Le charme discret des animés moyens
Ma formation professionnelle est terminée (avec succès 👍) et je sais que je recommence à avoir beaucoup trop de temps libre parce que non seulement je suis quinze animés cette saison, mais en plus dans le lot y’en a certains qui sont clairement « moyens. » Je veux dire, oui, on a une grosse saison d’automne et bien sûr que je mate certains des meilleurs trucs que la saison propose: je suis très très enthousiaste sur l’adaptation de Frieren, je rigole beaucoup sur Les 100 petites amies et je prends masse de plaisir à entendre Aoi Yuuki en MaoMao dans Les Carnets de l’Apothicaire. Et puis y’a les animés un peu plus nichés mais qui sont quand même très bons: Uma Musume saison 3 continue de garder le haut niveau de fun de la franchise tandis que Overtake! mélange plutôt bien le développement de ses personnages avec une représentation très bien faite de l’univers du sport auto… En gros on est dans une saison que maintenant sur Internet on pourrait décrire comme étant de « la régalade. » Ou « du poulet. » Ou du « banger. » Non, ouais, faut vraiment que j’essaie d’arrêter de singer les tics verbaux de générations qui sont pas les miennes.
Mais le centre de cet article va donc être les animés moyens de cette saison. Animés pas forcément incroyables, clairement limités en terme de production, qui racontent pour certains des histoires pas toujours très originales ou très passionnantes, mais animés sur lesquels je prends mine de rien pas mal de plaisir ! Et que je suis presque doublement content de regarder: déjà parce que je les aime bien, et ensuite parce que je suis content de prendre conscience que j’ai enfin du temps libre à dédier à ces animés « moyens. » Je veux dire y’a eu des moments durant ces dernières années toute cette décennie écoulée où j’étais tellement en manque de temps libre que je me limitais qu’aux animés que je percevais comme « suffisamment bon » pour justifier l’usage de mon temps dessus. Tant pis pour tous ces animés imparfaits qui m’attiraient un peu mais qui passaient en 3e ou 4e priorité derrière des blockbusters ou des trucs « à voir. » Donc là, cool, aucun souci pour mater des animés à 6.70 de moyenne sur MyAnimeList, c’est pas du temps que je prends sur de meilleures animés™.
Genre, par exemple, je pense que durant n’importe quelle saison, jamais j’aurais dédié du temps pour La Valkyrie aux Cheveux de Jais.
En l’état c’est une série qui semble vraiment engluée dans les tendances actuelles de la fantasy, et qui peine à vraiment proposer les « trucs en plus » qui vont l’aider à se faire remarquer, surtout dans une saison avec plus d’une quinzaine d’animés du même genre. L’originalité ici est que le héros est littéralement un daron: il s’appelle Belgrieve, il a au moins quarante balais, il a été un aventurier prometteur jusqu’à un terrible accident, et désormais les joies dans sa vie c’est aider son petit village et voir sa fille grandir. Sa fille, justement, c’est Angeline ! Elle va rapidement devenir aventurière, quitter son père et très vite grimper les rangs puisqu’après à peine deux ou trois années, la voilà suffisamment forte pour être classée rang S, le plus haut rang parmi les aventuriers ! On va donc assister aux retrouvailles entre le père et sa fille et, peut-être, les voir partir ensemble dans de nouvelles aventures…
Pour moi la série se classe dans toute cette nouvelle tendance de la fantasy qui est celle de l’évasion pour darons. Y’en a de plus en plus au fil de ces saisons de ces séries où des adultes sont héros de fantasy et font souvent des choses assez funs. Que ce soit l’isekai du mec qui devient agriculteur, le gars qui devient expert bricoleur dans un monde de fantasy, le tonton isekai, le mec qui se lance dans les MMORPG à 39 ans ou bien l’office lady qui crève d’épuisement et devient une sorcière qui en fout pas une… on sent que l’âge moyen du héros de fantasy commence à grimper en flèche. Après avoir parlé pendant une demie-décennie aux adolescents en leur disant « échappe toi de ce monde dans lequel tu es en mal-être et vient t’identifier à un jeune héros malin, qui réussit tout et chope toutes les nanas », le genre vise de plus en plus les adultes en leur disant « échappe toi de ce monde dans lequel tu es en mal-être et viens t’identifier à ce héros qui va refaire sa vie, enfin trouver sa juste place et la juste reconnaissance de ses talents. » Qu’en retenir ? Faut peut-être qu’on arrête de laisser ce monde foutre tout le monde en mal-être, même si je peux comprendre que la tâche soit compliquée.
Du coup cette Valkyrie aux Cheveux de Jais ne fait pas défaut: on est invité à s’identifier à ce daron super cool et à sa relation plutôt sympa avec sa fille. On pourrait s’attendre à une dynamique un peu traditionnelle et un peu vieillotte à base de père ultra-protecteur mais vu qu’ici on est dans une situation où la fille est bien plus forte que son daron, c’est très vite plus un sujet qui soit au programme. Faut ajouter à tout ça quelques personnages secondaires qui vont tourner autour de ce duo, dont les deux aventurières faisant équipe avec Angeline, ce qui permet l’existence d’une petite sorcière assez rigolote qui va pouvoir commenter les événements avec un ton amusant. Mais grosso merdo, on est devant une série au contenu ultra simple – on nous tease pendant trois épisodes les retrouvailles entre le père et sa fille, les retrouvailles ont lieu et après ça, hop, c’est l’heure de l’aventure et le duo va se retrouver être pris dans des intrigues de cour ainsi que des histoires de monstres bizarres invoqués par des mecs chelous. Ils vont sauver la veuve, l’orphelin et la noblesse locale (qui est indubitablement de bonne volonté.)
La série offre donc un récit simple raconté – pour le moment – avec un ton ultra bienveillant qui fait que rien ne choque. Contrairement à toutes les quelques autres histoires de fantasy avec des héros disposant de lien familiaux, y’a ici absolument pas de sous-entendu incestueux à l’horizon – Angeline est très attachée à son père mais tu sens clairement que c’est un attachement enfantin, souvent utilisé à but comique pour le décalage entre son côté « aventurière » (où elle botte des culs et est un modèle pour le monde entier) et son côté « fille à papa. » Les deux personnages principaux ont généralement ce côté parfait qui n’est jamais remis en cause – ils sont super gentils, ils sont très forts (même le daron avec une jambe en moins il botte des culs), ils sont ouverts d’esprit, sages, ouverts, aimés de tous et toutes… C’est clairement des personnages très lisses, assez irréprochables, ce qui fonctionne en vrai plutôt bien dans un récit qui cherche simplement à relaxer et détendre son spectateur. Pas de grands rebondissements, pas de grands drames personnels, pas de remise en cause de ses idéaux, nope, juste deux persos irréprochables qui font des trucs cools pour le bien du monde et de ceux qui les entoure. Les quelques personnages méchants qu’on croise sont vraiment caricaturalement méchants, il est toujours très clair que nos héros sont dans le juste… C’est une série qui pour l’instant est sur des bases claires, et n’a encore amène aucune surprise. On a exactement ce qu’on est venu chercher, ni plus ni moins.
Techniquement, la série est… pauvre. Sans doute dans tous les sens du terme. Tu sens que ce n’est pas une série qui a bénéficié d’un soutien particulier au niveau de sa production, que l’œuvre d’origine n’est pas issu d’une très grosse maison d’édition et que son staff n’est pas réellement le plus hype de l’année. Le chef réalisateur, Takeshi Mori, est surtout connu pour avoir dirigé des séries assez mineures dans les années 2000 (genre Vandread ou Stratos 4) tandis que le réalisateur, Naoki Murata, est ici devant sa première réalisation de série – il a réalisé beaucoup d’épisodes d’anime depuis quinze ans, mais de séries ? Jamais. Dans le staff je retiendrais surtout Jun Shibata, le chara-designer et directeur de l’animation, qui est actif depuis la fin des années 90 et est passé entre autres par le ufotable et par le Bones des années 2000. Mais globalement on va pas se mentir: c’est une petite série d’un point de vue production. Et ça se ressent beaucoup: il y’a peu de mouvement, les séquences de combat sont très simples… On est sur ce profil de série où l’animation en elle-même n’est pas mauvaise mais surtout parce qu’elle est limitée à l’essentiel et du coup elle n’est jamais vraiment flamboyante. Les sakugafans ne retiendront clairement pas cette série !
Mais voilà du coup moi j’aime bien cette série et je vous avoue que je suis même content de me la mater chaque vendredi midi. Pourquoi ? Parce que c’est une super série de pause déjeuner.
Encore une fois je sais pas si c’est la manière dont j’évolue mais clairement je n’arrive plus à manger devant des choses trop « compliquées. » Loin est l’époque où le midi je m’enchaînais des animés bavards ou ultra dynamiques, où il se passe 300 choses dedans – non non, maintenant le midi me faut un truc simple et même un peu lent. Parce que quand je mange je me déconcentre facilement – je regarde mon assiette, je salue des collègues, je mâche du mieux que possible parce que ma diéteticienne m’a dit de faire gaffe à ma vitesse de machouillage… et puis c’est une pause de milieu de journée, j’ai passé la matinée à bosser, j’ai besoin d’évacuer de l’air et d’avoir un truc facile à suivre, où c’est pas grave si je loupe régulièrement 5s dans un épisode. Du coup une série comme La Valkyrie aux Cheveux de Jais avec son intrigue super simple, ses personnages très clairs et son rythme plutôt lent ? C’est parfait pour manger devant ! Y’aurait eu une VF dispo, j’aurais même mis la VF, pour encore moins d’effort ! Quoique non attendez, Angeline est doublée par Saori Hayami donc peut-être pas !
Là, dit comme ça, j’ai l’impression de mal vous vendre le truc. Genre que j’aime cette série que parce qu’elle est suffisamment moyenne pour pas trop me perdre quand je mange le midi mais en vrai j’avoue avoir un petit attachement pour les personnages. Belgrieve et Angeline sont des personnages certes impeccablement parfaits mais ils gardent ce petit côté humain assez rigolo qui fait que ce n’est pas désagréable de les suivre, idem pour certains des personnages secondaires – j’aime beaucoup la sorcière du groupe, tout comme je trouve ultra fun quand débarque dans le récit des vieux aventuriers de 70 balais aux designs et aux caractères vraiment rigolos. Et puis j’avoue bien aimer… le design général ?
La Jalkyrie aux Cheveux de Vais a un style visuel qui est à l’image de son intrigue: très simple. Mais aussi assez expressif ! J’aime bien les petites trognes que tapent les personnages, et j’aime tout simplement bien pas mal de leurs looks. Encore une fois on est dans un cas intéressant ou aucun des designs n’est, en soit, particulièrement prodigieux. Mais ils fonctionnent tous bien les uns avec les autres, collectivement. Les couleurs sont pas trop criardes, les personnages ont un côté un peu plus « réaliste » en terme d’armure et d’habillement tout en gardant quand même le côté fictionnel qui aide à rendre ça un peu moins ennuyeux… C’est à l’image du style du chara-designer original, toi8, qui a un style que je qualifierais de « positivement discret. » Je pense que, globalement, le fait que les couleurs soient assez douces aident à rendre cet animé encore plus apaisant. Bref la direction artistique est bonne. Pas flamboyant, pas extraordinaire, pas dans le top 50 des directions artistiques anime de l’année, mais bonne. Elle marche avec ce que le récit veut faire et s’adapte aux moyens limités de cette adaptation.
Bref, est-ce que je recommande La Chalkyrie aux Veveux de Jais ? Pas forcément. Mais je ne le déconseille pas non plus ! C’est un récit très basique, adapté de manière très simple, mais qui parvient à trouver de ci de là un petit charme pas tout à fait déplaisant, en plus d’être rempli de bons sentiments qui parviennent à être un peu communicatif. Je pense que en dehors de mes pauses déjeuner au taf, j’aurais eu du mal à m’y attacher autant – genre en la matant dans mon canapé à juste faire « que » mater la série, là j’aurais décroché vu mes troubles d’attention réguliers – mais en « petite série d’appoint », elle peut marcher. Si la cible de cet animé est, comme je le soupçonne, l’adulte de 30/40 ans qui mate des animés pendant ses temps de pause au taf ou dans les transports, alors du coup je peux dire que dans ce contexte et auprès de cette cible, ça marche. Surtout quand en plus y’a la cornemuse la plus débilement rigolote dans l’opening !
Allez, on a bien parlé de La Valkyrie, temps d’enfin passer vers un autre animé produit de manière clairement un peu cheap mais qui a pas mal de coeur et d’âme: I’m in love with the villainess !
Y’aurait beaucoup à dire sur l’augmentation progressive de récits de « vilaines », ça semble être pour l’industrie le moyen principal de fournir des isekai avec des protagonistes féminins, et c’est difficile de pas tourner très vite en rond avec un postulat aussi limité – ces personnages projetés dans un jeu de drague très archétypal, avec des codes toujours très précis à base d’académie magique, de lycée peuplé par des nobles et – évidemment – d’antagoniste très cliché dans lequel les personnages se retrouvent souvent réincarnés. Du coup dans I’m in love with the Villainess on a deux twists: ici la personne réincarnée ne se retrouve pas dans le corps de la vilaine, mais bien dans le corps de l’héroïne du jeu, Rae Taylor, mais en plus elle est très contente parce qu’elle a toujours eu un ultra méga crush sur l’antagoniste, la très précieuse Claire François. Du coup elle va pouvoir déverser tout son amour pour sa best girl, sa waifu ! Du coup on mélange les codes de l’animé de vilaines avec celle du yuri, et hop on laisse mijoter quelques épisodes pour voir la saveur particulière se développer avant dégustation.
La série est là aussi assez sympathique. Comme dit, ça reste clairement produit de manière très chiche: l’animation fait acte de présence, rien de plus, la mise en scène est assez classique, l’OST est très basique, et globalement on retrouve tout un design très simple qui, si il a un certain charme, ne se distingue pas forcément beaucoup par rapport à la multitude d’autres oeuvres en académie magique qui pleuvent sur nos têtes depuis Zero no Tsukaima (et donc Harry Potter, héhé.) Malgré tout, la série ne semble pas manquer de cœur ! Elle essaie du mieux qu’elle peut, malgré ses moyens clairement limités, d’insuffler autant de dynamisme que possible, ce qui offre quelques bonnes scènes comiques. Il faut aussi ici signaler le bon travail des doubleuses principales, particulièrement celle qui double Rae qui semble vraiment beaucoup s’amuser sur ce rôle et offre régulièrement des cLaIrE-sAmA assez rigolos.
En terme d’écriture, on est aussi sur une série qui a un poil plus de profondeur qu’attendu: si les deux premiers épisodes peuvent laisser craindre une certaine forme de répétitivité – Rae est gaga de Claire, la quasi-totalité de l’humour repose sur ça -, les choses commencent à évoluer à partir du troisième, et la série modifie au fur et à mesure son ambiance: le développement de la relation entre Claire et Rae va devenir le vrai focus, estompant peu à peu l’humour dû au côté dragueuse-lourde de Rae – qui va de plus en plus se calmer et commencer à trouver un meilleur équilibre relationnel avec sa vilaine favorite.
Et de ci de là, le récit commence à mettre quelques petites bases pour nous préparer à des enjeux un peu plus difficiles: le fait que Claire en bonne vilaine soit condamnée à « mal finir » dans l’univers du jeu est évoqué de manière assez discrète dans l’un des six premiers épisodes, tandis que, en parallèle, le sujet de l’homosexualité et de son acceptation aussi bien dans une société noble et distinguée que dans la société japonaise moderne est lui abordé de manière beaucoup plus concrète. Notre héroïne était déjà gay avant sa réincarnation et… ça l’a poussé vers une certaine solitude, très clairement. Au point de considérer comme très improbable la possibilité de vraiment trouver l’amour, ce qui va l’amener à avoir un comportement envers Claire qui tourne au sacrificiel. Sans oublier le fait que Claire semble avoir un passé un peu triste qui l’a amenée à une peur de l’abandon…
Quelque part, I’m in Love with the Villainess est l’inverse de beaucoup d’isekai / récits de villainess, qui ont souvent tendance à avoir un gros début tonitruant, porté par un concept orignal et marquant, mais qui s’éclatent très vite au sol une fois les dix premiers chapitres passés parce qu’ils ne savent pas vraiment comment faire évoluer leur idée de base. Ici, on a un début assez simple, très cliché, mais qui au fur et à mesure de son récit rajoute pas mal de petits éléments qui semblent indiquer une volonté d’offrir à cet univers, à ces personnages, le minimum de profondeur nécessaire pour être intéressant à suivre. C’est rien de grand, rien de fou, rien d’épique, juste des petites choses disséminées de ci de là, des petites preuves que le récit a envie d’aller plus loin que son concept de base, qu’il a des trucs à raconter. Et c’est amplement suffisant ! Je pense qu’une fois l’animé terminé j’irais jeter un oeil au manga, qui a été annoncé fort opportunément par Meian, d’ailleurs, parce que je dois avouer que, même si l’animé est clairement fauché, il est parvenu à me faire m’attacher à Rae, à Claire, et à tout cet univers qui semble avoir un potentiel bien plus riche que prévu…
Cela étant dit – maintenant qu’on a parlé d’un animé se déroulant dans un visual novel romantique, évoquons un animé qui nous montre comment sont faits les visuals novels romantiques !
16bit Sensation Another Layer ! On y suit l’histoire de Konoha, illustratrice pas très bien estimée au sein d’un éditeur de VN. Elle a le blues et le seum parce qu’elle voit l’industrie du VN stagner, voir même décliner, forçant sa boîte à produire à la chaîne des petits jeux de cul pas très intéressants ni très ambitieux. Mais son destin va changer quand elle va être propulsée en 1992 et découvrir, par le biais des employés d’une petite boîte nommée Alcool Soft, le début de ce nouveau médium naissant qu’est le visual novel… Jouera t-elle un rôle dans la naissance et la popularisation de ce genre qui lui tient à cœur ?
16bit Sensation est donc un animé qui va utiliser ce pitch à base de voyage dans le temps pour nous raconter comment, dans les années 90, le visual novel est né et à commencé à prospérer. Le manga initial est assez particulier car dessiné par Tamaki Wakaki (l’auteur de Que sa volonté soit faite) et écrit par un groupe d’auteurs qui sont tous des vétérans de l’industrie. D’ailleurs ne cherchez pas Konoha ou ce pitch de voyage dans le temps dans le manga de base: il n’y est absolument pas ! Chaque chapitre du manga était dédié à une année dans la vie d’Alcool soft, de 1992 à 1999, sans vraiment avoir de réelle intrigue ou de réel fil rouge, tout étant conté sous la forme de petits yonkoma montrant des moments de vie du studio ou des commentaires sur les grosses sorties de chaque année – Doukyuusei, Shizuku, YU-NO, Kanon, Pia Carrot, etc…
Je peux du coup comprendre ce choix de créer une intrigue originale à l’anime car le manga initial n’est pas toujours très facile à adapter. Du coup hop, héroïne inédite, plus de rebondissements, plus de fun, et les personnages du manga deviennent des personnages secondaires, on ne gâche rien !
Là aussi d’un point de vue technique, on est clairement sur un grand strict minimum pour tout ce qui va être visuel et animation. Et toujours du design très simple, aux couleurs assez pétantes. Très clairement pas l’animé qui va gagner le prix de la meilleure production et du meilleur travail visuel, c’est un peu décevant, mais ce n’est pas dramatique pour autant – parce que son attrait principal va surtout être sa manière d’utiliser son histoire et son intrigue pour raconter une certaine époque. Comment se débrouillait les développeurs de l’époque avec les contraintes techniques, comment les graphistes faisaient des CG avec seulement quinze couleurs à leur disposition, comment s’est déroulé la transition technique entre PC-98 et Windows, l’importance du Comiket pour les studios et les cercles crées à l’intérieur de ceux-ci, l’évolution rapide de Akihabara durant les années 90 et, plus largement, de la culture otaku…
Quelque part, l’animé est clairement écrit par des passionnés et des acteurs de cette époque, faisant de 16bit sensation une très claire lettre d’amour pour un médium qui n’est plus aussi fort qu’antan au sein de la popculture japonaise. Ainsi, le premier épisode voit l’héroïne soupirer et se plaindre que les visuals novels ne sont plus dans leur âge d’or, supplantés par les jeux mobiles et les franchises transmédias des énormes boîtes de production. Ironie: l’animé étant financé en partie par Aniplex, du coup quand elle se plaint des mobages, l’animé zoome sur une publicité pour… Fate/Grand Order.
Dans l’ensemble, y’a quand même une certaine nostalgie qui se dégage de cette œuvre, mais heureusement elle ne se contente pas d’être là juste pour nous rappeler « le bon vieux temps », ce qui pourrait être un peu limité. La série veut surtout mettre en avant les artistes, les développeurs et les créateurs. En se focalisant sur un studio et sur les membres qui en font partie, il illustre le côté humain derrière chaque créateur. Mais aussi le côté grisant et motivant de se retrouver au sein d’un milieu, d’un art, qui évolue à vitesse grand V et qui gagne autant en possibilités qu’en popularité. Si la série semble être nostalgique de quelque chose, c’est bien de cette excitation devant quelque chose qui change constamment et qui ne semble jamais cesser d’évoluer, c’est pas forcément une nostalgie qui serait morale, ou politique. Ce que l’héroïne recherche c’est la liberté créative qu’on retrouve dans cette époque où tout est encore à faire, et où rien ne semble impossible, y compris pour un petit studio de cinq glandus.
En parlant de l’héroïne – moi je l’aime bien !
Je comprends qu’elle puisse vite saouler: elle parle beaucoup, elle parle fort, elle semble toujours avoir de l’énergie à revendre, elle est pas toujours très maligne… Faut la suivre. Ajoutez à ça le perso de Mamoru le gros geek aigri qui casse les couilles de tout le monde avec ses PC98 et vous avez un duo de héros qui sont… un peu écrits comme des persos d’anime des années 2000. Très excessifs dans leur rôle. Aoi Koga double l’héroïne et on lui a même demandé explicitement lors des enregistrements de parler « comme une vtuber » et effectivement ce côté un peu hystérique en terme de rythme et de décibels je le reconnais bien. Écrit comme un manga de 2003, doublé comme un stream des années 2023: le mélange des genres sur ce personnage est assez osé mais je trouve que ça amène l’énergie suffisante pour compenser avec l’aspect visuel assez minimaliste qui lui a bien du mal à capter mon attention.
Mais bref, j’aime bien 16bit Sensation Another Layer malgré ses défauts assez clairs. J’aime bien sa manière de dépeindre les années 90, j’aime bien comment il nous montre par ci par là le processus, j’aime bien comment il utilise les visuals novels « importants » de cette époque dans son intrigue, en plus de les citer directement… Y’a un peu de mystère en plus donc c’est plutôt sympa ! A voir comment la seconde moitié de la série va se dérouler – est-ce que l’héroïne va essayer de donner au visual novel de romance la vision nécessaire pour « survivre » aux années 2010 ? Est-ce que cet animé va essayer de « réecrire » l’histoire ? Est-ce qu’on aura un épisode dédié à la conception d’un opening de VN des années 2000 ? Si oui, est-ce qu’on peut avoir une simili-KOTOKO ? Elle compose l’ending donc tout est possible !
Dans tous les cas, je parlais en début d’année de Magical Destroyers qui, déjà, évoquait la nostalgie de cette période pour les otakus. Et puis dans une moindre mesure on a eu Remade our life y’a quelques années. Est-ce que là aussi on commence à assister à la naissance de tout un genre destiné à rappeler aux otakus trentenaires et quarantenaires toute cette période de leur adolescence et de leur vie de jeune adulte ? On va regarder ça de près, en espérant qu’on ne sombre pas bêtement dans le passéisme irréflechi… Mais je serais pas étonné si en 2024 ou 2025 on commence à avoir des animés qui citent le Hare Hare Yukai 😭…
Tout cela étant dit, je voulais finir avec The Demon Sword Master of Excalibur Academy.
Bon là ça va être plus court parce qu’en fait, en y réfléchissant, j’ai du mal à trouver ça vraiment « sympa. » Du coup ça va être un peu hors-sujet par rapport au reste de l’article ! Surtout que là sur le dernier épisode j’ai commencé à avoir cette réflexion un peu fatale qui est de me demander pourquoi j’irais pas mater autre chose. C’est une série au pitch pas forcément ultra ouf en plus: un roi démon qui, défait par les forces du bien, décide de se mettre en sommeil pour 1000 ans. Réveillé, il est soudainement dans le corps d’un gamin et… bah le monde a énormément changé, du coup il est un peu perdu. Heureusement il va être rapidement sous l’aile d’une héroïne qui va rapidement devenir sa servante, et il va essayer de comprendre le monde dans lequel il vit, tout en se créant vite un harem de nanas qui vont lui tourner autour, pas gênées par le fait qu’il est dans le corps d’un môme de 10 ans. Bon voilà c’est le pitch sachant que bon y’a pas trop d’intrigue – le héros essaie de vivre sa vie et de comprendre le monde, mais des ennemis et des enjeux lui arrivent dessus sans qu’il ait vraiment à aller les chercher. Son but est à priori d’essayer de conquérir le monde et retrouver ses anciens pouvoirs mais il a pas l’air ultra motivé à vraiment s’y mettre. Du coup la série sait jamais trop quoi raconter, et les événements s’enchaînent sans trop de naturel.
Si j’ai commencé à mater ça c’est pour une seule curiosité, et elle est au niveau du staff: c’est réalisé par Hiroyuki Morita. Un nom qu’on a pas vu depuis très longtemps parce qu’il est surtout connu pour avoir dirigé deux animés: la série Bokurano en 2007 (super ambiance, super fun) et le film Le Royaume des Chats en 2002. Oui oui, c’est un ancien de Ghibli ! Et pas un petit ancien, quelqu’un qui est monté à la réalisation ! Ok, clairement pas le meilleur film Ghibli mais tout de même ! Du coup je voulais voir si on sentait une réal « différente » par rapport à d’autres trucs de power-fantasy sans ambition…
…. bon, non, pas trop. En six épisodes, y’a rien qui se distingue particulièrement.
En même temps la série elle-même ne propose pas grand chose pour se distinguer: les séquences d’action sont pas très intéressantes, l’univers est 50% décors génériques 50% vocabulaire bizarre à retenir, l’OST n’a rien d’intéressant, l’opening est un clip-show des séquences de l’anime, le fanservice est étrangement terne, le héros est assez lisse pour un ancien roi-démon… Allez y’a quelques personnages secondaires que je retiendrais ptet – j’aime bien la fille aux cheveux bleus qui passe son temps à parier et à parler aux chiens, et la servante-maid est assez rigolote même si niveau caractère c’est clairement un copier/coller de Ram. L’ending est assez sympa aussi. Mais je peine à trouver plus, et en vrai je commence à m’ennuyer donc je sais pas si j’irais jusqu’au bout. En 2021 j’avais eu The World’s Finest Assassin, en 2022 Vermeil in Gold, j’espérais un peu que Excalibur Academy soit mon plaisir fantasy-trashy très coupable de 2023 mais bon non c’est pas ouf :(.
Donc oui « le charme discret des animés moyens » mais je finis l’article sur un animé dénué de charme. Après je crois pas qu’il soit moyen, il a clairement l’air moins que moyen. Donc tout va bien, finalement ! Je reste cohérent ! C’est le plus important ! Ouf !
J’envisageais d’évoquer Tearmoon Empire pour conclure mais, au final, est-ce vraiment un anime « techniquement moyen » ? Il bouge pas trop mal, il est assez joli… Allez non, pas assez moyen pour que je l’évoque aujourd’hui. Car oui le titre d’animé moyen, il se mérite, et animé moyen sympathique, il se mérite encore plus ! Dans une industrie de l’animation japonaise qui continue de faire dans la surproduction, les séries que j’ai évoqué aujourd’hui sont dans un statut un peu étrange: elles auraient sans doute être pu mieux produites si y’avait eu moins d’animés en parallèle mais de l’autre côté… c’est aussi des « petites » séries, qui n’auraient peut-être pas été produites du tout si il n’y avait pas cette surproduction ! Je pense surtout là à La Valkyrie aux Cheveux de Jais qui clairement n’a été adapté que parce que les éditeurs adaptent le max de light novel de fantasy possible tant que y’a toujours de la demande pour ça. Et en même temps, ces animés, je les aime bien même si ils sont pas très bien produits… Du coup ça me dérange pas qu’ils soient comme ça… C’est presque sympa même que ça soit des « petits » animés. Et dans le cas de 16bit Sensation ça ajoute presque même au message que le récit veut porter…
Bon, au final, je pense que la morale à en tirer c’est que c’est pas grave si des animés sont moyens, tant que j’y prends du plaisir. Je ne suis pas trop bien pour les animés moyens. J’ai le droit de m’amuser devant des animés moyens. Wah, tout ça c’est une morale super évidente et très décevante. Fait chier 😭.
2 commentaires
Mysi
En vrai, racontés comme tu l’as fait, ils avaient l’air tous super intéressants ! Surtout celui sur les VNs. Je le mets dans un coin de ma mémoire.
(bon sauf le dernier par contre, il est moins que moyen, sûrement pour ça)
Un nain (pas) connu
J’ai lu les 10 tomes sortis en anglais de S-Rank/Valkyrie (sur 11 sortis au Japon), et c’est vraiment devenu ma lecture doudou de 2023 tout autant. L’avoir démarré l’année dernière en rentrant dans ma famille pour les fêtes alors que la thématique du début est « vouloir revoir ses parents alors que le taf s’interpose » a bien aidé, la cible des 30-40 ans colle effectivement.
Comme vous dites, on s’attache vite à cette ribambelle de personnages qui sont « cools » mais quand même humains, et à leurs aventures qui sont très typées fantasy japonaise (guilde, rang, monstres, aventuriers…) mais sans les mauvais aspects qu’on voit beaucoup ailleurs : c’est expliqué par l’économie du monde, sans notions liées aux jeux vidéos. Le fait qu’on ne s’attarde pas non plus sur les détails au profit des personnages est un bon choix : le système de combat/magie est en retrait par rapport à la coopération entre membres/groupes, les interactions avec les marchants/employés de guilde plus que la politique locale.
Le trait de Toi8 est ce qui m’a donné envie de lire les tomes, le style brut sort du lot et colle bien au coté médiéval. J’étais donc content de l’annonce de l’adaptation, mais les premiers designs de l’anime m’ont refroidi.
A l’image on voit une influence sur les images de fond, qui ont un style propre. Mais l’animation est vraiment pauvre et j’ai eu l’impression de revoir des trucs des 2000s où ca papote en plans fixes :/
Et ce qui me fait ne pas tenter l’aventure, en plus de déjà connaitre l’histoire, c’est le design de Belgrieve qui manque de charisme et celles des 3 héroines qui font très jeunes. C’est peut-être raccord avec le matériel d’origine, mais je préfère les imaginer en jeunes femmes qu’en adolescentes, surtout dans un contexte martial où on rappelle souvent qu’on peut y perdre un membre comme Belgrieve. C’est un biais, mais l’habitude est prise à cause d’autres séries qui dégoutent un peu niveau traitement des jeunes personnages féminins (la fameuse « »différence culturelle » »), le fait que celle-ci n’en ait absolument pas besoin est en soi très rafraichissant et un de ses très bon point.
Est-ce qu’au fond cette adaptation est bienvenue ? Un bon exemple de la surproduction ? Dans son rôle de donner envie de lire la source, peut-être ; mais pour tenir en tant que produit à part entière c’est effectivement moyen. Un détail que j’aime beaucoup dans les livres est que les chapitres ne repartent pas à zéro entre les tomes, et qu’ils n’ont pour titres que la première ligne : c’est une histoire construite de A à Z qui pourrait sortir en 2-3 gros tomes de fantasy occidentale vu les arcs. Je vous recommande donc la lecture, 11 tomes c’est pile poil ce qu’il faut (vu qu’en LN c’est 4-5 max par tomes, et que l’anglais n’est pas d’un niveau monstrueux).
Dommage pour l’anime donc ; et ça n’aide pas non plus que Frieren sorte en parallèle et soit un rouleau compresseur de fantasy animée avec brio.
Au passage si vous lisez ces mots et avez trouvé S-Rank trop « tranche de vie » à votre goût, je recommande Goblin Slayer qui est tout aussi bon mais bien plus orienté action/mature (lu 3 tomes, pas vu la série mais l’adaptation a l’air correcte).