Pourquoi l’animation me fait aimer l’animation
Bonjour à toutes et tous ! Le (premier) déconfinement vient de démarrer, on retrouve la joie simple de sortir sans préparer son attestation et moi de mon côté je suis toujours en télétravail pendant au moins trois semaines donc je vais pouvoir essayer de faire des efforts pour recadrer mon rythme de sommeil qui est devenu désespérant et me ramène aux heures les plus sombres de mon histoire: coucher à 6h, lever à 14h (dans le meilleur des cas), je blâme surtout mon addiction récente à The Witcher 3, addiction que je pars donc combattre en essayant de faire autre chose – ici enfin taper un article que j’ai en tête depuis début mars. Ah, début mars ! C’était il y’a deux mois et ça me donne le sentiment d’être simultanément y’a deux ans et deux semaines à la fois ! Je mettais de côté pour un voyage au Japon impromptu que je ne ferais pas faute de chance à la tombola ! C’était le bon temps !
Mais qu’importe – comme vous le savez peut-être déjà, une fois par an je consulte mes patrons les plus fortunés sur Patreon et je leur demande si ils veulent que dans l’année qui va s’écouler je traite un thème en particulier. Commençons donc à traiter les demandes pour 2020, et aujourd’hui je vais donc gérer la demande de Kmeuh qui m’avait proposé comme thème « les meilleurs sakugas. » Thème simple, donc.
SAUF QUE JE VAIS ALLER PLUS LOIN QUE CA.
C’est quoi un sakuga pour rappel ? C’est, tout simplement, un « cut » d’animation. Rien de plus, rien de moins, ça n’a aucune considération qualitative – un sakuga est un sakuga. Donc j’aurais pu partir très littéralement sur le thème des « meilleurs sakugas » et vous recenser mes cuts favoris mais, en fait, je vois dans ce thème surtout enfin une opportunité d’enfin poser clairement les raisons pour laquelle j’adore l’animation – et plus particulièrement l’animation japonaise. Et pourquoi de plus en plus je considère l’animation comme une des choses les plus importantes à mes yeux au sein… d’un animé.
Je dis « de plus en plus » car ça n’a évidemment pas toujours été le cas ! Je faisais partie, jusqu’à il n’y a pas si longtemps, de ce genre de gars susceptible de dire cette opinion qui aujourd’hui m’hérisse un peu le poil: « non mais le plus important dans un animé c’est l’écriture. » Rah ça m’énerve rien que de l’écrire.
Pourquoi ça m’énerve ? Parce que c’est devenu une mantra, je vois cette phrase établi comme une vérité générale récitée partout autour du web, dans des contextes plus ou moins pertinents. Si tu lis les réseaux sociaux, les commentaires, les discussions autour d’un animé, tôt ou tard, tu vas avoir un gars qui va rappeler que le plus important c’est l’écriture. C’est établi, personne le remet en cause alors que plus ça va, plus j’ai le sentiment que… bah euh si… faut le remettre en cause.
Premier point: c’est quoi « l’écriture », en fait ? C’est l’intrigue ? La narration ? Les personnages, leurs caractères et leurs développements ? Le rythme ? Les dialogues ? Le message ? La morale ? C’est un terme parapluie qui englobe une multitude de choses… qui ne désignent absolument pas la même chose. Quand vous dites « l’écriture de cette série est nulle », vous parlez de quoi, au juste ? La ribambelle de connards qui viennent pour dire que Demon Slayer c’est écrit à la bite, ils viennent reprocher exactement quoi ? A l’inverse quand vous dites que Le Rakugo ou la Vie est une série incroyablement bien écrite, ok, mais plus précisement ? En gros c’est un terme passe-partout assez feignant qui veut à la fois tout et rien dire, qui permet à pas mal d’esprits de juste dire « non mais c’est mal écrit » sans se casser le cul à forcément détailler. Jsais pas, par exemple, tu peux avoir la meilleure intrigue du monde, si tes personnages sont nuls et que tu sais pas narrer tes rebondissements ou juste réussir à nous faire comprendre ce qui se passe, c’est loupé. Bref, c’est flou. C’est une des raisons pour laquelle j’ai viré le prix de « meilleure écriture » au sein des Minorin, en attendant surtout de trouver une dénomination plus juste et savoir ce que au juste je veux qu’on célèbre.
Maintenant cela dit, je peut donner l’air de chipoter, mais surtout la vraie raison pour laquelle « l’écriture » d’un animé est pas forcément mon critère n°1 quand il s’agit de juger un animé c’est parce que… cette notion… c’est une notion partagée par l’intégralité des arts qui cherchent à vous raconter une histoire. Cinéma, théâtre, littérature, bande dessinée, séries télévisées, jeux vidéo – vous retrouverez dans chacun de ces arts et dans bien d’autres encore la nécessité de savoir raconter son histoire. C’est pour ça que ça m’énerve un peu quand on me dit que le plus important dans un animé c’est son écriture parce que, surprise, c’est important dans tous les arts narratifs. Si pour toi c’est ça le plus important dans un animé… alors pourquoi tu es à fond sur les animés en particulier, vu que c’est quelque chose que ce média partage avec tous les autres ?
Ce qui est intéressant dans l’animation en particulier c’est donc, logiquement, ce que l’animation peut proposer et uniquement l’animation. Qu’est-ce qui est unique à l’animation ? Plus particulièrement, qu’est-ce qui est unique à l’animation japonaise ? C’est ça qui doit être creusé.
Et donc, effectivement, si je peux schématiser: moi ce que je kiffe dans l’animation c’est que c’est à mon sens sa vraie capacité à créer de zéro une nouvelle réalité visuelle. Et de rendre cette réalité vivante.
Quelque chose que j’ai mis du temps à avoir vraiment conscience – et c’est vraiment Eizouken qui a fini le travail: l’animation japonaise c’est un gigantesque travail collectif. Dans l’Internet où j’ai grandi, on disait en boucle des conneries en attribuant tout et son contraire « aux animateurs. » Les décors sont un peu pourris ? « Lol les animateurs. » La colorisation est un peu loupée ? « Lol les animateurs. » Une frame ratée ? « Lol les animateurs. » J’ai un peu grandi dans cette étrange schématisation où pour la conception d’une série c’était dominé par « »LE STUDIO » » ou y’avait le réalisateur qui décidait tout et derrière y’avait juste « les animateurs. » M’a fallu commencer à vraiment regarder de près tout ce qui était making-off, interviews ou séries sur le sujet (Shirobako, par exemple) pour commencer à prendre conscience de mes idées reçues traînées depuis trop longtemps. Je ne cache pas ces errements: fouillez des articles plus ou vieux sur ce blog pour constater que parfois ça manque de considération pour qui fait quoi.
Alors du coup derrière on découvre que c’est un travail de fourmi, que les postes sont nombreux et multiples, que chaque poste a une fonction très précise, et que même « les animateurs » sont divisés entre plusieurs hiérarchies, entre le directeur de l’animation, les animateurs clés, les intervallistes… C’est débile, mais m’a fallu, quoi, une dizaine d’années pour prendre conscience de la montagne de cerveaux, de mains et de talents pour produire la moindre minute. Et ça, juste en prendre conscience, ça m’a … remis un peu à ma place.
Bon prendre conscience c’est donc pas mal mais ça répond pas à la question sur pourquoi l’animation me paraît importante. Bon, parlons de Kyoto Animation pour commencer.
En règle générale les séries Kyoto Animation sont sans doute celles qui m’ont appris à vraiment faire attention à l’animation et à ce que ça apporte concrètement. Une « belle animation » c’est pas juste utile pour un super combat épique, ça peut être aussi utilisé concrètement pour de la comédie, de la tranche de vie, du mystère… ou même du drame. Je dis une évidence grosse comme la lune, mais ça a longtemps été ma manière de voir l’animation – quand y’a des combats et de l’action c’est important, mais en dehors est-ce primordial ? Encore une fois je n’avais pas pris conscience que par exemple, si dans K-On, je me suis aussi attaché à ses personnages principaux c’est parce que le travail d’animation pour tâcher de rendre ces personnages dynamiques et vivants a été bossé. Un personnage d’animé qui bouge bien, qui gagne en expressivité grâce à une large batterie de geste, c’est un personnage qui attire plus facilement l’œil, qui paraît plus vivant. Qui paraît même plus… réel.
Regardez ce cut avec Reina de Euphonium. Cela suit une scène où elle s’est prise la tête avec une autre camarade de classe et crie sa colère. On aurait pu se contenter de la montrer en train de gueuler pour passer sa frustration mais tout le travail d’animation derrière va ajouter un certain cachet à la scène: mouvement des cheveux pour exacerber sa colère qui sort, tapage frénétique de ses cuisses via quelques tapes pour montrer que plus que l’énerver ça la ronge de l’intérieur.
Ce n’est pas forcément le cut d’animation que vous aurez le plus retenu de Euphonium mais un cut comme un autre où l’animation bénéficie le plus à nous faire instantanément comprendre l’état du personnage, à le rendre plus détaillé, plus dynamique, plus clair. Les dialogues et le son deviennent presque secondaires, presque inutiles pour comprendre ce qu’il se déroule. Je ne suis pas forcément fan de l’idée de présenter les cuts d’animation de manière « muette » (car l’animation reste un immense travail collectif et « retirer » le travail du département son m’a toujours paru un peu ingrat) mais dans cet exemple il illustre un peu où je veux en venir. Ainsi je pense qu’une bonne animation raconte quelque chose sans rien d’autre pour l’accompagner. Retirons les décors, retirons le son, limite retirons le design des personnages, si l’animation en elle-même suffit à comprendre la situation, c’est gagné. Et ici on comprends aisément qu’on a affaire à un personnage non seulement énervé mais aussi frustré, qui s’est longtemps retenu d’exprimer son insatisfaction et peut enfin lâcher la bride.
Bon évidemment, ce n’est pas une généralisation, tout est lié à un contexte précis, évidemment ! Mais ces dernières années, je me suis de plus en plus passionné sur l’animation des personnages, sur ce qu’on appelle en anglais le « character acting. » Et j’avoue avoir de plus en plus de plaisir à voir et observer les différentes manières avec lesquelles des animateurs peuvent travailler sur l’expressivité des personnages.
Prenez KonoSuba: c’est une comédie dont je n’aime pas beaucoup les ficelles. Je trouve ça répétitif, assez grossier, basé sur des personnages qui n’évoluent pas vraiment. Pourtant une raison qui m’a fait « accrocher » à la saison 1 jusqu’au bout c’est que y’a un vrai dynamisme, accompagné d’une mise en scène et d’un style visuel qui permet aux animateurs de s’exprimer pleinement. Les personnages bougent dans KonoSuba, c’est rarement statique, et même si on peut se moquer du design qui, statiquement, ressemble parfois pas à grand chose, bah reste qu’il démontre ses qualités quand on est en mouvement.
Et en soit je saurais même pas vous dire si en terme de qualité pure l’animation de KonoSuba est si bonne que ça: elle me paraît parfois à deux doigts de craquer mais damn elle fonctionne. Je suis à peu près certain que cette animation dynamique, qui passe constamment son temps à permettre aux personnages d’emphaser leurs sentiments, c’est une des raisons du succès de KonoSuba. A titre perso, l’animation m’a aidé à me marrer sur des scènes où, sans elle, je sais pas si j’aurais autant ri. Ça aurait pourtant été la même blague mais une blague ne se suffit pas à elle-même: faut savoir comment la faire.
Après, je parle beaucoup de l’animation des personnages mais rassurez-vous, j’aime toujours autant un bon vieux combat où ça donne tout en terme de direction d’animation.
Un combat rempli d’action c’est toujours ultra cool quand t’as une personne solide pour l’animer. Fluidité, enchaînement naturels, montée des enjeux, démonstration des talents des combattants… Y’a plein de choses à kiffer dans l’animation d’un combat, surtout quand y’a de l’idée. Et ça ça fait des siècles que tout le monde est chaud pour
Que ce soit dans les années 80…
Au tournant du millénaire…
Aussi bien dans les séries pour enfants….
Que dans celles pour les plus grands….
Et l’arrivée de la 3D n’a certainement pas empêché les esprits les plus doués de se lâcher…
Non, y’a rien à faire, des beaux combats c’est cool.
Mais ce que je voulais dire, c’est que faut pas oublier l’importance plus discrète de l’animation en dehors des scènes d’action ! D’ailleurs tout à l’heure je citais Kyoto Animation mais vous savez aussi bien que moi que c’est un studio qui fait figure d’anomalie sur énormément de points et qu’il est difficile à égaler. Même une animation plus minimaliste est toujours un plaisir que je n’irais pas bouder, si elle parvient à faire son office. Parfois même, ce côté « en faire beaucoup avec peu » peut même être tout aussi efficace !
Car au fond il faut aussi se rappeler du contexte de production: l’animation japonaise est un milieu… difficile. Fondé avec des préceptes made in Osamu Tezuka où la priorité était de produire beaucoup en étant peu cher. Pas forcément illogique à l’époque mais c’est des préceptes toujours hélàs d’actualité presque soixante plus tard, alors que l’industrie a jamais brassé autant de grosses thunasses. On en a déjà parlé ici dans un article qui mériterait une ptite mise à jour de ce qu’on aurait pu apprendre en trois ans mais l’animation est surtout un milieu en flux tendu, qui n’a jamais été aussi populaire tout autour du monde, qui n’a jamais produit autant d’oeuvres mais qui vit toujours sur un terreau insuffisant d’animateurs généralement très mal-payés et souvent en situation précaire. Les animateurs, le Japon en manque, il y’a plus de séries produites que de gens au Japon capables d’en produire, mais le système ne donne pas les conditions financièrement suffisantes pour motiver les artistes, et ceux qui tentent le coup vivent un véritable parcours du combattant, où l’exigence est de produire beaucoup et peu importe que tu t’appliques sur ton dessin ou pas, la paie est la même – t’as même peu d’interêt à rester longtemps sur un dessin, à t’y appliquer, car c’est du temps que tu dédieras pas à un autre dessin.
Si l’on voulait être un peu cynique, en observant ce modèle, on pourrait du coup en déduire que la bonne animation, l’animation soignée… c’est presque une anomalie dans ce milieu. Ce n’est dans l’intérêt de « personne » dans le processus de création de s’appliquer sur l’animation tant tout est fait pour inciter que le minimum soit produit, et qu’en faire plus que le maximum soit un luxe risqué. En vrai, si des gens s’appliquent, c’est plus par sens du travail bien fait et… oui… grâce à la passion qu’ils ont pour le travail. Ces animateurs passionnés d’animation, biberonnés à des cuts mythiques qui ont changés leur vie et qui se sont dits « je veux faire des trucs cools comme ça » et qui, voilà, font des trucs cools comme ça.
Ok j’exagère un peu en parlant de miracle d’avoir le droit aussi régulièrement de l’animation de qualité. Disons juste que, en tant que spectateur, je commence à me rendre compte de la chance que j’ai. J’ai l’impression d’avoir été plutôt ingrat pendant plus d’une dizaine d’année, et j’en suis un peu honteux.
Mais voilà on en revient à la question principale: pourquoi de tous les formats et médias qui racontent des fictions, c’est l’animation japonaise qui a mon dévolu ? Les japonais narrent pas des histoires de manière si différentes que le reste du monde, mais ils ont des intrigues relativement originales, c’est un premier point. Ils ont un sens du design qui me plaît et qui, pareil, n’est pas forcément le même ailleurs, ça peut être un second point. Maintenant, force est de constater que c’est l’animation même qui est peut-être ma raison principale depuis toutes ces années, sans que je m’en sois rendu compte. En permettant à de nombreux talents de s’unir pour porter à l’image des univers créés de toute pièce, mon interêt a tout de suite été capté. J’ai toujours été, déjà petit, passionné par l’animation – je me souviens à l’âge de cinq ans avoir pleuré au cinéma parce que Casper était un film « avec des vrais acteurs » et pas un dessin animé. Je sais pas pourquoi mais j’ai toujours été plus attiré par des œuvres qui se coupaient totalement de la réalité en proposant visuellement quelque chose que je ne croiserais jamais en dehors de mes écrans.
En fait si je sais: quand je mate un oeuvre « live » je suis incapable à 100% de me dire que c’est autre chose que des acteurs qui jouent un rôle. Ca va pas m’empêcher d’aimer, mais au bout du compte ça me ramène à notre monde. L’animation, c’est une fenêtre vers la créativité cumulée de ses nombreux contributeurs. Même quand ça souhaite te représenter notre réalité, ça sera forcément une réalité « imaginée », parfois sublimée, parfois empirée, mais dans tous les cas on se retrouve devant une fiction dans son sens le plus « pur. »
Et dans tout ça, l’animation en tant qu’art du mouvement vient contribuer à ce sentiment.
Il est pas étonnant, je pense, que quand âgé de 12 ans j’ai vu Le Voyage de Chihiro je me suis pris une si grosse claque tant le film de Miyazaki pose, à chaque plan, à chaque scène, un univers détaillé, vivant, où ça bouge en permanence. Jusque là mon lien avec les dessins animés c’était les trucs qui passaient dans les Minikeums – donc pas forcément le must de la production – et les films Disney. Ok, Disney c’est des films solides, des films qui m’ont longtemps fascinés quand j’étais gamin, mais honnêtement ? Chihiro prend n’importe quel « grand classique » et le défonce sans s’échauffer. C’était une claque. J’avais plus le sentiment de « mater un dessin animé », j’avais l’impression d’être un esprit visitant un monde parallèle, d’en faire intégralement parti. Les décors, la musique, l’intrigue, la narration, les personnages y ont contribués… mais surtout l’animation, qui s’efforce de rendre chaque membre de ce monde, même le plus insignifiant, vivant.
Donc voilà, je commence à me dire qu’un animé peut accumuler les qualités – avoir une super intrigue bien narrée avec des personnages réussis, une musique de folie, un design bossé et des décors en or – mais qu’au final c’est la qualité de l’animation qui viendra déterminer si ça fonctionnera ou pas. Parce que dans un format qui repose sur l’animation, c’est sans doute le critère principal pour lier toutes ces qualités, apporter le dynamisme nécessaire pour porter tout ça avec fluidité, et avec le pouvoir de mettre en avant chaque force, chaque point fort. Et c’est presque ingrat parce qu’une « bonne » animation, au final, tu la remarques pas. L’animation elle est là pour emphaser toutes les autres qualités, les mettre en avant, travailler dessus. Elle n’est théoriquement pas dans un rôle où elle peut se « permettre » de voler l’écran. Elle fonctionne pas mal sur l’inconscient, la plupart du temps.
Exemple tout con: Fate/Grand Order Babylonia on en retient tous le fait que l’animation des combats était ouf, mais tout le reste est clairement dans « l’ombre » de cette animation. En se plaçant comme un « sakugafest », la série oublie peut-être de protéger / camoufler ses « défauts » dans les autres domaines. A l’inverse, Demon Slayer est salué pour son animation, mais cette qualité d’animation n’est pas « intrusive », et elle vient porter le reste des qualités de l’œuvre, servir à améliorer la qualité globale de chaque scène.
Bon, je parle je parle, j’espère juste, au final, être un jour capable de commencer à « reconnaître » le style des différents animateurs. Tenez, par exemple ce cut de Heartcatch Precure:
Tu me dis « ouais il est fait par Sushio », ça me fera effectivement sens – on retrouve pas mal de ses tics sur des Gainexeries comme Gurren Lagann, Abenobashi ou Kill la Kill. Mais ça me serait pas venu à l’esprit en le voyant initialement. Je me dis du coup que ça serait cool si je pouvais commencer à identifier les tics et les signatures des principaux animateurs pour les reconnaître quand ils signent un cut, une scène. Après est-ce que ça deviendra pas une marotte trop intrusive ? Est-ce que je veux, quand je mate un animé, me rappeler à chaque frame chaque scène, que je mate un animé ? C’est aussi un peu contre-productif, dans un sens: je viens de passer l’article à essayer d’arriver à un message disant « l’animation est importante car plus elle est bossée plus elle nous donne le sentiment qu’un univers fictif est crédible et n’est pas… un animé » donc faudrait que j’évite de prendre des mauvaises habitudes. Mais, eh, c’est comme quand je reconnais la voix d’un doubleur que j’aime bien ou les styles caractéristiques d’un compositeur musical que j’aime bien.
Et puis du coup, pour finir: « pourquoi l’animation japonaise du coup ? » Bah parce que je retrouve pas autant ce genre d’animation ailleurs dans le monde ! Je prends l’animation américaine, par exemple, j’ai justement du mal à accrocher parce que l’animation est parfois volontairement minimaliste ! Un Bojack Horseman tu pourras me dire tout ce que tu veux sur l’écriture, le message, l’humour etc, bah je trouve que ça bénéficie pas tant que ça du format « animation. » Y’a un style visuel… particulier… mais en terme de mouvements, c’est pas très intéressant et c’est dommage ! A l’inverse, un Wakfu de Ankama a su me séduire parce que justement ça bouge pas mal. Ca sait tirer parti de son format animation ! Mais je sais que y’a plusieurs styles, plusieurs écoles, et je ne critique pas « objectivement » tout ça, c’est juste vraiment pas ce que je recherche dans un truc d’animation.
Bon, sur ce, je pense avoir fait le tour de ce que je voulais dire. Pas un article si simple que ça à écrire parce qu’il est très clair que comme c’est une réflexion et une prise de conscience que j’ai commencée y’a quelques mois, j’ai pas encore forcément ni les connaissances ni le vocabulaire ni la confiance en moi vraiment nécessaire pour communiquer dessus de manière un peu plus pertinente. Les gens plus pointus voir même les profs et les élèves en animation auront évidemment le droit de me dire que je balance des évidences, je partagerais ce sentiment ! C’était plus un article dédié à poser mes réflexions un peu balbutiantes, mais j’espère que vous aurez apprécié mes divagations. Parfois bloguer c’est aussi juste se vider l’esprit, après tout !
Note: oui c’est ce cut qui m’a largement « aidé » à kiffer le perso de Ranka dès le premier épisode de Macross Frontier et, en règle générale, c’est vrai que j’ai tendance à aimer les personnages « genkis », « dynamiques », ceux le plus susceptibles de bénéficier d’une animation plus… animée autour d’eux. Est-ce que tout était lié depuis le début ?
8 commentaires
m3r1
Je ne m’étais jamais vraiment fait la réflexion mais je pense que tu touches quelque chose du doigts, et que les gens sont très certainement beaucoup plus sensible, même inconsciemment, à l’animation que ce qu’on pourrait croire. Il suffit de voir que la grosse majorité des cartons de ces dernière années (hors anime fleuve) ont pour la plupart une animation très très soigné.
Sinon je ressens exactement la même chose devant un film live, peu importe ce qu’il se passe, je peux pas me sortir de la tête qu’après la scène, il y a eu un coupé et l’acteur s’est juste relevé pour prendre son café
Dizay
Sur cette comparaison entre le live et l’animation je me rappelle d’une interview très intéressante de Takahata au moment de la sortie de Princesse Kaguya qui m’avait marqué et où il évoquait cet aspect.
Il expliquait notamment que le fait de voir des certains gestes « banaux » du quotidien en animation, comme par exemple la scène où la mère change son bébé, leur rendait une certaine force, une capacité d’émerveillement que le spectateur a lorsqu’il voit ces mouvements animés avec soin qu’il n’aurait jamais eu si la même scène avait été en live.
D’ailleurs tout ce style d’animation qu’il voulait pour Les Yamada et Kaguya était pour lui un moyen de mieux rendre cette force qu’il voyait dans les brouillons et images clés sur papier des animateurs, que d’après lui on perdait un peu dans le processus de « lissage » que donne la numérisation/colorisation/etc.
m3r1
C’est vrai que je suis souvent assez émerveillé devant des scènes de cuisine, chose qui n’arrive évidement jamais devant un film live x)
Noob
Super intéressant, et ça rejoint ce que je pense : les spécificités du médium sont super importantes.
Je pense aussi que la qualité de l’animation, la vie des personnages, c’est des trucs qu’on apprend à apprécier en consommant de l’animation, et qui ne sautent pas aux yeux des gens qui en regardent peu.
D’ailleurs je trouve que pas mal de séries occidentales ont réussi à s’inspirer du style de l’animation japonaise et réussissent à être vraiment vivantes et bien animées, mais ce sont paradoxalement plutôt des séries jeunesses (Avatar, Gravity Falls, Star vs the Forces of Evil…), un peu comme si dans les séries « pour adultes » il fallait au contraire atténuer au maximum l’animation (comme dans Bojack Horseman)…
Bref~ Merci pour l’article ! =)
mathxxl
C’est très intéressant, avec cette réflexion personnelle sur ce que tu apprécies de l’animation japonaise tu soulèves des idées très pertinentes sur notre rapport à ce qui fait un anime.
Un plaisir à lire !
Dizay
Sur ton paragraphe sur l’écriture d’un anime, autant j’étais très en phase avec tes propos initiaux (« le plus important c’est l’écriture » est une phrase qui me fait tiquer moi aussi), autant on sent que tu as dû pas mal t’embrouiller ou t’énerver pour des twitt déplaisants sur des œuvres que t’aimais et qu’en conséquence tu t’enflammes pas mal dans la suite de ton texte. Surtout quand tu annonces que t’es prêt à supprimer seul et autoritairement des récompenses pour le travail d’écriture d’une série… Tu dis très bien plus tard à quel point l’animation est un travail collectif. Je trouve ça dommage alors d’être prêt à vouloir récompenser le moindre seiyuu, compositeur de musique ou un ending, tout en chiant ouvertement sur tous ceux qui travaillent dans la series composition, les script d’épisode, les scénarios et les auteurs.
On peut penser qu’ils ne font pas le travail le plus important dans un anime, on peut même penser que l’animation japonaise ne brille pas franchement par ce corps de métier là (en tout cas c’est ce que je pense), mais ils restent évidemment des acteurs essentiels à l’élaboration d’un anime et l’écriture est évidemment un aspect important à savoir souligner et récompenser quand il le faut.
Si tu as du mal à voir toi même ce qu’est un anime réussit sur cet aspect alors il devient même plus intéressant de laisser le vote collectivement établir une tendance sur ce qui ont été les œuvres les mieux écrites. Ce ne sont pas forcément les plus belles ou les mieux animées, même si souvent les meilleurs animes sont ceux qui cumulent les qualités, on a encore des contre exemple comme Fire Force l’an dernier. Ou dans l’autre sens je me souviens encore de Golden Kamuy, un anime parfois bien moche mais qui réussissait tout de même à s’illustrer notemment par son scénario incroyable!
Je rajouterai qu’il y a un autre aspect qu’il faut savoir souligner et récompenser et que l’on l’oublie souvent (en tout cas je ne le vois jamais dans tout ce qui est Crunchyroll Award ou autre) c’est le travail de storyboarding. C’est même un élément de réponse important à la réflexion que tu as soulevé sur ce qui fait le propre de l’animation vis à vis des autres formes d’art qui cherchent à raconter des histoires. Un bon anime peut avoir des bonnes choses à raconter, il peut être beau, mais il doit surtout savoir bien raconter, mettre en relief les qualités de son scénario et bien amener ses belles scènes. C’est pour moi l’un des aspects les plus essentiels qui font la spécificité de cette forme d’art. C’en est peut-être même la discipline la plus noble : la quasi totalité des plus grands réalisateurs de l’animation japonaise sont avant tout des immenses storyboarder (Miyazaki qui storyboard ses films avant même d’en écrire le scénario, Satoshi Kon qui dessinait des storyboard tellement détaillés que les animateurs avaient parfois l’impression de n’avoir rien à améliorer, Anno, Yuasa, etc.)
Amo
La suspension du prix de meilleure écriture des Minorin est surtout la parce que je réfléchis à comment trouver un meilleur moyen de célébrer le travail lié au script, à l’intrigue, etc. Faut-il garder un prix unique même si la dénomination paraît trop vague et me paraît insatisfaisante ? Faut-il faire comme les prix visuels et diviser en différents prix- scénario, narration, storyboard ? C’est une réflexion ou pour l’instant j’ai pas trouver de réponses qui me convienne. L’interpréter comme du mépris, voire même dire que c’est chier sur ces postes est un peu exagéré 😕.
Api
Très chouette article.
Pour ce qui est de l’écriture, de manière générale, je retirerais plusieurs composantes : cohérence du récit, personnalités complexes, impact de l’histoire, ainsi que le fameux mantra « show, don’t tell ». Ca pourrait déjà être un début de réponse à matraquer à tous ceux qui critiquent l’écriture d’une série sans jamais aller plus loin.