Hatsune Miku, films à licence et adolescents dépressifs (Project Sekai – A Miku Who Can’t Sing)
Y’a t-il un personnage de la popculture japonaise qui soit plus emblématique que Hatsune Miku ? Elle est partout, omniprésente, au cœur de milliers de chansons, dépeinte en une centaine de figurines, ses tournées mondiales remplissent les salles et a pu récemment la voir faire la course avec Sonic… quand elle ne remporte pas des vraies courses automobiles dans des compétitions japonaises. Certains disent même qu’elle a créée Minecraft ! Pourtant, en terme d’anime elle est bien discrète – quelques petits caméos de ci de là, des séries adaptées de projets musicaux parallèles, comme Black Rock Shooter ou Mekakucity Actors, mais rien qui ne la mette directement en scène…
… jusqu’à cette année avec la sortie du film A Miku Who Can’t Sing, anime qui la met au cœur d’une intrigue d’une heure quarante. Énorme succès de box office au Japon mais aussi aux États-Unis et dans toute l’Asie du Sud-Est, cependant limité en France à une petite sortie événementielle de quelques jours en septembre dernier. Mais du coup, tout cela étant dit, que vaut ces débuts de Miku au cinéma ? Et, surtout, qu’est-ce que ce film représente dans l’écosystème actuel du cinéma d’animation japonais ? Car, on va le voir, il représente bien l’archétype du film à licence, aussi bien dans ses défauts que dans ses qualités ! Bref, let’s go ♪.

A Miku Who Can’t Sing, réalisé par Hiroyuki Hata au sein du studio PA Works, est donc un film qui se déroule dans le Shibuya actuel, où une Hatsune Miku mystérieuse semble apparaître sur les écrans du quartier, apparaissant auprès d’adolescents qui semblent avoir des difficultés. Ce qui va rapidement attirer l’attention d’une vingtaine de personnages adolescents qui vont trouver bizarre qu’une SECONDE Miku existe…
… Ah oui pardon, faut que je précise: « seconde » Miku parce que eux ont déjà leur propre Hatsune Miku, qu’ils peuvent rencontrer par le biais d’une application téléphone qui les projette dans un monde parallèle nommé Sekai et…
… mmm….
… Bon on va arrêter là pour le moment parce que le pitch du film est incompréhensible si je vous présente pas avant ça Project Sekai Colorful Stage featuring Hatsune Miku.

Project Sekai Colorful Stage, sorti en Occident sous le simple nom de Colorful Stage, est donc un jeu mobile édité par Sega depuis 2020 qui nous propose de suivre les histoires de cinq groupes de lycéens, chacun rencontrant et côtoyant via des mondes parallèles, nommés les Sekai, leurs versions des six Vocaloid les plus populaires – donc Miku mais aussi Ren & Len, Luka, Kaito et Meiko. Chacun de ces cinq groupes ont leurs propres histoires et chacun, grosso merdo, représente un genre musical – Leo/need pour le rock, Vivid Bad Squad pour la hip hop, More More Jump pour la pop, Nightcord at 25 pour les trucs dépressifs et Wonderlands x Showtime pour euh… leurs délires à eux…
(L’occasion de rappeler que j’ai dédié deux épisodes de Kaorin à la franchise donc n’hésitez pas si vous souhaitez découvrir son univers musical très riche !)
Ces vingt personnages originaux interagissent donc entre eux, et leurs histoires évoluent par le biais d’événements réguliers, le tout en parallèle d’un jeu de rythme simple à prendre en main mais dur à maîtriser qui contient aujourd’hui plus d’un demi-milliers de chansons, entre grands classiques Vocaloid et chansons originales composées par des producteurs phares. C’est un jeu qui a énormément de succès au Japon et qui, avec Sonic, Yakuza et Football Manager, forme un des quatre piliers expliquant pourquoi Sega est aujourd’hui encore en vie d’un point de vue économique.
Donc, au fond, l’intrigue du film elle est simple: c’est les personnages de Project Sekai qui vont essayer d’aider une sixième Hatsune Miku, qu’on va appeler Miku Bébou, qui semble vivre dans un Sekai noir et corrompu. Ils vont faire en sorte de l’aider à trouver sa place et sa voix dans ce monde pour que elle aussi puisse venir en aide à des adolescents qui auront besoin d’elle. Car si y’a bien un truc à retenir de l’univers de Project Sekai dans son ensemble c’est que Hatsune Miku est la meilleure psychothérapeute du monde !
(Mais est-ce que ça on en doutait ? Pas vraiment.)

Blague à part, c’est quelque chose que je veux vraiment emphaser mais Project Sekai a des vraies bonnes intrigues, avec, à mon sens, un très bon développement de ses personnages. Faut savoir que tout ce beau monde démarre l’intrigue du jeu avec des soucis plus ou moins graves: ça va de Kohane qui est juste un peu timide et cherche à s’affirmer à Mafuyu qui est écrasée par le poids de la pression que lui met sa mère, qui a développée une fausse personnalité pour qu’on lui foute la paix et dont le premier réflexe quand elle découvre le Sekai c’est de se dire “wah cool, un lieu vide et froid où je vais pouvoir me laisser mourir de faim – c’est tout ce dont je rêvais.” Récemment le fameux événement 5 de Mizuki a marqué durablement les esprits en racontant un acte transphobe que subit un des personnages du jeu – ce qui va l’amener à s’isoler. Un acte narratif qui va être soutenu par le gameplay, avec un personnage qui va disparaître de la « carte » du jeu en attendant le prochain événement qui va amener une « solution » à ses ennuis.

Évidemment, ça n’est pas toujours parfait et on reste sur un jeu free to play, où les événements sont donc publiés à rythme certes régulier mais, comme il y’a beaucoup de personnages, chacun ne va connaître son développement qu’environ une fois par an. Ce qui amène une narration très longue, et parfois absurde – Vivid Bad Squad passe environ un mois aux Etats-Unis en temps « in-game », mais pour le joueur c’est sur quasiment une année que ce voyage se déroule – ils ont le temps de fêter 20 anniversaires, Noël, la St Valentin et Tanabata depuis New York, ce qui donne vraiment un très très long mois.
Le plus important reste, vous l’aurez compris, que Project Sekai est un jeu où malgré les jolies couleurs on y parle de harcèlement, de pression de la société, de questionnements de genre ou d’acceptation de ses différences. C’est une œuvre qui a eu un succès au Japon entre autres parce qu’en plus de plein de supers ziks bah il soulève des thématiques sociales fortes et propose des personnages dans lesquels peuvent se retrouver et s’identifier positivement beaucoup de jeunes japonais et de jeunes japonaises qui traversent des troubles semblables à eux.
Est-ce que le film témoigne bien de ça ?
Mmmm… non.

On est sur un de ces films un peu bonus, où l’intrigue est en vase clos, qui n’a (à priori) aucun impact sur le jeu. Tous les événements que vont vivre ici nos personnages ne seront jamais évoqués derrière, tout comme Luffy ne vous reparlera jamais de sa rencontre avec Uta, que Seiya ignore qu’il est déjà allé à Asgard avant d’aller à Asgard ou que Uraraka a manifestement oubliée qu’elle est allée un jour à PARIS. Sachant qu’ici avec Project Sekai on a quand même VINGT personnages principaux donc autant vous dire qu’en une heure quarante on est pas là pour trop se focaliser sur chacun d’entre eux. Si vous espériez que ce film évoque par exemple la relation compliquée voire abusive entre Touya et son père, bon bah non… Par contre il lâche son yakisoba de manière comique alors ça compense.
Les personnages deviennent donc strictement limités à leurs archétypes. On voit tout ce beau monde interagir entre eux, mais leurs dialogues ne se concentrent que sur l’intrigue et le moyen d’aider la Miku Bébou. Pas de grand twist, pas de surprise, pas de développement ou de grandes leçons – on est juste là pour voir nos persos favoris faire leurs trucs dans un anime à l’intrigue simple et aux enjeux clairs, qui ne brisera pas le status quo de l’œuvre d’origine. Du pur bonus, certes, mais un bonus d’autant plus fort avec Project Sekai qui n’a jamais vraiment eu d’anime jusqu’ici – il y’a bien eu les ptits courts métrage Journey to Bloom, qui résumaient en 5mn les histoires de chaque groupe, mais vous comprendrez que je peine à considérer ça comme un réel équivalent. Ce film amène du coup la première vraie opportunité de voir ces persos être animés sous nos yeux, ce qui est déjà une grande source de satisfaction pour les fans…

Et là je parle en connaissance de cause parce que bon… eh… je suis moi-même un fan de la première heure de Project Sekai. Au point où ce film je l’ai vu deux fois – et la première fois bah c’était au Japon en février dernier ! Je l’ai vu dans un ciné Toho à Kawasaki, j’étais jetlag de ouf après avoir marché 25 000 pas dans Enoshima et malgré ça le film bah j’avais bien aimé ! Bon si je vous dis ça c’est un peu pour me la péter mais aussi parce que je peux vous dire, avec fierté, que malgré mon niveau de japonais honteusement nul, bah j’avais tout compris à l’intrigue du film !
Sans sous-titres 😎 !
Ce qui, bonne nouvelle, veut dire que le film réussit très bien visuellement à raconter son histoire 😃 !
… Ce qui veut peut-être aussi dire que les dialogues sont pas si nécessaires 🤨 …
Je sais pas 😃 !

Mais vous voyez, en tant que fan, j’aime naturellement bien ce film – j’y vois mes persos favoris exister dans un anime, et j’ai du bol parce que je suis fan de Nightcord et, qu’avec Leo/need, c’est clairement le groupe le plus mis en avant au sein du long métrage. Je ne suis pas compliqué, il me suffit genre d’un échange un peu rigolo entre Ena et Mizuki ou un plan un peu cool de Mafuyu vue à travers son aquarium pour que je sois aux anges parce qu’en tant que fan ça me suffit pour créer pas mal de sentiments positifs en moi. Voir « vivre à l’écran » ces personnages que j’ai surtout connu via un visual novel et que je suis depuis maintenant presque cinq ans maintenant reste quelque chose qui va attirer régulièrement mon interêt, de manière peu surprenante !
Et là où dans un film à licence de gros shonen la section fanservice attendue ça va être le méga combat final où tout le monde débarque pour tout faire péter, ici comme on est sur un jeu musical à la base, on a l’équivalent avec une série de supers concerts offrant des chansons inédites par chaque groupe, et effectivement on est plutôt gaté, les séquences sont cools. Maintenant, d’un point de vue rythme, est-ce que c’était une bonne idée que les cinq chansons soient enchaînées les unes derrières les autres ? Pas sûr ! Est-ce que ça aurait pas été mieux de les disséminer dans le film ? Très certainement !
Maintenant, si vous n’êtes pas fan de Project Sekai, hélàs y’a pas grand chose dans ce film qui va vous intéresser car clairement l’œuvre ne fait pas beaucoup d’efforts pour s’adresser aux non-initiés. Mais, allez, vous y trouverez quand même deux grosses qualités: la première c’est sa bande originale, avec des chansons inédites composées par Deco*27 qui sont vraiment pas mal – mention spéciale au titre de Vivid Bad Squad qui pulse comme dirait quelqu’un resté coincé en 1994.
Et en second lieu vous trouverez un grand hommage assez fort à la figure d’Hatsune Miku. Car au-delà du personnage, ça reste une figure qui a changée la vie de centaines de milliers de personnes ! Elle a évidemment lancée des carrières: on parle là aussi bien de musiciens comme Kenshi Yonezu, Keina Suda ou GIGA que d’illustrateurs – vous saviez que Mengo Yokoyari, la co-autrice de Oshi no Ko avait démarré en faisant les illustrations de clips Vocaloid ? Et elle est loin d’être la seule…
Bref grâce à son côté “open-source”, où tout le monde peut l’utiliser et en faire ce qu’il en veut, bah Hatsune Miku elle a contribué à porter toute une scène artistique exclusive à Internet qui a permis à des millions de personnes de trouver des chansons et des artworks évoquant des thèmes très larges, parfois difficiles. Pour parler de harcèlement, de la pression qu’impose la société japonaise sur ses individus, voire même de suicide… Miku est là. Tout comme elle est là pour parler de la joie qu’apporte la salsa dans nos vies, de l’envie naturelle qu’on a tous et toutes de devenir un kaiju ou du fun que c’est d’être une catcheuse, parce que Miku c’est mille salles et mille ambiances.

Bref Miku, et plus généralement l’univers des voix synthétiques, ça a longtemps été une vraie contre-culture, qui a permis et qui permet toujours à la jeunesse japonaise de se trouver des voix et des liens. C’est un peu de tout ça dont parle Project Sekai, aussi bien le jeu que le film, ici de manière très explicite avec cette figure de Miku Bébou qui veut venir en aide à ceux et celles qui en ont besoin, comme Miku est déjà venue à l’aide de beaucoup d’entre nous.
C’est un bel hommage, en somme, qui a même réussi à me toucher et m’émouvoir un chouia… mais du coup le reste du film ? Bah… si vous êtes non-initié c’est une intrigue simple portée par beaucoup trop de personnages que vous n’allez pas vraiment apprendre à les découvrir. L’histoire est ok, les visuels sont ok, y’a pas de vrai gros défaut, pas d’incohérence particulière, pas de truc dissonant, c’est un film qui grosso merdo fait le nécessaire pour pas être nul. Mais il va pas pousser plus loin que ça…
… car au fond, c’est un film à licence de plus dans un marché qui en propose beaucoup.

Project Sekai, en particulier, représente ce genre de film à licence “bonus” qui a tendance à un peu disparaître ces dernières années – c’était le genre dominant pendant 30 ou 40 ans, avec entre autres des franchises comme Naruto, Doraemon ou Dragon Ball qui en ont proposé à foison. Films produits à rythme annuels avec moults histoires se déroulant en dehors du canon. C’était très très populaire au début des années 90 et surtout pendant les années 2000. Vous vous souvenez que même Hunter X Hunter y a eu le droit ? Est-ce que l’étoile sacrée de Milos ça vous parle encore ? C’était la mode à l’époque…
Mais bref – aujourd’hui le film à licence va de plus en plus privilégier le statut de suite – Demon Slayer, Haikyuu ou Chainsaw-Man l’a montré récemment. Et quand ce n’est pas une suite, ça reste nécessaire pour l’intrigue, comme en témoigne Jujutsu Kaisen 0… Même Detective Conan s’y met, les films lâchant de ci de là quelques infos sur l’univers, rendant lointain le temps où Conan ne faisait « que » rester enfermé dans une simulation informatique mortelle avec ses potes sans jamais en reparler par la suite.
Et attention: je suis pas contre produire des films qui sont « essentiels » pour l’intrigue. Mais c’est leur place qui me saoule: finir la franchise avec un bang et avec un ou plusieurs films conclusifs, comme l’a fait Neon Genesis Evangelion, Girls und Panzer, Madoka Magica ou Revue Starlight ? Aucun souci, let’s go, c’est rarement décevant et c’est souvent une manière de finir avec talent ! Me forcer à mater deux séries puis deux films (dont un seul sorti en France) puis un OAV (inédit en France) puis une série finale ? Je t’adore Euphonium, hein, mais c’est un peu chiant 😔. Pareil pour Rascal ou Demon Slayer… c’est vraiment cette tendance à alterner les formats au sein de la même histoire qui peut m’énerver, peu importe la qualité des films en eux même – vous me verrez malgré tout jamais dire du mal du Train de l’Infini 😎👍.

Mais bon vous savez quoi ? Je comprends les frustrations que les gens peuvent avoir avec ces films à licence “bonus.” Au fond, on va pas se mentir, ils sont vains et négligeables. Ils sont pas nécessaires. Mais justement… c’est ça que j’aime bien ! J’y vais pour une aventure simple et légère, avec une intrigue rarement complexe, je vais avoir un ou deux gros combats, des scènes tranche de vie un peu rigolotes avec les personnages, des personnages originaux plus ou moins intéressants, ptet des décors un peu nouveaux mais, au fond, c’est juste une heure et demie de pure zone de confort dans un univers que j’apprécie déjà à la base.
Et ça, déjà… c’est pas si mal ?
Sachant que, en vrai, est-ce que c’est le seul plaisir que j’y trouve vraiment ? Pas vraiment !

Pour schématiser, les films à licence dans ce genre là j’y retrouve un peu le même plaisir que devant James Bond – précisement le James Bond pré Daniel Craig1. J’aime ainsi bien voir comment différents artistes traitent et utilisent un univers déjà établi. Une de mes fascinations avec 007 c’est de le voir changer selon les époques, selon le réalisateur, selon l’acteur – alterner entre l’ambiance sombre et violente d’un Permis de tuer au délire spatial pas très mature mais assez rigolo d’un Moonraker. Évidemment c’est parfois super, parfois très nul, mais y’a cet aspect plaisant de pouvoir être immédiatement immergé dans une « aventure » et découvrir comment le film va jouer avec les codes de la franchise. Va t-il les respecter, les modifier, les moderniser ? Sur quel ton ces codes très précis vont être traités ? Avec quelle ambiance ? Quelles idées ?
Et ça va être pareil pour les films à licence « bonus » de l’animation japonaise – parfois t’as Mamoru Hosoda qui vient sur l’univers One Piece et qui te fait un des films les plus rigolos mais aussi les plus sombres de toute la saga, alors qu’en même temps t’as Bleach qui tente un film avec un perso inédit assez insupportable qui peine à tenir le film sur ses épaules plus de deux minutes. Pour un film Pokémon où Pikachu se tape lui-même et fait pleurer des millions de gosses autour du monde, t’as le film Diancie où il se passe rien de très intéressant pendant 1h30… Lupin III a vu se succéder sur ses films Hayao Miyazaki, Takeshi Koike ou Takashi Yamazaki, amenant des visions très différentes autour d’un même univers… Certaines des meilleures séquences d’actions que j’ai pu voir dans des films d’animation sont « cachées » au sein des films annuels Precure. Mon Mamoru Oshii favori ? Peut-être sa take sur Urusei Yatsura.
Parfois ces films, pourtant réservés aux fans, sont bizarrement mes seuls contacts avec des grosses franchises pour lequel je n’ai pas le courage de me lancer dans 300 épisodes ou 40 tomes – c’est le cas par exemple des films Dragon Ball. Je connais surtout la licence via Fusions & Super Broly (et Bio-Broly du coup aie aie aie 😦) que par les arcs les plus connus et célébrés. Idem pour Detective Conan, que je connais que via les quelques films que j’ai pu voir, y retrouvant souvent avec plaisir des intrigues très épisodiques, surtout là pour offrir 2/3 scènes vraiment débilement géniales (la scène de la balle qui traverse un train dans Scarlet Bullet vit loyer-gratuit dans mon esprit) et pour développer en moi une inquiétude de plus en plus lourde à l’idée de voir les potes de Conan continuer de se retrouver dans des sales situations sous l’indifférence générale des adultes. Ils ont pas des parents ces idiots là ?

Et encore une fois je veux pas avoir l’air ingénu: bien sûr que beaucoup de ces films sont au mieux moyens. Les Baron Omatsuri, les Cagliostro, les Beautiful Dreamer ça reste des exceptions au milieu d’un océan de films pas spécialement remarquables, qui ne méritent pas vraiment un détour. J’ai vu tous les films Saint Seiya, y’en a pas un seul qui est bon, et le plus ambitieux du lot (Tenkai-hen) installe des bases pour une suite qui, comme souvent avec la franchise, ne viendra jamais parce que le mangaka a changé d’avis à un moment et le projet s’est manifestement effondré. Mais généralement tous les films Jump des années 90 veulent raconter en 40mn des intrigues qui en demanderaient 1h30, donc ça se limite à des successions de bastons contre des antagonistes mal présentés et mal installés…
Je parlais taleur de Precure pour vous vanter les qualités des bastons mais ça ne concerne réellement qu’un film sur trois, au sein d’une franchise qui a longtemps sorti deux films par an jusqu’à ce que le COVID brise le rythme. Et sur une autre franchise, j’ai vu deux films My Hero Academia au cinéma: le premier c’était au Grand Rex avec des fans à fond à la moindre virgule et au moindre combat, le second c’était tout seul dans une salle paumée du mk2 bibliothèque. Les deux films sont très similaires d’un point de vue objectif, je saurais pas vous dire lequel est vraiment le meilleur des deux, mais autant vous dire que j’ai plus de souvenirs positifs du premier parce que l’ambiance générale a apporté tout le sel dont j’avais besoin pour faire de ce visionnage quelque chose d’un tant soit peu marquant. Je l’ai plus aimé en tant qu’expérience sociale qu’en tant que film. Pas forcément un problème.

On reste donc sur des objets cinématographiques un peu bizarres, qui subissent beaucoup de pressions durant leurs conceptions pour ce qui reste malgré tout des œuvres sans réelle importance au sein des univers qu’ils utilisent. Entre les auteurs et les maisons d’éditions qui vont contrôler et virer tout ce qui ne colle pas assez à l’œuvre d’origine, les fans qui vont être aux abois si tel personnage secondaire a pas au moins trois lignes de dialogue, les enjeux économiques évidents autour des licences dépeintes… Ces films pourraient être des « terrains de jeux » créatifs, des manières d’expérimenter autour de licences et d’univers bien installés, mais la majorité du temps ça doit surtout composer avec des limites très claires.
Ça force, du coup, a une créativité… très contrainte. Mais c’est peut-être pour ça que toutes les œuvres qui parviennent à transcender ces limites vont avoir ce petit cachet en plus qui va me plaire immédiatement. Ça peut expliquer pourquoi Le Baron Omatsuri ou Beautiful Dreamer m’ont marqués plus que beaucoup d’autres films de leurs réalisateurs respectifs. One Piece Red m’aura lui par exemple marqué pour son travail sur l’aspect musical, avec une OST prodigieuse qui le fait clairement sortir du lot. Dragon Ball Super Broly développe une incroyable énergie et offre un peps visuel fantastique à l’univers de Toriyama , parvenant à rendre une baston de quasi une heure inlassable (et hélàs, c’est avec tristesse que j’ai appris aujourd’hui la mort de son réalisateur, l’excellent Tatsuya Nagamine.)
J’ai toujours eu une certaine fascination et un certain respect pour ces œuvres faites sous contraintes et sous limites, ayant toujours aimé voir comment différentes équipes créatives ont rempli « le devoir » qu’on leur a donné. Comment ont-elles jouées avec la formule ? Qu’ont-elles proposées de plus que les autres ?

J’aime donc bien le concept des films “bonus”, j’aime bien le potentiel que ça peut offrir, j’apprécie la simplicité qu’ils proposent et je regrette donc que ça ait tendance à disparaître – même si cette disparition reste évidemment relative. Disons surtout que je n’aime pas le fait que le passage au cinéma devienne de plus en plus pour le spectateur une obligation au lieu d’une envie. Je regrette la disparition des petites histoires originales que ça pouvait créer, aussi facultatives et aussi basiques pouvaient-elles être.
Philosophiquement je me tâte à dire que ça témoigne d’une obsession que nos sociétés ont de plus en plus pour “l’utile.” De plus en plus, chaque scène, chaque chapitre, chaque épisode, chaque film doit “forcément” faire avancer une intrigue, doit avoir une justification pour exister, on tolère de moins en moins que quelque chose soit là de manière “optionnelle.” Ça doit être utile. Tout doit être utile. Les films doivent être utiles. Les arts doivent être utiles. Les existences doivent être utiles…. pfiou quel enfer quoi…
BREF. Je divague, ça va trop loin.

Vous l’aurez compris: je défends l’existence de ce type de film, que j’aime parce qu’ils sont facultatifs – ce qui explique pourquoi ça ne me choque pas vraiment que le film Project Sekai soit… facultatif. On peut lui reprocher de ne pas vouloir toucher un public plus large que les fans du jeu, et je le comprendrais, mais en vrai là aussi ça ne me choque pas et je ne le reprocherais pas – un film n’a pas à être systématiquement accessible à tout le monde en terme de contenu, tant qu’il est clair là dessus. Si un film veut parler qu’à un public de fan, ok c’est son choix, à lui de faire le taf dans cette direction. Il a choisi de pas nous représenter l’univers et les personnages parce qu’on part du principe qu’on les connaît déjà, ok ça fout dehors les gens qui connaissent pas, bon, normalement ils étaient censés en être conscient avant de venir.
Mais c’est ptet là que je serais plus critique: je pense que la com, particulièrement en France, a beaucoup mis l’accent sur Hatsune Miku sans jamais trop évoquer le jeu, ce qui a pu tromper le public. Sur l’affiche française, le « A MIKU WHO CAN’T SING » est bien plus gros que le Colorful Stage, par exemple. Mais ça c’est un souci du marketing français, pas vraiment un souci du film lui-même… Ce « souci » n’existe pas vraiment au Japon, où la licence est elle beaucoup plus installée…
(Mais en même temps je comprends l’idée de mettre plus en avant Miku que Colorful Stage, encore une fois y’en a un qui bien plus connu en France que l’autre.)

Bref, pour revenir à nos moutons: est-ce que je recommande A Miku Who Can’t Sing si vous n’êtes pas fan de Project Sekai ? Non, pas vraiment. Si vous êtes juste fan de Hatsune Miku ? Oui, le message global peut vous toucher mais alors préparez-vous à passer la moitié du film en compagnie de nombreux personnages qui ne sont pas Miku. Et si vous êtes fan de Project Sekai, bon bah oui… c’est un bon moment… mais vous n’avez pas besoin de moi pour vouloir aller le voir.
Est-ce que ça aurait pu être meilleur ? Bien sûr, le film reste trop sage en règle générale. Je suis satisfait en tant que fan de voir les personnages mais au fond je suis conscient, et un peu frustré, qu’ils soient tous et toutes assez interchangeables au sein de cette intrigue. J’aurais aimé les voir briller plus, et voir le film mieux mettre en avant les spécificités de chaque personnage. On notera par exemple que les interactions n’existent qu’au sein des groupes – Haruka, par exemple, ne passe le film qu’à parler aux autres membres de More More Jump, mais jamais aux autres, ce qui limite beaucoup sa « portée. » Mais c’est le cas pour tous et toutes. La seule exception ça va être les frères et sœurs mais même là ça reste très limité…


Mais en vrai, le “souci” avec Project Sekai ça reste son gros casting, et comme ils veulent équilibrer les présences de chacun, bon bah t’es dans une impasse parce que même avec les meilleures intentions du monde tu peux pas vraiment faire briller VINGT persos à la fois en une heure et demie, surtout quand en parallèle t’as une intrigue autour de Hatsune Miku qui va être la vraie star et le vrai focus. Je sais pas comment ils envisagent la suite mais en vrai faudra pas un nouveau film: il en faudrait cinq, c’est à dire un par groupe, à la Bang Dream. En format film ou en format série, c’est à voir, mais c’est vraiment ce qui permettra à la licence de peut-être passer au niveau supérieur en tant qu’anime et de dépasser le statut de plaisir pour fan.
Si je dois m’engager: une adaptation des histoires des groupes ça pourrait être très bien – je suis biaisé mais je pense qu’une adaptation animée de l’histoire de Nightcord y’a de quoi avoir un vrai bon drame musical assez emballant et riche en thématiques vraiment intéressantes. Mais des histoires inédites « bonus » centrées uniquement sur les quatre personnages d’un groupe serait pas non plus inconcevable, ce serait loin d’être dénué de potentiel et ça pourrait être bien plus intéressant pour tout le monde – et par « tout le monde », j’y inclus également un public non initié. Et honnêtement, hein, des films sur Wonderlands x Showtime ou sur Nightcord at 25, vu le succès énorme qu’on ces groupes au Japon, je suis pas un expert en économie mais en vrai t’es assuré d’être rentable très vite… Tout le monde y gagnerait… Donc Sega… hésite pas à financer ça 😉😉……….

Voilà donc pour ce billet sur le film Project Sekai qui est au final devenu un billet de défense des films à licence moyens ! Je sais pas pourquoi le sujet me tenait autant à cœur – je pense que je sature simplement de voir les gens chier souvent gratuitement sur ces films, rarement de manière très intéressante. Souvent ça se cantonne à dire de manière très fainéante des expressions très banales comme « bah c’est pas du vrai cinéma » et à faire comme si ça suffisait, alors que ces films sont comme tous les autres films, des objets sur lesquels il peut y’avoir pas mal de choses à dire et à vivre. Parfois positives, souvent négatives… certes ils sont enfermés dans des formules très précises, ils nécessitent parfois des connaissances issus d’autres œuvres, mais ces films restent du cinéma ! Ça reste intéressant de leur donner leur chance, de les regarder, de les disséquer et de parfois les laisser nous emporter et/ou nous décevoir comme n’importe quelle autre œuvre cinématographique. Je trouve ça simplement bête de s’enfermer dans des préjugés ou de les disqualifier en jouant sur les mots…. Ca me paraît ennuyeux, dans tous les sens du terme.
Enfin bref ! Fin de la prise de tête – je vous avoue que là maintenant mon objectif pour ces prochains mois c’est d’enfin mater tous les films One Piece donc ça se trouve après ce marathon vous me retrouverez dans 6 mois à dire le contraire et hurler que l’existence des films à licence est une erreur. Mais j’ai survécu à la Malédiction de l’épée sacrée qui était chiant comme la pluie, donc je pars du principe que j’ai déjà vu le plus mauvais !
Hein Anakin, j’ai déjà vu le plus mauvais ?

Note: initialement cet article… aurait dû être une vidéo ! Mais après l’enregistrement, j’ai entamé le montage pour très vite me retrouver découragé et démotivé, pas convaincu par « l’intérêt » de le faire en vidéo. Du coup, allez, après quelques réécritures et rajouts, hop ! Ça devient un article. Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme 🤓.
- Je ne déteste pas la tentative de l’ère Craig de créer une vraie continuité entre les films, y’a des moments où ça paie bien (dans Mourir Peut Attendre, particulièrement), y’en a où c’est assez forcé et pas terrible (Spectre aie aie aie) mais j’apprécie l’expérimentation. ↩




Un commentaire
red
>la scène de la balle qui traverse un train dans Scarlet Bullet vit loyer-gratuit dans mon esprit
Je te recommande le film 20, où Conan accomplit (selon moi) son peak de puissance, mais sinon, tous les films où il peut sortir son super-shoot vont aller dans la démesure. Le film 23 par exemple est…intéressant aussi.