Immortal Hounds – On ne vit qu’une infinité de fois
Bon imaginez: on est dans un monde où les humains sont littéralement invincibles. La seule chose qui peut les tuer c’est la vieillesse mais tout le reste semble ne faire aucun effet. Une balle dans la tête ? Hop le crâne se reforme, comme si de rien n’était. Une chute mortelle ? Zéro problème, le corps reprend sa forme initiale. Une voiture vient de vous percuter à grande vitesse ? Au pire vos vêtements sont un peu détériorés mais vous ça va. Bref un monde magique ou la maladie, par exemple, se soigne avec une balle dans le crâne puisque quand le corps se reforme, il reprends en plus sa santé initiale.
Sauf que dans cette société des humains, nommés les Vectors, ne possèdent pas cet atout et sont aussi vulnérables aux blessures mortelles que vous et moi. Difficile déjà pour eux de vivre dans cet univers où ils sont extrêmement minoritaires mais quand en plus ceux-ci sont traqués par la police et les autorités car ils sont contagieux et peuvent transmettre – volontairement ou non – leur handicap à leurs proches, inutile de dire que tout se complique lourdement.
Ce que je viens de vous résumer c’est l’univers dans lequel se passe Immortal Hounds ou, de son nom japonais, Shinazu no Ryouken, un manga écrit et dessiné par l’auteur Yasohachi Ryou, à qui l’on doit par exemple le tout aussi intéressant Uwagaki (publié en France chez Doki Doki) … et quelques mangas H dont je viens d’apprendre l’existence. La série Immortal Hounds est prépubliée dans le magazine Harta (source de Wolfsmund, Bride Stories ou Gisèle Alain) depuis mi 2013, on en est à l’heure actuelle à une presque trentaine de chapitres et à peine trois volumes reliés dans l’archipel.
Et c’est vraiment pas mal.
Le manga joue donc déjà avec une idée insolite: alors qu’on est plutôt habitué à des récits où des mecs immortels se cachent dans une société de mortels, on a ici la situation inverse: les mortels sont non seulement grave en minorité, mais ils sont évidemment chassés malgré leurs désavantages évidents. Car quand un Vector est attrapé, la société montrée dans le récit ne déconne pas: c’est exécution sur le champ car il ne doit avoir le temps « d’infecter » personne avec son vilain handicap.
Et pour nous montrer au mieux le fonctionnement de ce monde, on a deux protagonistes principaux: un détective nommé Kenzaki qui est un type assez froid, asocial et détaché mais qui est bien déterminé à découvrir le secret derrière l’existence même des Vectors. De l’autre nous avons Kazama Rin. Rin travaille elle aussi dans la police mais cache évidemment un secret: elle est aussi l’Escape Artist, une personne aux dons prodigieux et à l’identité secrète qui est déterminée à aider tous les Vectors « démasqués » à fuir la police, souvent via l’usage d’armes lourdes et de techniques d’immobilisation.
Au milieu de tout ça, une interrogation s’installe très vite autour des Vectors, et leur origine dans ce monde ne pourrait pas être si naturelle que ça… D’autant que derrière l’Escape Artist se cache une organisation de Vectors bien déterminés à faire descendre les immortels de leur piédestral. Ainsi certains Vectors vont tâcher de contaminer le plus de personnes possibles et, on le comprendra assez vite, la méthode de contamination est elle même particulièrement enrobée de mystère…
L’avantage – et un peu le défaut – d’Immortal Hounds c’est que le premier chapitre met immédiatement dans le bain: on suit un jeune couple d’amoureux transits, et les cinq premières pages voit l’homme flinguer sa copine enrhumée en pleine tête. Mais pas de souci ! Son visage se reforme et elle revient en pleine forme. Sauf que très vite l’homme se comporte bizarrement: il semble réticient à tirer une balle dans la poire de sa bae, son passé à l’air trouble et le fait que son potentiel beau frère soit inspecteur le met guère. Le chapitre va monter en crescendo jusqu’à la fin attendue: il est un Vector, l’inspecteur beau frère le capte, il est sauvé par l’Escape Artiste et doit se barrer, laissant derrière lui sa vie et cette copine… qui a été infectée et se suicide en essayant de prouver l’innocence de son petit copain. Et là pas de retour à la vie.
Le beau frère en question ? C’est Kanzaki, celui qui va à présent devenir le héros du récit. Et inutile de dire que si il ne montre pas beaucoup d’émotions, il est indéniablement véner contre les Vectors et ce Vector évadé en particulier…
Ce premier chapitre – nommé Prelude – est donc un prologue extrêmement efficace, qui pose l’univers de façon impeccable et nous donne aussitôt envie d’en savoir plus, d’en voir plus, d’en apprendre plus. Mais en même temps il n’est pas forcément représentatif de ce que va être le reste de la série qui sera beaucoup plus portée action.
Car si ce premier chapitre est finalement plutôt « calme », dans le reste de la série les enjeux vont rapidement monter et on va même vite parler de complot à l’échelle mondiale. Quant à nos deux héros, Kazami et Kenzuki, ils vont entrer dans un jeu de poker menteur l’un contre l’autre qui vont les forcer à se rapprocher tout en sachant que le premier qui perdra pied en perdra de sa vie. Un peu comme un Death Note ou le premier qui fera tomber l’autre amoureux aura gagné. Étrange dit comme ça mais dans le contexte ça passera impec, faites moi confiance.
Mais en dehors de ce combat de masques il y’aura également beaucoup de combats tout court. Kazami n’est pas la seule Escape Artist et toute une petite bande de Vectors surarmés et plutôt doués pour la baston vont rapidement la rejoindre pour participer à l’effort de guerre et à la protection de leurs congénères. Sachant qu’évidemment si la majorité des Vectors aspirent simplement à une vie tranquille, d’autres veulent jouent foutre le bordel dans la société et contaminer le max de personnes possibles…
Là ou le manga nous a laissé, le stress est d’autant plus palpable que nos héros Vectors semblent dans une situation vraiment perdue d’avance mais qu’elles vont devoir s’en sortir avec leur talent. On est donc là beaucoup plus proche du manga d’action pur et dure que de l’analyse de société que peut-être vous attendiez d’un tel univers.
C’est vrai que c’est peut-être le principal reproche que je lui ferais: si l’univers reste bien développé, il n’y a pas vraiment d’autopsie de cette société ou les gens ne meurent que de vieiliesse. Alors au mieux apprend t-on que du coup la population humaine a appris très vite à se réguler (ils ne sont que 2 milliards sur Terre), que la médecine n’existe que pour les animaux (uniquement les humains sont immortels) et que les duos comiques passent leur temps à se buter mutuellement pour le fun.
Bref ça pourrait aller plus loin mais la priorité de l’auteur semble être avant tout de poser une série mi-action mi-mystère, avec des rebondissements réguliers et des enjeux narratifs assez importants.
Du coup faut avouer que ça se lit très bien. Le manga est sanglant sans être gore, ne semble masquer aucun sujet et se révèle tout de même pas trop mal écrit. Visuellement, ça fait le taff avec un style de prime abord assez vide en décors (beaucoup de fonds blanc) et un chara-design plutôt simple mais plus on avance plus le style de l’auteur semble se peaufiner, au point de commencer à faire débarquer des personnages au visuel un peu plus remarquable et de doter ses cases de décors bien plus intéressants pour l’oeil. Pendant les combats y’a tout une sorte de jeu avec le sang – vu que les démembrements sont assez légions, les flaques de sang commencent à un peu envahir l’espace.
Bref, c’est un manga intéressant et un bon seinen action/mystère. Si je pouvais sortir une boule de cristal, je dirais que c’est le genre de manga qui pourrait trouver un petit succès en France, pour peu qu’il soit bien vendu et marketé. Etrangement c’est exactement le genre de titres que je verrais chez Ki-Oon: c’est un peu gore, c’est original, ça parlera vraiment à la cible « jeune adulte » visée par la maison d’édition et, en bonus, c’est dans le même magazine que Bride Stories et Wolfsmund donc ils sont un peu en terrain connu.
(Puis y’a une psychonymphoyolo qui aime torturer des immortels, c’est impec.)
IMPEC.
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