Mangas & Animes

Turkey! – Par le pouvoir de la seconde boule

Ayé je suis en congés depuis une semaine et ma vie n’est plus que l’ombre d’elle-même: le rythme de sommeil a pris 3h de décalage dans les dents, les repas ne sont plus très imaginatifs et j’ai passé 50h à faire deux parties de Romancing Saga 2 Revenge of the Seven, dont une dizaine d’heures juste passée à essayer de choper des succès au ratio très très séduisant sur TrueAchievements. Il faut néanmoins avouer que ça libère le cerveau et que ma soudaine recherche d’activités avec du sens me rappelle le plaisir simple et constructif qu’est celui d’écrire sur un anime que j’aime bien. Donc allez, je vais parler de Turkey avec vous pendant quelques minutes – à la base je m’étais même dit que ça pourrait faire une bonne vidéo mais est-ce que j’ai le courage de me lancer dans 10h de montage en plein pendant mes congés ? Non, pas forcément…

Bref – Turkey est un anime qui vient de se conclure car étant diffusé durant la saison d’été 2025. C’est une série passée globalement pas mal sous le radar vu les suites assez énormes qui se sont succédées depuis juillet, quand ce n’est pas d’autres nouveautés clairement plus « mainstream » comme Gachiakuta, CITY ou Bloom qui ont été là pour marquer les esprits. Et en même temps, c’est normal: Turkey n’est pas vraiment un blockbuster ou une série qui a pour prétention d’être particulièrement remarquée dans le monde entier, c’est un petit anime sous pas mal de plans, avec un postulat très particulier qui ne le rendra attirant qu’à sans doute un public très particulier…. qui n’est même pas certain de goûter vraiment à la proposition.

Mais ça c’est pas grave, parce que moi j’ai sincèrement bien aimé la série – bref, posez vous je vais vous expliquer.

Turkey est donc un anime original, produit au sein du studio Bakken Record qui a été fondé en 2019 en tant que label au sein de l’historique studio Tatsunoko. La filmographie jusqu’ici est assez mineure avec quelques projets originaux intrigants mais manquant de pèche – je pense ici surtout à Jouran, The Princess of Snow and Blood – ou déjà en 2023 un passage dans le monde du sport féminin avec Mou Ippon, adaptation d’un manga de judo. Ici le projet Turkey est dirigé par Susumu Kudo, réalisateur connu particulièrement pour les œuvres qu’il a pu diriger chez GoHands – dont les très laids Momentary Lily et La Meuf qu’a pu’ ses Lunettes, ce qui n’est pas forcément quelque chose de très rassurant mais vu que souvent c’est des oeuvres qu’il a réalisée sous la supervision du très omniprésent Shingo Suzuki, j’ai envie de le déclarer innocent. Après tout il a aussi dirigé la trilogie Mardock Scramble ! Et je pardonne bizarrement tout à Mardock Scramble ! C’est un de mes péchés cardinaux !

(Spoiler: la réalisation de Turkey se révèle parfois cheloue sans être forcément déplaisante mais est souvent limitée par un manque clair de moyens ou de possibilités d’être trop ambitieux – on est loin des délires à la GoHands donc tout va bien.)

En terme de staff je mentionnerais surtout la scénariste, Naomi Hiruta – dont c’est son premier taf dans le monde de l’animation japonaise ! Elle a jusqu’ici surtout bossée sur des films cinématographiques japonais et sur des téléfilms pour la télévision japonaise, certains ayant même été primés. C’est toujours intéressant d’avoir un profil « extérieur » au monde de l’animation sur ce genre de poste, de surcroît une personne qui vient écrire une œuvre originale, et cela explique peut-être pourquoi Turkey va se réveler parfois original et rafraîchissant sur certaines scènes ou sur certains points de son intrigue…

En parlant d’intrigue, quelle est-elle ? Alors !

Initialement, et tel que je l’avais évoqué dans la preview de cet été, Turkey était vendu pour être un anime de sport très normal – un club lycéen cherchant à gagner des compétitions, avec évidemment pas mal de teasing sur du drama interne. Le point le plus attirant étant ici surtout le choix du sport pratiqué – le bowling. Des animes de sport féminin, y’en a déjà pas beaucoup, mais alors des animes de bowling y’en a encore moins. Et quelque part, rien que ce pitch m’intéressait déjà: j’étais sincèrement motivé à voir 12 épisodes de drama entre lycéennes autour d’un jeu de quilles que je prends souvent plaisir à pratiquer1.

SAUF QUE.

LES PTITS MALINS ET LES PTITS MALIGNES.

Turkey avait un twist resté caché pendant toute la promotion de la série !

Car quelle ne fut pas la surprise de beaucoup en regardant l’épisode 1 de constater que le cliffhanger de cet épisode… voit les héroïnes être projetées dans le Japon féodal. Avec pour seuls équipements leurs sacs de sport. Oupsie !

(Bon je dis « surprise de beaucoup » mais en vrai pour être surpris il fallait avoir vu l’épisode à la minute exacte de sa diffusion – au moment où l’épisode 1 est sorti, Crunchyroll a divulgué le twist dans la seconde sur les réseaux sociaux, et de toute manière partout le visual key a changé passant d’un truc très simple où les héroïnes font du bowling à… euh… ça:

Eheh, elles sont disposées comme des quilles

… ce qui évidemment en dit long.)

Bref, je vous avoue que sur le moment le twist j’étais partagé: d’un côté je trouvais ça assez fun comme idée, ça m’a rappelé l’époque de l’épisode 1 de Ga-Rei Zero ou bien quand on a découvert que Higurashi Gou n’était pas le remake qui avait été annoncé, de l’autre bah…. moi j’étais chaud pour un drama lycéen autour du bowling :(. Du coup j’ai eu le sentiment qu’on m’avait volé une série que j’aurais bien aimée, surtout que j’aimais bien l’énergie du drama dans l’épisode 1, pour à la place me proposer quelque chose qui pouvait partir dans toutes les directions – y compris les mauvaises. Bref de petit plaisir certain, j’étais passé à l’incertitude la plus complète, à l’image du reste de ma vie et de l’avenir de ce monde……

Heureusement, dès l’épisode 2, j’ai commencé à voir les héroïnes manquer de mourir foudroyées par des flèches et se retrouver à utiliser leurs boules de bowling pour assommer des samouraïs, et là soudainement j’étais attiré tel un papillon vers la lumière. Tout simplement parce que j’y voyais déjà les signes d’un de mes types d’anime favori: les séries à l’intrigue très très abusées, mais qui tiennent impérativement à les prendre extrêmement au sérieux. Est-ce que je range Turkey dans le même sac qu’un Symphogear ou un Girls Und Panzer ? Un peu, ouais. Est-ce que le meilleur moyen de résumer et vous vendre Turkey ça serait de vous dire que dans l’épisode 1 le drama c’est qu’une des héroïnes arrive jamais à faire trois strike d’affilée du coup ça vexe beaucoup une de ses copines, et dans l’épisode 6 le drama soudainement c’est qu’une des héroïnes doit accepter l’idée de devoir tuer quelqu’un pour sauver une personne qui lui est chère. Vous l’aurez compris: on est dans une somptueuse escalade, très assumée et… plutôt bien écrite !

La force de Turkey! sur ses 12 épisodes c’est d’alterner entre ces séquences un peu folles où le bowling devient un point narratif ultime, où il sert soit de sport magique, créant automatiquement des beaux liens entre les gens et les époques, soit de moyen de combattre efficacement des guerriers et des bandits mal intentionnés, et de l’autre côté travailler beaucoup sur le développement de nos lycéennes qui se retrouvent projetées à une époque loin de la leur, ce qui va leur amener beaucoup de questions et va créer un lien très fort entre elles – créant nombre de confessions, de révélations et de rapprochements. Elles vont aussi créer un lien avec une mystérieuse famille de cinq soeurs, seigneuries du patelin local, chacune étant un miroir d’une des cinq héroïnes.

Ca offre donc à la série une construction rapidement assez simple puisque dans la première partie, chaque épisode va être dédié à un duo de personnages – en l’occurrence une des lycéennes grandissant et évoluant avec son « équivalent » historique. Et une fois tout ce développement bien posé on entre sur une seconde partie avec des enjeux plus gros et plus clairs: ces cinq soeurs sont en danger en mort, et nos héroïnes vont essayer de trouver un moyen de changer l’histoire et leur sauver la vie. Grâce au pouvoir de l’amitié et du bowling, bien sûr !

Bref, Turkey est une série écrite de manière plutôt efficace et, à mon sens, évite le piège typique que peut avoir certaines séries avec des premiers épisodes « chocs » – la série exploite vraiment bien son rebondissement initial et ne se repose pas sur ses lauriers pour la suite, offrant un bon mélange de développement des personnages avec une intrigue générale aux enjeux simples mais parfaitement adaptée à un format 12 épisodes. Là aussi, contrairement à pas mal de séries originales de cette durée, je trouve en vrai le rythme général bien conçu: j’ai pas le sentiment qu’on ait du gras et, à l’inverse, qu’on rushe particulièrement l’intrigue. C’est bien fait.

Je vous met ce plan hors contexte, à vous de le découvrir dans la série

Autre point que j’aime bien dans cette série c’est… son humour ? Je ne dirais pas que Turkey est une comédie, mais elle sait trouver l’équilibre pour détendre l’atmosphère ou utiliser l’absurdité de son pitch de manière efficace, sans cynisme ou autodénigrement. Par exemple, y’a tout un running gag assez mignon sur le fait que l’héroïne a une catchphrase qui est de rappeler que tout va bien si on échoue, car « au bowling, il y’a toujours la seconde boule ! » Ca devient une sorte de mantra qu’elle partage avec une de ses potes, Sayuri… qui elle prononce toujours la phrase avec une sorte d’enthousiasme quasi religieux. Et évidemment, ça sort toujours dans des contextes de plus en plus absurdes: entre autres dans une séquence ou Sayuri doit faire rouler un rocher dans la gueule d’un mec, donc elle est là à se demander si elle doit buter quelqu’un, elle échoue une première fois, elle a le droit à un second rocher pour dégommer le mec et là paf flashback « au bowling, il y’a toujours la seconde boule ! » C’est… bizarrement drôle ? Une sorte de transformation en humour noir de cette catchphrase, je sais pas pourquoi ça me fait rire.

(Et je vous passe sur un moment où elle essaye de caser sa phrase à un moment clé et qu’on lui répond « non y’a pas toujours de seconde boule » et qu’elle est détruite en entendant ça.)

(C’est presque britannique comme humour, je sais pas pourquoi.)

(Néanmoins, vu l’humour des premiers épisodes, je m’attendais pendant toute la série qu’a un moment une tête coupée serve de boule de bowling, ce n’est hélas jamais arrivé.)

Ca paraît tragique comme situation mais rassurez-vous le pouvoir du bowling va améliorer tout ça

Plus généralement, Turkey reste une série assez chouette pour rendre son univers « vivant » – j’aime bien les petits détails disséminés de ci de là comme le dégoût que les héroïnes ont suite à leur premier passage dans des toilettes de l’ère féodale. Y’a aussi un passage très court où une des héroïnes galère à gérer ses règles durant cette période, et en parle avec une des soeurs qui va lui donner les astuces de l’époque pour atténuer son malaise – c’est une scène plutôt courte mais en deux ou trois minutes non seulement t’évoques enfin cette question dans un récit de ce genre mais en plus ça permet de développer la relation entre les personnages, c’est vraiment du gagnant/gagnant.

Bref – vous l’aurez compris, j’ai pas mal de choses positives à dire sur le script et l’intrigue écrite par Naomi Hiruta ici. Je pourrais éventuellement citer en défaut le fait que les séquences censées être émotionnelles marchent peut-être pas si bien que ça compte tenu de l’absurdité de l’univers – par exemple tous les passages liés à l’héroïne qui raconte son passé tragique, ça paraît si « gros » que j’ai eu le sentiment que c’était une sorte de méta-vanne de plus. De l’autre côté, le petit épilogue de la toute fin m’a vraiment ému: j’ai trouvé que c’était une jolie conclusion, et un ultime rebondissement peut-être un peu « gratuit » mais assez efficace donc bon à prendre.

Après, au global, j’adore vraiment les deux derniers épisodes: je trouve qu’on a un vrai bon « combat final », que les enjeux sont montés au niveau le plus excitant possible d’un point de vue spectateur, qu’on a des rebondissements exaltants, qui nous laissent nous demander jusqu’où la série compter aller, permettant de nous offrir une « boule finale » aussi épique que très fun dans son exécution. C’est de l’esprit nekketsu à donf, dans un cadre assez inattendu !

Cela étant dit, une intrigue seule ne suffit pas à porter un anime – visuellement ça vaut quoi Turkey ? Et bah c’est là que je vais être un peu plus mitigé, vous vous en doutez. Je ne vais néanmoins pas être trop méchant pour autant: je dirais simplement que c’est…. moyen. Y’a pas de moments que je qualifierais de vraiment désastreux, mais la série ne brille jamais vraiment pour son animation ou pour sa direction artistique. En particulier, je suis pas fan de comment les personnages « ressortent » des décors dans cette série. Et globalement les décors sont assez moches quand on les regarde de près – les couleurs semblent parfois baveuses ou floues. Les séquences de nuit sont parfois trop sombres et pas toujours très lisibles. Et parfois les personnages semblent… mal cadrés ? Je ne sais pas comment l’expliquer mais j’ai l’impression qu’à certains moments la caméra zoome trop ou zoome pas assez, ou que le personnage est pas là où il devrait vraiment être – je dirais que la photographie de la série est clairement son point faible le plus évident.

Y’a quelques petites idées de temps en temps, malgré tout

De même la mise en scène est… ok – elle fait globalement le taf sans avoir de moments particulièrement remarquables. Elle raconte l’intrigue sans trop se mouiller, et illustre les moments les plus absurdes en restant très sobre dans sa mise en scène. D’un côté je le déplore: peut-être qu’avec une mise en scène plus folle et plus libre, certains passages seraient devenus encore plus cinglé qu’ils ne le sont déjà – je pense entre autre au match final. De l’autre côté, y’a un léger charme à voir des événements complètement saugrenus être mis en scène de manière ultra-basique, comme si c’était quelque chose de tout à fait normal et habituel…. donc je suis tiraillé, mais je pense qu’au final ça aurait fait du bien à ce script d’avoir une réal à sa hauteur. J’aimerais dire que je suis déçu de Susumu Kudo là dessus parce que je trouvais que sa réal sur Mardock Scramble était aussi débilement géniale que l’intrigue des trois films, mais j’imagine qu’on est pas sur le même staff, les mêmes ambitions et les mêmes moyens….

(Je peux même pas dauber sur le directeur artistique parce que c’est Ken’ichi Tajiri, qui est un vétéran du domaine – il a fait des décors sur Saint Seiya et a quand même fait de très belles choses en tant que directeur artistique dans les années 2000, particulièrement Princess Tutu et Aria the Origination qui sont parmi les plus belles séries de cette période. Après ça il a embrayé sur Aikatsu qui, il est vrai, est une franchise avec une direction artistique vraiment au top.)

(Mais bon, après, depuis quelques années, il enchaîne les séries moches et médiocres genre Fairy Gone, Quality Assurance in Another World ou Momochi House donc ptet qu’il a juste perdu le peu de passion qu’il lui restait après 40 ans de carrière.)

Bref, dernier point avant de se quitter: l’opening est rigolo !

J’aime bien son côté très dramatique et un peu émo, j’aime bien le fait qu’il illustre à merveille le décalage intrinsèque lié au pitch de la série, la zik est sympa et y’a un petit twist où il est modifié à fond dans un des épisodes – juste pour le fun vu que la version « normale » revient dès l’épisode suivant. Vous savez que je suis quelqu’un de très chiant qui aime bien quand mon opening d’anime donne une image claire et précise de ce qu’est la série, et là dessus celui de Turkey ne laisse aucun doute sur l’identité de ce qui arrive derrière. Si vous êtes hésitants à vous lancer sur la série, n’hésitez pas à regarder ce générique – si vous l’aimez bien, y’a ptet moyen que vous aimez la série derrière. A l’inverse, si cette proposition vous laisse froid, je sais pas si c’est la peine d’aller plus loin !

Donc voilà ce que j’avais à vous dire sur Turkey – une série pleine de bonnes idées et de petites qualités, qui embrasse son identité et son absurdité pour offrir quelque chose de vraiment unique et de fun, qui forme pour moi une très bonne surprise. Néanmoins je reste réaliste et je déplore que l’aspect visuel manque de pèche et de talent, empêchant la série de pouvoir réellement atteindre son plein potentiel et l’empêchant d’être vraiment remarqué dans une saison d’été où y’a eu pas mal de choses bien plus belles à voir. Malgré tout, j’ai beaucoup de sympathie pour elle, c’est une bonne « petite » série, un projet plutôt bienvenu et assez rafraîchissant sous pas mal d’aspects, que je vous invite donc à découvrir ♪.

(Est-ce que je suis un peu secrètement énervé que la série traînasse à 6.50 sur MyAnimelist ? Bien sûr ! Est-ce que ce qui est le plus énervant est que je continue encore en 2025 d’accord un chouia d’importance à ce que pense le public de MyAnimeList ? Peut-être ! Je devrais être mieux que ça et finir de détruire les dernières onces d’insécurité qui sont en moi !)

Moi quand je vois que Shield Hero saison 4 a 0.40pts de plus
  1. et par souvent je veux dire tous les 10 ans environ, ce qui est déjà une meilleure statistique que beaucoup d’autres sports.
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