Mangas & Animes

86 EIGHTY-SIX – Warflower

Est-ce que j’aurais pas déjà beaucoup parlé de 86 EIGHTY-SIX sur ce blog ? Je l’ai choisi comme animé de mon année lors de mon bilan-anniversaire fin juin dernier, j’en ai reparlé dans le bilan du printemps et enfin je l’ai réevoqué dans le bilan de fin d’année 2021. Mais eh, c’est plein d’articles bilans qui parlent de plein de choses dedans donc d’une il est logique que je dédie enfin un article indépendant à la série et de deux bah ayé la série est terminée, le dernier épisode venant d’être diffusé après une pause de presque 3 mois ! La première fois je l’avais évoqué alors que je l’avais maté à peine quelques jours avant, la seconde fois j’avais pris un peu de recul, la troisième fois j’étais au beau milieu du visionnage de la seconde partie et du coup pour cette quatrième – et peut-être pas ultime fois – temps d’évoquer mes sentiments sur l’ensemble de la série.

Pour faire bref, j’ai adoré 86 EIGHTY-SIX et c’est une série que je recommande ÉNORMEMENT.

Pour la faire moins bref, bon bah oui vous êtes parti pour un article géant écrit à chaud après avoir maté la fin et où je vais développer tout ce que la série éveille en moi. Le classique, quoi. Allez c’est parti !

La première partie de l’article est sans spoiler et développe une argumentation que j’espère convaincante pour vous encourager à donner une chance aux 23 épisodes de 86 EIGHTY-SIX. (mais bon je donne surtout mon avis quoi.)

La seconde partie – clairement balisée après une image d’avertissement – va creuser en détail certains épisodes et passages précis, ainsi qu’apporter une analyse assez large de certains coups de génie de la série et mon commentaire sur les messages qu’elle véhicule. Donc oui, section à parcourir si vous avez déjà une connaissance de l’univers, de la série et de la totalité des épisodes sortis.

Présentation rapide pour démarrer: 86 EIGHTY SIX est donc une série dont la diffusion a initialement démarrée en avril 2021. Elle est divisée en deux parties: la première compte 11 épisodes et a été diffusée au printemps 2021, la seconde compte 12 épisodes qui ont été diffusés trois mois plus tard, durant la saison animée d’automne 2021. Enfin presque: 10 épisodes ont été diffusés et les 2 derniers ont été diffusés… trois mois plus tard, en mars. La raison étant des soucis de production, ce qui ne devrait pas être surprenant en 2021 venant d’une série estampillée A-1 Pictures – qui a été hélàs trop coutumier du fait ces dernières années, lui et sa filiale CloverWorks (salut Wonder Egg Priority.) La bonne nouvelle c’est que contrairement à, justement, Wonder Egg Priority, ces soucis de production ne se voient « pas » techniquement, visuellement ou au niveau de l’intrigue. On a juste trois épisodes récap (estampillés « .5 » pour bien se démarquer) qui viennent s’introduire de ci de là mais vous en tant que spectateur, bon, ça va. Les staffs eux ? Ils ont du méga en chier, et soyons encore une fois ultra reconnaissants envers eux.

En parlant de staff, la série est dirigée par Toshimasa Ishii. Et c’est un début à la direction d’une série animée pour cet homme qui a fait grandir sa carrière depuis 10 ans chez A-1 Pictures ! Storyboarder et réalisateurs d’épisodes pour certains gros hits du studio – AnoHana, Erased, Sword Art Online Alicization -, il aura également passé une grande partie de l’année 2017 a travailler auprès d’un nom de l’industrie qui en pèse pas mal: Mamoru Hosoda ! En effet, Ishii est assistant réalisateur sur Mirai, et inutile de dire que y’a pire poste au monde qu’être réalisateur pour un Hosoda qui doit être riche en bonnes infos. Donc le voilà faisant ses débuts à la réalisation… et on va le voir très vite tout le long de cet article, quels débuts !

Enfin, 86 EIGHTY SIX est une adaptation ! En l’occurrence d’un light-novel écrit par Asato Asato, qui compte aujourd’hui 11 tomes – l’animé adapte les 3 premiers -, et c’est une oeuvre qu’on peut qualifiée de… aimée par la critique ? Elle a remportée quelques prix, et a rapidement trouvé un petit succès public. La maison d’édition Dengeki a très tôt commencée à la mettre un peu en avant car c’est vrai que dans un catalogue rempli majoritairement d’isekai ou de romances lycéennes, 86 EIGHTY-SIX détonne – dans tous les sens du terme.

Car 86 EIGHTY-SIX nous parle d’un monde en guerre ! Nous sommes dans un univers contemporain au nôtre, et nous démarrons donc notre intrigue au sein de la République de San Magnolia. San Magnolia c’est un pays qui compte 85 arrondissements et c’est surtout un pays en guerre depuis quelques années contre un Empire voisin. Bon l’empire il s’est effondré très vite dans le courant du conflit mais il a quand même laissé un sale cadeau dans sa chute: une armée de robots autonomes qui attaquent sans interruption toutes les nations voisines. Ces robots peuvent se réparer, se reconstruire, gérer les usines… bref, c’est un ennemi infini, inhumain et programmé simplement dans l’idée d’annihiler les nations environnantes. La bonne nouvelle ? C’est que tous les experts sont formels: la durée de vie de ces robots est limitée ! D’ailleurs quand on commence l’épisode 1, toute l’armée de San Magnolia est plutôt tranquille car tout le monde sait que dans un an tous les robots s’éteindront car leur énergie se sera définitivement épuisée. Donc en gros, on se barricade derrière les murs, on combat les robots et on attend juste que l’énergie se vide. Facile, non ?

D’autant plus facile que San Magnolia annonce fièrement à tous ses habitants que personne ne va mourir à cause de ce conflit car eh, ils ont une belle armée de méchas de combats eux aussi ! Qui ne sont pas pilotés par des humains ! Et qui du coup combattent les assauts des légions et les repoussent sans victime humaine ! Du coup tout va bien, suffit de laisser les méchas régler les problèmes de la Légion impériale jusqu’à ce que ça se vide, la guerre c’est facile ! Tout le monde est donc content, les habitans de San Magnolia vivent dans la paix, les officiers d’armées se la coulent douce, c’est top.

Bon après, effectivement, ils ont juste une notion un peu… cynique… de ce qui est humain ou pas.

Officiellement aucun « humain » n’est présent sur ce screenshot

Car en réalité ces méchas de défense ils sont pilotés par des hommes et des femmes. Simplement, ceux-ci ne sont pas de nationalité San Magnolienne pure. Ont donc été placés dans ce « 86e arrondissement » tous les habitants de la république qui n’étaient donc pas assez racialement pur aux yeux de la nation (comprendre: ils n’ont pas les cheveux blancs), et ils sont donc chargés de piloter les robots pour défendre San Magnolia contre ses robots infinis, inhumains et diablement efficaces quand il s’agit de traquer et tuer tout humain a proximité. Pas de possibilité de s’échapper: tout ce qui les attend dehors c’est un monde rempli de robots impériaux tueurs…

Quand l’intrigue démarre, la situation pour ces habitants est dramatique: il ne reste plus que les enfants et les adolescents, toutes les personnes les plus agées ayant péries sur les champs de bataille. On va donc suivre en particulier l’escadron Spearhead, composé d’une vingtaine d’adolescents et dirigé par Shin’ei, gars à l’air inflexible, à la cicatrice très apparente autour du cou et semblant posséder un petit truc qui a l’air de lui permettre d’augmenter sa durée de vie sur le champ de combat. Shin’ei il prend néanmoins ses ordres de son commandant, et son commandant c’est Vladiléna – qu’on appellera Léna pendant tout le reste de l’article parce que c’est le nom le plus utilisé de toute façon -, jeune officier prodige de l’armée San Magnolienne, très consciente de l’injustice de la situation et convaincue que c’est son devoir de protéger les membres de son escadron à tout prix. Mais évidemment ce commandement il se fait à distance: elle les dirige depuis la capitale, et ne rentrera jamais physiquement en contact avec eux…

Une distance – et des idéaux parfois différents – qui vont donc poser un souci de communication, pourtant nécessaire pour un objectif commun: la survie jusqu’à la fin du compte à rebours…

Les écrans sont souvent omniprésents autour de Léna, et souvent riches en contenu

C’est un gros résumé que voilà, j’espère avoir bien posé les bases de l’univers parce que ouais c’est un univers… qui met les pieds dans le plat. 86 EIGHTY-SIX est donc fondamentalement un récit de guerre, qui va nous faire suivre pendant plus de vingt épisodes des adolescents obligés de s’improviser soldats dans un conflit contre un ennemi indéfinissable, qui n’a ni sentiments ni pitié envers eux, qui ne sont pas vraiment très encouragés ou aidés par une république qui s’en fout un peu de leur destinée et qui ne va surtout pas s’amuser à trop les armer. Pris la tête entre deux pierres, ces adolescents désabusés, qui ont vu leurs parents et leurs proches mourir avant eux, ne se battent finalement plus que pour survivre – si ils parviennent encore à trouver une raison pour cela.

Vous vous en doutez aussi en voyant le pitch mais il y’a clairement tout un message que la série n’esquive absolument pas autour du racisme et son expression via ce qui est ici – disons le clairement surtout car la série le dit clairement – des génocides ethniques organisés par un état. Et je veux vous rassurer tout de suite là dessus: oui, la série traite le sujet comme il faut. Pas de mauvais goût, pas de messages maladroits, c’est assez direct. Ce n’est pas le message principal de la série pour autant mais c’est une thématique parfaitement intégrée au sein de l’univers, et une thématique souvent commentée par les différents personnages.

Personnages qui sont chouettes d’ailleurs. A commencer par les deux héros, Léna et Shin’ei.

Léna est ainsi très très intéressante comme protagoniste dans le sens où elle démarre le récit comme une jeune idéaliste consciente des atrocités que sa nation commet, et souhaitant faire le maximum pour faire changer les choses. Hélàs dénuée de pouvoirs réellement concrets et très vite isolée au sein de l’armée – qui ne voient pas ses discours d’un très bon œil – , elle va faire de son mieux pour diriger l’escadron d’une manière qui correspond à ses idéaux. Idéaux qui peuvent… parfois être mal reçus de la part des 86 eux-même, qui y verront souvent de la fausse compassion, voire même une forme de mépris à l’idée de n’être considérés « que » comme des victimes.

Le récit sera donc l’occasion pour Léna d’apprendre à traduire ses idéaux. A les rendre crédible, réalistes, à faire en sorte qu’ils soient entendus et surtout à réussir à trouver les armes pour pouvoir commencer à réellement agir. Elle va devoir donc apprendre à écouter et à comprendre l’état d’esprit des 86, et c’est une progression auquel on assiste tout le long de la série, avec un peu de joie et de bonheur.

De l’autre côté on a Shin’ei qui est un protagoniste… assez mystérieux. On se rend très vite compte qu’il cache de nombreux secrets, que ce soit au spectateur, à Léna ou à ses compagnons d’infortune. Leader et personne chargée d’achever les personnes mourantes de son escadron, tâche qu’il fait avec une inexpressivité un peu inquiétante. On ne sait pas forcément très bien ses motivations ou même ses désirs. Lui-même n’a pas l’air non plus de très bien les saisir. Genre de protagoniste un peu casse-gueule donc, mais qui ici fonctionne à la perfection. A la fois car il y’a régulièrement du développement autour de lui qui permette d’éviter de le laisser trop stagner et qui offre l’opportunité d’aborder des thématiques souvent assez intéressantes, mais aussi car il n’est pas seul – contrairement à Léna – et il est toujours en compagnie d’un de ses nombreux camarades.

Car si des personnages secondaires il y’en a c’est pas forcément trop du côté de chez Léna – qui ne parle pas trop à sa famille, possède un Oncle qui semble pas trop vouloir l’écouter et possède une seule amie nommée Annette – mais bien du côté de l’escadron Spearhead. Au départ composé d’une vingtaine d’adolescents aux caractères très variés et oui je dis bien « au départ » car 86 EIGHTY SIX reste un récit de guerre, et ici la guerre on nous martèle bien qu’elle est injuste et cruelle: l’escadron il va se réduire au fur et à mesure des épisodes. A rythme… irrégulier. Histoire qu’on s’habitue à la mort mais pas au point d’en faire une sorte de routine. Et là aussi, je salue un peu le taf qui a été fait pour qu’on s’attache très vite à toutes ces bouilles d’ados aux couleurs et aux caractères nombreux. On ne retient pas forcément toujours les noms – surtout que ce sont pour beaucoup des pseudos -, mais les visages et les personnalités restent en tête, ce qui va aider à rendre un peu émotionnel le moment fatidique où il faudra leur dire au revoir.

Saurez-vous retrouver Shin’ei habilement caché

La série possède d’ailleurs une très bonne structure narrative. C’est un peu aidé par le fait qu’initialement le premier tome du light novel avait été écrit pour se suffire à lui-même: il avait déjà son début, son milieu et une vraie bonne grosse conclusion. Ca tombe du coup bien puisque la partie 1 de l’anime adapte tout le premier tome !

Du coup ouais, les 11 premiers épisodes de 86 EIGHTY SIX, la « partie 1 », elle… se suffit totalement à elle-même. Pour l’anecdote, j’avais maté ces 11 épisodes d’un coup un terrible mardi soir suivant ma seconde dose. J’étais pété, explosé, j’ai lancé l’épisode 1 à 20h et vers minuit j’étais là un peu fiévreux allongé dans mon canapé un peu détruit en voyant le générique de l’épisode 11 défiler. Et ce que je savais pas, c’est que y’avait une partie 2 derrière ! J’étais certain, en terminant cet épisode 11, que j’avais vu l’intégralité de la série ! Je savais pas que le light novel faisait 11 tomes et que l’animé avait adapté que le premier ! Moi je croyais qu’il avait adapté genre toute la série ! Qui devait faire 2 ou 3 tomes à tout péter ! Mais non, hop, trois mois plus tard, voilà une partie 2 !

Et ça c’est un truc sur lequel je dois vous prévenir: ces deux parties… sont un peu différentes.

Et pas forcément d’un point de vue qualitatif. Non, vraiment différent d’un point de vue ton ou enjeux. Sans trop en dévoiler (je vais juste dire que y’a une petite ellipse entre partie 1 et partie 2), disons que la partie 1 possède une échelle très resserrée – on va surtout suivre la vie quotidienne de l’escadron et les actions individuelles de Léna au sein d’une République dans laquelle elle est isolée – alors que la partie 2 va un peu augmenter la taille de l’échelle: plus d’enjeux, plus de parties présentes, plus de politique, plus de combat (mais pas moins de développement, par exemple.) La partie 2 rajoute quelques personnages supplémentaires, dont un en particulier qui n’aurait étrangement pas eu trop sa place dans la partie 1.

En gros, pour résumer: la partie 1 est plus « intime », la partie 2 est plus « globale. » J’ai un peu de mal à exprimer l’idée exacte que j’ai en tête mais voilà. Si la série maintient ses thématiques et ses messages, et que les deux parties sont excellemment complémentaires, il se peut que des éléments de la partie 2 vous surprennent ou vous déçoivent ou, qu’à l’inverse, vous y trouviez des choses qui aurait pu vous manquer dans la partie 1.

Perso ? Je trouve que la partie 1 juste parfaite. La partie 2 je l’ai là aussi beaucoup aimé mais j’ai trouvé qu’elle avait un petit ventre mou autour de l’épisode 17 qui lui nuit un peu mais en contrepartie elle enchaîne 3 épisodes finaux absolument magistraux, et fournit une conclusion parfaite. Néantmoins je vais quand même être honnête: il m’a quand même fallu un ou deux épisodes pour me plonger dans cette seconde partie, tant la rupture de ton et d’ambiance m’a initialement surpris. En gros, la partie 1 c’est 20/20 et la partie 2 c’est 18/20. Dans les deux cas… c’est vraiment très bien, vous l’aurez compris.

Mais du coup ouais, pourquoi je trouve la partie 1 juste parfaite ? Pour plusieurs points techniques que je vais essayer le mieux possible de vous expliquer~

Déjà, pour commencer, le rythme est vraiment ultra maîtrisé. Une fois passé le tout début de l’épisode 1 qui est effectivement un peu trop généreux en terme d’infos et de technoblabla, on entre dans une montagne russe où les rebondissements sont légions et où l’intrigue est développée à la bonne vitesse, sans empiéter sur le développement des personnages. Tout est déroulé de manière fluide, naturelle, et comme on s’attache très vite au casting, on a toujours très vite envie de savoir ce qu’il va se dérouler pour eux après. Comment vont-ils s’en sortir ? Comment peuvent-ils améliorer leur situation ? C’est une série que je n’ai tout simplement pas pu lâcher, qui est plutôt palpitante, qui m’a vraiment passionné du début à la fin.

Je pense qu’encore une fois, c’est aussi car la série trouve en permanence le bon ton, le bon équilibre. Ce qui arrive aux personnages est sombre. Ils ont pas beaucoup d’espoir et il leur arrive parfois des choses terribles. Malgré ça la série… n’est jamais plombante. Entre autres parce que malgré tout ce qui leur arrive, il y’a toujours une forme d’espoir auquel s’accrochent les personnages. Et, parfois, à cet espoir, ils ont le droit d’y goûter. L’univers est cruel envers les personnages mais… la série ne l’est pas. C’est une série qui essaie, dans un récit de guerre impitoyable, de mettre l’emphase sur l’importance de la vie, de l’amour, de l’écoute des autres et, aussi, de l’espoir. Sans pour autant être naïve ou niaise: les aspects les plus noirs de l’humanité ils sont là, ils nous sont montrés, ils sont présents. Le racisme, l’épuration ethnique, les officiers corrompus et arrogants… Mais au fond, il reste toujours de la lumière quelque part. L’idéalisme de Léna n’est pas présenté comme négatif: c’est son exécution de cet idéalisme qui au départ pose problème. Car c’est au fond cet idéalisme qui va sauver des vies, et peut-être plus…

86 EIGHTY SIX aurait donc pu facilement s’enfermer dans un carcan désespérant, misanthrope et très noir, mais à la place il s’impose, de manière flamboyante, comme un récit pétri d’humanisme et d’espoir.

Il y’a toujours de la lumière au bout du tunnel.

Je n’ai pas eu la chance de lire le light novel original (qui est d’ailleurs publié en France chez Mahô Editions) donc je ne pourrais pas forcément parler précisément du travail d’adaptation mais laissez moi juste vous dire qu’en tout cas, en terme de mise en scène, c’est extrêmement soigné. Et c’est là aussi pas mal aidé par un réalisateur qui s’est pas mal impliqué personnellement dans le projet puisque Toshimasa Ishii y a mis pas mal de ses signatures, à commencer par ses deux amours: les transitions soignées et les plans ultra-symboliques. Le tout sans la moindre once de subtilité.

Et c’est pas une critique: c’est ce côté direct qui rend ça vraiment bon.

Le style de réal de Ishii tel qu’il le montre dans la série (et tel qu’il le montrait un peu dans certains épisodes d’Erased) je le qualifierais de « style coup de poing. » Parce que parfois j’ai juste l’impression qu’il veut me balancer un uppercut avec ce qu’il me montre ou avec sa manière de passer d’une scène à une autre. Certaines transitions sont ainsi méga brutales: dans un des premiers épisodes, par exemple, on va voir un personnage rire aux éclats et puis paf, d’un coup sec, au milieu d’un de ses rires, plan immédiat de ce même personnage quelques heures plus tard en train de pleurer. Simple, net, efficace, changement radical d’ambiance pour introduire directement une scène tout a fait différente. C’est le genre de petite signature qu’on retrouve plusieurs fois dans la série, qui a chaque fois nous prend par surprise, nous déconcerte, nous met dans un état souvent idéal pour aborder des scènes qui vont être un peu stressantes / tendues pour les personnages mais qui est utilisé avec suffisamment de parcimonie pour ne pas nous lasser, ou même tout simplement ne pas paraître trop apparent non plus.

Mais en règle général, les scènes de 86 aiment énormément se répondre. Idem pour les plans, y’a toute une symbolique par l’image qui fonctionne toujours de manière claire et immédiate, même quand cette symbolique peut être disséminée… le long de l’ensemble de la série.

Exemple tout con: le mannequin de soldat qui traîne dans la base est pas dans un très bon état dans l’épisode 1 mais il garde le sourire…

… sourire qu’il vient bien difficile de voir une dizaine d’épisodes plus tard ….

Ou bien des graffitis vus dans un plan situé au milieu de la série, plan qui dure genre 2 secondes grand max…

… et qu’est-ce qu’on retrouve dans un plan tout aussi court, douze épisodes plus tard ? Une petite évolution de ce même graffiti.

C’est tout con, c’est tout simple, c’est juste… un sens du détail que j’aime énormément. En règle général toute la série semble vraiment avoir bénéficié de beaucoup de travail d’un point de vue visuel, ça rend l’univers extrêmement vivant, crédible. Il évolue sous nos yeux, et c’est une évolution qui se fait de manière… naturelle. La réalisation va beaucoup utiliser ce genre de plans, ce genre d’images pour faire avancer son intrigue, pour nous aider à assimiler des choses, parfois nous donner un ptit coup derrière la nuque, parfois aussi appuyer un propos, un dialogue, un personnage.

C’est une série qui sait ce qu’elle fait en terme de visuel. Qui sait qu’elle doit narrer une histoire qui peut être complexe, mais qui a d’énormes qualités, et du coup elle va aider via les images qu’elle fournit à mettre en avant les qualités en question. C’est des images qui nous aident à mieux comprendre ce qu’il se passe, souvent via des symboles forts, des plans chocs. Si les plans de 86 EIGHTY SIX ne font parfois preuve d’absolument aucune subtilité c’est justement pour que dès le premier centième de seconde on comprenne instantanément ce qu’il se passe. Parce que souvent, ces plans-chocs… on ne reste pas trop longtemps dessus. C’est des plans qui passent, te filent un taquet, et repartent aussitôt.

Et ça, c’est un style de réal que j’aime beaucoup. Surtout quand, ici, les plans en questions sont soignés ! Ca satisfait donc totalement mes désirs esthétiques ET mes désirs narratifs, je suis un homme comblé quoi.

Y’a plein d’autres tics de réalisation que j’aime aussi beaucoup tout le long de la série: par exemple elle aime se focaliser sur les reflets des personnages. Que ce soit dans des miroirs, des surfaces, des écrans ou des liquides, ça aime souvent jouer sur les aspects symétriques ou, au contraire, sur les effets de séparation que cela peut créer. De même, j’ai noté une tendance qu’à la série à se focaliser sur… la nourriture. Regardez dans 86 EIGHTY SIX ce que les personnages mangent et souvent ça aide à savoir qui ils sont, que ce soit Léna et ses gâteaux patissiers de moins en moins large au fur et à mesure que la série passe, ou les différentes boissons que boivent les personnages. Y’aurait tout un article parallèle à faire sur la nourriture dans 86, haha.

Enfin y’a aussi un peu de réalisation « qui brise le 4e mur » avec brio. Je ne vais pas forcément développer mais un des épisodes finaux a tout un jeu avec les barres noires que j’ai trouvé là aussi très intéressant et apportant beaucoup de force à une scène déjà très émotionnelle. Encore une fois: zéro subtilité mais putain qu’est-ce que c’est efficace à voir.

Et ouais du coup tout ça aide aussi à aborder un point important pour moi: l’émotion.

86 EIGHTY SIX est une série qui personnellement m’a beaucoup émue, à de nombreuses reprises. Parce que là aussi je me suis attaché aux personnages, que je me suis senti concerné par ce qui leur arrive – le bon comme le mauvais – et parce que ouais la série utilise parfois des stratagèmes très efficaces pour m’émouvoir. Je pense que le fait que j’étais pété par ma seconde dose anti-COVID n’a pas aidé mais y’a un épisode bien particulier de la partie 1 où je me suis retrouvé à vraiment avoir mal de tristesse. Où ce que je voyais m’émouvait tellement que j’en avais un peu mal au coeur. C’est, genre, la première fois que ça m’arrive, j’ai l’impression d’avoir découvert l’apothéose des pleurs – quelque part l’orgasme lacrymal. Mais je pense que, vraiment, la seconde dose a aidé.

Après, même dans une situation où je suis en meilleure santé, bon, bah la fin de la partie 2 aussi elle m’a énormément émue. Parce qu’encore une fois le développement des personnages fait que j’ai assisté à des scènes très fortes, dans lesquelles je me suis senti profondément impliqué. Et c’était des pleurs assez variés: j’ai pleuré de tristesse mais aussi de joie, un peu de tout à la fois.

Et ça honnêtement je vous avoue aussi que j’ai été pris par surprise ! Je la pensais pas en la lançant être capable… d’être émouvante. Attention, ne résumez pas mes propos sur 86 EIGHTY SIX en « c’est une série qui va vous faire chialer » parce que ça c’est pas une science exacte (comme je le disais d’ailleurs pour Le Tombeau des Lucioles) mais en tout cas c’est une série qui fonctionne bien sur ce terrain là et, ok, même si vous êtes pas très sensible, je pense que vous trouverez les scènes « émotionnelles » très bien quand même parce que c’est des scènes très riches, très généreuses, donc vous inquiétez pas y’a beaucoup de qualités à faire valoir.

Bon avec tout ça j’ai pas encore parlé de la musique, mais je vais être bref: c’est Hiroyuki Sawano aux manettes. Le compositeur de l’Attaque des Titans, de Kill la Kill, de Promare, de plein d’autres trucs très biens, et caetera. Il fait du Sawano pur jus: c’est toujours beaucoup d’électro qui marche très bien, c’est toujours de très belles pistes vocales qui sont ici en plus utilisées à merveille (la ptite piste vocale dans l’avant-dernier épisode, là ??? parfait.) C’est pas froncièrement une OST très originale mais vu à quel point c’est très bien utilisé par la série on s’en fout un peu, ça ajoute vraiment pas mal à la série. Même si la série sait aussi très bien utiliser le silence d’ailleurs: un des épisodes de la partie 1 possède très peu de dialogues, et sait utiliser l’absence de son comme un excellent outil.

D’ailleurs tant qu’on parle sound design, y’a aussi de l’excellent boulot là dessus. L’un des doubleurs de la série a recommandé d’écouter certains épisodes avec un casque et pour avoir testé sur un des épisodes c’est… effectivement très intéressant. Disons que certaines voix robotiques dévoilent un potentiel ultra effrayant avec une qualité son optimale…

Et puis oui, les génériques sont aussi dingues. Préférence personnelle pour le duo opening/ending de la seconde partie: Kyoukaisen est peut-être ma chanson favorite d’amazarashi et c’est ouf comme elle est utilisée, avec des visuels tout simplement incroyables (et finalement assez représentatifs de l’esthétique globale de la série.)

(A noter que j’aime beaucoup le design « araignée » des Juggernaut, c’est assez stylé et même franchement cool)

Et là je pense avoir fait le tour de cette première partie d’article avant d’entrer dans de l’analyse un peu plus pointue de certains élements précis !

Donc en gros, yep je vous le re-confirme: je trouve que 86 EIGHTY SIX est une totale réussite et c’est une série que je recommande à toutes et à tous sans aucune crainte. La série est très accessible, peut toucher un public très large et à mon sens réussit la quasi-totalité de ce qu’elle entreprend. Elle a une intrigue passionnante, des excellents personnages tous très bien développés et utilisés, une qualité visuelle élevée sans coup de mou, une esthétique travaillée, une mise en scène au service de son histoire, un univers riche, elle aborde finement des thématiques difficiles tout en sachant rester profondément humaniste, la musique est bonne, les émotions sont nombreuses et en plus, EN PLUS, elle fait en sorte de se suffire à elle-même.

Car oui, même si elle n’adapte que 3 light novel sur 11, bah perso j’ai l’impression quand même d’avoir eu une histoire « complète. » Je n’ai pas de frustration particulière, la série choisit comme point de conclusion un moment idéal: on est à la fin d’un gros segment d’intrigue, on a conclut le développement de pas mal des personnages et l’épilogue de l’épisode final offre exactement ce qu’on attend à ce moment précis. Contrairement à beaucoup d’adaptations modernes qui se contentent de nous dire « oh tu vois ce truc super cool qu’on t’a promis dans l’animé ? Bon bah va lire le LN ou le manga, stp », celle de 86 EIGHTY SIX trouve là aussi l’équilibre parfait pour qu’on ait le sentiment de rien manquer si on ne continue pas forcément.

J’espère quand même une saison 2 avec la même équipe, je vais pas vous mentir. Mais si elle n’existe pas ? Bon bah au moins l’animé ne nous laisse pas avec un sentiment d’inachevé.

Et si vraiment vous avez pas le temps: bon bah vous pouvez au pire de vous contenter de la partie 1 – les 11 premiers épisodes. Eux aussi se « suffisent à eux même », eux aussi se concluent pile au meilleur endroit et eux aussi forment un ensemble cohérent qui fonctionne du tonnerre. Mais je vous conseille vraiment la totalité de la série, bien évidemment !

Donc voilà, c’est 86 EIGHTY SIX, c’est sur Crunchyroll (excellemment bien traduit d’ailleurs, les dialogues du personnage de Frederica sont vraiment funs) et c’est beaucoup de très bonnes choses. Si je dois conclure sur un point, je vous conseillerais juste si possible de mater la série en « blocs. » Je pense que c’est une série qui gagne beaucoup à ce qu’on s’y immerge toute une soirée. Elle est très bien adaptée pour ça, mais clairement y’a des chocs émotionnels que j’ai ressenti aussi parce qu’ils concluaient un visionnage dans lequel j’étais déjà plongé depuis plus d’une ou deux heures. Voilà pour la recommandation finale !

Profitez donc bien de 86 EIGHTY SIX~



Bon à partir de ce point c’est la partie où j’analyse et commente certains points de la série en particulier donc je vais parler de l’intrigue, des rebondissements, des développements tout ça donc continuez que si vous êtes conscient des risques.



En vrai cette seconde partie d’article sera sans doute plus courte que la première parce que j’ai déjà couvert pas mal de sujets. Disons juste que ça me servira d’endroit parfait pour vraiment développer pas mal de mes sentiments vis à vis de la partie 2. Qui m’a effectivement pas mal décontenancé au début: je pensais que cette partie se concentrerait majoritairement sur Léna, et pas sur l’escadron Spearhead, dont il me semblait que leurs histoires s’étaient déjà conclues dans la partie 1. Sauf que c’est l’inverse qui s’est produit, et quelque part après la force des deux épisodes finaux de la partie 1, les voir pendant quelques épisodes goûter à un repos « mérité » m’a pas mal surpris, et m’a parfois donné le sentiment de voir une autre série. Le 3e épisode de la partie 2 est un bon exemple: voir nos héros se réengager au sein de l’armée et se retrouver à nouveau au rang de soldats dans un épisode parfois un peu léger (par exemple quand Shin s’amuse à faire des flips de ouf avec son mécha.) m’a laissé un peu interrogatif. Je trouvais la série soudainement trop « gentille » avec ses personnages – par exemple quand on leur révèle que Fido est de retour. Tout semble trop bien se dérouler… ce qui est quelque part chouette pour eux mais de l’autre côté apporte un ton trop décalé de ce qu’on a eu à la fin de la partie 1.

Sauf que évidemment c’est un piège et encore une fois c’est par une transition brutale qu’on revient à la réalité: la mort ultra sale de Eugene nous réintègre directement dans le 86 qu’on avait appris à connaître. La fin d’une parenthèse heureuse, fin qui arrive de la manière la plus abrupte et la plus directe possible. Pile au moment où je commençais à ne plus vraiment reconnaître la série, elle m’a rappelée sans détour qu’elle n’a pas oubliée qui elle était et ce qu’elle voulait raconter.

Tout l’épisode où Spearhead essaie de se réintégrer à la vie civile et se rendent compte qu’ils sont pas assez à l’aise là dedans est vraiment pas mal. Ca aide à comprendre leur décision qui aurait pu sembler, si mal expliquée, assez irrationnelle.

Plus largement ce décalage je l’ai aussi pas mal senti au départ de la partie 2 entre autres via le personnage de Frederica qui est… un archétype – la gamine ultra-précoce – avec lequel j’ai beaucoup de mal en règle générale mais qui ici, en plus, semblait être un archétype qui n’avait aucune place dans l’univers posé par 86 juste ici. Pas que j’ai détesté le personnage, juste que… je ne le comprenais pas vraiment. Quelle est sa fonction, son rôle, que va t-elle pouvoir apporter, comment va t-elle pouvoir s’intégrer à l’escadron Spearhead de manière naturelle ? Ca me paraissait compliqué…

Et en vrai, ok, au fur et à mesure du récit j’ai compris son rôle: elle est là pour compléter Shin’ei. Partageant le même pouvoir et la même malédiction que lui, elle permet au sein du récit de développer le personnage de Shin’ei autrement que dans le cadre de « leader d’escadron » qu’on lui connaissait juste ici. Ca intègre Shin’ei dans une « big picture » qui va sembler devenir de plus en plus importante au fil du récit, et la relation qu’il partage avec Frederica va être une relation réellement unique. Il y’a des sujets qu’il ne va pouvoir exprimer qu’auprès d’elle, et inversement. En outre, cela permet à Shin’ei de « créer » une relation importante de plus, de s’ouvrir et de sortir un peu de l’escadron.

Mais si cette relation fonctionne bien c’est aussi parce que les deux représentent finalement deux figures opposées d’une même situation.

Les deux ont des pouvoirs « ancestraux » et un « péché originel » particulièrement grave. Les deux ont vécus un grave traumatisme et les deux recherchent à tout prix une rédemption pour quelque chose dont ils semblent vouloir porter la culpabilité – la mort du frère pour l’un, avoir été à la tête de l’Empire pour l’autre. Mais la manière dont les deux vont gérer ce poids semblent très différents: Shin’ei porte cette culpabilité au point de fermer ses émotions et ses relations avec les autres, tandis que Frederica cherche au contraire à tisser de nouveaux liens et n’a pas peur d’exprimer ses sentiments afin de trouver les actions et les relations qui lui permettront d’avancer.

Cela se voit à merveille dans les scènes où les deux interagissent de manière personnelle: Shin’ei va parler très peu et montrer très peu d’émotions avec son corps ou son visage, tandis que Frederica est une vraie machine à parlotte, qui va clâmer des longs discours interminables dans un vocabulaire élève, et tout son corps va suivre: elle bouge beaucoup, tire des tronches souvent super exagérées… bref on lit en elle comme un livre ouvert. Et quelque part c’est cette opposition qui tire cette relation vers le haut: chacun apprend de l’autre au fur et à mesure du récit. Shin’ei commence à se montrer de plus en plus expressif, Frederica de plus en plus réflechie, ils s’accompagnent dans un développement particulièrement réussi.

Je continue de garder quelques réserves sur le personnage – Frederica devait-elle absolument être une gosse, le personnage n’aurait-il pas autant voire mieux fonctionné si elle était d’un âge similaire au héros ?

Je sais pas.

Mais au moins la série fait de son mieux pour intégrer l’archétype au récit: sa simili-maturité est justifiée (étant une monarque, elle a eu une éducation très poussée très vite) et reste quelque part plutôt crédible (elle reste au fond une gosse sans trop d’expérience de la vie, et ça se sent dans certaines de ses déclarations ou de ses actions, qui manquent clairement de réflexion – genre se planquer dans Fido pour aller à la guerre, ptdr.) De même en lui filant un rôle de mascotte, on justifie un peu le fait qu’elle puisse se balader au sein de l’armée comme ça – et pas mal de personnages secondaires sont eux même un peu étonnés de la présence de ce personnage. C’est justifié, ok, j’ai rien à redire – c’est juste mon appréciation personnelle qui débarque derrière.

Maintenant, changement total de sujet et parlons d’un truc très spécifique que j’ai adoré tout le long de la série: les post-its de Léna.

La série réussit excellemment bien à marquer la distance physique entre ses deux « univers. » Et le jeu avec les post-it est le genre de petit truc qui fonctionne à merveille en terme de symbolisme et d’outil pour parfois offrir des scènes fortes. Comme Léna ignore tout du visage et du physique de ses soldats, elle va utiliser ses petits dessins très stylisés pour toujours se rappeler de l’humanité et de l’existence « concrète » de ses interlocuteurs. Mais hélàs pour nous spectateur on va aussi voir ce tableau se vider au fur et à mesure… Et le voir devenir de moins en moins peuplé est aussi un terrible mais très efficace résumé de la situation.

Quand on revoit le tableau au tout début de la partie 2, on voit qu’il est rempli de plein de nouveaux visages…. mais que Léna n’a pas aussi oublié l’escadron Spearhead…

Fun aussi de contaster que les bouquins dans la partie 1 qui étaient entreposés à côté du tableau et semblaient prendre la poussière ont été remplacés par des dossiers, des classeurs de travail remplis de petit marque-page semblant indiquer une utilisation soutenue. Quelque part Léna est passé de la « théorie » à la « pratique. »

C’est de la narration par l’image toute conne mais sans le moindre commentaire, sans la moindre remarque explicite de l’animé, on voit juste en voyant le tableau que pour Léna, même si elle n’a plus aucune nouvelle des 5 membres de Spearhead, les 5 post-it… n’ont pas disparus du tableau.

Pour elle, il est évident qu’ils sont… toujours vivants.

(On notera d’ailleurs que le post-it de Shin’ei est un peu plus plié que les autres, ce qui est plutôt mignon parce qu’on imagine aisément vu la relation qui les lie qu’elle ait parfois pu tenir ce post-it dans ses mains pour penser à lui…)

(… ou bien il est juste froissé parce qu’elle l’a baladée dans toute la ville quand il s’est agit d’aller foutre la pression à Annette en fin de partie 1.)

Dans le dernier épisode de la partie 2, le tableau est de retour mais arrive un truc encore une fois tout simple, tout triste: on entend juste Léna… retirer des post-it du tableau en les remerciant. Conséquence rapide: on sait très bien pourquoi elle retire ces post-it du tableau, et on comprends très bien ce qu’elle a traversée. La guerre a continué de lui retirer des gens.

Je parlais dans l’article, du coup, de plans qui se font écho et, encore une fois, quand on compare le tableau dans l’épisode 12 et dans l’épisode 23… bah ça pique.

Donc voilà, j’aime beaucoup comment l’intrigue, la narration et la réalisation ont pris ces post-it et l’ont utilisés au maximum pour continuellement enrichir la série et aussi continuer à narrer par les images et les symboles. Quand au milieu de la partie 1 elle discute par radio avec chaque membre de l’escadron et qu’on la voit presque physiquement discuter avec ses post-it, c’est une scène forte mais derrière constater que les post-it ne se limitent pas à un usage dans cette seule et unique scène c’est trop cool. Mais c’est qu’un élément parmi tant d’autres !

Un élement d’autant plus marquant pour moi qu’il résonne pas mal en cette période de pandémie. Perso, je commence à saturer pas mal des contacts avec les gens par channel vocal interposés. J’ai parfois l’impression de plus connaître mes amis que par ce qu’ils écrivent ou disent sur Internet, ce qui n’est pas la même chose que de les voir physiquement. Parfois j’ai l’impression de perdre la certitude qu’ils… existent bel et bien. C’est le genre d’interrogation que je me posais pas vraiment avant la pandémie mais là après 2 ans à plus trop voir ceux qui me sont chers, j’ai l’impression de parfois les déshumaniser, de les oublier. Alors quand je vois Léna essayer de construire des choses pour se rappeler que ses 86 ne sont pas que des voix derrières des radios mais ont une vrai existence physique – matérialisée par le post it -, ouais ça me parle d’autant plus maintenant.

Mais je divague.

A la place, parlons vite fait de l’épilogue.

eheh ça fait 86

Tout l’épisode final est… assez taquin. Il démarre ses crédits à 9mn d’épisode, et à 19mn d’épisode pose le petit copyright (c) 2020 86 PROJECT qui est là habituellement pour t’indiquer que la série est finie. Non non reste 5mn d’épisode après ça. Ca me rappelle de manière rigolote quelques PPV de la WWE dans les années 2010 ou ils aimaient bien nous faire croire que le show était fini en nous montrant les copyrights d’usage avant de soudainement balancer des gros twists quand tout le monde avait baissé sa garde.

Bon bah là en plus c’est clairement pour jouer sur une attente du spectateur: la rencontre – enfin – entre Léna et l’escadron Spearhead. Et je trouve finalement plutôt malin la manière de garder cette rencontre à tout prix pour les dernières minutes. C’est l’aboutissement de la série, le point final, la véritable attente que nous spectateur on s’est construit dès l’épisode 1. On voulait à tout prix cette rencontre. Et la série a su énormément construire cette attente. Déjà par tous les événements qui surviennent dans la partie 1, qui construit cette relation et nous fait espérer qu’ils puissent un jour se rencontrer. Ensuite, elle fait disparaître Léna de notre écran pendant les deux tiers de la partie 2, ce qui est plutôt osé mais ça crée un réel manque – on l’aime bien Léna quoi – qui fait que quand on réetend sa voix l’espace d’une seconde dans l’épisode 21, on est déjà soudainement très attentif à ce qu’il se passe.

Puis arrive l’épisode 22 où on la revoit enfin physiquement, avec une mise en scène absolument extravagante.

C’est ce que je voulais exprimer quand je disais que j’adorais justement à quel point la réalisation de cette série avait pas peur d’en fait trop. Faire revenir Léna ? Cool. La faire revenir de manière ultra stylisée, sa course repoussant une nuée de papillons métalliques pour dévoiler un champ de Lycoris rouge pétant ? Wow putain. C’est beaucoup mais un tel évenement comme le retour de Léna et sa rencontre – enfin – avec Shin’ei, bah ça en mérite justement autant, c’est une scène clé.

Une scène clé qui ne se limite en plus pas à ça puisque c’est là que le jeu avec les bandes noires va se faire: Léna va parfois chevaucher ces bandes, passer au dessus, et par ses mots et ses actions montrer à Shin’ei qu’il ne sert à rien de s’enfermer entre elles. C’est un discours coup de poing, marqué par une réalisation coup de poing pour un résultat qui doit être coup de poing puisque l’enjeu ici est carrément de faire sortir Shin’ei de son état suicidaire. Il s’agit de lui réinsuffler vie et envie de vie.

Après, effectivement y’a un petit jeu sadique derrière: on nous tease une rencontre – enfin – entre les deux gaillards, rencontre qui va être interrompue quand les renforts armés débarquent. On sort de cet épisode heureux de retrouver Léna, heureux de voir Shin’ei conclure son arc narratif et retrouver pied, mais on a quand même cette incroyable frustration d’avoir été à deux doigts d’enfin avoir ce qu’on voulait.

Mais, au final, garder cette rencontre pour l’épilogue est ce qu’il fallait faire.

Déjà car fondamentalement, si Shin’ei et Léna se seraient enfin rencontrés « physiquement » dans le champ, ça aurait été une rencontre qui n’aurait impliquée… que Shin’ei et Léna. Mais la vraie rencontre qu’on voulait avoir c’est la rencontre entre Léna et l’escadron. Repousser le moment de la rencontre à Léna qui découvre ses cinq gaillards en vie, c’est quelque part avoir d’un coup l’intégralité de la récompense. Récompense aussi bien pour nous que pour les personnages. Du coup cela permet à la scène d’avoir encore une fois une vraie belle charge émotionnelle qui est centralisée dans ces cinq minutes finales. Tout le monde a le droit à ce qu’il voulait et tout le monde en a le droit à ce moment précis.

Et plus largement, oui, y’a toute une attente supplémentaire qui rend la récompense savoureuse. Encore plus quand, à deux reprises, la série essaie de nous faire croire qu’elle va se terminer sans nous l’offrir. C’est un jeu un peu dangereux de faire croire que tu vas pas donner aux gens ce qu’ils attentendent à tout prix, c’est un coup à aliéner et agacer les gens, mais damn quand on a enfin ce qu’on voulait, on en est encore plus satisfait.

Donc ouais, j’aime énormément cet épilogue et j’aime la manière dont il a été mis en scène. Ma seule vraie tristesse c’est qu’on essaie pas trop de justifier pourquoi Léna n’a pas reconnue la voix de Shin’ei parce que c’est un peu la seule interrogation qui me taraude :'(.

Pour finir, un petit mot sur l’épisode 10 évidemment. En vrai qu’en dire de vraiment pertinent mis à part que le coup du montage sur super musique triste de Hiroyuki Sawano bah forcément ça allait me cueillir aisément ? On est sur 4mn et là effectivement c’est 100% le style du réal qui s’y donne à coeur joie pendant toute la durée de clip. C’est très efficace parce que oui on revit toute la vie de l’escadron à un moment clé du récit, on récapitule ce qu’on a vécu avec eux, on retrouve les souffrances qu’on a partagé et les drames auquel on a assisté, le tout entrecoupé aussi de petits moments du quotidien et de petits moments de bonheur. La vie et la mort passent leur temps à se cotoyer dans ce clip, toujours bien aidé par le goût des transitions « abruptes » que le réalisateur aime faire – le moment où l’on voit Daiya danser avec Anju, danse brutalement coupée pour nous montrer le plan de… Shin’ei qui exécute Daiya. C’est, encore une fois, du pur choc. Mais dans ce contexte ça marche. Le choc est là pour nous transmettre une émotion, une contradiction, c’est un choc naturel, qui nous aide à comprendre immédiatement une situation, une tragédie, un drame.

Je vous passe sur le fil rouge des interventions de la pauvre Kurena, d’abord hilarantes car quel fun de voir Kurena se servir de Fido pour vider son sac niveau romance, puis de plus en plus tragiques car on voit la vie, au fur et à mesure, la quitter.

Ce passage clipé est magistral dans le sens où il fonctionne parfaitement comme un récapitulatif efficace de la série mais aussi un hommage sincère et incroyable envers tous les membres de l’escadron Spearhead. Toutes ses vies qui l’ont traversées, l’ont animées.

Et ça se conclut sur… l’extinction de Fido. Déjà que j’étais super ému par le clip, mais alors quand en plus tu me fais la mort d’un animal domestique, bon bah mes souvenirs de Bambi reviennent et je lâche tout. Quelle claque cette putain de séquence, qui conclut en plus un épisode absolument incroyable, a l’ambiance radicalement différente, qui voyait enfin les 5 membres de Spearhead profiter de leur nouvelle liberté et explorer un monde désormais vidé. C’est un épisode qui en 20mn retrouve l’ambiance et la puissance d’une série comme Girls Last Tour, quelque part. Juste les 20 premières minutes de l’épisode 10 sont déjà ahurissantes et émouvantes, mais alors quand en plus tu clôtures avec ce montage, comment aurais-je pu résister ?

C’est débile mais là juste en réecrivant ce paragraphe, en repensant à tout ça, je retrouve un peu de l’émotion que j’ai vécu. C’est vraiment un passage qui m’a profondément marqué, et même 9 mois après l’avoir vu je garde un souvenir… vivace de tout ça. C’est ce que j’aime vivre avec de la fiction, finalement.

(Et d’ailleurs j’ai évidemment kiffé que l’épilogue fasse aussi référence à l’épisode 10 mais avec un montage beaucoup plus court et beaucoup plus joyeux. C’est là aussi une sorte d’écho et de rappel plutôt bienvenu !)

Cela étant dit, après tout ça, que dire de plus ? Je peux vous parler un peu de quelques détails rigolos que j’ai pu constater de ci de là, comme cet officier incompétent qui modifie ses photos au fil de l’histoire, témoignant pas mal de son arrivisme…

Episode 12
Episode 23

La photo de gauche est incroyable, on dirait vraiment une mauvaise photo de propagande à la BHL. Tu sens qu’il essaie de faire genre il est cool et ouvert avec les 86 mais ça fonctionne pas du tout: il prend toute la photo, les deux 86 semblent pas vraiment être consentants ou avoir envie d’être là. C’est vraiment une photo de mec qui veut se faire bien voir mais qui comprend pas le problème de ses actions.

J’aime aussi bien aussi comme son fils et sa femme ont soudainement des cheveux colorés mais colorés avec des couleurs trop vives pour être naturelles – genre ils se sont teintés avec le premier truc qui venait pour cacher leurs cheveux blancs. C’est ultra maladroit, limite un peu insultant pour les cheveux colorés des 86. Idem, c’est le genre de choses qui va méga attiser la colère des 86 à l’encontre du gars, sans que ce gars se rende compte une seule seconde des problèmes de ses actions et de ce qu’il montre.

Non vraiment, c’est trop drôle (et trop bien) de voir comment juste avec deux screens séparés de 12 épisodes chacun, tu peux vraiment visualiser une forme d’évolution, voir une sorte d’histoire parallèle assez aisément.

Mais bon je vais pas en refaire une tartine sur la qualité de la série à raconter des choses juste par l’image, vous avez sans doute déjà bien compris.

Puis en vrai je suis pas fan des mantras répétés en boucles genre « show don’t tell » parce que à mon sens c’est pas une règle qui doit être absolue. Parfois c’est important d’exposer ou récapituler oralement des choses, tout comme c’est important de savoir raconter des choses par l’image. Une bonne narration, à mon sens, utilise les deux, de bonne manière.

Et c’est là à mon sens que 86 s’en sort à merveille: oui si vous êtes un peu observateur, vous êtes récompensés. Il se passe plein de choses dans les décors, la réalisation veut vous raconter plein de trucs mais vous êtes pas forcément puni pour autant si vous voulez pas être spécialement attentif. La réal est suffisamment claire pour que vous ayez pas à réflechir non stop sur le sens de tel symbole ou le message projeté par tel plan, et tout reste suffisamment bien raconté par le biais de dialogues ou de briefings qui aident à récapituler la situation ou les enjeux quand nécessaire.

C’est d’autant plus important que, certes, c’est une série qui se veut assez réaliste en terme d’univers mais qui derrière inclut aussi quelques élements fantastiques qui peuvent surprendre – Shin’ei a un pouvoir qui lui permet de détecter les robots à distance, le sang de l’empire a des facultés mystérieuses, les âmes des morts reprennent vie chez les robots, etc. Mais la narration parvient à très bien intégrer ses élements au sein de l’intrigue, à le faire de manière naturelle, sans qu’ils nous paraissent choquants, abscons ou malvenus. Et ça là dessus c’est grâce à la clarté de certains dialogues ou certaines explications !

Donc voilà, félicitations à l’équipe dirigée par Toshimasa Ishii pour cette incroyable adaptation. Ils peuvent être extrêmement fiers du travail accompli car il est excellent, et à mon sens ils n’auraient pas pu faire mieux. Je le répète une dernière fois: c’est une totale réussite, donc je tire mon chapeau.

Sur ce, merci également à vous de votre lecture, merci d’avoir tenu tout le long de cette seconde partie à me lire en train de gagaiser sur des détails et des points précis, j’espère que ça vous aura plu tout de même ! Prenez soin de vous~

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Un commentaire

  • Floboum

    Très chouette article, comme toujours !
    Concernant le light novel, pour avoir tout juste terminé de lire le premier tome, s’il est très solide et tout à fait recommandable, l’anime l’adapte très fidèlement, tout en y ajoutant ses propres qualités – que tu as énumérées tout au long de ton article – ce qui ne le rend pas forcément indispensable pour celles et ceux qui ont vu l’anime.
    La principale différence que j’aie noté étant un petit peu plus de détail concernant les machines de la Légion et la fonction de chacune d’entre elles.
    (Par contre, pour l’anecdote, si ce premier tome correspond effectivement aux 11 premiers épisodes, l’épilogue correspond quant à lui… À l’épisode 23, le dernier du second cour ! Certains lecteurs n’ont du coup pas eu besoin d’attendre 3 mois pour connaitre la fin :’) )

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