Où étiez-vous quand School Days a tué une tendance ?
Dernier jour de 2021 ! 31 décembre ! L’occasion comme toujours de sortir une des habitudes les plus absurdes de Néant Vert: l’article du réveillon. Un article tous les 31 décembre depuis 2008 sur des sujets… très variés. Et pour finir cette très étrange (et pas ouf) année 2021, essayons de nous la jouer subtil et distingué en parlant… de School Days.
Bah oui, vous pensiez que je rigolais à la fin de l’article sur le Tombeau des Lucioles ? Jamais je rigole moi ! Où alors nerveusement, ce qui est très ennuyeux et très insupportable pour mon entourage !
Donc allez, c’est parti: School Days. Beaucoup de chose à dire mais essayons d’être concis, efficace et de vite préciser l’angle d’aujourd’hui. Mais déjà, avant ça, ptet que vous savez pas c’est quoi ? Ok, remettons les choses dans le contexte. C’est toujours important de présenter ou de récapituler. Surtout quand là on part sur un article où on va accuser d’avoir tué un genre. C’est le titre !
School Days est donc un animé sorti durant l’été 2007 ! Mais avant cela, c’était avant tout un visual novel du studio Overflow sorti en 2005 sur les PC du Japon tout entier. Un jeu textuel à priori normal, vous faisant incarner un vaillant lycéen qui va devoir rencontrer des personnages féminins, leur parler, faire des choix et, peut-être, à la fin, trouver l’amour, sortir avec l’une d’entre elles et, qui sait, peut-être placer un kiki dans une foufoune. Genre donc de jeu extrêmement fréquent dans le Japon de cette époque mais School Days se distinguait de ses nombreux concurrents avant tout via un aspect: l’incorporation de très nombreuses séquences animées. Tellement nombreuses, même, qu’elles composaient l’intégralité de « l’aventure » School Days.
Ici donc la majorité du gameplay était finalement pas tant résumé à lire des tonnes de texte mais plutôt à regarder se dérouler de nombreuses petites séquences entrecoupés de choix qui allaient déterminer la scène suivante. Une sorte de grand hybride entre un animé interactif et un visual novel, un peu à la manière de franchises similaires (et un peu nichées) comme les Yasudora sauf que School Days était un jeu adulte et à ce titre une partie des séquences animées étaient aussi… des scènes pornographiques. De la pornographie dans un jeu hentai ? Nous voilà bien surpris.
Dans tous les cas, School Days s’est donc assez vite distingué en 2005 dans le très fleurissant marché des jeux érotiques de l’époque via cette spécificité technique assez unique et finalement très ambitieuse pour ce genre. Au point qu’assez peu d’autres jeux érotiques essaieront de reproduire l’idée – pour les experts, on peut éventuellement citer les jeux du studio Jellyfish mais c’est hélas un peu tout, et croyez-bien que c’est le genre de sujet sur lequel je peux chercher des heures. Du coup, par contre, Overflow restait un petit studio et si tout le jeu est bel et bien intégralement animé, n’attendez pas du grand art – c’est assez brut de décoffrage, il y’a énormément de réutilisations de plans ou de mouvements, bref y’a tout un côté clairement cheap. Ça ajoute un peu au charme, d’une certaine façon, mais les moyens ne sont clairement pas toujours à la mesure des ambitions.
(Et, oui, si vous vous posez la question: n’importe quel autre animé hentai de cette période, même les plus fauchés, vous proposera de meilleures scènes de sexe. Celles du jeu sont vraiment limitées à deux plans max, sont très courtes, très limitées, très répétitives et sont souvent mal rythmées. En outre vous ne pouvez pas faire pause, avance rapide ou rembobiner – c’est vraiment pas ouf.)
Toute cette spécificité étant néamoins détaillée bah pour le reste, on restait sur du jeu de drague assez classique: tout restait une question de choix, on devait choisir entre plusieurs héroïnes et évidemment il y’avait du coup une large quantité de fins. Certaines fins dédiées à certaines héroïnes, certaines dédiées à plusieurs héroïnes et, évidemment, quelques mauvaises fins ! Certaines d’entre elles étaient même plutôt gores et sombres, semblant parfois même emphaser et s’amuser de l’absurdité des situations dans lesquelles se sont foutus les personnages. Du coup quand l’un des concepteurs du jeu dit avoir écrit le jeu en essayant d’adapter l’esprit du film Fargo des frères Coen, ok, je vois un peu l’idée même si Fargo et School Days dans la même phrase ça fait toujours un peu bizarre.
Cela étant dit, School Days attire un peu l’attention et arrive rapidement deux évolutions pour le jeu: tout d’abord en 2007 une version DVD et enfin en 2008 une version Playstation 2 tout public. Et pour accompagner ces deux évolutions, quoi de mieux… qu’une adaptation animée ?
Nous sommes donc durant l’été 2007, School Days sort… et ce n’est pas évidemment la première fois qu’un visual novel de drague se retrouve adapté en série télé.
Oh pas du tout la première fois.
School Days sort même en PLEIN MILIEU d’une énorme tendance de l’industrie de l’époque qui a fait qu’en environ une demie-décennie, c’est plus de 60 jeux érotiques et/ou de drague qui vont être adaptés. Et oui, je vais le dire maintenant: c’était un boom similaire à ce qu’on vit aujourd’hui avec les adaptations de light novel isekai. Chaque saison avait entre deux et cinq adaptations de visual novel avec moults personnages féminins tournant autour d’héros souvent un peu interchangeables. Y’avait des super séries dans le lot (Clannad ! C’est bien Clannad !) mais aussi évidemment des trucs un peu oubliables – la preuve personne n’a pensé à souhaiter à Canvas 2 the Animation un joyeux noël cette année, la série m’a appelé en larmes, vous abusez :/.
(Sachant que dans l’image j’ai pas mis les adapt de VN qui sont pas des VN de drague ou de cul, mais au final je sais pas pourquoi j’utilise le pluriel – le seul animé qui manque du coup, à priori, c’est Higurashi.)
Vous me demanderez du coup pourquoi je vous montre tout ça ? Déjà d’une parce qu’il est à mon sens important de connaître le contexte de l’industrie de l’animation quand la série School Days débarque mais aussi parce que, de manière amusante, le genre va pas mal ralentir dès le début de l’année 2008 avant de quasi disparaître à partir de 2009 – année à partir de laquelle quand les animés voudront des animés de romance harem en lycée ils iront chercher dans les mangas ou les light novel, et plus vraiment les VN de cul, qui leur avait pourtant servi durant 4 ou 5 ans.
Bref, School Days arrive et un an plus tard, l’animation japonaise commence à mettre en « lu » les demandes d’adaptation venant des studios de création de visual novel qui aimeraient voir leur histoire de harem elle aussi être adapté. Hasard, coïncidence ?
C’est ce qu’on va voir.
Car oui, l’adaptation animée de School Days elle a fait grand bruit à l’époque !
Les autres adaptations souvent se trouvaient avec le challenge d’adapter des cinquantaines d’heures de lecture en une série de 12 ou 24 épisodes. Heures de lectures souvent divisées en plusieurs « routes » et en plusieurs « héroïnes. » Donc parfois soit on avait une sorte de série « condensée » où le héros aidait les différentes héroïnes, soit l’adaptation d’une route bien précise (par exemple Clannad qui se concentrait sur l’adaptation de la « route » liée au personnage de Nagisa, quitte à n’adapter que des parcelles des routes des autres personnages.)
School Days lui a choisi la seconde route, celle d’adapter une route bien précise sauf que ce n’est ni la route de la pétillante Sekai ou la route de la timide Kotonoha. Ce n’est même pas la route où il termine avec les deux. Non non.
C’est la route où tout le monde meurt parce que les choses se sont très mal passées.
Et ça, ça marque les esprits. Surtout quand du coup le jour de la diffusion de l’épisode final, au lieu d’avoir l’épisode, la chaîne télé préfère diffuser 30mn de… euh… ça:
30mn de diaporama de jolis paysages du Japon, dont un fantastique plan de lac !
Bon, après, faut dire que l’épisode lui-même impliquait qu’un personnage lycéen en décapite un autre, ce que la chaîne télé se sentait pas chaude de passer quelques heures à peine après la survenue d’un sordide fait divers au Japon impliquant le poignardage d’un homme par sa fille, une lycéenne de 16 ans. C’est donc le début du « Nice Boat », partie intégrante de la culture meme des années 2000, et à jamais lié à School Days, à son histoire, à son héritage et, surtout, à sa légende.
Car bon, ouais, je vous reparle de tout ça mais soyons honnêtes: vous le saviez sans doute déjà. Le terme de « légende » colle vraiment bien à un animé comme celui-ci car à l’époque tout le monde en parlait et ça n’a pas été qu’un simple feu de paille: non non, c’est une légende qui a perdurée dans le temps. Encore aujourd’hui, School Days possède sa renommée, son aura bien particulière d’animé à scandale. Je veux dire j’ai croisé en convention en septembre dernier des adolescents de, allez, genre 15 ou 16 ans, qui connaissaient cet animé et l’avaient vus à cause justement de sa réputation. La série était limite plus vieille qu’eux.
En somme, principalement grâce à son final sanglant et choquant, School Days s’est inscrit dans les mémoires, au point de vivre encore aujourd’hui. C’est fou, non ?
(C’est d’autant plus marrant que à la même époque c’était la folie Suzumiya Haruhi qui battait son plein, folie qui – comme je l’expliquais y’a un an – s’est depuis bien tarie.)
Par contre, série connue ne veut pas dire série aimée ! On peut même dire que School Days est une série particulièrement clivante.
En par clivante, je veux dire, en gros: si on va sur MyAnimeList, c’est presque parfaitement réparti niveau notes.
Presque autant de 10 que de 1, beaucoup de notes au milieu… ça déchaîne les passions ! La moyenne MAL officielle est même de 5,6 ce qui est presque pile le médian. Ca en fait tout de même une des séries animées les plus mal notées de tout le site (tout de même devant quelques chefs d’oeuvres comme Conception, ex-ARM ou bien encore les films de propagande de sectes) mais y’a aussi quelque chose d’un peu relaxant dans cette disposition des notes qui cherche avant tout à trouver une forme de balance. Un équilibre parfait dont rêverait les méchants de films de comics.
Ma seule tristesse c’est qu’au fil des années le nombre de 1 semble augmenter: si on utilise archive.org on peut ainsi voir comment les notes étaient disposées en 2008…
… en 2016…
… et en 2019….
Vraiment, le classement général en 2019 il était parfait: on avait vraiment un nombre quasi égal (à 1000 près) de 1 et de 10. Pour moi une série autant adorée que haïe ça représente finalement parfaitement l’esprit School Days. Mais c’est aussi marrant de voir qu’en 2008, un an après la diffusion de la série, les opinions étaient majoritairement positives sur l’animé !
D’ailleurs, sur une note un peu différente: c’est marrant de voir comment ce petit historique révèle l’évolution de MyAnimelist parce qu’en 2019 le nombre de votes pour la note 1 était de 16900 mais en 2021 c’est 30 000 comptes qui avaient votés la plus basse note. En gros en à peine deux ans le vote 1/10 a été multiplié par deux. Beaucoup de gens se sont ptet dit que School Days était un bon animé de confinement ?
Après, plus généralement, c’est aussi une tendance que j’ai pu observer au fil des âges, c’est à dire que dans ma bulle Internet de 2008/2009, School Days était vu comme un plaisir coupable un peu trashy, un peu original par rapport à sa fin et où l’on voyait des persos un peu pétés du bulbe semer le vent pour récolter la tempête. Mais au fil des années, il est devenu progressivement l’animé « facile à haïr. » J’imagine que des Youtubeurs ont fait des vidéo populaires pour trasher l’animé et que du coup depuis les gens y vont pour voir un truc qu’ils « savent » mauvais et pour confirmer que c’est mauvais ? Je sais pas trop. En 2008, School Days était une sorte d’animé-meme, en 2021 j’ai l’impression qu’il est devenu un « exemple » d’animé « nul » ?
Bon c’est là que ça me chagrine parce que du coup j’ai maté la série en 2019 et…
… j’ai méga kiffé.
Vraiment.
Avant d’expliquer pourquoi, damn, faudrait pas que j’oublie de récapituler vite fait l’intrigue: Makoto aime une fille nommée Kotonoha, il l’observe tous les matins dans le train, la trouve jolie mais sait pas comment l’aborder. Sa voisine de classe nommée Sekai décide de l’aider. Sauf que Sekai a un peu le béguin pour Makoto. Makoto va commencer à sortir avec Kotonoha. Mais il se rendra compte très vite que, eh, être en couple implique des responsabilités, du coup il va très vite s’ennuyer et commencer à exploiter le béguin que Sekai a pour lui. Il va essayer de jongler entre les deux puis, eh, ptet derrière commencer aussi à fricoter avec tout ce qui bouge. Et quand je dis fricoter, ça implique aussi énormément de baise car Makoto découvre qu’il aime bien baiser.
Bref bilan des courses: il fout une des héroïnes enceinte, refuse d’assumer, les deux pètent un câble, il se fait poignarder par l’une puis décapité par l’autre à coup de couteau de cuisine et la série se termine sur les deux héroïnes qui s’entretuent – entre autre parce que la fille pas enceinte veut être bien sûre que la fille enceinte est bien enceinte.
Donc oui là vous lisez l’intrigue et vous vous dites sans doute, si vous découvrez tout ça aujourd’hui: « ah je comprends que ce genre d’intrigue divise pas mal. » Ah bah effectivement quand je disais qu’ils avaient pris le parti-pris d’adapter toutes les mauvaises fins du jeu, je ne déconnais pas. Dans cette adaptation, personne ne gagne: tout le monde perd. Et quelque part, juste partir sur cette idée, déjà, je trouve ça un peu séduisant. Mais le petit bonus qui fait que vraiment j’aime beaucoup School Days c’est que vraiment ça ne recule pas une seule seconde. Ca assume totalement cette idée, et ça va l’explorer de but en blanc.
D’autant que, et je le pense sincèrement, je trouve la série plutôt bien écrite vu l’angle choisi. Et là je m’explique.
Tout le monde déteste Makoto. C’est le « héros » de la série et c’est vrai que si il commence comme un ptit pleutre indécis, il termine la série à enchaîner les baises facile et à faire le maximum pour refuser le moindre centimètre de responsabilité qu’on peut lui donner. Il brise des cœurs sans le moindre remord, pourrit la santé mentale de tout ce qu’il touche, pense littéralement avec sa bite et fait preuve d’une froideur incroyable quand on vient le confronter sur les malheurs qu’il a causé. En gros si tu peux pas être baisé, tu n’intéresses pas le Makoto de la seconde partie de la série.
Bref, je vais dire une évidence: je déteste Makoto parce que, évidemment, la série veut que je haïsse Makoto.
Sa mort a la fin n’est pas censée être triste: il ne fait que se manger les conséquences de tout ce qu’il a causé et qu’il a volontairement voulu ignorer. Toute la série raconte comment Makoto passe de héros à antagoniste, jusqu’à une destinée finale certes tragique mais qui ne survient pas de nulle part – tous les signes étaient là, en vert fluo et en Impact Gras Italique Taille 420, mais il a refusé de les voir car il était trop omnubilé par sa quête personnelle qui était de se faire pomper le dard par le maximum de personnages secondaires possibles. Si il est victime de quelque chose, c’est bien de son propre narcissisme, de son propre égoïsme et de son propre état d’esprit de gars qui voulait du plaisir sans faire les efforts.
D’autant que, encore une fois, remettons les choses dans le contexte de la sortie de la série: vous l’avez vu, les romcom harem avec des héros lambdas qui semblent attirer inexpliquablement l’attention de tout le corps féminin d’un lycée, il y’en avait des tonnes à l’époque.
A ce titre, je vois le personnage de Makoto comme une sorte de commentaire de cette tendance. Comme beaucoup d’autres héros du genre, Makoto est un lycéen qui n’a pas vraiment de traits très définis. Il a un physique normal, son caractère est basique, quand les héroïnes le complimentent (au début) c’est pour des trucs vagues comme « sa gentillesse » parce qu’en fait y’a pas grand chose de plus spécifique à dire. Malgré cette absence de personnalité forte, il attire quand même inexplicablement l’attention et l’affection des personnages féminins. Comme si c’était « écrit » qu’il attirait évidemment les filles. Parce que bon, il est gentil, quoi. Donc « évidemment » que si il est gentil il attire les nanas.
Si on veut se la jouer méta, Makoto c’est un protag de jeu de drague qui se rend compte au milieu du délire qu’il est protag de jeu de drague et du coup va abuser du pouvoir qu’on lui confie. Il plaît à toutes les filles ? Et bah let’s go alors, couchons avec toutes les filles en faisant le moins d’effort possible ! Profitons juste de ce pouvoir. Et ce pouvoir Makoto il devient ivre de ça. Puisqu’il peut avoir du sexe quasi gratuitement, il va même plus se faire chier à être un bon être humain puisque manifestement, jusqu’ici, si il était un bon être humain, ce n’était uniquement que pour avoir du sexe. Et ça, ça ne vient pas de nulle part puisque dès le début du récit, il est quand même majoritairement libidineux: il est par exemple surtout attiré par Kotonoha… parce qu’elle a des gros seins. Juste que cette libido est moins assumée en début de récit, et qu’elle explose littéralement dans tous les sens au fur et à mesure que la série continue.
Makoto c’est le gars qui fondamentalement se conduit bien avec les filles que parce qu’il est alimenté par l’espoir de les niquer derrière. Il croit qu’il suffit d’être gentil avec une fille pour mériter du sexe avec. Si une fille lui dit qu’elle ne couchera pas avec lui, il va l’ignorer, la mettre de côté voir peut-être même participer à la faire chuter. Il dit aimer alors qu’en vrai il dit juste vouloir baiser. Ses mots sont faux, ses intentions sont salaces mais, surtout, il va se convaincre que peu importe ce qui se passe ce n’est jamais sa faute.
En 2008 le mot n’existait pas encore, mais en 2021 on peut le dire sans détour: Makoto est un incel. J’ai jamais su si y’avait un équivalent français du mot, j’imagine que « puceau frustré » ça colle ? Bref, vous savez, cette génération de garçons qui peinent à trouver l’amour ou à se mettre en couple et qui au lieu de s’interroger sur leurs responsabilités personnelles rejettent la faute sur la société, les femmes, les autres. Le mot est apparu récemment mais cet état d’esprit il est connu et observé depuis longtemps, tout en étant clairement amplifié ces dernières décennies via l’apparition d’Internet.
Quelque part, School Days l’animé démarre comme une sorte de power-fantasy pour incel: Makoto démarre comme un garçon discret mais « gentil » et termine en étant une sorte d’homme ultime motivé que par le sexe et au charme si ouf qu’il est capable de baiser la moitié d’un lycée à lui tout seul. Makoto ne devient plus défini que par sa sexualité puisque la mentalité incel, de toute manière, se focalise presque uniquement sur le fait d’avoir du sexe ou pas. Techniquement c’est un incel qui a « réussi » !
Sauf que, comme on peut le voir, comme il reste fondamentalement un être égoïste, sexiste et préoccupé avant tout par son propre plaisir, bah ouais, ça tourne horriblement mal. Et c’est logique.
J’ai parfois lu et entendu que School Days tout entier était un repère de « personnages tous aussi connards les uns que les autres » et où l’on peut s’attacher à personne. C’est pas fondamentalement faux dans le sens où je pense que la série veut qu’on s’attache à personne en particulier mais je nuancerais quand même parce que même si Sekai et Kotonoha sont loin d’être des humains au sens moral particulièrement notable, elles restent quand même, globalement, des victimes dans la spirale d’ivresse de Makoto.
Ainsi Kotonoha est à la base l’archétype de la fille jolie mais timide, assez connu et assez répandu. Sauf que ici cette timidité, elle ne vient pas de nulle part: elle a été harcélée et isolée scolairement depuis des années, à la fois parce que son physique crée la jalousie de ses camarades mais aussi parce qu’elle n’a tout simplement pas suffisamment confiance en elle pour y résister ou pour s’affirmer. Elle n’a pas d’amies, que sa famille. Quand Makoto veut sortir avec elle, elle est aux anges: pour la première fois depuis on ne sait combien d’année, quelqu’un semble s’intéresse sincèrement à elle.
Spoiler: c’est pas sincère.
Et elle le vit du coup pas bien quand elle se fait tromper (plein de fois) puis jeter comme une merde. Par un mec qui va ensuite aller sortir avec tes harceleuses. Donc là, ouais, par exemple je comprends qu’elle puisse craquer un peu. C’est excessif – parce que spoiler tout dans School Days est volontairement excessif – mais ça sort pas de nulle part. C’est ce qui fait de Kotonoha, globalement, le personnage le plus « attachant » du récit parce que, eh, fondamentalement, elle est vraiment victime de tout et de tout le monde. Parce que ouais y’a pas que Makoto: l’autre garçon du récit, son pote Taisuke, profite bien d’elle à un moment difficile.
Pour Sekai, bon bah j’aime bien ce perso, je trouve qu’elle est fun mais elle est aussi pas mal portée par son indécision permanente (au point ou Setsuna se sent obligée de l’aider à se décider, quitte à s’auto-détruire au passage.) Elle aime Makoto, sait jamais si elle doit l’abandonner ou quand même essayer de tenir à lui, elle pense être celle qui va « le sauver » le moment venu, échoue considérablement et y’a toute cette ambiguïté à la fin sur si elle est enceinte ou non. Est-ce vrai, est-ce un stratagème pour responsabiliser Makoto ? Difficile à dire, la série n’apporte volontairement pas de réponses dessus, et en vrai la réponse est relativement peu importante dans la globalité des événements. Dans tous les cas elle vrille aussi parce qu’on a joué avec elle, qu’on a ignoré ses appels à l’aide, qu’on a manipulé ses sentiments et qu’on lui a nié le fait qu’elle était ne serait-ce qu’humaine.
Bref, c’est pas mal de persos qui se mettent mutuellement dans la merde avec des non-dits, des refus de se responsabiliser, des refus d’assumer ses actes, des manipulations passives-agressives. La conséquence de tout ça est extrême mais le voyage qui nous a rendu à ce résultat n’est pas… particulièrement rare. Surtout dans les relations entre adolescents, qui est clairement un âge où il est fréquent que socialement tu fasses toujours les mauvais choix et que tu prennes fréquemment les mauvaises décisions. C’est pas un âge d’apprentissage pour rien ! Ca ne disparaît pas forcément à la vie adulte, hélàs, mais c’est en tout cas souvent à l’adolescence que tout peut péter assez aisément (sauf que dans la vraie vie, évidemment, ça n’implique que très rarement des couteaux.)
Plus largement, je trouve aussi assez intéressant la manière dont est dépeint dans la série le monde du lycée. Mine de rien, c’est un monde plutôt agressif, et qui contribue à créer la situation extrême qui amène à la conclusion du récit ! Tout le monde ragote sur tout le monde, les jugements à l’emporte pièce sont permanents et tout le monde semble avoir un rapport compliqué à la sexualité, ce qui se retranscrit avec une tension et une agressivité incroyable entre les élèves. Que ce soit Kotonoha qui se fait détruire par les autres parce que son corps (= ses gros seins) fait fantasmer les garçons, Nanami qui se fait humilier par tout le monde suite à la circulation d’une de ses sex tapes, Makoto et ses nombreuses actions motivées par sa vision de la sexualité, le pote de Makoto qui veut vraiment le faire pour le faire quitte à faire de la merde… beaucoup des événements de la série sont créées avant tout par une interprétation malsaine de la sexualité.
Sachant que y’a une nuance importante: le message de School Days n’est pas de dire que la sexualité est la source des problèmes. C’est bien le rapport des gens à la sexualité qui l’est. Tout le monde semble avoir un rapport difficile à l’acte sexuel: certains le sacralisent, certaines le jalousent, d’autres se sentent pressés à l’idée de le faire juste pour « entrer dans le moule » et enfin quelques unes sont détruites et humiliées par les autres sans avoir rien demandé à cause du regard sexuel qu’on pose sur eux. Tout le monde dans la série pense au cul, mais personne n’ose en parler ou en discuter, personnant ne considère le sujet avec sagesse et ça pourrit très vite tout le monde.
Quelque part School Days en animé témoigne un peu de ce tabou autour des questions liées à la sexualité et évoque – à sa façon – les conséquences du dit tabou et du manque de communication autour de ce thème. C’est parce que le sujet est autant sanctifié et sacralisé qu’il continue à créer de nombreuses tensions, à être source de jugement des autres, à prendre une importance disproportionnée dans les idéologies, à créer autant de débats aussi peu sains. Les sujets liés à la sexualité sont des sujets qui méritent d’être discutés, pensés, réfléchis, mais ils sont trop souvent enfermés, suffoqués, réduits. Parce qu’on continue à en faire trop souvent un élément de pouvoir ou parce qu’on confond régulièrement la sexualité et la représentation de la sexualité.
La sexualité est un sujet qui effraie, qui repousse, qui fait monter les gens dans les tours alors que ça ne devrait pas. Nos sociétés ne sont encore pas assez sereines et confiantes sur ces sujet, et on peut rigoler des personnages de School Days, mais ils sont encore très nombreux les gens de toute sorte et de toute origine à avoir un rapport compliqué à la sexualité, comme les personnages de la série. Ils ne se pensent pas prudes, mais ils le sont bien plus qu’ils le croient.
Donc bref, tout cela pour dire que j’ai beaucoup aimé la série animée School Days. Puis surtout, au délà des grands messages que j’ai cru y trouver, bah en fait mine de rien y’a un sens du rythme dans cette série qui fait que j’ai pas pu décrocher de mon visionnage. Cette sorte de méga spirale négative, elle a un petit côté addictif: chaque épisode se termine pile sur les cliffhangers, les scènes se succèdent à bon train, l’intrigue évolue pile à la bonne vitesse. Techniquement et musicalement c’est pas fifou mais, eh, c’est pas non plus moche et lent. Clairement, c’est pas une série que je complimenterais pour sa direction artistique ou pour le travail de ses animateurs mais, écoutez, en terme de narration j’ai trouvé que ça marchait quand même vraiment bien.
Le seul vrai défaut que je trouve dans la manière qu’il a de raconter l’histoire c’est que malgré tout, tu sens que les personnages secondaires sont sacrifiés et pas souvent très bien exploités. L’histoire de la sextape de Nanami, par exemple, est vraiment résumée à cinq minutes dans la série. Ça aurait pu être un épisode entier mais non, c’est juste une parenthèse. En l’état ça donne du coup un peu le sentiment que c’était un taquet gratuit sur la gueule du personnage, comme ça. Ça aurait pu être mieux introduit ! Idem pour toute l’histoire de Setsuna, qui peine à vraiment rester en mémoire parce que le personnage disparaît assez vite.
Donc voilà, je pense sincèrement que l’animé School Days est globalement bien écrit. Faut juste accepter son angle volontairement excessif, et là je peux vraiment comprendre que ça passe ou que ça casse. Mais, vraiment, je trouve la série pas si conne et même plutôt intéressante dans le contexte de sa sortie !
En somme, nous voilà à quelques encablures de la conclusion.
Vous l’avez bien compris: School Days débarque donc en 2007 pour derrière purement et simplement dynamiter les codes du harem. En montrant un harem qui se passe mal, il se moque aussi de pas mal d’archétypes et clichés du genre. Le scandale qu’il amène et l’immense popularité qu’il en découle en fait, du coup, un des principaux représentants du genre. Un an plus tard, on sera fin 2008 et des animés adaptés de VN harem il n’y en aura déjà plus énormément. School Days a t-il donc été une telle bombe qu’il a mené à la décrédibilisation du genre et, du coup, à sa mort au sein de l’animation japonaise ?
En vrai, y’a quatre autres facteurs à prendre en compte:
- Le premier, c’est déjà évidemment la crise économique ! Comme on l’a vu dans l’article « Y’a t-il trop d’animés« , si 2006 et 2007 furent des années extrêmement glorieuses pour la production d’animé, dès 2008 et surtout dès 2009, il va y’avoir une nette chute. Qui dit moins d’animés dit du coup moins d’adaptations, assez logiquement. Les studios de production de VN n’auront du coup plus autant d’argent à investir dans des adaptations de leurs classiques et seuls les très gros continueront d’avoir des animés de leurs jeux parce que ce seront les seuls, mine de rien, à avoir l’assise pour – comme par exemple Enterbrain qui n’aura pas peur de se lancer dans l’adapt de Amagami ou bien encore Key qui lancera une adaptation de Little Busters un peu plus tard.
- Le second c’est la fin de la Playstation 2 ! Quel est le rapport ? Bah en fait la grande majorité des adaptations animées citées plus haut existaient et partagaient un timing de sortie commun avec bien souvent la sortie d’un portage PS2 du visual novel. En 2007/2008 la console commence à s’effacer au profit de la PS3 qui, coûts de développement bien plus élevés oblige, va recevoir beaucoup moins de jeux qu’avant. Certes, la PSP et la DS essaieront de prendre un peu le relais pour les adaptations de VN mais ça sera moins systématique et surtout bien moins source de profit que des versions PS2 faciles à produire et qui assuraient toujours une rentrée d’argent justifiant une adaptation en animé.
- Le troisième c’est aussi la métamorphose globale du genre VN. Le jeu de drague et le jeu de cul ne va pas certainement pas mourir, il va juste bien changer – par exemple via le très emblématique Love Plus de Konami, qui sera un carton ahurissant. Par contre le milieu du visual novel va commencer à comprendre suite à certains succès (comme Higurashi ou Fate) qu’il n’est plus obligé d’être un jeu de drague ou un jeu de cul pour marcher. Va alors arriver les Steins Gate, les Umineko, les Fata Morgana ou les Zero Escape, qui vont aussi offrir une plus grande diversité au sein du monde du VN, et mettre fin à l’hégémonie un peu par défaut du jeu de drague.
- Enfin, le quatrième, c’est aussi d’autres animés emblématiques. School Days sera suivi juste après de Clannad et de ef, deux autres adaptations de VN de romance si travaillés et si populaires que tous les autres seront très rapidement invisibilisés. Vu la montée du niveau et la forte concurrence, il est aussi très probable que de nombreux studios ne veulent simplement plus s’engager sur ce terrain.
Donc en vrai, non, School Days n’a pas assassiné la tendance. Il a certainement contribué à mettre en lumière les points faibles et les clichés, mais au final tout va bien, on peut le déclarer…
Puis, globalement, oui, pour continuer dans les évidences: les tendances vivent et se meurent. L’Isekai a actuellement la côte parce qu’il est souvent peu difficile, peu risqué et peu onéreux de se lancer dans un projet adapté d’un webnovel, surtout quand y’a toujours de la demande, mais viendra forcément un jour le moment où tout aura été dit ou que le public ne sera plus autant présent. Là par exemple on est aussi sur la pente descendante pour les super-héros au cinéma, malgré une domination sans partage depuis presque une décennie. Certaines tendances sont plus longues que d’autres mais logiquement tout ce qui s’envole finit toujours par redescendre.
Les romcom harem adaptées de VN ça a été une tendance un peu étoile filante, genre 3/4 ans à tout casser. Le genre est pas totalement mort pour autant et peut-être qu’un jour il redeviendra aussi productif qu’avant. En tout cas il nous aura filé School Days qui, je pense, continuera de faire parler de lui pour les années qui suivent. Je vous en recommande toujours un peu le visionnage aujourd’hui parce que pour moi il témoigne d’une époque de la popculture japonaise, conserve un rythme effréné qui passe bien et c’est une série pas si conne que ça. Très excessive, très clivante, je comprendrais aisément que vous détestiez, mais elle a une personnalité claire et un angle qu’elle assume jusqu’au bout. C’est aussi un exemple d’adaptation clairement plus intéressante que ce qu’elle adapte. Bref, pourquoi ne pas commencer 2022 en revoyant un ptit massacre entre lycéens à cause de cerveaux qui pensent trop à ça et surtout, pensent très mal à ça ? Bon bah let’s go !
3 commentaires
Edokdicht
T’as mit Rumbling Heart / Kimi Ga Nozomu no Eien, je t’aime camarade
plus sérieusement ouais, j’ai connu pendant les années 2013-2015 pas mal de youtubers parlaient de School Day, généralement pour dire « c’est de la merde ». Bon à l’époque j’étais absolument pas intéressé par la romance mais entre temps je suis devenu adulte et j’ai commencé à lire des VNs.
Mais ouais c’est un anime assez emblématique, un peu comme le Higurashi de 2006 ou même d’une manière Death Note, parce que c’était le truc un peu trash que des gens avaient connu et qui, en vieillissant, en parle encore. C’est pareil avec certains hentais (coucou les gens qui parlent encore de Bible Black ou de ce truc maudit pour shotacon dont je tairais le nom). Y’a une espèce de culture du « choc » et School Days fonctionne bien pour ça : parce que le protag est détestable, parce que JOLI BATEAU…
et finalement, est-ce que ça n’est fait pas un bon anime ? Bref j’en sais rien faudrait que je le regarde.
Elsental
J’ai beaucoup d’estime pour School Days ! Je suis très content que tu en parles !
Mais j’ai toujours préféré le VN à l’anime pour son Makoto immaîtrisable. Il est impossible dans le VN, même avec les « bons choix » et les bonnes fins, d’avoir un Makoto clean à 100%. C’est très compliqué de s’intégrer dans Makoto comme beaucoup de MC de VN, t’as plus l’impression d’essayer de gérer une bête de foire ou quelque chose comme ça. Je trouve que notre participation dans ce VN engage un dialogue beaucoup plus direct avec le consommateur sur les réflexions que tu mets en vigueur dans ton article. J’aime beaucoup ton argumentaire à ce sujet, moi-même ça m’aide à comprendre et à mieux placer mes mots sur les raisons qui font que j’aime SD.
MySi
Chouette article, bien que difficile à lire pour moi, c’est toujours difficile de faire face au côté malsain de la sexualité.
Mais mes amies de l’époque, qui étaient au collège au moment de leur visionnage, aimaient surtout School Day pour son côté extrême et gore, dans la souffrance et la manipulation à chaque épisode. Il y a souvent cette envie chez les adolescents de voir le côté extrême des choses. Et School Day est un bon anime pour les dépeindre.
Je pense que sa popularité vient aussi de là, on veut voir ce qui, habituellement, nous est caché, n’est pas permis.