Mobile Suit Gundam 0080: War In The Pocket – Children of the Grave
Mois de janvier assez bizarre pour moi qui est en train de s’achever: j’ai conclu mon premier CDD dans la paie à la toute fin décembre, et je me voyais déjà passer janvier à la quête de mon contrat suivant, après un peu de repos bien mérité suite à une année de formation sans trop de pauses. La première semaine donnait de bons signes: quelques entretiens passés, pas mal de positif à en tirer… Mais voilà t’y pas que la santé s’en est mêlée: fatigues, migraines, jusqu’à aboutir presque logiquement sur une angine dont je viens de guérir mais qui m’a fait disparaître pendant une semaine, passée à dormir et greloter. Du coup absolument rien n’a avancé. Je plaide aussi un peu coupable: j’ai commencé Baldur’s Gate III y’a deux semaines, et seule la maladie m’a empêché de mettre plus de dix heures par jour dedans. Sachant que l’avenir s’annonce pas plus productif: demain je passe en table d’opération pour me faire retirer une dent de sagesse, avec la promesse que le reste de la semaine derrière soit sous le signe de la douille et d’un autre type de repos forcé.
Bref, situation un peu inattendue mais qui n’était sans doute pas imprévisible. Enfin bon, c’est bien beau tout ça mais vous avez pas envie que je vous parle encore de Gundam ?
Deuxième article d’affilée que je dédie à la franchise, après avoir évoqué avec vous ma petite collection de gunplas y’a deux semaines (j’en profite pour vous signaler que j’ai fait le Turn-A et j’en suis très content.) Certains y verront un signe, moi j’y vois juste un lien logique – c’est parce que j’ai maté la série Gundam War In The Pocket le week-end du 1er janvier que j’ai eu envie de me faire du montage de gunpla, ce qui m’a donné envie d’écrire dessus. Du coup laissez moi vous évoquer Mobile Suit Gundam 0080: War in the Pocket, une série de six épisodes diffusés en format OAV durant l’année 1989. Une série qui non seulement est plus jeune que moi de seulement neuf jours, mais qu’en plus… bah j’ai vraiment beaucoup aimé, et que je vous recommande très fort !
Et cette recommandation elle va commencer déjà en vous donnant le pitch parce que c’est très vite un des aspects les plus intéressants de War in the Pocket: si la série prend place dans le fameux Universal Century – donc l’univers posé par la série Gundam originale et développé par de nombreuses suites et spin-off comme Zeta, Unicorn ou Char’s Counterattack -, elle va adopter une échelle très resserrée en se concentrant sur un seul lieu, une colonie neutre nommée Side 6. C’est sur cette colonie que vit un jeune garçon nommé Alfred.
Bon, Alfred, avec ses 10 ans, il voit la guerre comme le truc le plus cool de tous les temps, il passe son temps à dessiner des ptits méchas dans son cahier et il essaie de collectionner des objets liés au conflit genre des grades militaires, des douilles de balles… La guerre Zeon / Fédération pour lui c’est bien loin et c’est juste des combats trop stylés ! Et cet enthousiasme il ne faiblit pas même quand la colonie sert de cadre à une bataille entre les deux belligérants éternels de la Guerre de Un An, bataille qui va détruire la ville sous les yeux d’un enfant toujours aussi fasciné et qui, en plus, va faire la rencontre d’un soldat de Zéon nommé Bernie, se lier d’amitié avec lui… et plus tard collaborer avec lui dans le cadre d’une mystérieuse opération d’infiltration de sa colonie par les forces spéciales de Zeon ! Bravo Alfred, tu vas devenir un vrai soldat !!!
Bon vous l’aurez deviné: il va aussi comprendre au bout d’un moment que la guerre, c’est pas aussi cool et fun qu’il l’imagine !
War in the Pocket a une place assez intéressante dans la timeline de sortie des animés Gundam: c’est l’animé qui célébrait à l’époque le dixième anniversaire de la série originale, tout en étant le premier animé Gundam à sortir sous format OAV, le premier animé Gundam qu’on peut qualifier de spin-off et c’est aussi le premier animé Gundam à ne pas être réalisé ou écrit par Yoshiyuki Tomino. Plus généralement, l’équipe de Gundam 0080 se différencie pas mal de celles ayant bossées sur les séries et films produits jusqu’ici. On dira même que cette équipe a un petit côté Macross: le réalisateur, Fumihiko Takayama, a dirigé une dizaine d’épisodes de la série spatio-romantico-musicale, tandis que les yeux les plus connaisseurs reconnaîtront sans mal au chara-design la patte de Haruhiko Mikimoto, style très emblématique de cette période et style qu’il a déjà bien fait connaître grâce à Gunbuster et… Macross, justement.
Donc oui, là en 2023 on a appris que la prochaine série Macross serait gérée par Sunrise mais à l’époque c’est la petite équipe Macross qui avait débarquée chez Sunrise ! Le temps passe, les liens restent les mêmes. Sachant qu’à l’écriture on va retrouver en bonus Hiroyuki Yamaga, co-fondateur de la Gainax, réalisateur un peu avant du très ambitieux Les Ailes d’Honneamise. On est donc sur un projet qui fait se collaborer pas mal de talents bruts de la nouvelle vague mécha des années 80 !
Mais du coup, qu’est-ce que ces différences en coulisses peuvent amener pour le spectateur ? Et bah déjà, un truc assez clair: Mobile Suit Gundam 0080 est réellement autonome vis à vis des autres récits de l’UC. Vous vous demandez quelles séries Gundam faut avoir vu pour profiter de celle-là ?
Strictement aucune.
Si vous savez que la Fédération et Zéon se font la guerre, c’est top, mais de base on vous le rappellera durant le premier épisode. C’est même pas vraiment important de savoir pourquoi ils se battent vu que c’est pas vraiment le sujet de ces OAV. Le seul bonus que vous pourrez manquer c’est pourquoi le Gundam qu’on voit dans un des épisodes est un objectif primordial pour tout le monde mais juste la badasserie du mécha devrait suffire à vous convaincre que ouais c’est un truc important.
Donc non, cool, War in the Pocket est très accessible. Et il l’est surtout grâce à son choix d’une échelle très resserrée: le récit se concentre surtout sur TROIS personnages – le gamin (Alfred), le soldat de Zéon en infilitration (Bernie) et la mystérieuse voisine d’Alfred, qui pourrait avoir des liens avec la Fédération (Christina.) Si le casting secondaire est bien étoffé, il n’est pas pour autant étouffant et on fait assez vite le tour de la dizaine de personnages qui vont entourer ce trio. Pas de grandes scènes de batailles spatiales, pas de grandes politiques ou de grands complots impliquant des dizaines de personnages: juste trois personnages évoluant au sein de ce conflit qui va toucher une colonie qui aurait dû – en théorie – rester bien en dehors de tout cela.
Avec seulement six épisodes, la série fait de toute manière le choix de ne pas se disperser et la majorité de la série on va la voir via les yeux d’Alfred.
Alfred c’est un gosse, donc pas de surprise: c’est globalement un pur petit con. Semblant mal avoir digéré la séparation de ses parents, c’est un piètre élève, il est pas spécialement malin, il a une passion un peu bizarre pour tout détruire dans ses jeux vidéo et les seuls trucs qui font vibrer son cerveau c’est la guerre ! J’apprécie le fait qu’ils ont pas essayés de le rendre mature ou malin, de surestimer son intelligence ou sa maturité par rapport à son âge: ce n’est pas un self-insert destiné à un public enfantin, c’est un vrai grosse, dans tout ce que ça peut comporter d’insupportable mais aussi dans tout ce que ça implique en matière d’honnêteté et de laisser-aller par rapport à ses pulsions et ses envies. Il veut être un soldat, il ne va RIEN laisser l’empêcher, quitte à réagir de manière parfois très conne.
C’est évidemment son développement qui est le plus intéressant parce qu’au fur et à mesure il va se retrouver soumis à des décisions qu’il n’a pas la maturité de prendre, et cela sera accompagné d’une prise de conscience assez réelle de ce qu’est la guerre. Car oui, très logiquement, quand il va enfin être au contact de ce qu’il idolise et qu’il va comprendre que la guerre détruit des choses qu’il aime, ça va un peu le remettre dans les rails, et il va devoir grandir…. vite.
Bernie est lui le vrai VIP de la série. Soldat de Zéon pas très très bon, qui finit « promu » aux forces spéciales avec un taux de survie pas très élevé, il va peiner à trouver sa place dans son groupe et s’attacher peu à peu à ce gamin un peu couillon qui va autant l’aider que l’handicaper dans sa mission. Un peu paumé – on sent que lui aussi avait une image de la guerre et du combat qui était bien plus enthousiaste avant la prise de conscience de la réalité du champ de bataille. Il cherche juste à survivre et faire ce qu’on lui demande de faire, malgré les pronostics assez négatifs. Un pur soldat, mais qui n’a pas encore jeté son humanité au caniveau. Son développement personnel est vraiment chouette, mais c’est surtout la relation qui le lie à Al qui est le vrai joyau du récit, tant c’est écrit avec un naturel assez inattendu compte tenu du contexte et de la différence de caractères entre les deux garçons.
Et puis on a Christina, qui est clairement la moins développée des trois – malgré une grande mise en avant sur les visuels officiels. Secrètement pilote, très libre d’esprit, très gentille… elle dégage un charisme naturel qui lui permet de voler l’écran à chaque apparition. Elle développe une relation assez mignonne avec Al et surtout avec Bernie, qui va évidemment tourner au tragique à terme, les deux étant dans deux camps que tout oppose.
Le reste des personnages est plus mineur mais y’a quelques figures qui brillent, à commencer par les membres de l’équipe d’infiltration dans lequel Bernie va se retrouver engagé. Trois personnages assez archétypaux, clairement définis par leurs vices (le tabac pour le commandant, les femmes pour le second, la binouze pour le troisième), pas toujours des plus sympathiques mais qui eux aussi développent au fur et à mesure du récit une relation plus positive qu’on aurait pu l’anticiper envers Bernie et Al. J’apprécie en particulier le vieux commandant, qui a lui aussi une certaine présence, une sacrée classe, celle typique du vétéran un peu sage qui essaie de faire du mieux qu’il peut dans une situation qu’il est le premier à savoir comme foutue.
Y’a aussi les camarades de classe de Al qui valent le coup d’être mentionnés même si là aussi leur rôle est assez limité – ils sont clairement là pour illustrer le développement du gamin, et du décalage qu’il va peu à peu se créer entre lui et eux. Du côté Zeon, pas grand chose à signaler – les rares représentants qu’on croise sont très caricaturaux, avec entre autre un commandant complétement pété par ses idéologies et son orgueil, qui existe simplement pour amener un rebondissement final au récit. Pas le perso le plus fin de la série, mais pas étonnant de le croiser chez Zéon.
Pour avoir maté pas mal d’OAV de cette période (fin 80 jusqu’à milieu 90) ces deux dernières années – c’est devenu une habitude que j’apprécie -, c’est un format et une époque que j’aime beaucoup mais qui m’amène souvent une terrible frustration: ces OAV me semblent parfois être des chefs d’oeuvre très incomplets, qui se terminent beaucoup trop vite, avec le sentiment d’avoir à peine creusé l’univers présenté. Genre y’a pas si longtemps j’ai maté les 3 épisodes de Gunsmith Cats, que j’ai beaucoup aimé… mais qui se suffisent clairement pas à eux-mêmes, comme si j’avais maté des pilotes destinés à faire financer une série télévisée qui n’a jamais existé. Même souci sur un Tetsuwan Birdy ou un Plastic Little – à chaque fois je tombe sur des oeuvres avec des supers univers, des supers personnages, mais un format qui me laisse souvent sur ma faim. Et j’avais un peu cette peur-là sur War in the Pocket ! Six épisodes, seulement ? Etait-ce suffisant pour raconter une histoire complète ?
Et bah oui, ça marche très bien !
Là aussi on sent que des membres du staff ont bossés sur Gunbuster qui, avec ses six épisodes, démontre une qualité similaire en matière de rythme et de manière de raconter l’histoire avec une quantité limitée d’OAV. C’est évidemment bien aidé par le casting assez mince et l’angle très précis qu’utilise la série – elle n’a pas le temps de se disperser, donc chaque minute se concentre avant tout sur l’intrigue qu’elle veut raconter et le développement de ses personnages principaux. Dénuée de gras, la série va toujours en avant et trouve par la même occasion un excellent rythme qui permet de ne jamais perdre le spectateur. Les informations qu’on nous transmet tout le long des six épisodes sont finalement assez minces, on est jamais noyé et en même temps on sait toujours ce qu’il faut savoir. C’est une série assez simple à comprendre, et qui est régulièrement marquée par des rebondissements qui nous donnent l’envie de savoir la suite.
Autre qualité semblable d’ailleurs à Gunbuster: chaque épisode me permet clairement « identifiable. » A chaque fois on a affaire à un angle différent, à une manière de raconter particulière ou à des scènes clés mémorables qui permettent de distinguer les épisodes les uns les autres. Ce qui est aussi aidé par ce sentiment de crescendo que m’a donné la série: chaque épisode m’a paru meilleur que le précédent, et je trouvais déjà le premier assez chouette à suivre !
Bref, War in the Pocket fait un usage remarquable de ses six épisodes, qui est ici pile le bon nombre. Un épisode de moins aurait gaché la fête – il aurait manqué du développement, et ça aurait amené une conclusion moins mémorable -, un épisode de plus n’aurait pas forcément apporté grand chose de plus et aurait commencé à disperser un peu les qualités de la série. C’est chouette !
Donc voilà, pas mal de choses positives à vous dire sur ce War in the Pocket. Si je devais vous trouver un défaut, ce sera au niveau de la bande originale, qui ne m’a pas paru spécialement remarquable. Les génériques, en particulier, n’ont pas énormément de saveur ou de charme, ce qui est presque exceptionnel dans une franchise Gundam qui, même dans ses éléments les plus critiquables, a toujours su trouver les bons tubes pop pour accompagner ses récits. C’est bien le seul reproche que je pourrais réellement faire – même le générique de fin, si je suis pas fan de la chanson, apporte un certain impact avec ses photos d’enfants jouant à la guerre.
Ah si, autre reproche mais là c’est pas la faute de la série: elle est dure à trouver légalement ! Elle ne fait pas partie des séries Gundam qui ont rejoint le catalogue Crunchyroll y’a quelques années, et n’a jamais été éditée en DVD/BR chez nous. Il existe bien des éditions anglophones voire même germanophones mais le souci reste fondamentalement le même: c’est pas la série Gundam la plus facile à regarder. Ce qui est dommage parce qu’elle est justement assez accessible et peut être vue par un public assez large, vu qu’elle ne nécessite que peu la moindre culture en Gundam. En tout cas, j’espère qu’elle saura être mise en avant par un éditeur quelque part dans ces prochaines années – War in the Pocket est vraiment une très bonne série, qui utilise à la perfection son format pour raconter une histoire efficace sur la tragédie de la guerre, portée par trois très bons personnages, riches et surprenants. Donc n’hésitez pas à sortir des chemins battus pour lui donner une chance, peu de chances que vous ne le regrettiez !