Jeu Vidéo

LA Noire, mais pas que.

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Blablabla jeu Rockstar de l’année 2011 blablabla développé par Team Bondi blablabla événement du mois de mai blablabla visages qui bougent blablabla sept ans de développement blablabla Cole Phelps blablabla enquêtes blablablabla sale pute. Voilà, hop, j’ai fait une intro bateau pour la présentation d’un jeu Rockstar, alors on peut passer au jeu.

Bref, LA Noire est sorti en mai 2011, après un développement chaotique et un peu super dictatorial, et est un peu le Rockstar annuel, d’où une certaine aura qui l’entoure. Aura un peu unique cette année car il faut dire que le jeu se démarque un peu des Red Dead, GTA, Bully et autres Table Tennis en proposant une certaine « innovation » dans le petit monde des jeux bac à sable. Le scénario se passe donc dans la seconde moitié des années 40, à Los Angeles, et nous met dans la peau de Cole Phelps, ex-lieutenant pendant la guerre du Pacifique, héros de guerre et tout juste muté au sein de la police de la ville, où il montre très vite certaines dispositions pour le métier. A partir de là, on est parti pour une aventure d’une vingtaine / trentaine d’heures où on résout des enquêtes, poursuit des suspects, enquête sur des suspects et où on résout des poursuites. Le tout dans un Los Angeles super détaillé et avec un système d’interrogatoire plutôt intriguant, qui est pas du boulot de sale pute.

Notez que dans un sublime effort de redondance je l’ai quand même faite, mon intro bateau.

Et si vous voulez mon avis, là, tout de suite, maintenant, sur le bureau: LA Noire est un bon jeu… qui est en même temps pas un super jeu vidéo. Beaucoup d’imperfections, de défauts, de choses un peu agaçantes… qui auraient pu être sans doute corrigées avec plus de temps mais qui en l’état nuisent parfois à ce qui est, il faut l’avouer, un trip très addictif qui bouffe notre temps comme une sangsue soudanienne.

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LA Noire part sur un postulat très très simple: son Los Angeles n’est pas Liberty City ni l’ouest américain. Ce n’est pas une ville vivante, ce n’est pas une ville dans laquelle on nous incite à nous balader. Si je devais faire une comparaison vidéoludique, le Los Angeles de LA Noire offre autant de loisirs que le Chicago d’un Driver 2. Il y’a bien quelques trucs à y trouver, des monuments à découvrir par exemple, mais ne cherchez pas de quêtes annexes, de cougars sauvages qui vous attaquent en traître où de folles fusillades à effectuer, Los Angeles n’est PAS fun. Et ce n’est pas un reproche, c’est un parti-pris. Parce qu’autrement, la ville a bénéficié d’énormément de soin, avec une retranscription extrêmement précise de la ville de l’époque, aussi bien au niveau des monuments qu’au niveau de la disposition des rues où bien de l’ambiance des quartiers. C’est une zone gigantesque et très précise qui n’est que la spectactrice du jeu, et non pas une des actrices, contrairement à Liberty City par exemple. Non, c’est juste une scène où se passe le coeur du jeu, ses enquêtes.

Et c’est là que le jeu brille. Chaque enquête dure entre une heure et deux heures, peut être effectuée de plusieurs façons différentes et offre toujours un certain nombre de rebondissements où de possibilités. Même si là intervient le premier défaut, mais il est très subjectif: on ne peut pas vraiment BEAUCOUP se tromper. La grosse majorité des affaires se terminent forcément sur l’arrestation de quelqu’un, qui sera pointé du doigt par tous les éléments et le jeu ne vous offrira pas réellement le choix. Et les rares fois où il vous offre le choix, c’est très décevant et ça ne sert à rien. Le problème étant que je ne peux pas dire en quoi c’est très décevant parce que je serais obligé de spoiler. Mais bref, reste que généralement j’aurais aimé qu’on puisse choisir, à la fin de la mission, qui on allait mettre au trou. Et pas devoir inculper le suspect désigné.

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Le second point qui m’emmerde considérablement c’est la notation des cases à la fin, où tout repose sur quatre facteurs: le nombre d’indices trouvés, le nombre d’interrogatoires bien menés, si on a inculpé le bon suspect et enfin les dégats causés dans la ville en cours de mission. Du coup à deux où trois reprises, j’ai eu 4 étoiles sur 5 parce que j’avais fait une enquête parfaite mais que sur le chemin j’avais percuté trois où quatre bagnoles – ce qui arrive d’ailleurs inévitablement en cas de course poursuite automobile. Et là problème:

  • L’IA des automobilistes est une chiure magistrale. Les mecs restent figés sur la route, et bougent pas des masses en entendant la sirène où en te voyant arriver de face. Ils ne voient pas que tu existes et chaque carrefour est une sorte de grand jeu de hasard. Bref, ces voitures cherchent à se faire défoncer.
  • L’IA des piétons est PIRE. Tu fous la sirène ? ILS BOUGENT PAS. Ils continuent à traverser comme si de rien n’était et courent pas la moindre seconde. Ils finissent forcément sur le capot, et toi tu finis avec des frais d’hosto à payer. Youpi !
  • Et en plus tes connards de coéquipiers poussent le sarcasme à chaque fois que tu rayes leur bagnole. Excusez mooooooi d’être le seul à savoir conduire dans cette ville.
  • La ville est grande donc parfois on roule sur des très longues distances, histoire d’augmenter les risques au max.

Bon, après, il y’a un système de conduite automatique, où c’est le coéquipier qui prend la voiture, et ça règle tout. Sauf que du coup on passe à coté des monuments et des quêtes annexes en plus de peut-être passer un peu à coté du trip. Mais bon, c’est un choix à faire si on veut le cinq étoiles.

PARCE QUE Y’A UN SUCCÈS A LA CLÉ QUAND MÊME ! C’EST IMPORTANT !

L’autre atout de LA Noire, c’est ses phases d’interrogation et, plus globalement, ses cinématiques. Les mecs de Team Bondi ayant usé d’un procédé technique nommé le trucmuchevisagechose qui est grosso modo du motion capture classique avec un soin apporté très précisément aux expressions du visage. Je mentirais si je disais que ce n’était pas impressionnant, car c’est franchement très agréable à voir et quand je suis repassé sur un vieux jeu derrière (ici Assassin’s Creed II), j’ai été un peu stupéfait par le manque de détails sur les visages. Là non, chaque personnage à sa propre gueule, sa propre voix, ses expressions, ses tics, c’est vraiment super agréable à voir et c’est le genre de truc technique qui peut apparaître comme un détail mais qui est vraiment le genre de chose qui rajoute une vraie plus-value et qui mérite d’être exploité plus en profondeur chez les développeurs qui ont les moyens techniques et financiers de le faire.

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Son usage pendant les interrogatoire est, même si toujours impressionnant, beaucoup moins habile. En effet, pour trois-quarts des suspects, mentir consiste à surjouer ! Et de manière totalement abusée histoire de ne rien gâcher ! Bref, quand le jeu vous dit que ceux qui mentent ont tendance à « regarder ailleurs », le jeu ne ment pas parce que les mecs se mettent soudainement à te regarder le plafond de manière super impressionnante genre y’a une femme à poil dessus. Bon, de l’autre côté, c’est quasiment justifié dans le sens où plus la personne surjoue, moins on sent c’est une « experte » du mensonge et de la manipulation – c’est souvent les péons et les petits témoins qui vous feront ce genre de scène, les grands méchants ayant souvent un peu plus de subtilité. Enfin en tout cas, je me souvenais m’être plaint à mort du système de tic de Apollo Justice qui était giga précis et giga migraineux, là on a un peu l’inverse sur l’échelle et eh, c’est plus agréable.

Pour les interrogatoires, ça fonctionne de manière simple puisque grosso modo le témoin fait la déclaration et on doit choisir entre trois options: Vérité (si on pense qu’ils sont totalement dignes de confiances, yeah – le genre d’option que tu choisis plus dans les affaires finales, où tout le monde ment soudainement comme des arracheurs de dents), Doute (si on sent que le mec ment mais qu’on a pas de preuves, dans quel cas on va leur foutre la pression où dire que c’est pas logique tout ça dis donc) et Mensonge (où on fout une preuve sous le nez du mec et où on lui montre par a+b qu’il a TORT, qu’il MENT et qu’il est une MERDE.)

Conseil à ceux qui n’ont pas joués: n’hésitez pas à spammer le bouton de Mensonge. Pour une raison simple: quand on choisit le Mensonge, on a un petit dialogue supplémentaire suivi de la sélection de preuve et on peut ensuite se retracter et faire comme si rien ne s’était passé et retourner au choix Mensonge/Doute/Vérité. C’est très pratique parce que les mecs de Bondi ont parfois été stupides – il arrive à trois où quatre reprises que la chose qu’on doit « prouver » dans le mensonge n’a RIEN A VOIR avec le truc qu’on devait prouver avant de choisir le mensonge. Bref parfois on dit doute parce que le visage du mec regarde ses chaussures de manière naïve mais on a pas de preuve sur le truc où qu’on voit où le jeu veut en venir, et on se fait niquer parce qu’en fait fallait choisir mensonge, lire le dialogue qui aurait déboulé et là on aurait vu ce qu’il fallait faire. Un peu bête. Et ça peut te niquer une affaire !

Sur la fin du jeu, je dois avouer qu’a plusieurs reprises j’errais un peu continuellement dans une sorte de doute pour beaucoup d’interrogatoires, parce que justement c’était jamais très clair ce qu’on me demandait. A certaines reprises j’étais certain que présenter une preuve allait mettre le type dans l’embarras mais non, fallait douter (alors qu’on avait la preuve ? Où un truc qui y ressemblait ?) où en présenter une autre bien précise. Bref, pas toujours clair, et ça peut sortir là aussi un peu du trip.

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Par contre, j’aime beaucoup l’histoire et les personnages de ce jeu. Les affaires en elle-même ont des minis histoires souvent assez bien ficelées, avec un coupable pas toujours évident de prime abord (ce qui est d’autant plus vrai dans les affaires de la brigade criminelle où on découvre que le monde entier semblait vouloir la mort de votre victime) sur lequel peu à peu viennent, se rajouter des petits fils rouges qui arrivent à lier chaque affaire avec une autre, de manière assez intrigante. En outre, chaque brigade vous mettra en collaboration avec un partenaire – parce que les flics de la LAPD font tout en duo – qui sont souvent riches en couleur et tous assez différents, mon préféré restant ce brave Stefan Bekowky qui est un gros glandeur et une grande gueule très sympathique, en plus d’être sans doute le seul partenaire mentalement sain où qui ne soit pas une sale pute.

Mais sinon, j’ai vraiment adoré son héros.

Cole Phelps n’est pas une saloperie. Comme John Marston il a une famille (qu’on verra globalement peu), il a un passé de vétéran de la guerre du Pacifique qui fait qu’on sait qu’il en a vu des vertes et des pas mûres et il a un caractère étrangement sociable, et on sent le mec qui en veut, qui veut aider la société. Incorruptible, impossible à impressionner et avec un visage étrangement sympathique en permanence, c’est un héros inattaquable et un rare exemple d’excellent personnage Lawful Good dans le petit monde du jeu vidéo. Le mec protège la loi mais il a aussi des sentiments et il sait qu’il a aussi des responsabilités. Il ne semble jamais affecté à première vue par les scènes horribles sur lesquelles il doit enquêter mais on lui découvre au cours du jeu quelques faiblesses et ses colères, rares, en sont d’autant plus impressionnantes. Et il a beau lui arriver quelques saloperies au cours de l’aventure, il s’en relève toujours. Jusqu’a la fin du jeu.

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Enfin, version française… y’a un gros problème ! Alors c’est pas du tout au niveau du travail en lui-même parce qu’on y retrouve la qualité habituelle aux titres traduits par Around the World: sous-titres impecs, léger travail d’adaptation avec les habituelles références déguisées à la classe américaine où à la cité de la peur. Non le problème c’est que les sous-titres en eux-mêmes sont parfois illisibles et on du mal à « ressortir » – ce qui est loin d’être pratique quand on doit les lire tout en conduisant – et le sous-titrage des documents retrouvés dans le jeu empêche, tant qu’ils sont affichés, de pouvoir continuer la lecture / la quitter. Chaque lecture de documents peut donc durer des plombes non pas parce qu’on lit lentement mais parce qu’on doit attendre que le sous-titre se barre pour pouvoir continuer, et ça plombe le rythme méchamment, surtout quand on doit lire un putain de rapport de médecine giga long avec des sous-titres qui prennent bien leur temps. Ah, si on pouvait au moins les contrôler !

LA Noire est donc, grosso modo, un très bon « film interactif » – ici, on peut peut-être même parler de série télé interactive avec son découpage en épisodes d’une heure .Les grosses qualités du jeu se retrouvent ainsi dans l’écriture du jeu avec, on le sent, peu de priorités dédiées au gameplay. Je pense qu’il n’est pas une mauvaise idée de voir LA Noire comme un Heavy Rain openworld et, surtout, un Heavy Rain bien écrit et dans une ambiance unique. On ne joue pas vraiment à LA Noire et les rares fois où le jeu se base uniquement sur la notion de « jouer », il n’est que rarement transcendant (quoique le gunfight du niveau final est assez palpitant.) Non, LA Noire est un jeu dont on est spectateur plus qu’autre chose et ce n’est pas foncièrement un défaut. Il faut juste savoir à quoi on va avoir affaire pour ne pas être deçu. Dans tous les cas, et le plus important, c’est que j’ai beaucoup apprécié cette trentaine d’heures passé en compagnie de Cole Phelps et ses potes, et que je regrette qu’il y’en ai pas deux fois plus mais eh, on peut pas tout avoir. Surtout si on part du principe qu’un jeu deux fois plus long aurait nécessité douze ans de développement au lieu de six, et autant de pauvres programmeurs et créateurs vidéoludiques détruits par la vie.

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