Gatchaman Crowds 01 (réexamination) – L’oiseau aux ailes blanches ne s’est pas égaré

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Je brise un peu les règles du site avec cet article car cet épisode a déjà été examiné par Nock il y a près de deux ans lors de sa diffusion. Je le remercie d’ailleurs parce que c’est lui qui avait ainsi attiré mon attention sur cette série à l’époque. Mais donc, si je me permets cet écart de conduite, c’est pour vous proposer quelque chose de complètement différent en étudiant l’épisode avec un regard tourné vers l’arrière plutôt que l’avant. La connaissance fournie par le reste de la série offre, vous allez le voir, une toute nouvelle perspective sur cette introduction bourrée de sens cachés.

Et pour être honnête, si je me suis décidé à utiliser le format Minorin pour cet article, c’est parce que ça fait presque deux ans que j’essaye d’accoucher d’une analyse détaillée de cette série mais que j’échoue à chaque fois parce que celle-ci dit tellement de choses à la fois que je ne sais pas où donner de la tête. Il se passe énormément de choses dans cet anime en seulement douze épisodes, au premier plan comme au second, au sens littéral comme au figuré, et on va donc essayer de prendre les épisodes un par un pour voir si ça marche mieux. La seconde saison approche aussi à grand pas et ce sera l’occasion de se remettre dans le bain. D’ailleurs, cet article s’adresse à ceux qui ont déjà vu la première saison dans son entièreté car je ne peux pas faire d’analyse en profondeur sans parler explicitement des tournants de l’histoire, ainsi attendez-vous à des spoilers de partout.

Mais, hé, si vous n’avez pas encore vu la série, elle est disponible en sous-titres français sur Crunchyroll ! Si vous avez envie d’une série de superhéros qui questionnent les stéréotypes du genre sans faire dans le « grimdark », ou qui propose le premier commentaire intelligent sur l’influence d’internet au sein de notre société depuis Lain, vous allez être servi.

Gatchaman Crowds // Tatsunoko // Débuté en juillet 2013 // 12 épisodes // Réalisateur : Kenji Nakamura

 

Titre de l’épisode

Tous les épisodes de Gatchaman Crowds sont nommés d’après des courants artistiques. Cet épisode-ci est titré « avant-garde« . En art, cette expression désigne un courant, une oeuvre ou un artiste tourné vers la nouveauté et l’expérimentation. On y associe aussi l’idée de briser les conventions et de se séparer ou s’opposer aux codes et principes académiques. D’une certaine manière, la série annonce directement son désir de se tourner vers l’avenir et son intention de renverser les archétypes pour faire réfléchir le spectateur. Le choix de ce titre pour cet épisode précis est cela dit un poil étrange vu qu’il a pour rôle, on va le voir plus bas, d’introduire beaucoup d’éléments d’une manière apparemment classique, et qui ne seront explicitement questionnés ou renversés que dans les épisodes suivants. Peut-être le titre est-il une invitation à chercher les sens cachés que nous allons étudier plus bas, ou alors est-il plus simplement littéral et fait synonyme au rôle introductif de l’épisode.

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Sugane, un héros droit… mais pas très juste

A l’époque où la série a été diffusé, j’ai vu quelques personnes la décrire comme étant trop clichée et la laisser tomber après avoir seulement visionné le premier épisode. Je ne les blâme pas un seul instant car ce premier épisode cache son vrai jeu d’une manière qui tient parfois purement de l’art, et c’est pour ça que je conseille toujours aux gens de mater au moins jusqu’à l’épisode deux pour avoir un vrai aperçu de l’histoire. D’ailleurs, certains des choses dont je vais parler ci-dessous m’ont nécessité plusieurs revisionnages pour les repérer ou les décrypter.

Mais donc, tout l’art de cet épisode est qu’il fait exprès d’avoir l’air cliché, tout en contenant en même temps des indices discrets sur la vraie direction de l’anime, voire même des scènes à double sens. Le début de l’épisode est consacré à Sugane, un jeune adolescent droit et juste qui semble taillé pour être le parfait et classique super-héros. Il est un modèle de civilité dans sa vie de tous les jours et combat secrètement les méchants extraterrestres la nuit derrière son masque de super-héros. Difficile de croire qu’on pourrait donner une mauvaise image de ce personnage, et pourtant l’anime le fait dès les premières secondes.

Quoi, vous ne me croyez pas, ou vous ne voyez pas de quoi je parle ? Hé bien, jetez un coup d’oeil aux tout deux premiers plans larges de l’épisode :

 

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(Ces deux plans ne sont séparés que par un rapide gros plan de Sugane enfilant sa chemise)

Le tout premier plan est un décor extérieur à la fois moderne, ouvert et vivant. Le ciel est bleu, l’horizon est ouvert, il y a des arbres verts partout, le bruit des hélicoptères suggère l’activité humaine, et les bâtiments modernes sont en harmonie avec la nature environnante. La « caméra » est placée au bord d’un balcon, ce qui participe à l’aspect ouvert du paysage (on ne voit pas de toit au-dessus de la caméra, le ciel est la limite et il est placé très loin en arrière-plan).

Mais juste après ça, on enchaîne avec la chambre de Sugane, qui est littéralement une boîte. Cet aspect est d’ailleurs renforcé par le placement de la caméra au centre du quatrième mur, et par le fait que la majorité des éléments de décors sont carrés ou rectangulaires. Dans sa nature même, le décor est aussi traditionnel et austère. Cette pièce est beaucoup plus petite que le paysage précédent et pourtant elle paraît plus vide. Tout est si proprement rangé qu’on a pas l’impression que quelqu’un vit vraiment ici. Et bien qu’un rayon de lumière pénètre à l’intérieur depuis la fenêtre du balcon, Sugane et la majorité de la pièce sont dans l’ombre, là où les couleurs sont ternes. A noter que le Carnet de Sugane trône au centre de ce décor.

Ces deux plans annoncent déjà pas mal de choses pour la suite, à commencer bien sûr par une simple métaphore sur le fait que Sugane et les Gatchaman sont confinés par leurs règles et traditions, ainsi que leur nature secrète, et se retrouvent ainsi à l’écart du monde extérieur et moderne qui les a dépassé depuis un bon moment. On peut aussi noter un inversement des stéréotypes : en général, les médias représentent la tradition et l’austérité comme étant les voies permettant d’être en phase avec la nature, les règles « universelles » du monde, et aussi d’échapper à une modernité étouffante. Mais ici, c’est l’exact inverse qui est montré : la modernité est en phase avec la nature tandis que la tradition et l’austérité sont étouffantes.

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L’une des rares leçons de morale de la série (qu’on étudiera en détails dans un futur épisode) est que personne n’est bon naturellement. Ce n’est pas parce qu’il a une personnalité droite et juste que Sugane est forcément apte à juger toute situation correctement et à ainsi se donner les moyens d’accomplir une bonne action. Sugane insiste pour suivre des règles précises et les appliquent à toute situation,Il faut parfois réfléchir au cas-par-cas les regarder les choses depuis un autre angle, comme dans la scène qui suit à l’intérieur du tramway.

Au premier visionnage, tout semble aller pour le mieux : Sugane remarque un jeune homme qui occupe une place assise dans le train alors qu’une femme enceinte est debout devant lui et il va lui demander de céder sa place. Cette scène nous apprend naturellement et en seulement dix secondes quel genre de personne est Sugane. On le voit être un jeune homme droit et civile, qui semble ainsi être apte à endosser un rôle de super-héros. Mais au second visionnage, quand on connaît la philosophie de Hajime, cette scène peut prendre une toute autre signification au-delà de ce rôle d’introduction.

Comment est-ce que vous décrieriez ce personnage ?

 

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La réponse a laquelle je m’attends, c’est une variation ou un synonyme de « punk », « délinquant » ou « jeune troufion ». Avec son masque, ses cheveux en bataille, son col déplié et son casque, le chara-design de ce personnage cherche clairement à suggérer cette impression chez le spectateur. Qui plus est, ce personnage est directement mis en conflit avec Sugane le droit et juste, donc forcément on est tenté de lui associer l’archétype opposé et de sauter sur le stéréotype du « jeune voyou qui respecte pas les règles de civilité », qui est souvent utilisé dans les animes pour valoriser un personnage principal (par exemple Samurai Flamenco, un autre anime de super-héros qui est un peu l’antithèse de Crowds, l’utilise sans aucune ironie dans son propre premier épisode). Sauf que, rappelons-nous un instant la philosophie de Hajime : « il vaut mieux partir du principe que la personne a une raison tangible de commettre une action répréhensible ».

Si on réexamine le jeune homme en gardant ça en tête, on peut remarquer de nouvelles choses : il transpire et plisse ses yeux cernés. Aussi, qui au Japon portent des masques en public en dehors des délinquants ? Ouaip, les gens malades ! Ce jeune homme est malade et a donc probablement besoin de s’asseoir pour se reposer. Qui plus est, si on observe la femme enceinte, elle semble à l’inverse parfaitement en forme. Ainsi, bien que ça aille à l’encontre des règles sociales d’usages, le jeune homme a probablement plus besoin de la place assise que la jeune femme. Il s’avère que Sugane n’a pas pris la bonne décision parce qu’il a suivi les règles aveuglément et n’a pas pris la peine d’observer la situation sous différents angles.

Cette scène est très intéressante car c’est la seule de la série à montrer une situation où la philosophie de Hajime a raison, et elle nécessite un re-revisionnage vu que la scène a lieu avant même qu’on ne rencontre Hajime. Je suis aussi très admiratif vis-à-vis du véritable tour de magie joué par la mise en scène. L’anime fait exprès d’invoquer un cliché de la japanimation pour distraire le spectateur et l’empêcher de voir la vérité qui est présentée en gros plan et juste sous son nez. Et ce n’est pas la seule fois que cet épisode va faire ça.

 

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Aussi belle soit-elle visuellement, un des défauts de la série est que les costumes des Gatchaman sont super saturés en détails tout en n’ayant jamais le droit au moindre plan long pour permettre au spectateur de les admirer. Genre ici, je n’avais jamais remarqué avant de prendre ce screenshot que l’épée de Sugane ne faisait qu’un avec son bras gauche. Quel gâchis quand même d’avoir autant investi dans le design des costumes avec une 3D de toute beauté pour au final ne jamais vraiment les montrer !

 

Bien que par la suite, l’épisode se recentre sur Hajime, les (més)aventures de Sugane ne s’arrêtent pas là. Il affronte le MESS du centre commercial et endosse pour la première fois à l’écran son costume de super-héros. Et bien qu’il a certainement la classe, on peut aisément voir ce qui ne va pas ici : le méchant monstre qu’il affronte n’est pas du tout agressif et s’enfuit d’ailleurs en quatrième vitesse plutôt que de riposter face à Sugane, qui est en fait lui-même l’agresseur dans cette situation. Avant ça, il y a aussi ce moment un peu rigolo où Sugane fait un discours héroïque au MESS qui l’ignore complètement. Les indices quant au fait que le problème entre les MESS et les humains tient d’une mauvaise communication plutôt que d’un désir malicieux de violence sont bien présents mais facile à ignorer comme Sugane le fait. Après tout, c’est lui le héros, non ?

Ainsi, on peut donc déjà entrevoir dans cet épisode les aspects faillibles de l’approche qu’à Sugane de l’héroïsme. Il s’imagine que son rôle est de rectifier les choses pour les faire conformer aveuglément à un ordre pré-établi, or aucune règle n’est parfaite. En refusant de faire preuve de compassion, de se questionner, d’observer d’autres point de vues, et de faire un usage conscient et actif de son jugement personnel, Sugane s’avère incompétent (sans même le savoir) car il évalue mal qui ou quoi a véritablement de son aide, ou même quelle forme devrait prendre cette aide. De manière générale, cet épisode donne l’illusion que l’ordre pré-établi des Gatchaman est fonctionnel alors qu’on découvrira par la suite l’incompétence ou le manque de motivation de chacun d’eux. On pourrait interpréter ce retournement de situation comme une leçon comme quoi ce n’est pas parce que le système en place à l’air de fonctionner à peu près bien qu’il ne faut pas le questionner.

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Hajime n’est pas une idiote

Mais toujours dans cette perspective de nous faire croire que c’est Sugane qui est dans le juste, ce premier épisode s’amuse aussi avec notre perception de Hajime. Cette dernière semble correspondre au stéréotype de la fille « genki » surexcitée et peu attentive, et une scène de l’épisode la montre d’ailleurs qui s’extasie sur son Carnet tout en ignorant semble-t-il Sugane. Ce dernier est son senpai (senior) et s’est spécifiquement vu donné le rôle d’introduire sa kouhai, « la nouvelle » à son rôle de Gatchaman. En plus d’un manque d’attention, je pense qu’on est censé voir une impolitesse un peu crasse dans l’attitude de Hajime qui ne se comporte pas comme une bonne kouhai.  Mais on verra dans l’épisode suivant que cette attitude n’est pas le fruit d’une personnalité turbulente ou d’une attention dispersée, mais plutôt d’un choix politique.

Qui plus est, il serait trompeur de croire que Hajime est inattentive. Car si on observe bien son attitude au cours de l’épisode, on peut voir qu’elle écoute attentivement toute instruction d’ordre technique qu’on lui donne. Paiman fait d’ailleurs la remarque à voix haute qu’elle apprend vite. Hajime apprend même à se téléporter en dehors du sanctuaire de J.J. et à se transformer en Gatchaman en observant simplement Sugane et en l’imitant (d’où son ton interrogateur en prononçant la formule « Bird, go » : elle n’était pas sûre que ça allait marcher). Elle est aussi la seule personne à questionner le motif des Mess, et a d’ailleurs bien raison parce que c’est exactement ce que J.J. attend réellement des Gatchaman. Et bien que Hajime soit complètement ignorée par Sugane à son tour, on peut voir que quelque chose continue de la faire réfléchir lorsqu’elle observe le Mess changé en bus dans la dernière scène de l’épisode. On remarquera au passage que Hajime ne commet pas pour autant l’imprudence de monter dans le Mess-bus quand elle l’observe.

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A l’époque de la diffusion de ce premier épisode, j’avais vu quelques personnes supposaient que la suite de la série verraient le personnage de Hajime « mûrir » et qu’elle apprendrait à s’intégrer au sein de l’ordre établi des Gatchaman, et je pense bien que c’est sur ça que l’épisode est le plus trompeur : la vraie différence entre Hajime et Sugane. Le piège est d’établir un jugement de valeur entre les deux personnages, le raisonnable Sugane et l’impertinente Hajime, mais la vraie différence entre les deux est montrée dans la scène où ils se rencontrent : chacun leur tour, ils se bousculent accidentellement avec un passant, mais ont une réaction différente à la situation. Sugane est pris au dépourvu et s’énerve avec le passant, tandis que Hajime s’excuse immédiatement et continue son chemin. Ces deux moments discrets reflètent le clash qui se produira entre les deux personnages dans l’épisode suivant : Sugane a tendance à regarder droit devant lui et n’est pas prêt à gérer des situations inattendues, tandis que Hajime est ouverte d’esprit et ne répond pas à quelque chose d’inattendu par l’hostilité.

Mais vous allez sûrement me dire que tout ça est bien trop discret et que je sur-analyse ce genre de choses, alors passons à un élément dont la signification est littérale : l’une des prophéties de J.J.. Ce dernier annonce texto qu’il a choisi Hajime pour une bonne raison et qu’elle n’est pas là par hasard (bien qu’on aura une scène très intéressante dans l’épisode suivant où J.J. regrettera légèrement sa décision). Les oiseaux sont les animaux fétiches des Gatchaman, qu’on retrouve dans le design de leurs costumes, le nom de leur base secrète (Bird Cage) et les prophéties de J.J. qui appellent les Gatchaman des oiseaux (y compris Berg-Katze). Hajime est l’oiseau aux ailes blanches car c’est la couleur de son Carnet, et cet alias sera d’ailleurs confirmé comme étant le sien dans un épisode futur. On voit aussi J.J. animer un oiseau blanc en papier à la fin de l’épisode quand Hajime se transforme pour la première fois.

Pour finir sur Hajime, elle a le droit à un autre signe qui la lie aux deux autres personnages majeurs de la série : la métaphore de la faim. Quand Hajime va déjeuner sur le toit de l’école, on la voit se plaindre d’avoir faim alors qu’elle a à peine touché à son panier-repas. Juste après cela, elle rencontre J.J. et devient une Gatchaman, et elle part rejoindre Sugane en déclarant qu’elle va « s’empiffrer ». La faim symbolise l’ennui chez certains personnages de la série, mais chacun d’eux à une manière différente de combler ce manque. En d’autres mots, ils ont une définition différente du »fun ». Dans le cas de Hajime, elle prend plaisir à aider les gens et à être un super-héros.

C’est à peu près tout pour Hajime dans cet épisode, mais on aura beaucoup plus de choses à dire sur elle quand l’anime dévoilera ses vrais intentions dans les épisodes suivants. Une dernière part importante de cet épisode reste la rencontre de Hajime avec le reste des Gatchaman. C’est une scène courte et pourtant assez significative.

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Les Gatchaman, des clichés sur pattes… mais pas que

Dans une histoire, quand on veut introduire un personnage rapidement, on va avoir besoin de les faire se distinguer d’une manière ou une autre, de sorte à ce que le lecteur/spectateur se souvienne de lui et le différencie sans problème des autres personnages. Gatchaman Crowds utilise plusieurs méthodes, à commencer par un code couleur (Utsutsu est vert, O.D. violet, etc…) mais aussi des stéréotypes reconnaissables. Utsutsu est la loli de service, O.D. est l’homme exubérant à la sexualité alternative, Joe est le héros coll et ténébreux qui ne fait pas ami-ami avec les autres, et finalement Paiman est la mascotte qui sert aussi de leader.

Si vous lisez ceci et que vous avez donc normalement vu le reste de la série, vous savez que chacun de ses personnages vont avoir le droit à un développement qui les humanise énormément et les emmène loin des simples stéréotypes. Mais comme d’habitude, ce premier épisode contient déjà quelques indices sur le fait que cette façade n’est rien de plus que cela.

L’exemple le plus intéressant est celui d’O.D. qui ment par omission à Hajime en faisant semblant d’être un fragile homme efféminé pour la tester. Quand Hajime répond à son salut sans ciller ou le juger, son masque tombe l’espace d’une seconde et il jette un regard très sérieux à Hajime avant de reprendre sa comédie.

A noter aussi que les Gatchamans sont numérotés selon l’ordre de séniorité, ce qui révèle et explicite certaines choses chez ses membres. Tout d’abord, il y a une centaine de Gatchaman, tout comme chez les Hundreds, ce qui donne l’idée que les deux groupes sont d’une certaine manière le reflet l’un de l’autre. Individuellement, Hajime est le 101ème membre, ce qui suggère qu’elle est un nouveau début pour le groupe, et quant à O.D., le fait qu’il soit n°12 alors que les personnages humains sont plutôt vers la fin de la centaine présage sa nature de demi-extraterrestre.

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Il n’y a pas grand-chose à dire sur Joe, si ce n’est que je trouve son attitude de héros ténébreux assez rigolote lors des revisionnages compte tenu du fait qu »il ne s’agit pas de sa vraie personnalité non plus et qu’il essaye juste de correspondre à l’image qu’il a des super-héros cools. En fait, Joe est un peu un chûnibyoû (quelqu’un qui se la joue avec ses fantaisies d’une vie extraordinaire). Il est le plus vieux être humain pur connu à la position n°89.

Plus qu’une mascotte, Paiman est le plus ancien membre connu à la position n°3. Il sert officiellement de leader au groupe, mais on peut déjà observer dans cet épisode sa difficulté à vraiment assumer ce rôle. Toute règle qu’il essaye d’enseigner à Hajime (notamment l’interdiction d’utiliser les Carnets pour des raisons personnelles), il les attribue à J.J., qu’il décrit littéralement comme une figure divine et autoritaire. Paiman affirme même que J.J. peut infliger des châtiments à ceux qui désobéissent à ces règles. Or, on ne voit jamais J.J. professait ce genre de règles, ni donner de sanctions directes à qui que ce soit (on le verra même ignorer Berg-Katze sciemment !). Au contraire même de ce qu’affirme Paiman, J.J annonce. au terme de l’une de ses prophéties de l’épisode que les Gatchaman devront « exercer leur propre jugement. »

Ainsi, Paiman utilise la religion pour s’évincer lui-même de ses choix et responsabilités. Il attribue ses propres décisions à une figure divine (généralement) silencieuse qui a ainsi bon dos. Ce rejet de responsabilité par le biais de la religion est un thème qu’on reverra plus tard dans la série. Aussi, le statut de figure divine de J.J. va jouer un rôle intéressant dans ses relations avec d’autres personnages. A ce sujet, il faut aussi noter l’existence du Précipice de l’Esprit, un fossé littéral qui sépare J.J. du commun des mortels.

Et pour finir, Utsutsu n’est pas un expy de Rei léthargique, et comme elle le dit elle-même, elle « broie du noir ». Utsutsu est déprimée et anxieuse à propos de son rôle en tant que Gatchaman et de comment ses pouvoirs affectent sa vie de tous les jours. On peut aussi voir qu’elle protège spécifiquement ses mains du toucher des autres, mais qu’elle laisse Hajime toucher le reste de son corps, ce qui fait présage de son pouvoir et de la raison de son malaise. Utsutsu est n°99 et est le plus récent membre avant Hajime. Avant de remarquer ce détail, je pensais qu’elle était plus ancienne que ça et que c’était Sugane le précédent plus récent membre, mais ce chiffre révèle que le manteau de super-héros a été récemment mis sur les épaules d’Utsutsu et qu’elle est probablement encore inconfortable avec la nouveauté de cette situation.

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Des personnages sexys mais pas objectifiés… ou presque

Il est aussi aisé de partir directement du principe qu’Utsutsu et son bikini inexpliqué font d’elle une potiche fanservice, et pourtant deux éléments vont à l’encontre de cette idée. Le deuxième élément devra attendre un prochain épisode cela dit.

Le premier élément concerne le fait que, malgré sa tenue sexy, Utsutsu n’est pas jamais objectifiée par la caméra. C’est-à-dire qu’elle n’est jamais cadrée d’une manière qui met en avant son apparence ou des parties spécifiques de son corps. Utsutsu est toujours « filmée » soit dans des plans larges qui incluent plusieurs personnages, soit dans des gros plans sur son visage. En d’autres mots, Utsutsu est mise-en-scène de la même manière tous les autres personnages plus habillés de la série. Le cadrage la traite normalement et ne porte aucune attention à son sex-appeal.

Ce cadrage normalisé s’applique aussi à Hajime et sa poitrine large, qui n’a le droit qu’à un très faible nombre de gros plans que vous pouvez compter sur une seule main (même s’il vous manque un doigt ou deux) et qui sont en fait toujours centrés sur un objet qui est devant la poitrine de Hajime (son Carnet dans l’épisode 1, son ruban rouge dans le dernier épisode).

Par contre, Rui fait exception à la règle et est bel et bien objectifié à quelques reprises par la caméra (gros plans sur ses talons hauts et son zettai ryouiki). J’admets n’avoir encore aucune idée tangible sur le pourquoi de cette différence, mais hé, ça nous fait un mystère à résoudre dans les prochains articles !

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Sérieusement, Nakamura ? wtf

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Sur ce sujet, il convient aussi de parler de la scène où J.J. donne son Carnet à Hajime, qui a quelque chose d’un peu perturbant même si je ne pense pas que c’était intentionnel. Kyuubey est peut-être un sale rat mais au moins il demande l’avis des gens avant d’entrer ses appendices dans le corps des gens pour donner une forme physique à leur âme. Mais surtout, oui, l’imagerie de cette scène ressemble à une métaphore sexuelle, mais pour autant, non, elle n’est pas érotisé. Ou en tout cas, pas par le biais des codes de la japanimation en la matière.

Les gémissements de Hajime ne ressemblent à rien de ce que vous entendrez dans un hentai, elle ne rougit pas, etc… Comparez avec la fameuse scène de la brosse à dent dans Nisemonogatari, qui est un peu l’inverse de celle-ci : l’érotisation de quelque chose qui n’a en soi rien de sexuel.

Sur le sujet général de la sexualisation des personnages, voici aussi quelques autres exemples d’animes qui objectifient intentionnellement leurs personnages pour comparer : ce passage de l’épisode 8 de Sakurasô est probablement un parfait exemple en la matière, et l’épisode 5 de Nagato Yuki-chan a son lot de vrais plans à boobs. La différence avec la présentation des personnages dans Gatchaman Crowds est assez évidente.

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Conclusion

Ce premier épisode de Gatchaman Crowds est ainsi tout entier une façade pour une histoire qui va se révéler beaucoup plus profonde qu’on ne le penserait au premier abord. Je le qualifierais même de véritable satire des stéréotypes narratifs de la Japanimation, qui semblent intentionnellement exploités pour mettre le spectateur habitué au media en confiance et le surprendre plus tard. En particulier, je vois aussi dans cet anime une critique de certains de ces stéréotypes, notamment celui du jeune voyou ne respectant pas les règles d’usages et servant de faire-valoir pour le(s) héros, ou encore celui du « okama« , l’homme exubérant à l’expression sexuelle non-normative qui fait souvent de l’existence toute entière des non-hétéros et non-cis une simple blague.

Pour autant, je trouve que cette façade est elle-même incroyablement riche en détails et indices intéressants, même avant qu’on ne tacle vraiment les thèmes de la série dans les prochains épisodes. J’aurais aimé pouvoir accoucher d’une analyse plus complète de la saison 1 avant que la seconde se pointe, mais voilà, cet article seul fait plus de 4000 mots et m’a pris quelque chose comme deux mois à finir, donc ça prendra le temps qu’il faudra ! Je n’ai pas de projet immédiat pour ce qui est de commenter la saison 2 et je m’attends à ce qu’Amo saute dessus pour le commentaire semaine par semaine sur ce site, donc mon prochain gros article sera sûrement l’analyse de l’épisode 2 de la saison 1. Ça ne veut pas dire que je dirais rien sur la saison 2 (ici ou ailleurs), juste que dans l’immédiat ça sera probablement pas du boulot d’analyse super détaillé comme cet article.

Sur ce, j’espère que vous avez appréciez ce pavé, et si c’est le cas, il y en aura d’autres.

7 commentaires sur “Gatchaman Crowds 01 (réexamination) – L’oiseau aux ailes blanches ne s’est pas égaré

  1. Anna dit :

    Merci pour ce super article ! J’avais aussi remarqué le coup du « voyou » malade qui méritait bien plus sa place que la femme enceinte. Bref Gatchaman Crowds est vraiment très intéressant à analyser et j’ai hâte de voir ton prochain billet.

    • Suryce dit :

      Content que ça t’ait plu ! J’avais un peu peur qu’un article de ce genre n’intéresse vraiment personne donc ça fait plaisir^^
      J’essayerai de ne pas passer deux mois sur le prochain article x)

  2. Noob Man dit :

    Merci pour cet excellent article ! Pas mal de trucs que j’avais déjà vus, mais aussi d’autres que je n’avais pas remarqués, notamment dans l’opposition entre Hajime et Sugane.
    En tout cas, c’était très intéressant. Merci encore, et j’espère que tu continueras cette relecture critique de cette série ! ^^

  3. Manelda dit :

    J’avais vu la série il y a environ 1 an, et j’attends assez impatiemment la saison 2. Je faisais pas très attention à l’époque a tout les sens de la série, et je te remercie pour cet article qui me donnerait presque envi de la revoir en y appliquant un nouveau sens de lecture 🙂

  4. Suryce dit :

    Merci pour vos commentaires, ça me motive pour les prochains articles^^

  5. Skymil dit :

    Super analyse, merci beaucoup !
    Je me doutais qu’il y avait un certain nombre de détails et de sens plus ou moins cachés, mais je suis évidemment passé à côté de beaucoup d’entre eux.
    Du coup c’est assez génial de les découvrir avec ton analyse, j’ai l’impression de redécouvrir la série sous un nouveau jour et de mieux comprendre l’étendue du talent de Kenji Nakamura.
    Je suis impatient de lire tes futures analyses (il y a même certains points que j’ai eu du mal à saisir notamment pour Berg Katze, et je suis certain que tu y répondras avec justesse).

    • Suryce dit :

      Merci à toi pour ton commentaire, ça me fait réellement plaisir de voir qu’il y a un public intéressé pour ce genre d’articles !

      Quant à Katze, oh oui, on va beaucoup parler de lui =D ! Il y a beaucoup de métaphores et de symbolismes autour de son personnage. On parlera de ce qu’il représente, de ce que signifie son absorption par Hajime, de pourquoi il est invisible aux yeux de cette dernière, etc… J’ai moi-même hâte de m’y mettre x)

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