcher ses enfants de mourir de faim. Juste un gamin qui… va devoir comprendre qu’il n’est plus le seul enfant au monde. Et va faire des trucs d’enfants: foutre ses jouets partout, se casser la gueule en essayant de faire du vélo sans roulettes ou bien encore croire que ses parents l’ont abandonnés parce qu’ils sont partis dehors plus de quinze secondes. Sur le papier ça pourrait paraître ultra peu attirant, mais le film sera ponctué régulièrement de passages plus fantastiques ou l’imaginaire de l’enfant semblera déborder sur la réalité. C’est difficile à expliquer mais, en gros, Kun va découvrir le passé, le présent et le futur de toute sa famille dans des trips oniriques qui vont le voir explorer des mondes parallèles… mais aussi redécouvrir sa propre maison.
Donc voilà, ceux qui s’attendent à une « grande histoire », oubliez, vous allez forcément être déçu. Ce qui ne va pas nous empêcher de voyager !
Par exemple, je m’attendais, comme d’habitude désormais avec Mamoru Hosoda, à de la grande émotion. Chialer ma race, pour résumer.
Bon, non, on pleure pas vraiment dans Mirai, c’est pas vraiment prévu pour, en fait.
Par contre, qu’est-ce qu’on rigole !
Le film est vraiment drôle, surtout que cet humour il va pas mal se baser sur le caractère du héros qui, à 5 ans, se comporte régulièrement comme le roi des petits cons. Et ce comportement, il va amener beaucoup d’hilarité parce que, ça alors, c’est un comportement qui va nous rappeler… le nôtre. Taper des crises parce qu’on doit ranger, faire le fier parce qu’on a fait un truc basique… Je me suis étrangement pas mal reconnu dans ce gosse !
C’est là, à mon sens, la grande qualité de ce film: il a vraiment bien compris et observé comment un enfant fonctionne. Kun, le héros du film, n’est pas un enfant fantasmé, un enfant irréaliste, c’est un vrai môme, aussi bien dans ses qualités – son imagination, sa passion, son sens de l’observation – que ses défauts – son impatience, son mauvais caractère. Moi qui déteste habituellement les jeunes enfants dans les récits de fiction, je me suis attaché au personnage de Kun et à toutes les aventures qu’il vit. Le fait qu’il soit un gros fana de trains m’aide aussi beaucoup à m’identifier, je vais pas vous le mentir.
Le reste du casting est également bien utilisé: les deux parents, en particulier, sont bien pensés… et sont beaucoup mieux développés que je l’aurais cru ! J’en suis même arrivé au point où, si je reconnaissais en Kun l’enfant que j’ai été, j’ai pas mal reconnu en son père… le père que je pourrais être. Stressé, gaffeur, maladroit, pas forcément prêt à être un homme au foyer, j’ai pris beaucoup de plaisir à le suivre et il m’a en fait presque rassuré. Il faut dire aussi que les deux parents sont au centre d’un des thèmes parallèles du film, c’est à dire le sentiment d’être « parents » et de se questionner sans cesse sur « c’est quoi être un bon parent. » Le personnage de la mère va ainsi pas mal se questionner sur ses actions d’autorité, tandis que le père va lui se poser la question de savoir si il était vraiment prêt à endosser ces responsabilités. Pas de panique, ces questions trouveront une réponse !
Mon seul petit reproche au niveau du casting ça serait sur Mirai, en particulier sa « version du futur », qui est quand même celle qui donne son nom au film1, qu’on… voit presque trop peu ? Le personnage est assez omniprésent dans les bandes annonces et la communication japonaise du film, du coup je pensais qu’on allait le voir énormément mais elle n’apparaît, finalement, que dans un nombre assez limité de scènes. J’aurais aimé la voir plus, mais ça c’est très personnel !
Visuellement, le film est excellent, pas de surprises. Si, à mon sens, la mise en scène va se permettre moins d’expérimentations et de coups de folie que dans les trois précédents films du réalisateur, cela ne va pas empêcher Hosoda d’être inspiré ! Et dans Mirai, c’est surtout les décors urbains qui vont toucher au génie, que ce soit l’ultra-détaillé plan d’ensemble qui ouvre la ville que ou la gare folle qui fait son apparition dans l’un des meilleurs rêves de tout le film. Mais le décor au centre du récit ça va être bel et bien la maison de notre famille de héros, une bâtisse extrêmement étrange dans sa construction, semblant être un gigantesque couloir entrecoupé de portes et jonchés de multiples escaliers. Fascinante.
Quant à la bande originale, on retrouve, comme dans Les Enfants Loups et Le Garçon et la Bête, ce bon vieux Takagi Masakatsu qui offre des titres qui, à défaut de me donner envie de me fournir la bande originale, sont d’une grande efficacité pour illustrer les scènes qui s’en servent.
En vrai le seul problème de Mirai en tant que film c’est qu’il est victime d’une structure… répétitive. On va ainsi avoir en boucle le même schéma de trois éléments qui sont, grosso merdo: Kun se fait engueuler => Il part dans son imaginaire => Il comprends un truc et s’améliore, résolvant la situation qui l’a amené initialement à se faire gronder. Et ainsi de suite jusqu’à la fin, sans que jamais il n’y aie vraiment de « twist » dans le processus. C’est à mon sens le plus gros reproche que je pourrais faire au film qui du coup ne surprend pas et, surtout, ne décolle jamais. Certains voyages imaginaires sont certes plus impressionnants que d’autres – le dernier donne tout – mais, au final, on peut en sortir avec un sentiment routinier qu’on attendait pas forcément dans un Hosoda qui, jusque là, avait tendance à pas mal explorer de genres différents au sein de ses films.
Néanmoins, que cela ne cache pas les innombrables autres qualités que le film a à mettre sur la table ! Car, au bout du compte, Mirai reste une belle lettre d’amour d’un père à ses deux jeunes enfants, et dépeint avec justesse, humour et légèreté l’ambiance d’un jeune foyer. Alors oui, c’est peut-être moins l’aventure que d’habitude, c’est peut-être à une échelle basse en terme « d’ambition » par rapport au reste de la cinématographie d’Hosoda mais, vous savez quoi, c’est rafraîchissant de voir un film d’animation japonaise traiter ce sujet de manière aussi simple.
Pour conclure, je dirais que si Mirai a la générosité de s’adresser à tous les publics, je le pense voué à être vu par des parents et leurs enfants.
Les enfants y trouveront un héros qui va pas mal résonner en eux accompagné d’univers oniriques qui leur paraîtront amusants et impressionnants tandis que les parents, eux, s’identifieront clairement dans les adultes du récit, retrouveront certaines des difficultés mais aussi des joies que eux ont vécus en élevant leurs petits monstres.
On peut donc peut-être dire, dès maintenant, qu’il s’agit là clairement d’un des meilleurs films japonais d’animation à voir en famille.
Il convaincra peut-être moins les adolescents et les jeunes adultes, qui peuvent être très loin de ce genre de considération voire même sont mis un peu à l’écart des propos et des qualités du film…. C’est ce public qui était majoritairement présent au forum des images, par exemple, et inutile de dire qu’il était assez froid après la séance… Donc, voilà, le film reste une réussite mais ça ne m’étonnerait pas qu’il mette un peu de temps avant d’être bien considéré au sein des communautés que je fréquente !
- Surtout que le nom japonais c’est Mirai no Mirai aka « Mirai du Futur », donc c’est cette version futuriste qui est littéralement l’héroïne éponyme. ↩
Un commentaire
Ping :