Gran Turismo (le film) – Spot ou encore
Je sais pas si c’est à cause du fait que j’ai un été animé plus léger ou si c’est juste une de mes envies du moment mais je m’enchaîne pas mal de films en ce moment – autant au cinéma qu’en faisant les tours des offres d’essai des différentes plates-formes de VOD (qui ont toutes des app nulles à chier sur Xbox d’ailleurs – mention spéciale pour l’app OCS qui crashe à chaque fois qu’on lance une vidéo, ce qui est un peu gênant.) Du coup je mate enfin quelques chefs d’œuvres: Dr Folamour, Burn After Reading, Sonatine, They Live, The Game… Halal police d’état… Bon c’est pas toujours du grand cinéma mais, eh, je vois des trucs, je prends du plaisir, c’est cool.
Et donc là je sors d’un aprem ciné ou je me suis enchaîné deux films véhicules: d’un côté la comédie très bête et très méchante Veuillez nous excuser pour la gêne occasionnée, par le réal de Dikkenek, qui y superpose une belle bande d’ahuris dans un train chaotique. Bientôt bien aimé, j’y retrouve un humour agressif à la Lacheau mais sans la réal hystérique qui rend ça indigeste, c’était pas mal pour se détendre. Et puis derrière j’ai enchaîné avec un film sur lequel j’avais une certaine attente: Gran Turismo le film.
Bon, j’aurais pas du avoir d’attentes du tout – du coup je suis sorti du film très déçu mais je vais essayer de résumer pourquoi.
Déjà, ouais, j’ai un gros affect sur la franchise Gran Turismo– le premier jeu a été l’un des premiers que j’avais acheté en même temps que ma Playstation, donc comprenez que d’emblée j’ai une nostalgie immense quand on m’en parle. Le premier en particulier me fait revenir en enfance assez vite – que ce soit en réecoutant les musiques électro-pétée de la version PAL où en repensant aux tracés du jeu, que j’ai vite appris à connaître par cœur. Même les bagnoles du premier je les connais presque par coeur: je pense pouvoir vous citer de mémoire au moins 80% des modèles, marque par marque 1.
Les jeux suivants ont souvent marqués des périodes importantes de ma vie – le second m’a occupé pendant au moins deux ou trois ans avec sa générosité de contenu affolante, le troisième a accompagné l’acquisition de la PS2 familiale, le quatrième m’a occupé pendant au moins deux ou trois ans avec sa générosité de contenu affolante et quand en 2013 je me suis enfin acheté une PS3 c’était avec quel jeu ? Gran Turismo 6. Encore aujourd’hui, je reste un joueur Xbox complet et accompli, mais le seul jeu qui me donne réellement envie de claquer un demi-millier d’euros dans une PS5 c’est pas FF, c’est pas Spider-man, c’est pas les JRPG pointus et exclusifs – non c’est Gran Turismo 7. Du coup pour compenser je mate régulièrement des vidéos de youtubeurs comme Super GT, pour remplir un manque pour lequel je n’ai quasiment jamais trouvé de vrai équivalent – les Forza Motorsport m’ont toujours un peu saoulé, Forza Horizon n’est pas vraiment comparable, GRID n’est jamais parvenu à un millième de la bonne formule, Need for Speed me donne toujours l’impression de conduire des poids lourds et le seul « contender » crédible dans mon coeur c’était Project Gotham Racing dont on fête bientôt les quinze ans de sa mort après un quatrième volet pourtant prodigieux.
Donc bref, UN FILM GRAN TURISMO ! Ca m’intéresse, là, comme ça.
Peut-être vous demandez vous, « attends il raconte quoi du coup ? Y’a une histoire à adapter dans Gran Turismo ? » Bonne question ! En fait le film nous raconte surtout l’histoire vraie de la GT Academy, et la destinée en particulier de Jan Mardenborough, un des premiers pilotes promus au sein de cette institution qui visait à entraîner des « pros » du jeu pour les mettre au volant de vrais bolides produits par des vraies écuries. Malgré un succès encore aujourd’hui un peu vague – 22 pilotes en ont été promus et peu ont accédés à des titres mondiaux et à une vraie tripotée de victoires – c’est bien cette académie et ce pilote qui sont au centre de cette histoire, avec un message qui se veut inspirant à base de « il était gamer, mais avec ses efforts et son talent, il a pu accéder à ses rêves et montrer à tout le monde qu’il était un grand pilote. » C’est donc vaguement un biopic, ce qui est un peu triste mais, en l’état, peut quand même intéressant.
Bon, hélàs, ce n’est pas très intéressant.
En l’état, on est donc surtout sur un récit sportif avec des codes classiques et connus: on vient nous raconter une nouvelle fois l’histoire d’unptit gars qui part « de rien », dont tout le monde se moque, mais qui a force de volonté et d’abnégation montre à tous les autres qu’ils ont torts et qu’il était en réalité un grand pilote qui mérite le respect et la reconnaissance. Ici on rajoute aussi le fait que le héros qui doit faire face à tout un milieu qui le discrimine en permanence – pas parce qu’il est noir mais surtout parce qu’il est un gamer. Brrr.
Codes classiques et connus qui ne sont pas forcément un mauvais signe: les films de sport reposent souvent sur les mêmes bases, les mêmes cordes, les mêmes intrigues – ce qui va vraiment être un signe de qualité va donc être la manière dont ça va être narré, les personnages qui composent l’histoire, à quel point le cinéaste va utiliser le sport qu’il utilise pour raconter quelque chose, comment il va le mettre en scène. Et c’est là que tout s’effondre parce que fondamentalement on est pas vraiment là pour raconter une histoire – on est surtout là pour mettre en avant la « marque » Gran Turismo.
Gran Turismo est moins un film qu’un vrai spot publicitaire de 2h. Ce qui est… un poil emmerdant au bout d’un moment.
Que le film démarre par cinq minutes de présentation des locaux de Polyphony Digital, ok, c’est bizarre, mais pourquoi pas. On a Kazunori Yamauchi qui vient nous parler du sens du détail du jeu, tous les personnages parle de Gran Turismo non pas comme un jeu mais comme « le meilleur simulateur de tous les temps » et, si on croit le film, la GT Academy est juste un brillant succès dont Mardenborough est le premier d’une longue lignée. Ce qui n’est… pas vraiment le cas. Il y’a eu d’autres promus avant lui, mais je comprends que c’est plus intéressant de se concentrer sur le seul gars du lot qui a fait un podium au Mans.
Ce qui est gonflé par contre c’est nous présenter ce podium au Mans – qui clot le film – comme « d’un moment qui a changé à jamais les sports mécaniques » quand ça n’est… pas vraiment le cas. Qu’aujourd’hui de plus en plus de pilotes très doués sont des jeunes gars biberonnés aux jeux de bagnoles et aux simulateurs c’est un fait – suffit de voir Max Verstappen pour le prouver. Mais dire que c’est Gran Turismo et la GT Academy qui a crée cette nouvelle génération et qui a permis aux « simracers » d’être acceptés dans les paddocks est… franchement osé. Mais bon, écoutez, c’est le jeu et quitte à être dans un spot pub autant y aller jusqu’au bout, c’est le jeu, c’est le contrat, je comprends.
Mais globalement le film manque en permanence d’une vraie âme. Et c’est rageant !
Le vrai truc rageant c’est que le film Gran Turismo, en voulant se cantonner à raconter l’histoire d’un mec devenu pilote pro grâce à Gran Turismo… ne parle jamais vraiment de Gran Turismo en lui-même. Et par conséquent, si comme moi vous êtes fan de la franchise… bah y’a tout simplement rien pour nous ! Et c’est même pire: si vous êtes un passionné de course auto et de GT, y’a juste plein de trucs qui témoignent d’un criant manque de soin, y’a aucun souci du détail en général. La course au Mans à la fin elle m’a rendue un peu fou parce que y’a des erreurs DE OUF visible facilement par quiconque connaît un peu le circuit – le fait que les bagnoles passent par des zones exclusives au circuit Bugatti, le fait que le tracé ne contienne pas la double chicane finale. Y’a un moment on nous raconte le dernier tour mais le montage montre le circuit être parcouru dans le désordre – ils passent par la courbe Dunlop après s’être mangés les Hanaudières, ce qui m’a paumé de ouf.
C’est vraiment un truc de drosophile que je fais, et je le sais très bien mais ce manque de soin, pour moi, ça montre que le film essaie pas vraiment de satisfaire les fans du jeu et les fans de sport auto en particulier. Un autre truc qui fait partie de l’ADN de Gran Turismo c’est par exemple la grande variété de véhicules – y’en a un max, y’en a des tonnes, tous les âges, toutes les nations. Bon bah là comme le héros est lié à Nissan, il conduit que deux véhicules et en affronte pas des masses de très différents. Et plus généralement, y’a peu de « courses » dans les 2h15 du film: trois en tout et pour tout, plus un segment très court au Nordschleife.
Car ouais truc qui me frustre aussi un peu: les mecs ont l’opportunité de mettre en scène une course au Nurburgring Nordschleife, de faire un max de super plan, de mettre en avant le circuit de manière superbe, et puis au final non, le circuit est sous-utilisé. En règle général, les courses semblent être une arrière-pensée au récit, et ne trouvent jamais la pèche ou l’énergie suffisante pour être des moments réellement intéressants. Pour un film Gran Turismo ça parlote beaucoup trop et ça conduit peut-être pas assez. Tu aurais pu couper tout le segment ou il récupère sa licence FIA pour te concentrer sur sa course au Nordschleife et au Mans, ça aurait pu être plus intéressant en plus de permettre aux courses de mieux raconter leurs propres histoires, leurs propres rebondissements. Je ne suis pas fan de Ford vs Ferrari mais c’est un truc que ce film avait quand même bien compris c’était que la course finale se devait d’occuper une place importante dans le film. Ici ? Trop courte, trop prévisible et même pas si bien mise en scène que ça. ET EN PLUS LE TRACÉ EST PAS VRAIMENT CELUI DU MANS, ALORS SCROGNEUGNEU.
A qui s’adresse ce film du coup ? Sans doute au grand public, pour que Sony leur raconte une histoire de sucess story d’un ptit gamer devenu pilote pro, même si ce même grand public lui préférera sans doute mille fois un Ford vs Ferrari quand même bien mieux conçu. Les fans de sport auto seront moins convaincus parce que les courses manquent de crédibilité et les fans du jeu auront eux absolument rien à se mettre sur la dent. Du côté fanservice on a quelques effets sonores ici ou là, des moments un peu ridicules ou l’interface du jeu est superposée sur la réalité pour faire croire qu’on est dans le jeu (ça ne marche pas des masses) et puis, ouais, ok, le film est grand prince: on a le droit pendant dix secondes à Moon Over The Castle. Ok super.
C’est dommage parce que ces derniers temps on a eu quelques adaptations qui ont prouvés qu’on pouvait parler au grand public et aux fans simultanément, sans perdre un public au détriment de l’autre, EN gardant une certaine forme de qualité. Ainsi les films Sonic 2, Super Mario Bros ou même – du côté rôliste – le très fun Donjons & Dragons 3 ont posés les bases pour des adaptations populaires qui satisfassent tout le monde. Mais Gran Turismo ne parvient à rien de ça: au lieu de mettre en avant les jeux, il est là pour mettre en avant son académie, l’action qu’il a eu sur le « monde réel. » Au lieu de chercher à raviver les souvenirs des anciens joueurs ou à plaire aux joueurs actuels d’une franchise qui a quand même 25 ans, le film cherche surtout à essayer de raconter à tout le monde qu’il a changé le monde du sport automobile – quand bien même ça n’est honnêtement pas vraiment le cas.
Fondamentalement le film Gran Turismo ne parle pas de Gran Turismo. Il parle de gars qui ont réussis grâce à Gran Turismo. Pour ce film Gran Turismo n’est pas un jeu, Gran Turismo n’est pas une oeuvre: Gran Turismo est un outil de narration, rien de plus.
Ironiquement on passe 2h15 à nous raconter l’histoire d’un gars que tout le monde méprise et dont tout le monde se moque parce qu’il est bon à Gran Turismo mais de l’autre côté, le film semble vouloir parler le moins possible de ses origines, semble vouloir invisibiliser au maximum le jeu. Car justement quand quelqu’un dans le récit dit que c’est « un jeu », le héros lui rétorque que c’est pas le cas – « c’est un simulateur. » Même – de manière encore plus conne – « Le simulateur le plus réaliste au monde. » 4 Comme si le film nous disait explicitement que si ça n’avait été « qu’un » jeu, cette histoire n’aurait pas été possible. Comme si le mot « jeu » était un boulet, une insulte pour la saga Gran Turismo. Alors que… bah oui… c’est un jeu… et c’est très bien qu’il le soit.
Ah oui – très déçu aussi par Neil Blomkamp qui est un réal qui depuis une demie-décennie semble s’être paumé de ouf. Après, pouvait-il sauver de l’inintérêt un projet aussi narcissique que celui-là ? Pouvait-il s’imposer face à Sony, Nissan, Polyphony Digital qui semblaient bien déterminés à faire le film le plus valorisateur possible, quitte à aller dans l’auto-sucage le plus explicite ? Même sa mise en scène sur les scènes de course semble bien peu inspirée, et le film manque d’une esthétique particulièrement remarquable en général. Il a donné le feu vert pour cette séquence de course-poursuite à Cardiff où le héros gagne des succès et des points pour s’être échappés de la police parce que damn frérot c’est gênant là ?
J’allais terminer en disant que j’attendais encore un vrai bon film de course auto parce qu’en vrai il se peut que je sois aussi très exigeant en tant que fan historique de F1 et de jeux de bagnole, mais on m’a rappelé sur les réseaux sociaux l’existence de Speed Racer et surtout de Rush donc non, ouais, y’a pas d’excuse à avoir, allez, faut faire mieux. Et si jamais Sony décide d’avoir l’idée conne de faire un second film Gran Turismo bon bah trouvez moi un moyen d’être vraiment du Gran Turismo: filez moi un personnage principal qui conduit aussi bien des méga GT que des vieilles Coccinelles, filez moi un film qui possède un vrai sens aigu du détail – comme celui ultra-reconnu des jeux -, filez moi des circuits tout autour du monde, soyez un peu inventifs et ambitieux, arrêtez de me refiler des biopics ultra exagérés et romancés à la truelle de mecs qui ont rien fait de plus remarquable que de sortir de vos académies dont on se fout et dont vous nous survendez l’influence. Où alors appelez votre film GT Academy, je sais pas.
Et puis foutez moi les Cardigans aussi, hein, merde.
BREF – J’ai eu un sport pub de 2h15, et c’était même pas pour Gran Turismo, sale journée.
- Même TVR. C’est fou de se dire que la seule raison pour laquelle on se souvient de cette marque c’est à cause de Gran Turismo ↩
- Que j’aime bien, même si les histoires de mariage à Hawai avec la soeur de machine dans le second je m’en serais bien passé ↩
- Sans ironie aucune, un de mes films favoris de 2023 ↩
- Ce qui fera marrer tous les joueurs pros du jeu qui justement seront les premiers à dire à quel point le jeu est loin d’être… ultra réaliste :’D. ↩