Mangas & Animes

iShoujo – Pacte du cul

Le sujet de cet article a été choisi par le biais d’un sondage auprès des mécènes qui me soutiennent sur Patreon !

 

Il y’a deux semaines, j’évoquais de manière légère et détendue l’histoire récente du Shonen Jump en classant toutes les séries des années 2010 et en prenant comme seul et unique critère la qualité des couvertures. Un article fun à faire et qui surtout mettait en exergue que même si le Shonen Jump est sans doute le magazine le plus connu à l’international, et le plus influent, en France nous ne réceptionnons qu’une quantité ultra limitée des mangas qui y sont publiés. Nous n’en voyons ainsi que les succès, que les séries qui se sont maintenus plus d’un nombre conséquent de tomes. Et ces séries là, ce n’est qu’une infime minorité des séries lancées dans le magazine.

Tenez, laissons les chiffres parler, et prenons trois années du Shonen Jump, en l’occurence 2013, 2014 et 2015. En 2013 c’est dix séries qui ont débutées au sein du Shonen Jump. Parmi ces dix séries, seulement trois 1 ont dépassées la barre du quatrième tome. En 2014, c’est quatorze séries qui ont débutées au sein du magazine et il y’en a que deux 2 qui ont dépassées la barre du quatrième tome. Enfin, en 2015, c’est treize séries qui se sont lancées et, ça va, y’en a cinq 3 qui ont pu passer le cut.

Donc vous comprenez, là, juste sur trois ans, on a trente-sept séries qui ont démarrées, dix qui ont tenues plus de trois tomes et vingt-sept qui pourraient être considérées comme des « échecs. »

Mais « échec » c’est un mot sévère.

Je trouve.

Car je vais pas vous mentir, j’ai de l’affection pour ces petites séries, et c’est une des raisons pour laquelle je me passionne de plus en plus pour l’histoire du Jump: pas forcément pour les « grandes séries » que tout le monde connait mais pour retrouver au maximum ces séries oubliées, méconnues, mal estimées. J’aime bien les lire et essayer de comprendre ça a pas marché. Qu’est-ce qui fait que telle série a bidé. J’aime aussi parfois voir les « débuts » d’auteurs qui derrière vont cartonner: qu’est-ce que Tite Kubo faisait dans Zombie Powder qu’il ne fera plus ou réutilisera dans Bleach ? C’est intriguant.

Enfin, ce n’est pas la première fois que je dédie un article à une série « avortée » du magazine, j’en ai ainsi déjà évoqué deux. En 2014, c’était le coeur lourd que je dédiais un article à Double Arts, série de Naoshi Komi terminée de manière abrupte malgré une popularité montante. Encore aujourd’hui, personne ne comprends pourquoi la série s’est terminée comme ça, et on rêve encore souvent d’un retour de l’auteur vers un univers qui se révélait être extrêmement prometteur. 

JE REPOSTE LES COUVERTURES CAR JE SAIS QUE VOUS AVEZ BESOIN DE PLEURER

Mais avant ça, en 2013, je prenais déjà l’angle du « parlons d’une série morte-née du magazine » et j’évoquais alors Pajama na Kanojo de Hamada Kousuke, une comédie romantique avec un pitch original mais qui s’effondrait assez vite, et on sentait dès le dixième chapitre la patte d’un éditeur stressé qui emmène l’auteur dans un labyrinthe d’idées foireuses pour essayer de « sauver une série » dont la popularité ne crevait jusque là guère l’écran. Spoiler: non seulement ça a pas marché, mais ça a laissé de mauvais souvenirs à tout le monde.

Il est temps donc de mettre sous le spotlight une troisième série méconnue du Jump, partie trop tôt. J’ai demandé à mes patrons de choisir entre trois séries récentes et a donc été choisi un titre que j’avais décrit comme « La Fille des Enfers mais version romcom cul. » Je pense que la punchline a su toucher au corps et en coeur car, voilà, on est parti pour parler de iShoujo.

Comme vous vous en doutez après cette intro, iShoujo est donc un « rejeté » du Jump. La série a durée trois tomes, et la publication a démarrée en février 2014 pour se conclure en septembre 2014, après exactement vingt chapitres. Mais avant de parler de la série, parlons de son auteur, Takayama Toshinori. Car c’est toujours sympa de voir d’où il vient ! Et il semblerait que ce soit un auteur qui soit très vite tombé sur le radar de la Shueisha. Il faut dire que tout commence quand, âgé de vingt-cinq ans, il remporte une mention honorable au Prix Tezuka pour l’un de ses one shots.

Cela l’aide à se faire remarquer et il sort en 2008 son premier job « commercial » en tant qu’illustrateur d’un bouquin qui est sur un sujet… auquel vous ne vous attendez certainement pas.

Et oui, c’est un bouquin qui est, tout simplement, pour schématiser, « La Structure de Contrôle Pour les Nuls. » Les ingénieurs, les programmeurs et les electriciens qui lisent ce blog comprendront sans doute ce qu’est une « Structure de Contrôle », moi je sais pas, c’est ni ma spécialité ni mon jargon. Dans tous les cas c’est un livre qui se veut spécialisé, pointu, pédagogique et ça peut vous faire penser à des oeuvres qu’on a vu débarquer dans le monde anglophone comme « The Manga Guide To Biochemistry » ou « The Manga Guide To Microprocessors » et c’est tout à fait normal ! Les « Manga Guide To » ne sont que des traductions de bouquins édités au Japon par la maison d’édition OHM et regardez quel logo il y’a en bas à droite de la couverture qui se trouve au dessus de ce paragraphe ? Vous voyez un « OHM » rouge, non ? Bingo.

C’est donc une première expérience, et derrière il va participer à l’illustration de deux autres bouquins dans le genre (en l’occurence le premier sur les semiconducteurs et le second sur le fonctionnement des circuits électriques – dispo en anglais si ça vous intéresse -) avant d’enfin faire du manga pur et dur. J’imagine que c’était le rêve de sa vie, qu’il voulait un peu concrétiser sa mention honorable, enfin lancer sa série, donc il a du envoyer des pilotes et des concepts à la Shueisha. Là j’imagine que la Shueisha ils ont vu que niveau écriture de série c’était pas top mais qu’il avait un coup de crayon qui valait le coup d’être exploité. Donc ils l’ont mis sur une série.

Une série qui s’appelle Vongola GP.

Vous connaissez le magazine Saikyo Jump ? Non ? C’est normal c’est pas très intéressant. En gros, c’est un magazine fondé en 2010, publié tous les deux mois, et qui se spécialise dans UN truc bien précis: les parodies des séries du Shonen Jump. Vous vous souvenez peut-être de la série Rock Lee, publiée en France chez Kana il y’a fort fort longtemps ? C’était une série Saikyo Jump. Y’a eu une série Toriko, une série Dragon Ball, une série One Piece… C’est là qu’est publié en ce moment Koro-sensei Quest, aussi, par exemple. C’est vraiment un magazine à but purement fanservice et qui existe que pour compléter le Shonen Jump et produire quelques séries qui ramèneront de l’argent « facile » grâce à des licences connues.

Mais c’est aussi, pour la Shueisha, un moyen simple de faire débuter de nouveaux auteurs ! Envie de « tester » un talent ? Rien de plus simple que de lui confier une « petite » série aux enjeux assez minimaux. C’est ingrat, mais ça permet de former à moindre frais un illustrateur prometteur. Et donc, avec Vongola GP, on confie à Takayama Toshinori une parodie de Hitman Reborn! centré sur des courses auto un peu débiles. Pourquoi pas, après tout.

Le manga va durer deux ans, pour un total de trois tomes, et vu que le rythme d’un chapitre tous les deux mois ça laisse du temps, Takayama va faire deux autres trucs en parallèle. Le premier truc c’est qu’il va se retrouver chargé d’une séconde série au sein du Saikyo Jump avec Gurume Gakuen Toriko, parodie de… euh… Toriko. Il va jouer sur cette parodie un rôle différent de Vongola. Car si il était sur la parodie de Reborn auteur ET illustrateur, il est sur Gurume Gakuen Toriko qu’auteur. Normal, puisque ses talents d’illustrateur il les garde pour le light novel Metal Jack!

Pas grand chose à dire là dessus: la publication de Metal Jack! se termine vite et fin 2012, notre cher auteur qui jusque là bossait sur trois fronts à la fois… Se retrouve sans rien à faire. Enfin j’imagine surtout que à partir de là il va dédier l’année 2013 à travailler sur une série qu’il veut proposer au Jump. Et en février 2014, dans le numéro 2014.12 du Weekly Shonen Jump, devinez ce qui démarre ?

EH OUI C’EST iSHOUJO !

Là vous vous dites « il va enfin pouvoir nous parler de iShoujo car là ça fait 1430 mots que je lis, et j’ai toujours aucune idée de ce dont parle cette foutue série. » Votre patience est belle, je ne sais pas si elle sera récompensée, mais avant de présenter vraiment la série, juste une petite mise en contexte: début 2014, le Weekly Shonen Jump est dans une position confortable. En effet, en 2012 et 2013 sont arrivés quelques séries qui ont permis au magazine de se renouveler:  Nisekoi, Shokugeki no Sôma, Haikyuu mais aussi et surtout un certain Assassination Classroom, devenu extrêmement vite un manga populaire ET ultra vendeur. Si on rajoute à cela la présence de quelques autres mastodontes comme Naruto, Bleach, Kuroko no Basket, Gintama, Kochikame, Toriko et, évidemment, One Piece, le magazine n’a vraiment pas à se plaindre et peut se targuer d’avoir une dizaine de séries populaires et bankable… et Beelzebub 4.

Donc les mecs à la Shueisha, ils sont détendus. Ils tentent même des expériences, comme refiler une série à Ryogo Narita, l’auteur de Baccano et Durarara. Ca s’appelle Stealth Symphony, ça marche pas mais, eh, ils sont en position de prendre des risques. Du coup autre risque qu’ils prennent: lancer une seconde comédie romantique dans les pages du magazine.

Et c’est là que iShoujo débarque.

Je l’ai déjà dit dans pas mal d’autres articles sur des séries du Jump mais la comédie romantique, au sein de ce magazine, ça a très longtemps été compliqué. Au moment où iShoujo démarre, des séries de romcom qui ont vraiment fonctionnées dans le magazine, il y’en a très peu: Kimagure Orange Road, Video Girl Ai, I »s, Ichigo 100%, To-Love Trouble et le alors tout jeune Nisekoi. En 45 ans d’histoire, que six séries non seulement ça fait très peu mais, surtout, jamais ces séries ont fonctionnées simultanément. Il y’a toujours eu UNE comédie romantique à succès dans le magazine, jamais DEUX simultanément. Et il y’a aussi eu de longs moments sans romcom, car après tout on sent bien que c’est pas la passion du lectorat du Jump qui, passé les années 90, n’est finalement intéressé par les histoires d’amour que si y’a des loches et des culottes.

Mais ça c’était avant Nisekoi ! Car on est début 2014 et malgré l’absence de vrai fanservice charnel omniprésent, le manga de Naoshi Komi cartonne bien, monte chaque volume un peu plus en puissance et offre à ses lecteurs une comédie romantique qui met l’accent sur la comédie et sur ses personnages, sans montrer de loche ou de culotte. 

Où est donc le fanservice ? Le graveleux ? Les jeunes filles mises dans des positions embarrassantes ? Les jeunes garçons victimes « d’heureux accidents » ? Il y’a donc un créneau à prendre, et c’est iShojo qui va s’y frotter.

Le concept de iShojo il est simple: ici on ne suit pas UN ou UNE protagoniste. On va suivre une ribambelle de petites histoires et chaque histoire va tourner autour d’un héros différent. Ces histoires vont être reliées entre elles par trois éléments:

1/ Un univers commun, en l’occurrence tout se passe dans le même lycée. Certains personnages vont donc réapparaître plusieurs fois et il n’est pas rare que les protagonistes d’une histoire fasse un caméo ou disent quelques lignes dans l’histoire suivante.

2/ Une application de smartphone mystérieuse dans lequel on retrouve un personnage nommé « iBis » qui va donner au téléphone du héros un pouvoir unique qui sera le déclencheur de nombreuses scènes rocambolesques mais qui permettront, à terme, de permettre au héros de « résoudre son souhait » (qui souvent implique de finir en couple avec la fille pour qui il a un crush.)

3/ Les histoires se terminent jamais mal.

Ce dernier point est important.

Car vous connaissez le concept de « pacte faustien » ? Vous l’avez vu dans pas mal d’oeuvres de fiction mais je vais ici prendre l’exemple de la Fille des Enfers, qui non seulement illustre bien le concept mais en plus résonne bien avec le fonctionnement de iShoujo.

Dans La Fille des Enfers on a donc là aussi une compilation de plein d’histoires qui vont tourner autour de « La Fille des Enfers », un personnage qui apparaît dans la vie d’une personne pour offrir à cette personne un souhait, souhait qui dans ce manga là va tourner autour de la vengeance. La Fille des Enfers va donc venger la personne qui a souscrit le contrat, la personne en question va d’abord être jouasse d’avoir obtenu satisfaction, mais évidemment tout ça est un piège, ça va se retourner contre elle et à la fin tout le monde est malheureux. Voilà le pacte faustien: quand un être surnaturel te proposes d’exaucer un de tes plus gros souhaits, mais où celui-ci te trompe et te propose en fait un contrat désequilibré, où au final tu auras ce que tu souhaites mais tu vas le payer beaucoup plus cher que si tu l’avais fais toi même.

iShoujo ça va être un… pacte faustien inversé ?

En gros chaque histoire c’est un schéma simple: un personnage est mal dans sa peau, se retrouve dans une situation foireuse, a un crush sur une fille mais est bloqué, bref ça va pas. Il va tomber sur l’application, rencontrer iBis (qui souvent fait autre chose que son taf), iBis va lui filer un pouvoir intéressant, le héros va pas trop comprendre comment bien s’en servir, ça va créer des situations très compliquées à gérer mais c’est l’expérience de ces moments intenses qui vont aider le protagoniste à se révéler, à reprendre confiance, à attirer l’attention de son intérêt amoureux et, au final, ce n’est pas son souhait de base qui va être exaucé: c’est son souhait le plus profondément enfoui, un souhait que parfois le personnage n’avait même pas conscience d’avoir.

Donc pendant trois chapitres il galère, on rigole, et à la fin il ouvre les yeux sur son véritable souhait, celui-ci est exaucé, lui et l’héroïne finissent ensemble car l’héroïne aussi avait un crush sur le mec depuis le début et tout le monde est content. Et à iBis de regarder ça de loin et de faire « ha c’est trop sympa les interactions humaines. »

Puis de dialoguer avec le lecteur. Car c’est un personnage qui existe aussi pour nous parler. Et parfois par la même occasion « éclaircir » des points du scénario qui nous peuvent nous paraître troubles.

En trois tomes c’est huit petites histoires que iShoujo développe. Sachant que sur ces huit histoires, deux ne durent qu’un seul chapitre: le premier est un chapitre qui semblait avoir vocation à avoir une suite plus tard dans le manga, et le second est le chapitre épilogue, qui voit le lecteur partir en rendez-vous galant avec iBis qui, pendant vingt pages, explique différents concepts évoqués tout le long de l’histoire et nous amène vers une fin… dont je parlerais plus tard dans l’article. Les six autres histoires, elles, durent de deux à quatre chapitres et, pour vous donner une idée, proposent les concepts suivants:

  • Un garçon qui veut connaître les « three size » de son amie d’enfance et se retrouve avec une application capable de la toucher à distance, afin d’en fait se rendre compte que ce qui veut connaître c’est pas les three size c’est si elle est amoureuse de lui
  • Un garçon timide et reservé qui se retrouve avec une application qui attire toutes les filles vers lui, et il sait pas si il doit s’en servir ou pas auprès de la fille qu’il aime (sauf qu’il va se rendre compte qu’il a pas besoin de cette app pour l’attirer.)
  • Un karateka qui aime secrètement sa rivale, elle aussi karateka, et se retrouve avec une application qui fait apparaître une « copie » de cette jeune fille
  • Deux jeunes tourtereaux timides (dont une fille secrètement idol) qui se retrouvent propulsés dans une application RPG et doivent collaborer pour s’en sortir 
  • Un garçon qui a une application qui lui permet de devenir invisible et essaie d’en profiter pour aider une camarade de classe qui est dans une situation un poil tendue
  • Enfin, un jeune garçon asocial et misanthrope qui se retrouve avec une application au pouvoir simple: à chaque fois qu’il tweete un truc, ça devient réalité. 

Vous l’aurez constaté, la majorité de ces pitchs permettent d’installer des situations que Jean-Luc Reichmann pourrait qualifier de « coquiiiiiiine. »

J’avais prévenu plus tôt: l’objectif de iShoujo était clairement de remplir le créneau « fanservice et nudité » qui, dans le Jump, restait inoccupé depuis To Love Trouble. Et quand on y pense, les similarités entre les deux oeuvre se remarquent: là où To Love Trouble fonctionnait sur un rythme simple, où la plupart du temps un chapitre était basé une invention de Lala qui tourne mal et qui amène de drôles de conséquences, dans iShoujo une histoire est basée sur une application de iBis qui tourne (pas si) mal et qui amène de drôles de conséquences. Dans les deux cas, l’objectif étant d’amener de l’humour, de la romance et des lycéens dans des positions gênantes impliquant culottes et poitrines. Et si possible de voir des culottes et des poitrines variées avec dans les deux cas un très large casting de personnages. 

Mais là où To Love Trouble avait eu une grande longevité au sein du magazine (18 tomes), iShoujo n’a pas pu dépasser les trois. Quelles sont les différences qui pourraient l’expliquer ?

Il me semble il y’avoir trois explications qui ont pu expliquer un manque de popularité au sein du magazine.

La place de iShoujo dans le sommaire du Jump et, comme vous pouvez le voir, ça a été une longue dégringolade: il y’avait à l’époque entre 20 et 22 séries au sein du magazine.

 

Déjà, le format particulier de « l’anthologie d’histoires » est risqué car très inhabituel, pour ne pas dire unique, au sein du Shonen Jump contemporain. Quand on y pense c’est plutôt bien adapté à un magazine de prépublication (n’importe qui peut prendre le train en marche sans problème car y’a une chance sur trois qu’un Shonen Jump contienne le premier chapitre d’une nouvelle histoire) mais le lecteur « habituel », celui qui lit semaine par semaine, il va sans doute préférer une histoire qui le lie à des héros bien définis, qui ne changent pas, et qu’il sera heureux de retrouver régulièrement.

Tu sens que ce souci, l’auteur de iShoujo en est conscient: plus on avance dans le manga plus iBis apparaît souvent, au point d’avoir un arc où elle fait même office d’antagoniste aux personnages (en jouant le rôle d’un boss final de RPG.) Là ou dans le premier tome elle était là juste pour filer l’application et faire un petit épilogue à la fin de chaque arc. Il augmente également la fréquence des caméos dans les chapitres, et va faire en sorte qu’on aperçoive plus régulièrement les héros des histoires précédentes, histoire de créer un plus large sentiment de continuité. 

Mais même si ces efforts sont sincèrement intéressants, il reste que le format n’est peut-être pas adapté au public du Jump.

Second point: iShoujo reste sympa… mais sans plus.

C’est une lecture que j’ai jamais trouvé désagréable mais j’imagine que dans un magazine ou à on avait en même temps du One Piece, du Shokugeki no Soma, du Assassination Classroom, du Haikyuu, du Nisekoi, du Naruto, du Kuroko no Basket (qui était à l’époque dans le match qui opposait Kuroko à Akashi)… bah c’était pas la série qui reste le plus en mémoire. Donc déjà niveau sondage de popularité c’était assez compliqué: je rappelle que les bulletins vous demandent de voter pour vos « trois chapitres préférés » et si iShoujo était agréable, il était jamais dans ce top 3. 

Et puis il y’a la fameuse barrière du ecchi qui veut, comme on a pu le voir avec I »s ou To Love Trouble, fait que ces oeuvres ont naturellement moins de votes car sont moins « assumées » que le reste. Ce qui fait que souvent on se reporte sur les ventes des tomes reliés pour jauger le vrai potentiel commercial d’une série, et la faire survivre dans le magazine.

Et, hélàs, iShoujo s’est peu vendu. 

Et là arrive mon troisième point, et il va être un peu dégueulasse… mais ancré dans une terrible vérité: iShoujo était pas assez érotique pour fonctionner.

Parce que à votre avis pourquoi To Love Trouble a fonctionné ? Parce que tétons non censuré et situations de plus en plus limites.

Pourquoi début 2016 Yuuna de l’auberge Yuragi a vendu en un mois 100 000 exemplaires de son premier tome alors que dans le sommaire il était pas bien haut ? Parce que entre la prépublication magazine et les tomes, ils ont enlevés la vapeur et les jets de lumière et ils ont libérés les tétons. 

iShoujo, lui, restait un poil trop conservateur et si on avait culotte et situations étranges, ça n’allait finalement pas assez loin pour « susciter l’interêt. » Il y’avait des situations inédites mais rien que To Love n’avait déjà fait. Et même si le style de Takayama est plaisant, quand à côté y’a Kentaro Yabuki qui donne tout dans To Love Darkness, le vrai porte avion de la flotte érotique de la Shueisha, bah c’est dur d’exister.

Et tu sens que Takayama tout ça il le sait et qu’il a envie d’aller plus loin: plus on avance plus les histoires sont aguicheuses, mais plus il reste frustré par les limites que la Shueisha lui a donné. Cas étrange où tu sens que les intentions de l’auteur sont d’aller plus loin mais qu’il peut pas y arriver à cause du format de sa série.

Donc ces trois éléments font que, logiquement, le vingtième chapitre annonce la fin de iShoujo…

… Et annonce le début de iShojo+.

Vous connaissez le Shonen Jump+ ? Peut-être mieux que le Saikyo Jump. 

Il s’agit d’un magazine numérique, facile d’accès, où sont publiés en exclusivité un grand nombre de séries, souvent liées de près ou de loin à d’autres séries du Jump ou à des grands auteurs de l’histoire du Jump. C’est dans le Jump+ qu’a été publié ou est toujours publié des séries comme Kiss X Death (série de Yasuhiro Kano, auteur de Pretty Face et mx0), elDlive (de Akira Amano, l’autrice de Reborn), Magical Patissiere Kosaki-chan (spin off de Nisekoi), L’etoile (spin-off de Food Wars) mais aussi plein de séries inédites comme Fire PunchWorld End’s Harem ou bien encore Darling in the FranXX (la version dessinée par Kentaro Yabuki.)

Mais c’est aussi parfois dans le Jump+ que sont transférés des œuvres dont la Shueisha considère qu’ils n’ont rien à faire dans le Shonen Jump mais que y’a un potentiel à exploiter… et des limites à transgresser. En effet, le Jump+ est clairement moins « bon enfant » que le Weekly et on y trouve aussi bien de la violence relevée (salut Fire Punch) que de l’érotisme un poil plus agressif (Kosaki-chan vous offrait la possibilité de voir les tétés d’Onodera, Darling in the FranXX arrive à insérer de la nudité là ou l’anime n’osait pas et World’s End Harem est plutôt borderline.) Un endroit parfait pour permettre d’y faire s’y épanouir iShoujo, qui va donc gagner en possibilités, en ambition…

… et donc en tétons.

Colorisés.

iShoujo+ va lui être un mini succès: si niveau ventes c’est pas fifou pour autant, la série va quand même se maintenir de septembre 2014 à avril 2017, pour un total de 131 chapitres et quatorze tomes. Pas mal ! 

La série va même disposer d’une version « colorisée », ou un coloriste (ou Takayama lui même, j’ai pas su confirmer l’info) repasse sur chaque chapitre pour le mettre en full color, donc faire en sorte qu’au final l’intégralité du manga exhibe l’intégralité des teintes de l’arc en ciel. Je vais être honnête: je trouve ça dégueu. Déjà parce que les couleurs elles mêmes sont pas top, ensuite parce que Takayama maîtrise plutôt bien le noir & blanc et enfin parce que le style de Takayama lui-même semble s’effondrer au fur et à mesure, ce qui donne des cases assez dégueulasses quand on s’approche du dernier tome. 

Je veux dire, regardez moi ça, c’est pas très beau:

Et c’est d’autant plus rageant que les couvertures du manga elles sont en général plutôt pas mal, avec des bonnes couleurs et des bonnes compos, et on retrouve ça nulle part dans ces versions colorisées qui sont devenu l’édition « de base » si on veut acheter le manga numériquement, par exemple sur amazon. 

Mais à part ça, je n’ai pas grand chose à dire sur iShoujo+ si ce n’est que du coup les histoires vont plus loin dans l’érotisme sans forcément le rendre omniprésent. On a quelques scènes par tome, mais l’auteur se sent pas forcé d’en mettre à chaque chapitre. Y’a aussi un plus gros fil rouge qui s’installe, avec iBis et ses rivales, on en apprends plus sur l’origine de « l’application magique », sur les desseins que ça sert, et puis à la fin ça tourne mal et c’est à tous les personnages aidés par iBis d’intervenir pour sauver le monde.

Rude histoire. 

Ainsi est donc l’histoire de iShoujo, qui montre qu’une série peut se créer au sein du Weekly Shonen Jump, se rendre compte qu’elle n’est pas adaptée au magazine, et peut partir vivre sa vie ailleurs, sans annulation ni catastrophe. Elle rappelle aussi la difficulté d’imposer des formats différents au sein d’un magazine toujours assez ancré dans ses traditions, et fait aussi l’amer constat qu’érotisme sans aréole n’est que partie perdue d’avance. 

Quant à Takayama, la fin de iShoujo+ en 2017 ne l’a pas découragé ! Vous pouvez le retrouver régulièrement sur Twitter à poster des dessins parfois fripons, et il a publié en avril 2018 un one-shot, toujours dans le Jump+, et si je traduis le titre du manga, ça donne quelque chose comme « Un Monde Dans Lequel La Sexualité Signifie Le Pouvoir » donc, oui, j’ai l’impression qu’il a trouvé son sujet de prédilection ! On lui souhaite donc le meilleur~

  1. Isobe Isobe Monogatari, Soul Catcher(s) et World Trigger
  2. My Hero Academia, Hinomaru Sumo
  3. Black Clover, Kagamigami & Mononofu (qui se sont stoppés au cinquième tome) , Straighten Up et Samon the Summoner
  4. Evidemment, c’est à la fin de cette même année que les choses vont se compliquer puisque Naruto et Kuroko no Basket vont se conclure mais ça, à l’époque, le lecteur s’en doutait ptet pas focément. Tout comme il se doutait sans doute pas que l’été 2014 verrait le début de My Hero Academia ou que le tout jeune World Trigger, qui est à deux doigts de se faire sortir du magazine faute de ventes et de popularité, va non seulement survivre mais en plus devenir un méga hit grâce à son anime.
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