Mangas & Animes

The Eminence in Shadow est tristement brouillon

Je dois parfois attendre une quinzaine d’épisodes avant de parfois prendre conscience que, oui, décidément, je ne vois vraiment pas très bien où une série veut aller. C’est un constat toujours un peu triste car ça veut dire que pendant quinze fois vingt minutes je ne sais pas si j’ai très bien suivi et très bien réfléchi à ce que je regardais, sinon je m’en serais peut-être rendu compte plus tôt. Où peut-être était-ce dû à un excès de confiance ? Genre je me disais « non mais à l’épisode suivant, ils vont enfin poser une direction claire, des vrais enjeux, je m’inquiète pas. » Après tout, il m’a fallu 22 épisodes pour enfin assimiler le fait que non, Darling in the Franxx n’était pas ironiquement ultra réac et que non ils n’allaient pas déconstruire et retourner les idéaux vieillots qu’ils étaient en train de dérouler parce que c’était dit au premier degré depuis le début.

Bref, rien d’aussi terrible que la fin de Darling in the Franxx aujourd’hui, je voulais juste un peu raler sur The Eminence in Shadow. Car là j’en suis comme tout le monde au quinzième épisode, et franchement j’ai toujours aucune idée ce que veut être la série, de ce qu’elle veut raconter, sur quoi elle veut se focaliser… Ce qui est dommage parce qu’elle avait un super concept. Dont elle ne sait pas quoi faire après quelques épisodes.

Ah ! C’est pas la première fois que ça arrive, ça, tiens.

Pour résumer rapidement The Eminence in Shadow c’est un de ces isekai-au-perso-principal-pété qu’on croise régulièrement depuis maintenant quelques années. Là le « concept » qui démarque ça du reste, c’est que ce héros est con comme la lune.

Ah ! Attendez, je vois dans vos yeux que « bah oui c’est un héros d’isekai, souvent c’est des gros cons. »

Ce que je voulais dire !

C’est qu’il est écrit pour être con comme ses pieds ! C’est un teubé ! Un gars un peu stupide !

Parce qu’en fait le gars déjà il est mort de manière idiote (il pensait qu’il était devenu si fort qu’il pourrait survivre à un impact avec un camion), mais c’est que surtout son rêve dans la vie c’est d’être « ‘l’éminence dans l’ombre« , en gros un perso secret trop puissant qui dirigerait tout… dans l’ombre. Il ne veut absolument pas être un héros, un personnage principal… il veut juste être Lelouch Lamperouge. Un gars cool et mystérieux qui dirigerait une armée de l’ombre trop balèze. Et il est tellement focalisé sur cet objectif que TOUT LE RESTE lui passe à coté.

En même temps il fait des flammes avec sa main, donc franchement pour les aprem barbecue c’est un gars sûr

Le truc rigolo rajouté à ce pitch c’est que du coup ce gars va rapidement se réincarner dans une riche famille noble et puissante, va se retrouver melé au sauvetage d’une dizaine de jeunes filles et va commencer à raconter des tas de bobards à ces héroïnes, afin de « roleplayer » son rôle d’éminence de l’ombre. Il va donc créer son petit groupe secret, le Shadow Garden, mais aussi créer en face une « fausse société maléfique » que lui et ses amies vont essayer de faire semblant de combattre, ça s’appelle le culte de Diabolos, c’est les méchants ultimes, c’est rigolo, ils s’amusent, voilà.

Sauf que ce que le héros ne sait pas, c’est qu’il y’a réellement dans le monde qu’il habite un culte maléfique secret nommé le culte de Diabolos. Et le culte de Diabolos commence à péter un cable au bout d’un moment parce que comment ça se fait qu’un groupe de gosses encapuchonnés connaissent leur existence ? Et très rapidement les héroïnes se rendant compte que ce culte existe réellement vont tout faire pour enquêter dessus et les combattre… toujours dans l’ombre. Sauf qu’elles ne savent pas que le héros ne sait pas que le culte de Diabolos n’existe pas vraiment. Pour lui, elles font plein de trucs en secret pour enquêter sur ce culte comme si c’était toujours un jeu, etc. Du coup il commence à trouver qu’elles en font un peu trop mais eh, il n’est pas homme à juger les activités de chacun.

Donc voilà, le pitch de la série, en théorie, c’est de nous proposer de suivre l’affrontement entre Shadow Garden et le culte de Diabolos, alors que le gars qui dirige Shadow Garden est le seul de tout l’affrontement à penser que le culte existe pas vraiment et que tout ça est une sorte de grand jeu, grand jeu qu’il est heureux de jouer pour continuer à roleplayer son rôle de « éminence de l’ombre » ce qui lui apporte un méga gros kiff personnel.

Genre ok la vanne où il met tout son budget dans une déco ultra riche pour se la jouer encore plus mystérieux c’est drôle

Donc oui, le pitch est rigolo. Et c’est ça qui m’a donné envie de mater la série à la base. Le concept est un peu différent, et y’a moyen que ça soit fun si c’est bien écrit.

Bon, twist de ouf et bruit de vinyl qui s’enraie: ce n’est pas très bien écrit.

Les premiers épisodes sont… sympas. Le premier surprend un peu en se concentrant sur la vie du héros avant sa mort, fait une blague drôle à base de « le générique de fin de la série débarque au bout de quinze minutes » avant de commencer à mettre en place l’univers d’heroic-fantasy dans lequel on va être. On commence à nous présenter le cast féminin, le héros surjoue des phrases en anglais, bon c’est pas trop mal. Ok, l’opening est nul et possède une des plus mauvaises chansons qu’a pu composer Tom-Hack, mais on a appris à vivre avec pire handicap dans cette industrie.

Quinze épisodes plus tard, j’ai l’impression qu’il s’est à la fois passé des trucs mais aussi rien passé. Le héros a participé trois fois à des tournois, on a eu des révélations sur une église locale, y’a eu une prise d’otage par un groupe terroriste qui cherchait une sorte de relique, y’a toujours une quête de recherche du culte de Diabolos en fond mais je sais même plus si c’est vraiment encore d’actualité. La série rajoute un nouveau perso féminin et interêt amoureux au héros tous les deux épisodes…

C’est chaaaaaotique de ouf. Parce que la série ne sait tout simplement pas ce qu’elle veut faire.

Est-ce qu’elle veut être une comédie ? Le pitch le laisse penser, ça joue un peu avec des codes et des références, y’a quelques moments un peu drôles, le héros a cette tendance à surjouer qui parfois fait que ok il me fait rire ce con-là, le concept permettrait pas mal d’humour parodique… Donc parfois, ok, ça va dans la comédie. Mais pas suffisamment pour que ça soit vraiment une comédie.

Du coup est-ce qu’elle veut raconter une intrigue ? Là aussi, difficile à dire… Là par exemple on vient de conclure un arc ou justement y’a une once d’intrigue « sérieuse », où l’on découvre le passé des membres de Shadow Garden, où y’a un antagoniste clairement identifié, des combats à enjeux… Sauf que le héros passe son temps à clairement s’en foutre, et que tout l’épisode 14 est passé à mettre en place des « obstacles » et des promesses d’enjeux… que le héros désamorce en trente secondes à chaque fois.

Ah oui parce que je l’ai pas dit mais le héros est ultra-puissant. Il gagne tous ses combats extrêmement vite et il n’y a absolument aucun enjeu dans les combats qu’il mène – on sait que non seulement il va les gagner, mais sans la moindre difficulté ou le moindre rebondissement. Tout l’arc qui va du dixième au quatorizème épisode est passé à introduire des combattants trop puissants genre « la sorcière qui a failli détruire le monde » ou « l’héroïne la plus puissante de tous les temps » ou « cent clones de l’héroïne la plus puissante de tous les temps » et à chaque fois bon bah il gagne. Pas trop difficilement. Sauf si il décide volontairement de perdre. Évidemment.

Ce qui donne la vanne la plus longue et la plus nulle de toute la série: quand il fait semblant de perdre genre 100 fois d’affilée le match. J’avais envie qu’on l’achève et, surtout, qu’on m’achève.

Alors est-ce que du coup The Eminence in Shadow veut être une parodie des récits isekai avec des héros trop forts ? Et si le concept c’était juste « le héros est trop puissant MAIS il veut rester discret parce qu’il crève d’envie d’être une puissance mystérieuse » et que derrière ça essayait de produire une intrigue qui permettrait juste de « parodier » les codes du genre ? Genre oui l’épisode 14 on fout juste des trucs trop puissants sur le chemin du héros et il les démonte en vitesse parce que justement le gag c’est qu’il one-shot des trucs trop puissants et que du coup lol le scénario avance très vite ptdr ? Mais le problème c’est que si c’est le cas, alors The Eminence in Shadow est une parodie… très simpliste. Qui est condamnée à vite tourner en rond.

Ce qu’elle fait déjà d’ailleurs parce là on en est qu’au quinzième épisode mais on en est déjà à voir le héros participer à son troisième tournoi ! Son TROISIEME ! En QUINZE EPISODES ! CA FAIT UNE PARTICIPATION A UN TOURNOI TOUS LES CINQ EPISODES !

STATISTIQUEMENT, C’EST BEAUCOUP !

Non c’est vrai que plus on y pense, plus le pitch est clairement un piège pour son propre auteur.

Mais pas pour l’illustrateur / chara-designer qui lui vit sa meilleure vie à dessiner une quantité illimitée de ce qu’on appelle dans le métier des « filles à grosses doudounes »

Cid est un protagoniste vraiment compliqué à écrire parce que fondamentalement il peut pas être réellement impliqué dans l’intrigue vu qu’il est pas censé savoir que le culte de Diabolos existe vraiment – ça casserait la vanne du scénario. Du coup il est toujours en parallèle de la « vraie » intrigue, il fait ses propres délires chuunibyou de son côté jusqu’à tomber par hasard sur l’intrigue. Donc ça veut dire qu’à chaque arc il faut trouver une excuse ou une raison qui justifierait comment Cid se retrouve impliqué et se retrouve à devoir combattre les antagonistes locaux. Donc ça demande pas mal d’idée, pas mal de talent et pas mal d’effort pour faire en sorte que ce personnage existe « naturellement » au sein du récit, surtout quand le personnage explose tous les combattants qui sont sur son passage.

En même temps on a donc Shadow Garden, le groupe de nombreuses héroïnes, qui elles enquêtent sérieusement, développent leurs couvertures, mettent en place un empire financier capitaliste ultra puissant pour financer leurs action. La vraie intrigue elle se déroule de leur côté, on y est parfois plongé, mais là aussi on en voit que finalement assez peu, l’animé se concentrant plus sur leur vie quotidienne ou leurs efforts pour rester « incognito » plutôt que sur leurs efforts sur l’intrigue. De toute façon comme elles aussi sont méga pétées, bah tout va bien et tout marche bien pour elle. Il n’y a pour ainsi dire aucun réel enjeu de leur côté – elles jouent à un jeu de gestion et d’enquête en méga-facile.

Je pense que l’auteur a commencé à s’apercevoir qu’avoir un cast de personnage proprement trop bons ça allait un peu le limiter pour créer des rebondissements ou une intrigue avec des enjeux alors il a commencé à introduire le personnage d’Alexia qui elle aussi se rend compte qu’un truc tourne pas rond au sein du royaume-empire, et qui va donc elle aussi commencer à enquêter en parallèle de Shadow Garden. Alexia elle est forte, elle a une aura noble importante, elle a des réseaux mais elle, bon, elle est juste « humaine », donc au final elle a le potentiel pour être le seul personnage principal qui peut être parfois mis en difficulté, et créer un peu de suspens sur si elle va réussir ce qu’elle entreprend ou pas. Vu que tous les autres personnages eux ne roulent que des succès critiques, on va dire que son histoire s’annonce moins prévisible… si évidemment, le perso est développé par la suite, on est pas à l’abri qu’en fait lol non, on s’en foute d’elle !

Après, elle est doublée par Kana Hanazawa donc c’est aussi une motivation pour regarder l’animé et aussi un espoir pour qu’elle continue à rester importante par la suite !

Donc oui, est-ce que fondamentalement The Eminence in Shadow ne fait pas que s’enfermer dans un piège déjà traversé par beaucoup d’autre webnovels ? Ces webnovels avec des concepts rigolos sur le papier mais qui sont extrêmement durs à faire durer de manière intéressante ? Car oui, tu peux arriver et dire « ok je fais une histoire mais le twist c’est que mon héros est trop fort », mais d’emblée va falloir être très créatif et très imaginatif pour rendre ton histoire palpitante et variée. Car on entre dans ce monde de concept qui offre la possibilité de quelques excellents premiers chapitres avant de se rendre compte que, yep, faut plus que ça derrière. Faut un univers béton, des personnages qui vont au délà de la parodie ou de la mono-blague, faut parvenir à quand même trouver des choses palpitantes à raconter, des raisons de nous faire revenir chaque semaine ou chaque chapitre. Un concept, seul, même original, ne suffit amplement pas.

C’est dommage que The Eminence in Shadow soit aussi inintéressant parce que fondamentalement le concept est encore une fois… bon. Il y’a un ptit potentiel derrière. Mais ce potentiel, pour être achevé, nécessite que l’auteur sache clairement ce qu’il veut faire, quel angle il veut poursuivre et pour moi, après quinze épisodes de l’animé, je n’ai aucune foutue idée de où il veut nous emmener et je doute même clairement qu’il sache lui-même. Il est tout à fait possible aussi que quelque chose se soit perdu dans l’adaptation et que si le webnovel / light novel sait où il veut aller, les gens qui gèrent l’anime, eux, n’aient pas forcément reçu le mémo. C’est aussi une probabilité – je n’ai ni lu le webnovel, ni lu le LN, ni lu le manga, donc je serais limite soulagé si ces défauts sont unique à la version animé.

Mais oui, il y’a moyen de faire tellement plus. Déjà, peut-être développer un peu plus Shadow Garden et profiter de l’existence de ces personnages pour créer clairement une section « sérieuse » au sein de la série quand il s’agit de développer une intrigue et un univers ? Les « enjeux habituels », les rebondissements, permettre au groupe d’héroïne de les faire exister. Ca impliquerait aussi de développer ces personnages, ce que la série peine tristement à faire là aussi après quinze épisodes – parce que genre y’a certains persos je retiens rien d’eux, par exemple Epsilon c’est quoi son truc à part avoir des faux seins ? Pourquoi t’as autant de perso au design cool pour en faire pas grand chose ou pour les limiter à une seule blague / trait de caractère ? C’est triste quand même 🙁.

Où alors tu pars du principe que t’es full comédie, et là tu écris ta série vraiment comme une comédie, mais dans ce cas-là ça veut dire que tu vires les moment où tu te prends soudainement méga au sérieux (sans que ça débouche sur quoi que ce soit), t’évites globalement d’être chiant, et dans tous les cas ça t’empêche pas de quand même beaucoup plus développer tes persos pour qu’ils puissent au moins offrir une vanne différente à chaque épisode. Car là pour le schématiser le souci c’est que l’auteur, quand il veut introduire une nouvelle blague, il introduit un nouveau personnage, ce qui est pas comme ça que ça devrait marcher.

Je déconseille le claquage des burnes, en vrai

Bon après dans tous les cas y’a le souci intrinsèque qu’est celui d’écrire un perso qui tue tout et tout le monde très vite, et qui n’a pour ainsi dire aucune adversité. Là aussi très dur de faire durer le récit avec un tel postulat, ça demande un certain talent et, surtout, ça demande de commencer à bien développer d’autres qualités pour tenir la route. Ca fait longtemps par exemple que One-Punch Man n’est pas là que pour raconter la vanne de Saitama qui tue tout en un coup: la série a choisie pour une bonne raison de développer son univers, ses personnages, et de créer un ensemble large qui permet à la série d’exister et d’offrir rebondissements et excitation auprès de son lecteur.

Et puis surtout, petit rappel que Helck existe !

Helck c’était exactement un de ces mangas voués à échouer car parti sur un concept là aussi très rigolo sur le papier mais pas forcément prometteur en terme de durée concrète, avec son héros humain trop puissant et trop balèze qui se retrouve à tout démolir dans un tournoi chargé d’élire le nouveau… roi des démons. Sauf que là aussi, passé le premier tome, la série part au final dans une autre direction, continue de garder son personnage principal ultra grobill mais ne sacrifie pas pour autant l’idée d’avoir des enjeux scénaristiques, de proposer des affrontements palpitants, de développer les relations entre le héros et d’autres personnages moins puissants, de créer de l’émotion par moments…

Donc oui, ce postulat n’est pas voué à l’échec ! Mais pour fonctionner, ça demande en tant qu’auteur de savoir clairement ce qu’on veut raconter, ce que The Eminence in Shadow n’a clairement pas encore identifié.

Et en même temps, est-ce que je peux blâmer l’auteur quand au final ce côté indéterminé, brouillon et chaotique… est un peu la faute du système dans lequel cette œuvre est créée ?

Car oui, encore une fois, The Eminence in Shadow est à la base un webnovel. C’est une histoire publiée sur Shosetsuka ni Naro, principal site de publication de récits amateurs sur Internet, histoire écrite par un auteur qui déclare en interview que c’était la première fois qu’il écrivait et publiait de la fiction donc ouais, tu m’étonnes que y’a un peu d’inexpérience évidente dans cette série ! D’autant que dans la même interview il dit clairement qu’il avait ce concept de mec chuunibyou en plein univers d’heroic-fantasy, que ça le faisait marrer et qu’il a écrit les chapitres avec cette blague en tête, mais en n’ayant pas vraiment d’univers conçu à la base et en créant les personnages un peu au fur et à mesure qu’ils apparaissent. Donc là aussi, tu m’étonnes que c’est très bordélique, que y’a simultanément trop de personnages et pas assez de développement des personnages, et que généralement l’univers reste encore très flou ! Parce que ouais à la base c’est le récit d’un auteur sans expérience qui poste des chapitres sur Shosetsuka ni Naro au jour le jour pour s’amuser et qui développe son truc au fur et à mesure des chapitres, donc oui c’est plein de bonne volonté mais aussi plein de maladresse !

Des récits venus tous droits d’auteurs inexpérimentés qui ont publiés leurs ptits délires sur Shosetsuka ni Naro, on en a eu des tonnes ces dernières années, parfois du très bon (ReZero, Moi quand je me réincarne en Slime, Log Horizon, etc) mais, faut bien l’avouer, bien plus souvent des trucs médiocres (dont Shield Hero parce que je me dois de commencer la nouvelle année en me permettant mon crachat annuel sur le connard au bouclier.)

Je reste toujours partagé parce qu’au fond je trouve que y’a un certain charme à voir des amateurs complets trouver le succès sur Internet et voir leurs délires devenir un animé au succès international, mais de l’autre côté je trouve ça aussi très cruel d’afficher de manière aussi explicite et évidente… bah l’amateurisme et l’inexpérience de ces gars. C’est pas une insulte de dire que The Eminence in Shadow et plein d’autres animés isekai récents sont écrits par des amateurs parce que, à la base, c’est le cas !

Mais c’est là que vraiment, faut que les scriptes et les éditeurs se bougent un peu le cul et travaillent vraiment sur les réécritures des récits parce que j’ai parfois le sentiment que y’a déjà peu d’efforts de fait entre le passage du web novel au light novel, et devrait y’en avoir encore plus quand le light novel passe en animé. The Eminence in Shadow aurait clairement bénéficié d’avoir des éditeurs professionnels qui repassent sur le webnovel et assistent l’auteur pour qu’il puisse trouver la direction à prendre avec le récit, l’aiguiller pour qu’ils comprennent les qualités du webnovel et développe réellement ces qualités, quitte à tout réecrire complétement pour avoir un vrai récit qui sait d’emblée ce qu’il veut être et ce qu’il veut dire.

Mais bon, si je laisse parler le côté un peu cynique qui en est moi et que je me met à la place des maisons d’éditions, c’est quoi le mieux: sortir un demi-millier de nouveaux lights novels issus de webnovels chaque année, faire un taf minimum et parfois limite sortir le webnovel quasi tel-quel, économiser à donf et taper le jackpot sur les dix titres qui vont marcher et rapporter de la méga thune ? Ou retravailler en profondeur chaque nouveau titre de ta collection LN, mais du coup en sortir dix fois moins, et ainsi réduire drastiquement tes chances de toucher le gros lot ?

Bref, je me disperse. C’est juste que plus le temps passe, plus je vois dans ces 4 milliards d’adaptations de webnovel la main invisible du marché de l’édition qui en a plus rien à foutre, prend à des auteurs amateurs les droits de leurs histoires (qui doivent être négociés à des tarifs rudement moins chers qu’à des auteurs professionnels ou installés), en fait des LN, en fait des mangas, en fait des animés, mais sans faire au préalable les efforts nécessaires pour faire de ces récits amateurs des vrais récits qui ont leur place sur les écrans du monde entier. Je devrais être heureux pour tous ces auteurs qui voient ce qui était à la base leurs petites histoires faites sur Internet devenir des succès mondiaux, mais en fait je suis horrifié de voir leurs brouillons, leurs expérimentations, leurs petits délires persos devenir des trucs diffusés et jugés partout dans le monde par de plus en plus de gens.

Et je dis pas ça par mépris: c’est pas leurs histoires et leurs idées le problème, c’est que y’a eu trop peu d’intermédiaires, trop peu de réecritures, trop peu de correction entre le moment où ils publient leurs écrits sans doute explosés à 3h du matin 1 et le moment où ça devient un épisode 1 dispo sur toutes les plates-formes de simulcast, qui va être commenté par des milliers de personnes sur Twitter, reddit, et plus encore.

Bref, vous l’aurez compris, la série animée The Eminence in Shadow est ultra brouillonne, ne sait pas ce quelle veut être, ne sait pas ce qu’elle veut dire, ça s’explique pour plusieurs raisons, mais ça reste quand même un visionnage très vain et surtout frustrant parce que clairement on voit à travers les failles l’éclat du diamant que la série aurait pu être. Y’a une vraie parodie d’isekai – en vrai t’es pas loin d’avoir ici un OSS 117 de l’isekai, parce que Cid et Hubert c’est des persos très similaires dans leur connerie et leur décalage au reste du monde – ou un vrai bon récit d’aventure comique qui se cache derrière cet animé et qu’on aura jamais parce que la maison d’édition s’en fout, parce que le comité de production s’en fout et que du coup le studio et le staff qui gère la série s’en fout !

(Même si eh le studio il fait ce qu’on lui dit de faire donc c’est clairement pas à eux de porter la responsabilité, surtout que y’a quelques moments bien mis en scène genre ok le héros qui prononce « give me more power » avec l’animation qui se barre en couille derrière, c’est parfait.)

Je vais quand même finir la série par acquis de conscience et surtout parce que je continue bêtement d’attendre le moment où la série va se réveiller et enfin comprendre qui elle est (et je me sentirais du coup très bête si ça arrive dans l’épisode qui sort ce soir), mais c’est vrai que hélàs jusqu’ici je ne la recommande pas vraiment. Quitte à avoir un perso de fantasy pété qui s’entoure de jolies nanas pour enquêter sur des gens et tuer des vilains méchants, je lui préfère The World’s Finest Assassin. Puis si vous voulez juste un mec pété dans un monde d’heroic-fantasy qui vit des super aventures, bon bah y’a l’animé de Helck qui arrive… un jour… ils l’ont annoncés y’a un an donc… j’y crois…

Cela étant dit, pas de mauvais feeling spécifiquement envers The Eminence in Shadow, je pense que je pourrais écrire le même billet sur genre 75% des adapts de webnovel… Je repense par exemple à Skeleton Knight in Another World sorti l’an dernier qui avait exactement le même souci de personnalité qu’il ne parvenait pas à trouver…

Donc bref… nique le système….

Mais vive les Shoko Bons

  1. Je m’inspire ici de ma propre expérience de blogueur et généralise à mort en partant du principe que si moi j’écris toujours à 3h du matin, tous les écrivains de l’internet font sans doute pareil. Je pense que j’ai tort mais pas trop tort non plus, c’est une vie sauvage celle d’un artiste 😎
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4 commentaires

  • Mathxxl

    Pour The Eminence in the Shadows, je pense que l’adaptation a amplifiée les problèmes du côté « amateur » du récit. Pour avoir lu le manga, on a pas ce problème de l’oeuvre qui ne sait pas ce qu’elle veut raconter parce que c’est 90% du temps une parodie avec de chouettes dessins donc y’a pas vraiment ce côté cul entre deux chaises. L’animé a des teintes assez froides et une musique souvent assez sombre donc tous les passages qui sont pas des blagues pures apparaissent sérieux et on se retrouve avec de longs tunnels comme ça pas forcément passionnants.

    Cela étant dit, je pense que l’analyse de l’industrie du webnovel est tout a fait pertinente et il ne fait pas de doute que le coeur des problèmes de l’oeuvre se retrouve dans le support de base. Cela n’a pas gâché ma lecture (je prends toujours pas mal de plaisir à lire le manga), mais je comprends complétement le sentiment de frustration de voir quelque chose qui a du potentiel mais qui n’a pas reçu les efforts nécessaires pour l’accomplir après plusieurs réécritures/adaptations !

    • Amo

      Y’a l’air d’y avoir une unanimité sur le fait que le manga est bien meilleur, faudrait que j’y jette un oeil du coup haha. J’espère surtout que l’arc qui vient de se terminer dans l’animé (le tournoi / le vieux clerc corrompu / le background des héroïnes) y est mieux traité parce que c’est vraiment cet arc qui m’a un peu achevé car pfiou gros ennui 😭.

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