Kemono Michi – No Chance in Hell
En tout début d’année j’écrivais une sortie de diatribe sur le genre isekai, particulièrement sur ces isekai qui pompent des codes de JRPG et pensent s’en satisfaire. Entre temps, le genre a fait un cercle entier au point où les isekai de cette saison d’automne étaient tous des parodies du genre, que ce soit Cautious Hero (ou le héros est trop balèze mais trop prudent, ce qui ruine la vie de tout le monde), Average in the Next Life (où l’ambition du personnage principal est juste de mener une vie normale dans un monde parallèle) voire même Ascendance of a Bookworm (où l’héroïne se retrouve réincarnée dans un monde parallèle et veut juste réecrire les bouquins qu’elle kiffait durant sa vie terrestre) qui est pas une parodie « explicite » mais qui se moque de certains des codes du genre. Mais ce qui va nous intéresser aujourd’hui ça va être le quatrième membre de ce quatuor, en l’occurence Kemono Michi: Rise Up ! Pourquoi celui-là en particulier ? Deux points:
1/ C’est par l’auteur de KonoSuba, Natsume Akatsuki, une des premières parodies populaire du genre isekai.
2/ CA PARLE DE CATCH, PUTAIN.
La série vient donc de se conclure après douze épisodes, je les ai tous matés et écoutez, je pense honnêtement que c’est une série globalement négligeable qui sera sans doute oubliée par le temps de manière assez rapide mais j’ai quand même pas mal de choses à dire dessus donc permettez moi de prendre une petite heure pour taper un article dessus. J’ai surtout besoin d’oublier le fait que aujourd’hui je me suis tapé une dizaine de kilomètres de marches pour me rendre au taf et constater que j’ai pas de taf à faire donc je préfère pisser du texte sur une série dont les qualités ne parleront pas à un public extrêmement large.
Le pitch il est globalement simple: on y suit un catcheur super star, Genzo alias « Animal Mask » qui durant l’un des plus grands matchs de sa carrière… disparaît dans les airs… parce qu’il a été invoqué par la princesse d’un monde parallèle qui souhaitait invoquer un héros pour combattre le roi des démons. Et Genzo était le héros choisi. Sauf que Genzo il s’en bat la race, suplexe la princesse et part errer dans les rues. Là il va faire la rencontre d’une fille féline nommée Shigure, et va à partir de là faire sa vie dans ce nouveau monde, avec comme objectif celui de réaliser son rêve: ouvrir une animalerie. Car Genzo il adore les animaux. Il adore beaucoup trop les animaux.
Tout le postulat de Kemono Michi va donc se vouloir humoristique: Genzo & Shigure vont vouloir trouver de la thune pour vivre, ils vont donc accepter des quêtes, Genzo va les réussir à la fois grâce à ses talents physiques de catcheur mais aussi grâce à son amour pour les animaux qui va lui permettre de résoudre des emmerdes d’une manière que peu de gens ont pu envisager – il va ainsi être capable d’amadouer des cerbères parce que, après tout, c’est juste des gros chiens. En gros c’est des aventures d’heroic fantasy, mais avec un mec gaga des animaux et un casting qui va s’agrandir d’épisodes en épisodes puisqu’on va lui rajouter Hanako – une dragonne super puissante mais qui aime beaucoup trop bouffer pour réfléchir correctement – et Carmilla – la servante de Hanako qui, à l’inverse, n’est que lose, idiotie et dépression.
Bref, on pourrait penser que c’est un de ces énièmes animés qui ont un pitch rigolo et qui vont pas forcément plus loin que ça. Le genre de truc tu dis le pitch à des gens genre « ouais c’est un catcheur amoureux des animaux qui se retrouve dans un monde parallèle », tout le monde trouve ça drôle mais dès que tu mates l’œuvre tu te rends compte que l’auteur lui-même, passé quatre ou cinq épisodes, il savait pas quoi faire de plus que ça…
… et en vrai Kemono Michi déroge pas vraiment à la règle.
A la base, avant d’être un anime, Kemono Michi c’était donc un manga ! Ecrit par Natsume Akatsuki, donc l’auteur de Kono Subarashii Sekai ni Shukufuku wo, et dessiné par un duo d’illustrateurs – Yumeuta & Mattaku Moosuke. C’est publié dans le Monthly Shonen Ace (magazine ou a été publié Mirai Nikki, Ga-Rei ou Angelic Layer), y’a six tomes sortis jusqu’à présent et en vrai on va s’en foutre un peu parce que l’anime adapte ce manga de manière… assez vague. Certains chapitres sont adaptés, d’autres sont oubliés, pas mal d’événements sont inventés pour l’adaptation animée, bref, il sert de base à cette série mais va rapidement être son propre truc.
Et avant de parler en détail de « ce propre truc », je vais essayer vite fait d’expliciter le rapport que j’ai avec le style d’écriture de Natsume Akatsuki, et mon opinion elle peut se résumer très simplement par « je ne trouve pas KonoSuba très drôle. » Je trouve que c’est un humour un peu agressif, où tu passes ton temps à taper sur des personnages tous définis par un seul trait. Dans KonoSuba, Aqua est idiote, Kizuma est râleur, Darkness est masochiste et Megumin est fascinée par les explosions. Ils passent leur temps à se faire des sales coups mais au final tout va bien parce qu’ils s’aiment ! C’est un peu lassant ! La première saison, je suis quasiment resté que parce que la mise en scène et le style d’animation était sympa, très expressif et tout ! Mais niveau écriture, c’était un humour ultra-simpliste qui tournait en rond dès l’épisode 2 !
Kemono Michi c’est pareil !
Genzo il aime les animaux et c’est une force de la nature ! Avec ces deux traits de caractères, vous avez tout le personnage, il n’évoluera pas plus ! Hanako elle aime bouffer, c’est tout ! Carmilla c’est une loseuse perverse, y’a pas plus derrière ! Le casting dès leur première apparition tu sais exactement comment ils vont être durant tout le reste de la série parce que y’a aucune évolution, aucun changement. Et c’est valable pour TOUT LE CASTING, même les personnages les plus secondaires ! Ainsi dans la série y’a un groupe d’aventuriers qui existent juste pour qu’un des personnages dise « je suis l’aventurier le plus puissant je vais tuer ces bêtes démoniaques », se fasse suplexer par Genzô et se fasse tirer son épée légendaire par Shigure. Et ça arrive genre CINQ FOIS en DOUZE EPISODES. Et à chaque fois le gag est TOUJOURS LE MÊME. Sans VARIATIONS. AU SECOURS.
MAIS. Malgré tout. J’apprécie mieux ce casting que celui de KonoSuba car même si il est moins « flamboyant » il est quand même plus équilibré parce que au milieu de tout ça, y’a heureusement un perso qui vient amener un peu de « »sang neuf » » et c’est celui de Shigure.
Shigure on nous la présente au départ comme une meuf cupide prête à tout pour collecter de l’argent, quitte à faire des investissements très risqués ou vendre littéralement son corps. Je pensais donc au départ que sa seule et unique raison d’être dans la série allait être d’aimer l’argent. Et au final, non, elle va très vite se transformer pour être la « maman » du groupe, la fille sérieuse qui doit gérer cette bande d’incapables et en tirer leur plein potentiel. Certains sur reddit disaient que du coup elle prenait le rôle de Kizuma dans KonoSuba sauf que là où Kizuma est finalement aussi débile que les autres et donc gère ça nawak, Shigure elle est la seule putain de personne compétente dans tout ce foutu anime. Kizuma il passe son temps à abaisser ses compagnons à son niveau, Shigure elle essaie de tirer les siens en permanence même si c’est jamais simple. Et, plus généralement, avoir une figure « sérieuse » dans cet univers délirant permet aussi d’avoir une plus grande variété de vannes.
Je parle de variété mais ne soyons pas aveugles: cela n’empêche finalement pas Kemono Michi de tourner quand même en rond, et de reposer en permanence sur les mêmes blagues comme si écrire de l’humour c’était juste trouver quelques runnings gags et s’en contenter. Plus largement, c’est une série qui se complait dans le status quo et refuse d’apporter des nouvelles vannes en faisant évoluer ses personnages – après 12 épisodes, l’animalerie de Genzo est toujours en état de projet, ce qui est dommage parce que cette animalerie aurait pu être l’occaze d’amener des blagues neuves. D’ailleurs, dans le manga, cette animalerie elle s’ouvre ultra vite ! Plus largement, quand l’auteur veut injecter des nouvelles blagues, il le fait à chaque fois en apportant de nouveaux personnages au lieu de faire évoluer ses personnages déjà posés. C’est une mauvaise habitude, c’est dommage !
Après, ce genre de routine peut avoir son petit attrait parce que ok, du coup, tu sais exactement ce que tu vas trouver dans un épisode de Kemono Michi. C’est pas fondamentalement déplaisant. Mais ce manque global d’ambition humoristique, cette sorte de refus de vouloir proposer plus qu’une dizaine de blagues différentes sur douze épisodes, il me fait un peu chagriner. Sans compter que la mise en scène est vraiment limitée au strict minimum, y’a pas énormément de génie dans la manière de poser les blagues, ça suit une sorte de cahier des charges assez sage. Y’a pas de « moment fort » dans Kemono Michi parce que tout semble être sur le même rythme. C’est un peu bête. Bête, eheh, jeu de mot.
Bref je daube je daube mais vous allez me dire « pourquoi t’es resté 12 épisodes ? Juste pour les beaux yeux de Shigure ? »
Ok, j’avoue que Shigure j’ai un ptit kink quand même sur son design. Mais c’est pas ça le plus important ! Non, le plus important c’est le catch ! Damn, ça fait une décennie que je parle de catch sur Néant Vert (à rythme de plus en plus réduit, ok) et j’ai jamais parlé d’animes qui parlent de catch parce que j’en avais toujours pas maté jusqu’ici. Oui ça n’a aucun sens que je n’ai pas maté Tiger Mask W !
Et alors, du coup, est-ce que Kemono Michi utilise bien LE CATCH ?
Bah écoutez
Oui !
La meilleure idée de l’anime (parce que à ma connaissance c’est pas dans le manga et je l’ai lu jusqu’au volume 5) c’est que Genzô devient une figure si connue dans sa ville qu’il parvient indirectement à exporter le catch en tant qu’industrie de divertissement dans ce monde parallèle. Genre t’es dans un monde d’héroic-fantasy, et là soudainement t’as une féderation de catch qui commence à débarquer et qui exploite les archétypes de l’heroic-fantasy pour les fusionner aux archétypes du catch, le temps de trois épisodes. C’est pas non plus excellemment exploité, ça pourrait aller encore plus loin, mais l’anime fait un vrai bon travail dans sa manière de décrire ce qui est « cool » avec le catch: les mouvements exagérés, les rivalités exacerbées, les petites tricheries honteuses, les histoires personnelles des combattants… Quand l’avant-dernier épisode met en scène le combat Carmilla Vs Rose qui avait été construit quelques épisodes plus tôt, c’est pour en faire un vrai match de catch, avec les enjeux et la flamboyance qui vont avec.
Et en dehors de ces épisodes « tournois », on a pas mal d’autres bonnes références aux talents de catcheurs du héros avec, par exemple, un combat assez viril contre un orc qui est clairement écrit et mis en scène comme du catch. Plus largement, c’est quand l’animé se met soudainement à montrer des combats qu’il décolle enfin. L’animation devient soudainement plus vive, les corps sont plus expressifs, c’est détaillé, bien réalisé, les coups ont des vrais impacts, ça marche vraiment bien.
Kemono Michi aurait facilement pu prendre le chemin de la moquerie sur le monde du catch mais au final va le mettre énormément en avant, au point que le fan va y retrouver quelques clins d’oeil super bienvenue. Les personnages passent ainsi le temps à refaire des coups très célèbres, offrant une sorte de best-of des meilleurs coups finaux. C’est clairement différent du manga original où les vraies références catch sont assez peu présentes et sont soit la seule explication pour justifier la force de Genzo (« il est baraqué comme ça parce qu’il est catcheur ») soit pour présenter des blagues un peu nulles (« lol il se met en slip pour combattre, c’est un pervers ».) Dans l’animé, rien de tout ça, le catch est l’occasion de mettre en scène des jolis combats et d’offrir des vraies petites histoires dans une oeuvre qui n’a, à la base, pas vraiment de fil rouge narratif. En même temps, l’animé est aussi sponsorisé par la fédération de catch DDT, et ptet que ce sponsoriat a amené un meilleur traitement du sujet, j’essaie de théoriser !
Donc voilà un peu pour Kemono Michi ! Par défaut, c’est le meilleur anime de catch que j’ai vu de ma vie mais c’est une phrase à prendre avec des pincettes elles-mêmes prises avec des pincettes parce que c’est le seul en attendant que je me consacre enfin à Tiger Mask ! En tout cas j’ai pas mal apprécié le traitement du catch, trouvé que les épisodes centrés autour des tournois étaient les plus sympas et que le reste de la série était… assez régulière. Mais régulière dans le moyen, sans jamais briller ou faire preuve d’une vraie ambition. C’est pas grave, du moyen il en faut aussi, vous me direz.