Mangas & Animes

Bi & Pan sont dans un animé

Salut à toutes et tous, j’espère que vous passez une soirée ou une journée correcte. Moi bof bof parce que j’écris cet article alors qu’il fait extrêmement chaud, mais je remercie les anciens occupants de mon appart qui m’ont laissés y’a un an leur ventilateur géant, il me fait énormément de bien dans cet instant présent. Cela étant dit, et ayant exposé le fait que j’écris cet article dans un contexte caniculaire où j’ai juste hâte de retourner dans ma salle de bains pour prendre ma 3e douche de la journée, temps de s’attaquer au sujet du jour, qui est ambitieux, c’est à dire faire un historique que j’espère le plus exhaustif et le plus concret possible de la représentation de la bisexualité et/ou de la pansexualité au sein de l’animation japonaise. Je précise bien animation, on évoquera pas ou peu les mangas – qui sont un sujet beaucoup plus vaste.

Maintenant soyons très clairs dès le départ: les personnages ouvertement bisexuels ou pansexuels sont rares au sein de l’animation japonaise, et tout aussi peu commun que le sujet soit traité. C’est pas forcément un souci exclusif aux médias japonais – si les bi et les pans du monde entier se plaignent régulièrement d’une forme d’invisibilisation c’est pas pour rien – mais force est de constater que dans le petit monde des animés, c’est vraiment très difficile de citer énormément de personnages clairement bi ou pan. Mais y’en a, et cet article leur est dédié.

Et du coup, on va évidemment commencer en évoquant l’éléphant au milieu de la pièce de Nanami, c’est à dire Utena, la fillette révolutionnaire.

Akio, Utena et Anthy

Les thématiques LGBTQ+ et Kunihiko Ikuhara, c’est un duo bien connu, vous me direz. Yurikuma Arashi parlait sans détours d’homosexualité féminine et Sarazanmai n’avait pas peur d’évoquer le pendant masculin de manière explicite. On trouve également un personnage clairement bi dans Mawaru Penguindrum mais on en reparlera peut-être plus tard car restons en 1997 avec Utena. Une série qui évoque clairement la sexualité du début jusqu’à la fin, avec ses métaphores plus ou moins subtiles, ses personnages lycéens qui se retrouvent sans cesse en pleine interrogation de leurs désirs et de leurs envies, et cette sorte de tension sexuelle permanente entre la plupart des membres du casting. La question de genre y est même relevée, avec une héroïne, la Utena du titre, qui veut mettre fin à la barrière des codes vestimentaires réservés à chaque sexe, et est fière de porter l’uniforme masculin avec style et parure.

Bon, bref, Utena est amoureuse de Anthy, la fiancée de la rose, qu’elle apprend à découvrir au fil des épisodes et qu’elle doit protéger pendant une grande partie de la série du désir néfaste des autres élèves, qui veulent utiliser la fiancée pour leurs propres désirs. L’amour est réciproque: Anthy aussi découvre au fil de la série son amour pour Utena. Mais Utena elle a aussi des sentiments clairs et explicites pour le mystérieux Akio Ohtori, frère de Anthy, et star de la seconde moitié de la série. Akio Ohtori qui semble aussi avoir une liaison avec… Touga, le président du conseil des élèves. Oh, et Touga était l’ancien petit ami de Anthy, comme on l’apprend dans le film. Bref, ça peut paraître compliqué, retenons juste que la série a au moins quatre personnages explicitement pansexuels, et je précise bien pan volontairement car pour Utena, Anthy, Akio et Touga, le genre de la personne qu’ils aiment n’est pas important à leurs yeux. Ce qui est encore une fois cohérent avec le message d’ensemble de la série qui reste une critique à peine voilée de tous les codes genrés et, plus généralement, des attentes qu’ont la société sur la manière dont chacun gère sa sexualité. Après ce ne sont pas tous des modèles: je rappelle gentiment que Akio… est l’antagoniste final de la série. Et un homme qui utilise l’amour pour manipuler et détruire les autres !

Cela étant dit, est-ce que Utena est une série sur la pansexualité ? C’est un angle probable d’interprétation, vous l’aurez compris, même si cela est à inclure dans une réflexion plus globale sur le genre.

Utena, cette fois-ci issue du film

(Oui et du coup petite pause, pour qu’on soit clair sur l’usage des mots – je ne prétends pas être spécialiste, même si le sujet m’importe personnellement, et je sais que la différence bisexualité/pansexualité est souvent source à des longs débats mais je vais partir du principe pour cet article que la bisexualité traite de l’attirance aux deux genres, tandis que la pansexualité traite de l’attirance pour une personne peu importe son genre. C’est une nuance qui a son importance et que j’avoue avoir moi même mis énormément de temps à bien saisir – j’espère du coup pas être trop maladroit à ce sujet.)

Marie-Antoinette et Oscar de Jarjayes

Plus largement, Utena n’est pas une série née en huis-clos et est évidemment aussi pas mal inspirée par d’autres œuvres de cette période et même d’autres médias – le théâtre Takarazuka en tête qui est ce théâtre intégralement féminin qui réussit simultanément à briser les genres (tous les rôles sont joués par des femmes) mais aussi à les conserver de manière très conservatrice (les actrices sont souvent divisées entre « féminines » et « masculines » et conservent leur classification tout le long de leur carrière, donc en fait les genres ne « meurent » jamais vraiment.) La série est également énormément inspiré par l’univers visuel développé par La Rose de Versailles, aka Lady Oscar. Une série où déjà les genres se troublent et les romances avec, notre héroïne Oscar attirant une certaine forme d’affection de la part de… la reine Marie-Antoinette. Qui elle-même est mariée à Louis XVI (désolé du spoil) mais est surtout également éprise du comte Jensen. Alors certes la série évacue ça très rapidement en expliquant que Marie-Antoinette avait eu ce crush pour Oscar pendant son adolescence et que c’est « passé » mais c’est déjà un tout petit exemple potentiel, qui est peut-être le premier cas envisageable d’une représentation de bisexualité au sein de l’animation japonaise. C’est très mince…. mais c’est là.

Mais ce n’est pas là par hasard, car La Rose de Versailles est à la base un manga de Riyoko Ikeda, qui fait partie du « Groupe de l’an 24 », un groupe d’autrices bien déterminées à se saisir du shojo manga de la fin des années 70 début des années 80 pour y apporter un vent à l’époque bien plus progressiste et bien moins conservateur sur les sexualités que ce qui était fait jusque là. Si avec ce groupe Ikeda a posé les bases du yuri manga, elle continuera au fil des années de développer différents propos sur les sexualités et sur le genre.

Oniisama e (Très cher frère), l'anime superbe de Riyoko Ikeda et Osamu  Dezaki mais aussi oeuvre malsaine - Mon amour pour le Japon et Tôkyô
Ichinomiya Fukiko et Rei Asaka (Très cher frère)

Quand débarque en France dans le Club Dorothée une autre adaptation animée de l’un de ses mangas – Très cher frère – la série va très très vite se faire déprogrammer parce que personne chez AB avait conscience du fait qu’ils allaient diffuser une série parlant très rapidement de suicide et de relations homosexuelles entre lycéennes. Une série qui va également mettre en scène un personnage – Miya – qui gère à la fois une relation de désir et de possession envers l’héroïne, Rei, mais aussi un amour sans retour pour Takehiko Henmi. Là aussi, ne voyait pas en Miya un modèle potentiel: elle traite Rei de manière extrêmement cruelle, et son amour envers Takehiko est exprimé de manière… plutôt malsaine. Oh, et je vous ai dit qu’elle manipulait les sentiments qu’une jeune fille nommée Nanako a envers elle ? Qu’elle lui fait une fausse déclaration d’amour juste pour briser le coeur de Rei ? Donc oui on a un personnage clairement bisexuel, mais c’est un personnage cruel, qui est surtout là pour servir d’antagoniste clair. N’y voyez cependant pas un message à charge de la part d’Ikeda, qui est une autrice qui a souvent fonctionnée en s’inspirant des tragédies – Miya est une jeune fille extrêmement tragique, qui s’auto détruit tout le long de la série. Ce n’est pas sa bisexualité le souci: c’est bien son orgueil qui l’aveugle constamment.

Yuri Tokikago (Mawaru Penguindrum)

D’ailleurs, comme une sorte de petit hommage, Miya a une sorte de « sosie » dans… le Mawaru Penguindrum de Kunihiko Ikuhara, via le personnage de Yuri Tokikago. Une actrice très en vogue, blonde aux cheveux longs, petite amie du vaillant Keiju Tabuki, un professeur très sympathique sur lequel la lycéenne Ringo Oginome a un étrange crush. Mais qu’elle ne s’inquiète pas, elle n’est pas la seule à avoir un étrange crush: Yuri a un étrange crush aussi ! Sur elle ! Et je dis « étrange » parce que à moitié de la série elle la kidnappe, l’endort, la ligote et euh… envisage le pire. C’est même plus qu’étrange là, c’est criminel ! Car Yuri a une fascination pour Ringo, qu’elle voit comme « la remplaçante » de sa défunte soeur, qu’elle aimait. C’est un peu compliqué, c’est un peu tiré par les cheveux, mais c’est une sorte d’héritage/hommage aux personnages compliqués et tragiques de Ikeda.

Mais cela étant dit, peut-être que vous voulez des personnages bisexuels ou pansexuels moins… dangereux ?

George

Bon bah du coup direction l’univers des mangas de Ai Yazawa ! Je pourrais évoquer Nana maintenant mais en fait je vais en parler dans un paragraphe à part un peu plus tard dans l’article. Là on va surtout évoquer Paradise Kiss, manga publié de 2000 à 2004 et adapté en animé en 2005 dans une série qui a du Franz Ferdinand en ending (et je voulais le mentionner tout de suite.) Dans cette série on y croise clairement un des premiers personnages de la japanime qui se définit lui-même très clairement comme « bisexuel », c’est à dire Joji Koizumi, alias George ! Jeune designer de mode prometteur et au caractère haut en couleur, qui va pas mal s’amouracher de l’héroïne et qui avait eu dans le passé une relation avec Isabella, une personne transsexuelle ayant fait quelques années plus tôt la transition d’homme à femme. A noter que le personnage de George est clairement inspiré par Brian Slade, le héros du film Velvet Goldmine, un film britannique des années 90 qui raconte la carrière d’une star bisexuelle du rock des années 70. Un film que George cite à plusieurs reprises explicitement et, oui, c’est aussi clairement un film sur David Bowie sans David Bowie. George rejoint-il donc quelque part la très longue liste des David Bowie de l’animation japonaise ? Sans nul doute.

Papa Ranka !

En vrai, dans cette période qu’est celle des années 2000, des personnages bisexuels ou pansexuels, c’est surtout dans les adaptations de shojos voire de josei que vous allez les trouver. Par exemple, prenez Ouran Host Club. Ok, on a encore une fois une héroïne – Haruhi – qui transcende les codes vestimentaires des genres en portant l’uniforme masculin avec classe et pimpance. Mais ce qui va surtout nous concerner ici c’est son papa, Ranka ! Un papa qui voue encore un culte littéral à son ex-femme décédée mais qui ramène aussi des hommes à la maison de temps à autres, ce qu’évoque Haruhi de ci de là. Il est là aussi ouvertement bisexuel, mais déclare par contre qu’il ne veut plus chercher un nouvel amour féminin, par respect pour son ex-femme. Cela ne semble pas l’empêcher de profiter de la vie, on est content pour lui !

Hatsuharu Sohma

Du côté d’un autre « gros » shôjo de cette période, on a Fruits Basket et le personnage de Hatsuharu qui développe des sentiments amoureux pour deux autres membres de la famille Sohma: le représentant du rat, Yuki, mais aussi la représentante du signe du cheval, Isuzu alias Rin. Si cela s’explique un peu par le caractère « ambivalent » du personnage – qui est quelqu’un qui switche en permanence entre deux personnalités -, cela reste un point important de son caractère, qui est souvent montré et utilisé au fil des tomes, et un point que le personnage assume fièrement. Yuki sera toujours spécial à ses yeux, idem pour Rin !

Notons assez rapidement au milieu des années 2000 le cas de Anna Kurauchi, de la série ecchi-comique He is my Master. Jeune fille amoureuse du héros au début, elle va essayer de devenir une maid à son service pour l’approcher et va renconter une autre des maids déjà engagée, Izumi… dont elle va tomber amoureuse. J’en parle rapidement parce que là on est dans le cas où c’est vraiment un personnage dont sa sexualité va être surtout le prétexte pour faire des blagues diverses et variées (comme essayer de forcer Izumi à voyager aux Pays Bas avec elle pour qu’elles puissent honorer un mariage homosexuel.) Les archétypes comiques sont une forme de représentation vous me direz mais vu que l’humour du personnage est surtout centré sur la relation entre elle et Izumi, on est plus sur de l’humour douteux qui traite le L du sigle LGBTQ+ que la lettre B ou le symbole +….

Yukari Sendô

Dans les petits personnages secondaires bisexuels qui sont souvent là pour avoir des sentiments qui font office de comic relief, un big up à Yukari la sorcière de Rosario+Vampire. Membre du club de journalisme des héros de la série, elle va développer au fil de la série un crush envers l’héroïne principale, Moka, et le héros de la série, Tsukune. Elle va dès lors tout faire pour essayer de faire de ses projets de trouple une réalité concrète mais ses efforts vont pas porter très loin pour deux raisons ! La première raison c’est parce que Tsukune et Moka vont au bout d’un moment former le couple principal dans lequel ils ne vont pas vouloir inclure Yukari et la seconde raison c’est que bah… elle a 11 ans, quoi. Donc en somme c’est une représentation bisexuelle comique et rigolote, mais c’est aussi un peu accroché à un personnage… qui n’est pas vraiment mature. Rien de très « sérieux », donc.

Et bref, nous voilà déjà à 2012 et voici From the New World, alias Shinsekai Yori.

Satoru, Saki, Maria

Shinsekai Yori est intéressant à évoquer sur ce sujet car finalement, la bisexualité fait partie intégrante de l’univers de la série. Ainsi autour de l’épisode 8 les deux héroïnes principaux – Saki et Maria – ainsi que les deux héros principaux – Shun et Satoru – sont deux couples de même genre. On découvre au passage que dans l’univers de Shinsekai Yori il est attendu que l’adolescence soit une période où chacun est invité et encouragé à sortir exclusivement avec des personnes du même genre. Quitte à pas mal bouger: ainsi Satoru va rompre avec Shun et commencer à sortir avec d’autres garçons. Bref pas de relations forcément exclusives, où les sentiments se mêlent dans des relations prévues pour être courtes et intenses, qui ne dureront pas passé l’adolescence puisqu’il est attendu qu’à l’âge adulte chacun forme une famille « classique » afin de pouvoir avoir de la reproduction héterosexuelle bien classique permettant la survie de la communauté (qui n’est pas bien grande.) Ce modèle s’inscrit donc dans toute la dystopie très particulière et très insidieuse de la série, où la vie de chacun est extrêmement régulée « pour le bien commun. » Ce qui va exploser à un moment…

Dans tous les cas, Saki, l’héroïne, aimera trois personnes le long de la série – deux garçons et une fille. Satoru, Shun, Maria: idem. Shinsekai Yori semble surtout fonctionner sur l’idée que les hommes et les femmes naissent naturellement bisexuels / pansexuels et voient surtout leurs désirs s’adapter à ce que la société autour d’eux attends ou réprime. Les personnages de la série ne se questionne pas forcément sur leurs identités sexuels, et passent souvent leur temps à être ce qu’on attend qu’ils soient, y compris en ce qui concerne leurs relations romantiques ou sexuelles. Sachant que même la période adolescente terminée, les sentiments ne s’estompent pas toujours – Saki garde, même adulte, des souvenirs affectueux et aimants envers Maria, Shun et Satoru. Je ne m’étendrais pas forcément plus car ça pourrait être le sujet d’un article et d’une analyse très à part d’une série que je ne peux que vous recommander une fois de plus.

Hanabi

Maintenant arrive ce moment annuel où je vous parle de Scum’s Wish ! Comment ça c’est la seconde fois cette année ? Manga assez passionnant écrit et dessinée par la très talentueuse Mengo Yokoyari, qui y compte les doutes et les souffrances amoureuses de Hanabi. Une héroïne qui au court du récit va avoir le coeur accroché et brisé par trois personnes: deux hommes et une femme. Que ce soit son camarade Mugi – avec qui elle entretient d’abord une relation purement sexuelle pour compenser leurs déceptions amoureuses respectives, mais relation qui dans l’épilogue Decor pourrait en réalité déboucher sur plus -, son crush d’enfance Narumi – une relation à sens unique qu’elle a pourtant du mal à laisser tomber – ou bien son amie Sanae – qu’elle aime et adore, au point de tenter la relation amoureuse dont Sanae a réellement envie, avant de se rendre compte que cela ne fonctionnera peut-être pas -, autant vous dire que la destinée amoureuse de Hanabi est très agitée durant les neuf tomes du manga et les douze épisodes de l’animé. Très agité, mais jamais le genre n’est vraiment une barrière ou un questionnement à ses yeux: si la relation avec Sanae ne fonctionne pas ce n’est pas parce que Hanabi ne souhaite pas avoir une relation avec une autre femme, mais bien parce qu’elle comprends très rapidement qu’elle ne veut pas que Sanae soit « plus » qu’une amie pour elle, et qu’elle a du mal à se projeter dans le futur avec cette relation.

Quelque part, connaissant Mengo Yokoyari, qui donne toujours beaucoup d’elle même dans les ouvrages qu’elle écrit et qui est une assez fine observatrice du monde qui l’entoure, un traitement aussi « naturel » de la bisexualité n’est pas forcément inattendu. Là aussi, si j’en crois son one-shot autobiographique Ippon Hana, sorti en 2019, l’autrice a l’air d’avoir eu beaucoup d’affection et d’amour pour une de ses camarades de classe au lycée, encore une fois via une relation à sens unique, donc ce n’est pas illogique que le sujet soit traité avec justesse et soin.

Carole and Tuesday – 04 – Random Curiosity
Marie

Du coup, pour continuer sur quelque chose de plus léger, l’univers de Carole & Tuesday développe plusieurs personnages bisexuels / pansexuels – par exemple, l’ex-femme de Gus, Marie, qui après son divorce avec notre joyeux manager un peu loser planifie un nouveau mariage avec une jeune femme du nom d’Anne. On a également un brave DJ nommé Ertegun qui n’a pas peur de signaler au monde entier que son amour n’est intéressé que par les gars compétents et les super meufs. C’est encore une fois assez logique de croiser ces personnages dans Carole & Tuesday qui a un univers clairement LGBTQ+ friendly et qui met un point d’honneur à essayer de représenter au mieux les minorités. Après tout on est sur une planète Mars futuriste, les impératifs moraux et conservateurs de la vieille Terre de 2019 ne nous intéressent plus et les mentalités ont continuées à évoluer ♪ !

Maki Honoka

Plus tragique, du côté de chez Kiznaiver on a Maki Honoka qui vit endolorie par l’amour qu’elle a développée envers une de ses camarades de classe. Pour le coup, je ne vais pour une fois pas trop entrer dans les détails parce que y’a pas mal de rebondissements sur cette relation, sachez juste que ça se conclut avec Maki qui, pour rebondir, développe des sentiments pour un garçon. Tout l’arc narratif du personnage inclut une sorte de manga auto critique sur la lesbophobie, donc en vrai je ne sais pas aussi vraiment très bien comme interpréter ce personnage. Tout comme je vais éviter de trop interpréter les antagonistes de Darling in the FranXX – les Nines – qui sont présentés comme des rivaux aux héros, qui osent faire des duos de pilotes de robot qui tournent et qui sont parfois composés du même genre, qui osent dire que le « genre ça importe peu », qui sont arrogants et péteux comme pas deux, et qui en plus sont punis en mourant comme des merdes. Bref c’est des métaphores de la pansexualité, ils se font déglingués et je sais pas quel est le message adressé. Enfin, je fais genre je sais pas, c’est plus poli pour tout le monde.

Et du coup je vais sans doute conclure sur Sword Art Online Alternative via le personnage de Pitohui, qui a l’air d’avoir une vie sexuelle (un peu cheloue) avec M, mais est aussi très intéressée par LLENN. Mais là on est plus dans l’archétype de la bisexualité dépravée, genre perso qui saute un peu sur tout ce qui bouge tant que ça l’intéresse. C’est un perso qui aime clairement montrer qu’elle vit en dehors du système.

Pitohui

Donc voilà un petit inventaire, certainement non exhaustif, de représentation « explicite. » Car si on rentre dans l’implicite, alors on a quelques noms en plus qui peuvent nous venir en tête: Akira Fudô de Devilman Crybaby (qui aime Miki mais développe aussi une relation ambigue avec Ryô), Minori Kushieda de Toradora! (qui à la fin de la série dit clairement qu’elle s’est fait briser le coeur « deux fois », mentionnant Ryuuji et Taiga) ou bien encore Oumae Kumiko de Sound!Euphonium (dont la relation avec Reina semble avoir une place primordiale pour elle, mais qui a l’air de quand même s’intéresser un peu à son ami d’enfance, Shuichi, comme explicité dans Chikai no Finale – sachant que Reina elle même navigue entre sa relation avec Kumiko et son amour pour Taki.) Ah et puis tout à l’heure je parlais de Ai Yazawa, mais les deux Nana de Nana pourraient entrer dans la liste – les deux naviguent entre leur affection l’une pour l’autre mais aussi chacune à une relation romantique avec un homme. Dans Cardcaptor Sakura, Shaolan est amoureux de Sakura mais a aussi le coeur qui bat pour Yukiko – même si tout cela est justifié par une sorte de « ta gueule c’est magique » local vu que Shaolan est attiré par Yukiko parce que celui-ci dégage une énergie magique bien particulière (la même qui au départ fait que Sakura en pince pour ce même Yukiko.) Shinji de Evangelion développe au fil des épisodes des sentiments pour Rei, pour Asuka, pour Misato et pour un certain Kaworu, mais est-ce vraiment de l’amour dans ce dernier cas ? Ou bien dans Beastars, notre brave héros Legoshi a des sentiments pour Haru… mais aussi certainement des sentiments de désir pour Louis, sentiments qui s’entre mêlent avec tout un message sur la démarcation carnivore/herbivore.

La liste est en réalité très longue, du coup je préfère me limiter dès maintenant à ces noms tant on pourrait en citer, le Japon aimant surfer sur le sous-entendu.

Reina & Kumiko

On pourrait aussi évoquer le cas aussi assez rare des personnages qui voient la personne qu’elles aiment changer de genre et quand même conserver l’amour qu’ils ont pour cette personne. Là de tête je peux vous citer Anna de Hourou Musuko ou bien Andy de Aquarion EVOL. C’est assez rare comme cas de figure mais, quelque part, ça correspond parfaitement au critère de la pansexualité donc ça me paraissait important de le mentionner.

Enfin, y’a aussi les personnages qu’on sait bisexuel parce que l’auteur ou l’écrivain l’a dit ou confirmé, sans que ça paraisse trop évident dans la série elle-même. C’est le cas par exemple de Thierry Laurent de Great Pretender, que l’écrivain de la série, Ryota Furusawa, a décrit comme « intéressé par les deux genres. » Et on a également Araki qui en 2007 disait en interview que Dio Brando « va des deux côtés » – alimentant la thèse qu’un certain personnage de la part 6 aurait été très proche de lui. J’avoue être quelqu’un qui croit au concept de « mort de l’auteur », afin d’éviter le syndrome JK Rowling du « eh au fait vous saviez que Dumbledore…. » mais quelque part c’est aussi important de le mentionner.

Cela étant dit, temps de passer au bilan de cet article.

Thierry Laurent

Encore une fois, je ne pense pas avoir été exhaustif. J’ai par exemple comme angle mort personnel tout le monde des adaptations d’otome games boys love, idem pour les adaptations en animé de shojo ou jousei. Par exemple j’ai régulièrement croisé le personnage de Eiji de Gravitation en faisant quelques recherches mais j’ai pas réussi à déterminer si il était vraiment bisexuel OU un homosexuel qui se retrouve juste avec un mariage arrangé sur les bras. En règle général je suis surtout passionné par les héroïnes donc je me rends compte également que cet inventaire contient beaucoup de bisexuelles et de pansexuelles… mais peu de leurs pendants masculins. N’hésitez pas à me signaler tous manques importants – et explicites – que vous pouvez constater.

Malgré tout, en 50 ans d’animation japonaise, c’est vrai que l’inventaire semble maigre. Encore plus si on ne veut garder que les personnages principaux ! Maintenant, on peut essayer de trouver quelques raisons à tout ça et, spécifiquement pour le Japon, je pense que c’est aussi lié à la manière dont les romances sont traitées dans la majorité des œuvres, manière qui rend compliqué « d’expliciter » la bisexualité ou la pansexualité d’un personnage.

Akira et Ryô

Déjà le premier point, c’est que encore une fois la prédominance du non-dit dans la manière de dépeindre l’amour. Dans les animés de romance, on se dit peu les choses et, d’après ce que j’ai pu comprendre, ce n’est pas forcément qu’un poncif narratif mais aussi une manière qu’a la société japonaise de fonctionner: on insinue beaucoup les choses et il est attendu que les sous-entendus soient décryptés et compris. L’amour en public est censé s’exprimer discrètement, idem pour l’expression des sexualités. Dans un tel cadre, difficile pour un personnage d’arriver et de lâcher naturellement un « eh au fait je suis bisexuel. » C’est ses actes et sa manière d’agir qui sont censés dire qu’il est bisexuel. Par exemple, on peut lire des mangas gays ou lesbiens ou les personnages eux même ne diront jamais qu’ils sont gays ou lesbiens – parce qu’il est jugé par les auteurs et éditeurs que c’est clair qu’ils le sont, qu’il n’y a pas forcément à le dire explicitement. Ceux qui diront explicitement qu’ils sont bisexuels sont d’ailleurs la majorité du temps des personnages « flamboyants » – pensez à George de Paradise Kiss par exemple, qui est quelqu’un qui pour plein de raisons se place « en marge » de la société japonaise et en est fier.

En outre beaucoup de romances racontées par les animés sont… des premiers amours. C’est beaucoup des lycéens qui tombent amoureux pour la première fois et qui, la majorité du temps, vont finir la série en couple avec ce premier amour, un couple voué à durer pour la vie. Chitoge de Nisekoi ou Fuutarou de The Quintessential Quintuplets ils vont se marier à l’être aimé pour l’éternité à la fin du manga donc ils vont pas vraiment du coup se questionner sur leur sexualité, j’imagine ? Ces premiers amours laissent donc peu la place à une possibilité pour les personnages de « montrer » qu’ils sont bisexuels ou pansexuels, puisque bien souvent ils resteront loyaux et aimants de la personne qu’ils aiment depuis le départ du manga – que cette personne soit du genre opposé au sien ou pas. Ils sont rares ces personnages d’animé qui changent d’intérêt amoureux au court d’une série et, par conséquent, encore plus rare ceux qui peuvent témoigner d’un interêt amoureux pour deux genres différents au sein d’un même récit.

Dès lors dans beaucoup d’oeuvres de romance « classiques », il est difficile d’introduire le concept de bisexualité, on amène rarement les personnages à l’exprimer. Et dans les autres oeuvres, cela est encore plus dur, les romances et les sexualités y étant encore plus rares et souvent encore plus insinuées !

Du coup pour introduire de la bisexualité « explicite », je vois pas d’autres solutions dans de tels contextes que… jouer avec des codes.

Katarina Claes et une partie de son harem

Prenez My Next Life as a Villainess, qui joue un peu avec ça: comme dans beaucoup de séries de ce genre, l’héroïne Katarina va attirer les affections et les interêts amoureux d’une tripotée de personnages, ce qu’on nomme habituellement un bon vieux « harem. » La particularité, ici, c’est que ce harem est quasi-paritaire: 3 personnages féminins, 4 personnages masculins ! Et il est montré que Katarina tient à chacun d’entre eux avec la même affection. Le seul twist c’est que Katarina… ne se projette dans rien de romantique ou de sexuel. C’est une authentique asexuelle ! Et c’est absolument pas un souci, l’asexualité aussi a besoin de représentation !

Mais en utilisant cet exemple on peut du coup envisager, dans le futur, quelques animés de romance qui peuvent injecter naturellement une pansexualité naturelle et assumée, avec des triangles amoureux qui vont réellement dans tous les sens, des héros qui au lieu d’hésiter entre quatre filles peuvent hésiter entre deux filles et deux gars. Des casts plus adultes peuvent aussi aider, des personnages avec beaucoup d’expérience romantiques étant plus enclins à pouvoir avoir conscience de leur sexualité. Je ne m’attends pas à ce que du jour au lendemain des protagonistes japonais expriment clairement ce qu’ils sont ou ce qu’ils veulent être parce qu’on continuera longtemps à avoir des oeuvres japonaises qui vont juger que tout ce qui est montré n’a pas forcément à être dit. On continuera ainsi à avoir un nombre conséquent de personnages « sans doute » bisexuels ou pansexuels sans que l’oeuvre ne le confirme jamais explicitement, parce que c’est comme ça que ça marche dans cette industrie et dans ce pays. En France on a vraiment cet aspect culturel où on juge important de « dire les choses » et où on met un point d’orgue à appeler un chat un chat. Ce que j’ai compris du Japon, c’est que ça semble loin d’être le cas là bas, et il faut aussi le comprendre, sans imposer forcément notre point de vue culturel pour autant. C’est aussi, après tout, une partie du choc des cultures, qu’il nous appartient de comprendre.

Utena et Akio

En vrai je reste quand même optimiste. Pour moi y’a aussi un point dans cet historique qui me rassure c’est que les personnages bisexuels sont quand même mieux « conçus » qu’avant. J’ai le sentiment que dans les années 90 et 2000, le personnage bisexuel était un personnage soit ultra tragique, soit ultra comique. Dans le premier cas on avait des personnages soit auto-destructeurs, qui vont utiliser leur sexualité pour faire du mal à eux même et à ce qui les entoure, soit à la vie extrêmement difficile, qui ont développés cette bisexualité pour « survivre » aux événements difficiles qu’ils ont traversés – maladroitement on pourrait dire que leur bisexualité est un « symptôme » dû à leurs difficultés. Dans le second cas, on a des personnages dont la sexualité est littéralement source de blagues, où qui sont souvent là pour aussi contribuer à la fétichisation de la bisexualité vous savez ce côté très années 2000 du « wah cool cette meuf bonasse elle s’offre au héros et elle aime aussi toucher des nénés. »

Aujourd’hui j’ai le sentiment qu’un personnage bisexuel est plus « naturel. » Le sujet est toujours rarement traité mais quand il l’est, on sent souvent que c’est juste, et que ça tient parfois personnellement aux auteurs de l’évoquer. On a retiré la majorité des poncifs négatifs, ce qui est déjà mieux. La bisexualité n’est plus un gadget ou un outil, c’est un véritable trait de personnage. Je me contenterais donc pour l’instant de cet aspect « peu présent mais toujours bien traité » même si… y’a encore des errements (Darling in the FranXX, salut) (mais bon la série a d’autres messages un peu craignos, si c’était que ça le souci.)

Astolfo

Plus largement, je continue d’espérer qu’au sien de nos cultures, la bisexualité et la pansexualité continuent d’être mieux comprises et toujours mieux acceptées au fil des années. Je reste souvent frustré de voir qu’en 2021 on voit encore trop souvent cette sorte de manichéisme général qui force une division « hétéro / homo. » La bisexualité et la pansexualité sont trop souvent décrites comme une passade, une période troublée, une sorte de purgatoire romantique et sexuel qui finirait évidemment par un choix « définitif » à la fin. Je ne pense pas que ça soit le cas, et je trouve même méprisable qu’on puisse envisager une chose aussi nuancée sous un point de vue aussi simpliste. C’est peut-être aussi pour ça qu’une représentation plus régulière des bisexuels et des pansexuels dans la popculture est souhaitable, afin peut-être d’enfin parvenir à casser le cou à certains clichés.

Ce message d’espoir étant passé, j’espère que vous avez apprécié la lecture de ce billet. Encore une fois, j’ai le sentiment de m’être engagé sur un sujet extrêmement large, et j’ai une frustration terrible mêlée à cette peur de pas avoir réussi à tout évoquer. Pardonnez donc mes manques, ils ne sont pas volontaires, et passez une bonne seconde moitié de juin que j’espère vous passerez à régulièrement vous hydrater parce que faut quand même prendre soin de vous, hein ?

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2 commentaires

  • Natth

    Un article très travaillé de nouveau, très intéressant à lire et réunissant beaucoup d’infos.
    C’est effectivement difficile de trouver des persos bi ou pansexuels, j’ai réfléchi à la question et je trouve surtout des persos gays ou lesbiens.
    Pour les otome games BL, sur les 3 adaptations en anime que je connais, il y en a déjà 2 sans romance explicite (alors que le jeu était très explicite lui) et Gakuen Heaven qui s’arrête au stade du baiser entre hommes. Pour Gravitation, je pense que c’est Eiri et pas Eiji. Je crois me rappeler qu’il a une réputation de coureur de jupons, mais que son mariage est arrangé. Puis il tombe amoureux d’un homme et annonce d’ailleurs cette relation devant les journalistes.
    Pour les relations bi, je citerais Akihiko Kaji de Given, qui a aussi une réputation de coureur (mais les 2 seules relations séerieuses qu’on voit concernent des hommes). Sinon, George de Paradise Kiss reconnaît explicitement qu’il a un copain quand une amie lui en parle (je crois que ça se passe dans une gare, mais rien ne dit par la suite si c’est un perso qu’on connaît déjà). Et très récemment, je signalerais l’entraîneur de Skate Leading Stars, qui a eu 4 copines et 1 copain (d’après le pote à lunettes du héros à la toute fin de l’épisode 4, après l’ending). Ca n’a absolument aucun effet sur le reste de la série, mais ce n’est pas plus mal peut-être.

  • Salapeche

    Tiens, faudrait que je m’intéresse à Shinsekai Yori. Sur cette dernière année, j’en suis venu à cette même réflexion sur le fait que la bi/pansexualité est naturelle et c’est au travers de notre relation à la société qu’on l’« embrasse » ou non (jeu de mots non voulu, mais bon, ça fonctionne bien xd).

    Amusant d’ailleurs aussi ce modèle sociétal sur l’amour que l’animé propose, ça rappelle un peu ce qui se passe dans la culture Inuit (le mariage « classique » dès le passage à l’âge adulte, mais avant c’est un peu quartier libre).

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