Higurashi no Naku Koro Ni Gô – World in my Eyes
Tin je sais pas pour vous mais ce troisième confinement j’ai réussi à me déborder en trucs à faire. Que ce soit via mon taf ou dans mes divers projets personnels (Prix Minorin ce dimanche, 150e Kaorin mardi et projection de l’AMV Céleste le dimanche suivant), je me force à m’occuper au maximum, quitte à plus vraiment avoir de temps vraiment pour moi. Mais maintenant que je suis en congés, que tous les projets pré-cités sont terminés & prêts au lancement et que surtout je bénéficie des bienfaits du respirateur nocturne que j’utilise pour soigner mes apnées du sommeil fraîchement diagnostiquées (petit indice de 48 ce qui est, d’après un site internet spécialisé, « extrêmement rare »), je vais ENFIN, un mois après la fin de la série, vous faire mon retour sur Higurashi no Naku Koro Ni Gô.
Qu’est-ce que c’est que ce truc vous me demanderez peut-être ? Higurashi No Naku Koro Ni Gô fut une série diffusée de début octobre 2020 jusqu’à la mi-mars 2021, pour une durée de 24 épisodes et qui à la base se présentait comme un remake de Higurashi no Naku Koro Ni, une série horrifique qui a particulièrement marqué la moitié des années 2000 via une série animée que j’avais adorée regardé au lieu de réviser mes cours de droit en 2008. Faisant partie de la grande franchise When They Cry (où appartient également Umineko, qui est une des œuvres les plus « importantes » de ma vie), on y trouvait un concept simple à base « d’arcs » où l’on revivait à chaque fois différents événements, tous se concluant sur une tragédie sanglante.
Quand ce remake fut annoncé début 2020, je dois vous avouer que je n’étais pas spécialement le public à convaincre: je gardais encore les trois séries diffusées fin des années 2000 dans mon coeur, et je ne voyais pas l’interêt personnellement de « revivre » ces événements via une nouvelle série. J’étais content qu’un nouveau public puisse découvrir l’univers de Higurashi via ce remake mais je me préparais déjà à faire complétement l’impasse car, après tout, je n’aime guère revivre une histoire que je connais déjà. Le premier épisode est diffusé, je m’en fous un peu, les gens sont contents de retrouver ou découvrir le village d’Hinamizawa, je suis ravi pour eux. La semaine suivante, arrivée du second épisode, je mate l’opening par curiosité et là…. soudainement…. mon attention est méchamment captée.
Car je me rends vite compte que… Higurashi no Naku Koro Ni Gô n’est peut-être pas un simple remake, finalement ?
Temps donc pour moi de taper mes retours, mes pensées et mes théories. Cet article va donc être coupé en deux parties: une première partie sans spoiler (qui sera plutôt rapide) et une seconde partie où je vais pas mal m’étancher sur l’intégralité de l’univers When They Cry. Donc ça va spoiler cette série et peut-être plus.
Donc bref, pour commencer: que vaut cette série, Higurashi Gô ? Pour être honnête, d’emblée: je ne la recommande pas. Surtout si vous souhaitez découvrir Higurashi ! Car cette promesse de remake destinée à un nouveau public… est un total et terrible mensonge. J’ai vu et lu beaucoup de « débutants » sortir ultra-confus du visionnage, et je ne leur jetterais pas la pierre car la série a pratiqué l’art du mensonge et de la tromperie, et ce à leurs dépends. On pourrait comparer ça à une série comme Ga-Rei Zero qui pendant trois mois avant sa diffusion a passé son temps à promouvoir un cast de héros qui se faisait flinguer dès le premier épisode pour laisser la place au « vrai casting » dès le second épisode. Sauf que Ga-Rei restait alors parfaitement accessible aux néophytes.
Ici, avec Higurashi Gô on a une œuvre qui pendant douze épisodes fait semblant d’être accessible et d’être ce qu’on attend d’un remake avant de partir dans sa seconde moitié dans quelque chose qui ne parlera qu’aux fans pointus de l’univers When They Cry. Et je dis bien « When They Cry » ici, pas que Higurashi ! Foutant sur le carreau tous les nouveaux venus qui, du coup, se retrouvent face à une œuvre qui ne leur clairement plus adressée. Et qui en plus divulgâche direct certains des plus gros rebondissements de la série originale !
Donc ouais, vraiment, si vous souhaitez découvrir Higurashi en 2021, c’est comme y’a dix ans: c’est soit avec la lecture du visual novel (qui est sur Steam) (et qui a une traduction française officielle par Saffran Prod), soit avec les animés de 2006 et 2007 qui restent encore aujourd’hui vraiment sympas. Ok, les fans du VN diront qu’il manque des éléments, mais ça restait des adaptations qui tiraient le meilleur du support d’origine, particulièrement la seconde saison qui gommait les erreurs visuelles de la première. Je pense que encore aujourd’hui c’est des œuvres qui peuvent vous happer, vous passionner et vous intéresser, pour peu que la grande violence visuelle et psychologique ne vous effraie pas.
Mais ouais, n’envisagez pas une seule seconde Higurashi Gô pour démarrer. C’est un piège dans lequel je ne vous recommande pas de mettre les pieds. Et même, je ne vous recommande pas de mater les séries originales ou de lire le visual novel dans le but derrière de mater Higurashi Gô. Matez Higurashi Gô si vous avez aimé ces œuvres, voyez cette série comme un gros bonus.
Parce que ouais, Higurashi Gô je vous le recommande pas mais pourtant, damn, qu’est-ce que j’ai pris mon pied pendant la quasi-totalité de la diffusion. Chaque épisode me renvoyant à une époque lointaine: celle où je théorisais à donf sur chaque nouveau chapitre de… Umineko. Pendant une vingtaine de semaines, je me retrouvais à nouveau comme le pantin de Ryukishi07, avalant chaque image, chaque détail, chaque dialogue avec le palais d’un détective à la recherche du moindre indice et de la moindre erreur qui pourrait me permettre de prouver mes théories, mes instincts. Chaque épisode c’était au moins une heure derrière à discuter avec d’autres fans de ce qu’on a vu, de ce qu’on en déduit, de ce qu’on envisage pour la suite. C’était grisant, c’était incroyable et c’était quelque chose qui n’était permis que par ce rythme de diffusion hebdomadaire, que nous n’aurions pas pu vivre en binge-watchant l’ensemble.
Du coup, ouais, j’ai adoré mon expérience de Higurashi Gô. Mais c’était uniquement parce que j’étais le public visé. Et je vais quand même être honnête: ce public visé… il est très mince ! On est pas tant que ça à en faire partie ! Et c’est du coup extrêmement étrange, voire même suicidaire, que ce reboot annoncé d’Higurashi qui, je le rappelle une nouvelle fois, était vendu avant tout pour un « nouveau public », finisse au final par parler qu’à un public extrêmement restreint, extrêmement limité… et qui pour la plupart était déjà là en 2006 !
Bref, ce que Higurashi Gô fait est mine de rien audacieux, mais également autodestructeur. En rejetant très brutalement ce public de nouveaux venus qu’il a pourtant essayé de séduire au départ, la série mérite quelque part la rage qu’elle a pu engendrée. C’est osé, c’est aventureux, c’est une giga prise de risques, mais je me demande si ça ne lui fera pas plus de mal qu’autre chose. Car dans tous les cas, vous l’aurez compris: démarrer Higurashi par Gô n’est vraiment pas du tout une bonne idée.
Sur ce, temps de spoiler à donf et d’analyser vraiment tout ce que j’ai adoré dans cette série.
Donc ouais déjà, je disais taleur que c’est l’opening qui m’avait incité à mater la série. Et évidemment, la raison est simple: le générique est cool, a une chouette chanson par Asaka (qui du coup enchantait doublement mes jeudis soirs d’hiver puisque je pouvais alterner entre I Believe What You Said à 18h et Seize The Day à 18h30) (je reste sur le cul que Higurashi et Yurucamp étaient diffusés côte à côte niveaux horaires) et puis y’avait CE plan qui m’a directement interpellé:
En bon féru d’Umineko j’ai tout de suite compris plus où moins que cette silhouette était celle de… Featherine Augustus Aurora. Protagoniste important de l’arc réponses de Umineko, et sorcière considérée comme l’une des plus puissantes au sein de l’univers de When They Cry. Belle, élégante, joueuse mais aussi particulièrement cruelle et surtout connue pour sa capacité à vouloir des tragédies à tout prix. Dans Umineko son avatar humain représentait symboliquement ces nombreux humains et complotistes qui voulaient à tout prix élucider le mystère de Rokkenjima, et modelaient la réalité au maximum pour qu’elle corresponde à leurs théories, toutes plus cruelles les unes que les autres, toutes plus dépourvues d’amour pour les personnages de l’île, devenus des pions et des outils pour leurs fictions. C’est dommage qu’ils ne savaient guère que sans amour, difficile de voir la vérité.
Donc ouais, déjà y’a ça qui me fait penser que, ok, ça sera sans doute pas un remake. Surtout que l’épisode 2 lui-même démarre avec… Rika qui discute avec Hanyuu. Et qui confirme par la même occasion qu’elle vit dans des loops temporels ! Ce qui est évidemment chelou vu que Hanyuu et les voyages temporels de Rika c’est des choses censées être révélées beaucoup plus tard dans le récit. Donc, ok, y’a des trucs bizarres. Et tout le premier arc, Onidamashi-hen (qui du coup ne porte pas tout à fait le même nom que le « vrai » premier arc, Onikakushi-hen) se déroule vaguement comme dans la série originale mais avec une myriade de détails changeants de ci de là. Jusqu’à la conclusion, assez maligne: Keiichi ne cède finalement pas à la folie et à la panique, ne fait pas le fameux meurtre sanglant qu’on connaît… mais c’est Rena qui pète un câble à sa place. Oh oh.
Jusque là j’étais assez séduit par la démarche parce que sur cet arc là je trouve que y’a un excellent équilibre entre « accessible aux nouveaux » et « contenu bonus pour les fans de la première heure. » En effet, les nouveaux venus ne connaissent pas les différences, et ont donc sous leurs yeux une histoire relativement similaire au premier arc original, qui possède des rebondissements et une ambiance tout à fait semblable… pendant qu’en parallèle les connaisseurs pètent eux aussi un câble parce que holy shit ça se passe complétement différemment ! C’est là que le talent d’écrivain de Ryukishi07 se ressent à son maximum parce qu’il parvient à faire vivre des émotions très fortes à deux publics pourtant très différents, qui vont vibrer sur les mêmes scènes mais pas pour les mêmes raisons !
Donc bref premier arc fort, d’autant qu’il établi un truc très important: les règles « importantes » peuvent changer. Car ouais, en plus de tout ce bordel, on a aussi un changement primordial vu que Takano et Tomitake disparaissent au lieu de mourir. Ce qui est un changement méga important vu que jusqu’ici, dans tous les arcs de Higurashi, y’avait au moins comme certitude celle d’avoir le combo mort de Tomitake / disparition de Takano. Ici ? Non.
Le second arc, Watadamashi-hen, reste d’ailleurs tout aussi magistral niveau écriture à double niveau, et je l’ai d’autant plus adoré que ça reste un de mes arcs favoris du Higurashi de base. Bon, après, je reste un Sonozaki fanboy malgré toutes les années qui passent ! Mais là, surtout, ce qui était incroyable c’est de savoir après un premier arc explicitement différent comment ce second arc allait se dérouler, quelle allait être ses différences majeures. Par exemple, tout le premier épisode je me suis rendu compte que, eh, il était tout à fait possible que dans cette version d’Hinamizawa… il n’y aie pas de jumelles Sonozaki ! Pour moi tout l’épisode 1 mettait en place des éléments où Mion serait la seule sœur Sonozaki, sœur qui utiliserait parfois le sobriquet de « Shion » comme seconde personnalité. Tout semblait concorder dans cette direction… quand dans le second épisode Mion et Shion se rencontrent et là, ouais, au revoir mes rêves et mes espoirs. Mais au moins je me suis chauffé le cerveau et c’était agréable.
Arrive ensuite le troisième arc, lui beaucoup plus fidèle, peu de différences majeures, un arc toujours aussi compliqué au vu des sujets traités et on se réveille à la toute fin avec « enfin » les différences majeures… où ça tourne très très mal très très vite. Après ça on aurait pu s’attendre à une adaptation « différente » du quatrième et dernier arc des questions originales mais… eh… Ryukishi a ce moment là il a dit pas ce soir.
C’est donc à partir de ce point que Higurashi Gô bascule: Rika se comprends qu’on se fout vraiment de sa gueule, perd un peu la foi, envisage le suicide vraiment final, voit défiler certains loops particulièrement hardcore avec des massacres qui arrivent de plus en plus tôt. C’est le bris total des règles d’Higurashi, plus rien ne se passe comme d’habitude, le « plateau de jeu » d’Hinamizawa est secoué, les pièces sont dilapidées partout et Rika n’a pas l’air de très bien comprendre contre qui elle joue.
C’est assez passionnant, les théories s’entremêlent et, au final, on sait toujours pas pourquoi y’a l’ombre de Featherine dans l’opening. Passé ce point, j’en étais au moment où je m’attendais à la voir surgir un peu n’importe quand. Surtout que, bon, dans Umineko à l’époque on comprenait très rapidement que la sorcière Bernkastel – qui a toujours été liée à Rika dès les Higurashi originaux – a un passif avec Featherine, qu’elle a été sa « miko », son « chat » et sa disciple… et qu’elle la terrorise encore un peu. Idem d’ailleurs avec une autre sorcière, Lambdadelta, qui n’accueille pas vraiment avec sérénité l’idée de voir Featherine près d’elle durant l’épisode 7. Comme en plus le personnage de Featherine est un hommage à la figure d’Hanyuu (cornes, nom en « Au Au »), le lien paraissait naturel – Hanyuu pouvait devenir Featherine et guider Rika à devenir Bernkastel, par exemple. C’est la théorie la plus « probable » alors, et j’attendais le moment où Rika allait être au fond du désespoir et voir soudainement Featherine débarquer, non désintéressée, pour venir faire de la jeune fille une sorcière sans pitié digne de ce nom.
Mais, ptdr, même ça au bout du compte c’était un piège: car si Featherine apparaît bel et bien… c’est à un autre personnage, qui vole toute la seconde moitié de Higurashi Gô.
Bonjour, Satoko.
Je vais pas vous mentir: du cast original, Satoko a toujours été le perso qui m’indifférait le plus. Pas qu’il soit mal écrit – son arc personnel est clairement le plus sombre, le plus touchant et le plus à nous rappeler que Ryukishi a été travailleur social donc a constaté de très près le pire des relations familiales – mais au bout du compte par rapport à Rika, Rena, Keiichi et les soeurs Sonozaki, elle n’a jamais tant capté mon interêt que ça. Mais, damn, dans Higurashi Gô elle m’a fascinée du début à la fin car pendant cinq épisodes on voit ce personnage passer de sympathique tête creuse pleine de bonne volonté à… antagoniste sadiquement impitoyable. Dans ce qui est l’illustration même de l’expression « wow, ça a escaladé rapidement. »
Et je trouve l’écriture du personnage assez réussie même si hélàs tout est un peu gâché par des événements qui se déroulent très rapidement. A la base on a donc un personnage qui régulièrement était défini par un souci de dépendance aux autres. Satoko c’est quelqu’un qui a vu ses parents partir puis son frère disparaître, la laissant seule avec une belle-famille abusive et face à un village qui la hait à cause de son patronyme. Heureusement, Rika sera là pour prendre le relais et lui offrir l’attention et l’affection qui lui permettra de tenir le coup et de s’en sortir après une période compliquée. Mais malgré tout cela ne va pas empêcher Satoko d’avoir peur d’être à nouveau seule ou d’être rejetée par ceux qu’elle aime.
Ainsi, quand Rika à St Lucia préfère passer du temps avec ses nouvelles amies plutôt qu’avec une Satoko qui se retrouve isolée (ce qui est déjà quelque chose qu’elle craignait) dans un environnement où tout est contre elle, dans lequel elle ne convient pas, c’est du coup pas incompréhensible qu’elle vrille car elle se retrouve alors confrontée à ses craintes, ses peurs et le sentiment d’être rejetée par son amie comme son frère l’avait rejetée et laissée seule en disparaissant quelques années plutôt. Et le retour à Hinamizawa sera d’autant plus dur: la découverte de voir que son ancienne maison a disparue sera le coup final, exacerbant le sentiment d’être rejeté même par son propre village, le dernier endroit où elle avait le sentiment d’appartenir. C’est dans ce contexte qu’elle va rencontrer Featherine qui, évidemment, attendait le moment où Satoko était le plus au fond du trou pour lui donner… des pouvoirs aux conséquences ahurissantes.
Maintenant, l’idée n’est évidemment pas d’excuser Satoko parce qu’elle va commettre en cinq épisodes pas mal d’actes assez abominables, montrant un désintérêt total dans les réalités sanglantes qu’elle parcourt, et se foutant complétement de voir ses amis et amies mourir dans d’atroces souffrances. Tout ça est défini en une seule phrase prononcée, où elle dit ne pas considérer vraiment comme des réalités tous ces loops qui se terminent en Rika ne lui accordant pas totale et définitive attention. Car pour Satoko, tout cela est devenu un jeu – elle va utiliser ses pouvoirs temporels aussi bien pour gagner des concours de jeux de société que pour provoquer des massacres dont elle veut examiner les conséquences. C’est étrangement conforme au personnage qu’on connaissait jusqu’à présent qui était clairement le plus près à tout pour remporter chaque « match » du club de jeu de société. Elle n’était pas aussi rusée que Mion, pas aussi stratège que Rika ou pas aussi déterminée que Keiichi mais c’était celle qui était toujours capable de tout pour gagner, et pour elle ces pouvoirs ne sont rien de plus qu’un nouveau moyen de jouer, avec comme prix final celui de faire Rika totalement sienne.
Et là encore une fois on arrive dans une phase de l’univers When They Cry que j’adore: les amours destructeurs. C’est une série qui n’a jamais eue peur de célébrer la beauté de l’amour, mais qui n’a jamais eu peur de montrer que les limites entre amour et destructions sont parfois tenues, et que par amour certains sont prêts à se fourvoyer et à partir dans les actes les plus cruels, les plus égoïstes. Comme Béatrice imposant sur le dos de Battler des énigmes sadiques et des scènes d’une grande cruauté, Satoko ici veut être la seule réceptionnaire de l’amour de Rika car elle estime que amour et possession ne sont que deux faces de la même pièce. Prête à tout pour faire vivre un enfer à la seule personne qui lui reste, et s’assurer que rien ne change, rien ne bouge, tout reste à jamais un status quo paisible et serein, où elle aurait l’assurance de ne plus jamais être seule.
Et là encore une fois je n’excuse pas Satoko, et ce comportement je le désigne comme destructeur plus qu’à raison. Elle est l’antagoniste attitrée, elle sème donc la malveillance et l’horreur par ses actions, mais j’aime vraiment l’idée que ça reste intiment lié à son personnage, à ce qu’on connaît d’elle, et que du coup on peut comprendre cette évolution. Toute cette horreur psychologique qu’elle soumet à son amie/amante est encapsulé par ce morceau d’épisode 16 où Rika se retrouve contrainte d’avouer son amour pour ce village qu’elle a apprise à haïr au fil de ses siècles de souffrance. Parce qu’au bout du compte on ne lui laisse plus le choix, les actions de Satoko sont parvenus à lui interdire d’être « autre chose » que la prêtresse de Hinamizawa. Quelque part cette vie paisible qui l’attend au village est la pire souffrance qui pouvait être infligé à une Rika qui, après avoir vaincu des siècles d’énigmes sanglantes, espérait peut-être s’en sortir enfin. Rika rêvait d’enfin voir le monde mais, hélàs pour elle, Satoko considère que Hinamizawa est le seul monde qui existe.
Maintenant, soyons méta deux secondes: et si Satoko… c’était nous ?
Parce que ouais on est chez When They Cry et si y’a un truc que la franchise a souvent fait, c’est des commentaires méta sur le concept de narration, de lien entre une fiction et son spectateur. Je veux dire, tout Umineko est un récit nous faisant nous questionner sur la relation entre des récits de mystères et leurs lecteurs, invoquant les codes du genre mais aussi du fandom. Et pour moi Higurashi Gô, via Rika, Satoko et Featherine (pardon « Eua ») débarque aussi pour nous questionner sur d’autres questions, ici en l’occurence sur les questions de remake et de suite.
Déjà, tout d’abord, en tant que personnage du récit (et « pièce du plateau »), Rika se questionne très vite sur pourquoi elle doit résoudre à nouveau un mystère qu’elle était pourtant enfin parvenue à résoudre par le passé. C’est comme si Ryukishi lui-même se questionnait sur pourquoi il devrait à nouveau écrire sur Hinamizawa quand il a déjà tout écrit et tout dit sur le village. Mais réecrire sur Hinamizawa quand tout a été dévoilé va exiger de lui de briser les codes établis, ce qui se ressent sur le récit en conséquence avec ces rebondissements « inédits » et ces manquements aux règles pourtant gravées dans le marbre (sur Tomitake et Takano, par exemple.) Donc ok, le message initial semble être du coup « Rika, tu es forcée à revivre le mystère d’Hinamizawa sauf que le mystère a changé. »
Rika, en tant que protagoniste, ne vit pas forcément bien tout ça, puisqu’elle était convaincue qu’elle en avait finie avec Hinamizawa. Mais il fallait une nouvelle série, désolé ! D’autant plus que plus tard, la terrible réalité qu’elle va devoir avaler c’est donc, du coup, qu’elle est même interdite de sortir de Hinamizawa. Elle veut faire sa vie ailleurs ? Pourquoi ? Tu fais partie intégrante d’Higurashi, donc de Hinamizawa. Et au final, elle n’est même plus vraiment l’héroïne ! Elle passait toute la série originale à avoir un coup d’avance sur le spectateur, elle en savait plus que nous sur tous les sujets. Là, pour la première fois, la tendance s’inverse: on termine Higurashi Gô en sachant beaucoup plus de choses qu’elle sur comment les choses se déroulent autour. Elle ne sait pas que Satoko est la cause de ses problèmes, nous on le sait. Elle n’est même plus l’héroïne omnipotente et savante du Higurashi original, elle est devenue un simple personnage secondaire, aussi paumée que peut l’être Keiichi, Rena ou les soeurs Sonozaki vis à vis de la big picture.
Car désormais c’est Satoko qui contrôle tout. Et Satoko elle veut que Higurashi reste Higurashi.
Satoko, quand on lui a donné l’occasion d’être spectatrice alors sans le moindre doute elle s’est tapée volontairement les siècles de souffrance de Rika pour comprendre chaque élément, chaque détail. Comme les lecteurs du VN, elle connaît chaque détail, chaque engrenage, chaque pion du plateau de jeu qu’est Hinamizawa. Elle maîtrise ce jeu. Elle pourrait utiliser ses pouvoirs de loop pour tricher aux examens à St Lucia et éviter les emmerdes, par exemple, mais Satoko elle s’en fout de réussir à St Lucia parce qu’elle veut pas le bonheur de Rika, elle veut le sien de bonheur. Et c’est à Hinamizawa, pas à St Lucia, qu’elle le trouvera son bonheur.
C’est donc Satoko qui force Rika à revivre en boucle des séquences où tout se passe mal, car elle en veut plus. Elle veut revivre ces moments encore et encore, elle ne veut pas de changements, pas de routines brisées, elle veut que Higurashi continue. Elle ne veut pas que Higurashi se termine parce que sans Higurashi elle va se retrouver confrontée à ses propres problèmes. Et ça il en est pour elle hors de question.
Et c’est là que la figure de Featherine fait sens !
Dans Umineko, Featherine était la sorcière liée au Drame, au Théâtre et à l’Observation. Comme dit plus haut elle était extrêmement puissante et dans Umineko avait cette petite habitude désagréable de vouloir tout rendre beaucoup plus tragique. Son avatar humain, Tohya Hachijo, était d’autant plus central à l’intrigue d’Umineko que c’était elle qui était à l’origine des fameuses bouteilles à la mer qui avaient crées nombre de théories et de mystères sur ce qui s’était déroulé sur l’île de Rokkenjima. Sans Hachijo / Featherine, Rokkenjima serait resté comme un simple mystère anonyme et ne serait pas devenu la gigantesque source à théories et à complots qu’il est devenu…
En somme Hachijo / Featherine est un personnage qui prend quelque chose de « terminé » et va tordre la réalité au maximum pour créer drame, tragédie et sensationnel qui va faire passer un fait divers au rang de quasi fiction, qui va exciter les esprits du monde entier.
Donc là on a Higurashi qui est terminé, qui est conclu… et voilà une sorte de simili Featherine qui débarque dedans pour… relancer une nouvelle histoire ? C’est logique, et c’est normal que du coup elle se délecte de voir Satoko complétement vriller et faire du « nouveau » Higurashi un Higurashi encore plus violent, en plus impitoyable que le précédent. Car ce que Hachijo nous avait montré déjà à l’époque de Umineko c’est qu’elle n’a aucun amour pour ses personnages et que ce qui lui importe plus c’est le choc, le sang, les rebondissements, l’intrigue. Tout n’est qu’outil pour y parvenir.
Donc en gros moi comment je perçois Higurashi Gô: on a dit à Ryukishi que fallait une nouvelle série Higurashi pour promouvoir le mobage qui allait sortir cette année là, il s’est exécuté mais ptet que ça le saoule un peu de toujours revenir à Higurashi. Ptet qu’il préfère bosser sur un nouveau manga ou avancer sur Ciconia no Naku Koro Ni, mais bon bref Higurashi le poursuit et il l’accepte sans doute. Donc le voilà à écrire un nouvel animé, mais il se rend compte que ptet que justement il peut exprimer l’idée qu’il en a marre de toujours être bloqué à Hinamizawa même 15 ans après avoir tout terminé. Du coup le voilà à raconter un nouvel Higurashi mais tel que l’aurait raconté la terrible Featherine, qui est toujours heureuse de reprendre des histoires conclues et terminées pour les réinterpréter avec plus de choc, plus de violence et moins d’amour.
Quelque part Featherine représente donc les producteurs qui veulent plus de Higurashi pour avoir ce qu’ils veulent, Satoko représente les spectateurs qui veulent que Higurashi reste Higurashi et Rika représente Ryukishi qui pensait en avoir terminé et qui se retrouve à devoir refaire un taf qu’il avait pourtant déjà fait.
Vous me dites si je plane trop loin mais quelque part ça fait sens.
TOUT COMME CA FERAIT SENS QUE DU COUP HIGURASHI GÔ SOIT AUSSI L’ORIGIN-STORY DE BERNKASTEL ET LAMBDADELTA !
Car ouais ça aussi c’est un truc qui m’excite à donf en tant que fan de l’univers global de When They Cry mais l’arrivée de Featherine tend à confirmer plus où moins que tout est bien dans une sorte d’univers « commun. » Cela reste volontairement flou et Ryukishi continue de s’en amuser (ainsi il nous disait que Eua « n’avait pas le nom de Featherine » ce qui est du coup techniquement vrai mais reste vague sur si c’est le même personnage ou pas) mais on peut s’amuser à voir quelques liens se créer entre Higurashi et le monde des sorcières tel que dépeint dans Umineko. La plus grande surprise étant que pas mal d’éléments semblent commencer à incliner l’histoire de telle manière à ce qu’on découvre bientôt que Satoko… serait peut-être la future Lambdadelta ?
Car si le lien entre Rika et Bernkastel a toujours été assez clair, aussi bien d’un point de vue physique que d’un point de vue intrigue avec l’épilogue de Higurashi Kai, le personnage de Lambdadelta n’a jamais été explicite. On a toujours pensé que c’était en lien avec Takano – même cheveux blonds, et le nom « Lambdadelta » qui était lié à celui de « Miyo takano » par un habile jeu de mot à bases de chiffres (Lambdadelta = 34 ; Miyo = 34) mais dès 2009 en interview Ryukishi parlait de cette connexion comme juste un piège amusant, un clin d’oeil plus qu’autre chose.
Pas que Ryukishi soit particulièrement fiable en interview – cet homme aime mentir pour servir ses récits – mais effectivement, du coup, ça paraîtrait pas si déconnant que Satoko soit la future Lambdadelta… ce qui expliquerait la relation qui lie Bernkastel et Lambdadelta dans Umineko ! Ces deux sorcières qui semblent inséparables et semblent autant capables de s’aimer que de se faire les pires vacheries possibles, cela est une relation qui serait tout à fait logique après les événements qu’elles auraient traversées ensemble dans Higurashi Gô. Et cela expliquerait aussi pourquoi Lamdadelta craint autant Featherine quand elle la recroise quelques années plus tard.
Sans compter que, ouais, du coup, la similarité physique entre Satoko et Lambdadelta me paraît étrangement plus explicite qu’avant, haha.
Donc voilà un peu mon excitation pour Higurashi Gô. Je vais pas forcément tout évoquer en plus mais j’adore aussi comment dans les deux derniers épisodes sont évoqués le cas de l’oncle de Satoko (que Satoko est prête à foutre dehors même si il montre -enfin- un signe de regrets et de rédemption) et celui de Takano (et comment Satoko la met hors de jeu) qui montrent à quel point notre nouvelle antagoniste a un contrôle total sur le plateau mais aussi une capacité à vraiment tout sacrifier pour poursuivre son très égoïste objectif. Y’a aussi un truc qui va rentrer en jeu très vite et c’est les accumulations de réalités sur la psyché des personnages, qui voient parfois en vision ou en cauchemar les actes affreux commis en dehors de leur réalité – c’est ce qui motive Teppei à se ranger mais aussi déjà plus tôt ce qui faisait que Keiichi se retrouvait à ne pas attaquer Rena. Est-ce qu’à force d’être usé le plateau et ses pièces « vont se casser » ? Un plateau est-il vraiment utilisable à l’infini ?
Du coup, ouais, Higurashi Sotsu arrive cet été, et nous promet déjà de répondre aux mystères des arcs questions de Gô. Je pense qu’on peut déjà répondre à la plupart des arcs avec les éléments qu’on a en notre possession et la connaissance des motivations de Satoko, mais ce qui va nous intéresser sera surtout la confrontation entre Rika et Satoko qui devrait être assez passionnante. Car souvenons-nous qu’un des épisodes se terminait sur un cliffhanger ou Rika découvrait que Satoko était peut-être pas si bien intentionnée que ça, et cela pourrait être le déclencheur tant attendu.
Donc voilà, c’est ce que je voulais dire quand j’étais heureux de me rouvrir le cerveau pour When They Cry. Y’a peu d’autres franchises comme ça qui font tourner mon cerveau à fond, et je sais que je peux me lâcher autant que je veux parce que je sais que je peux avoir confiance en Ryukishi. Je sais que quoi que soit la réponse finale, elle sera intéressante, surprenante, intrigante et logique au sein de l’univers. Bref, hâte d’être cet été et de pouvoir revivre ce ride.… et de continuer à déconseiller la série aux non-fans, dans cet étrange paradoxe que décidément j’apprends à accepter.