Ta-ta taaada! ♪
De sa voix aguichante, quoiqu’un peu hachée, Miss SNCF lâcha l’annonce aussi redoutée que fréquente.
« Mesdames, Messieurs,
En raison d’un accident grave de voyageur, le train PUTA, à destination de Banlieue-sur-Seine, est… SUPPRIMÉ. ; )
Pour plus d’informations, nous vous invitons à consulter l’affichage en gare, ou le site transilien[point]com.
Mesdames, Messieurs, merci pour… »
Alphonse Hamzaoui, fraîchement employé à la compta de Relou Logistique et peu désireux de tomber plus bas, apporta sa vaine contribution au concert de « Rooh putain! » sur le quai d’une ville-dortoire anonyme. Voilà une semaine que faisait rage en France ce qu’on appelait désormais la « Guerre du Rail » entre syndicalistes et entreprises concurrentes nées de la libéralisation opérée en 20**. Personne ne comprenait vraiment les tenants et les aboutissants du conflit, mais assurément les « erreurs d’aiguillages » et autres morts mystérieuses sur les voies s’étaient multiplié de façon spectaculaire, engendrant de « fortes perturbations » chroniques dont Alphonse était bien involontairement la victime. Sur le constat qu’il n’avait plus qu’à prendre son mal en patience, il dégaina son smartphone et lança l’animé qu’il avait téléchargé la veille…
Rail Wars!//Studio: Passione//Réalisateur: Yoshifumi Sueda//Saison d’été 2014
Ah, Japan Railways! Son réseau dense, ses wagons propres, sa ponctualité, ses employés si polis qu’ils saluent les locomotives! L’étranger ne tarit pas d’éloges sur le principal groupe ferroviaire du Japon et notre héros, le très insignifiant Naoto, alias Wikipédia-kun, n’est pas celui qui va nous contredire. Fervent trainophile, celui-ci se lance d’emblée dans un déballage de facts très utiles pour briller en société et nous annonce son intention de passer au niveau de fanboyisme supérieur en s’engageant corps et âme dans son entreprise fétiche, précisant au passage que c’est un emploi À VIE, qualité cardinale pour le Japonais moyen.
Petite parenthèse pour un détail qui me chiffonne. On a beau savoir que la japanim ne fait pas de l’art pour l’art, se livrer aussi ouvertement à la pub d’une entreprise réelle dans une production a-priori pas financée par les intéressés est quand même un peu gros. Or, l’actuel Japan Railways est un groupe de compagnies privées, ce qui ne correspond pas à l’entreprise publique présentée dans l’animé. De plus, le nom diffère légèrement.
Du coup, c’est à mon tour de recourir à Wikipédia, pour découvrir que Rail Wars! adapte en fait une série de romans, écrits depuis 2012 par Takumi Toyoda et très joliment illustrés par Vania 600, présentant une réalité alternative où la Japanese National Railways, la SNCF locale, n’a pas été privatisée en 1987. On me dit derrière que ceci est important pour le plot.
C’est donc dans une telle uchronie que nous retrouvons notre aspirant cheminot se rendant sur son lieu de formation au milieu des fleurs de cerisiers. Oubliez stages d’insertion, pistonnage et autres « emplois d’avenir », ici la Japan National Railways forme son personnel dans sa propre académie! Pour des raisons « inconnues » et certainement pas liées du tout au scénario, la promo de l’année a entièrement été affectée à la sécurité, ce qui lui vaut d’être placée aux bons soins d’une caricature d’officière amidonnée à la poitrine opulente, qu’on appellera par commodité Fullmetal Boobies.
Là, notre ami Naoto ne tarde pas à faire la connaissance de ses futurs compagnons, car seuls personnages un minimum caractérisés de la classe, j’ai nommé Haruka, la paire de seins timide, Sakurai, la tsundere misandre qui défie la gravité, casting complété par Sho, la brute au grand cœur. Clichéman au pays des clichés, mais le quatuor a au moins le mérite d’être équilibré. C’est le début pour nos quatre rapidement-amis d’une palpitante année scolaire, à base, pêle-mêle, des sermons guindés de Fullmetal Boobies, de discussions dignes de manuels de langue (« Sugoi-tu-as-encore-eu-20/20-entraînons-nous-ensemble-yorosiku! »), de cours de sport en bloomer (boing-boing!), de tir au révolver et de l’épreuve suprême, qui n’est autre que…
…conduire une locomotive à vapeur.
Oui, lecteur, tu as bien lu qu’ils sont formés à la sécurité, que leur boulot consistera essentiellement à déambuler armés jusqu’aux dents dans les wagons pour faire peur aux lycéens qui n’ont pas payé leur ticket, et tu te sens très malin d’avoir relevé cette incohérence. Tu oublies que le but ultime de cet animé est de relancer les ventes du roman pour soutirer jusqu’au dernier yen possible aux otaques passionnés de trains, et que le fanservice le plus tordu est valable pour y parvenir. Et si tu veux tout savoir, on ne balance pas le charbon au pif dans la chaudière, c’est un ART! Que nos héros sont parvenus à maîtriser, accédant ainsi au nouveau stade de leur existence au sein de la Japan National Railways.
Nous retrouvons donc notre quatuor en stage pratique dans la très jolie et embellie gare centrale de Tokyo, dont le directeur est moins concerné par la sécurité des passagers que par sa future promotion, menacée si près du but par les gaffes potentielles de ces recrues. Heureusement pour lui et malheureusement pour Tsundere-chan, qui brûle de griller la cervelle de quelques pervers pour son premier jour de terrain, la journée s’annonce calme: juste un chien perdu dans un train. Occasion pour Wikipédia-kun de frapper encore et d’en apprendre un peu plus sur les motivations d’Oppai-chan…
…ou pas. Le scénariste est en grève. Mettez-moi à la place un plan-culotte suivi d’une chute aussi invraisemblable qu’opportune. Perdu pour perdu, autant y aller franco, mais Rail Wars! applique de façon décérébrée les ficelles les plus usées, il n’essaie même plus.
L’affaire du chien réglée, vous n’imaginez bien-sûr pas que les choses s’arrêtent là et c’est précisément à ce moment qu’entrent en scène deux intermittents de l’animation, recyclés après la dernière saison de To Aru Blablabla no Machin dans un énième rôle alimentaire de voyous.
Grâce à la mémoire infaillible d’Oppai-chan couplée au savoir encyclopédique de Wikipédia-kun, nos petits stratèges parviennent à intercepter en personne les gredins à la prochaine gare, sans même avoir besoin de téléphoner au staff local pour faire le boulot et ainsi ménager l’hypertension de leur vieux directeur. La course contre le crime est conclue par un bref et victorieux combat à main armée, preuve s’il en fallait encore que les Japonais ne connaissent pas les racailles pour les réduire systématiquement à de vilains guignols qui se compromettent en attaquant ouvertement. Comme prévu, Arriviste-san manque de s’étrangler et l’avenir s’annonce bien sombre pour nos héros d’un jour… qui se retrouvent donc le lendemain en bel uniforme, prêts pour de nouvelles aventures. Happy end.
…Quoi, la « guerre » du titre? Vous en saurez plus au prochain épis-
Génériques:
On l’aura compris, Rail Wars! est, comme le sont Girls und Panzer ou Upotte dans le domaine militaire, un animé de niche, explicitement destiné à une frange d’otaques partageant la passion dévorante du héros pour les trains. Et pour le coup, le générique d’ouverture leur en offre, de tous les modèles, sous toutes les coutures, comme on enverrait des filles à poil dans un chapitre de To Love-Ru. Et comme le bruit des bottes n’est finalement jamais très loin, au fanservice des gros serpents mécaniques s’ajoute le fétichisme des uniformes crypto-militaires de la compagnie, garde-à-vous et même flingues en prime, car au Japon, le train est décidément un business sérieux. Du reste, la moitié des visuels est tout bonnement tirée de l’épisode.
Pour ce qui est de la musique, on a affaire à du rock d’Elements Garden, assez quelconque mais tout à fait écoutable et assez dynamique pour ne pas s’endormir.
L’ending sort du même cru, avec cette fois-ci une musique électro parfaitement oubliable de ZAQ et des images de voies ferrées façon cyberpunk rappelant le premier ending de Psycho Pass, ce qui est un peu risible au vu de l’intérêt réel de l’épisode.
Son et visu:
Le graphisme de l’animé se situe quelque part entre moyen et passable. On trouverait plus facilement un train ponctuel en France que de l’originalité dans Rail Wars!, ce qui est d’autant plus triste que les illustrations originales de Vania600 ont du cachet. L’animations fait le minimum syndical, avec un petit bonus sur les vingt secondes de baston à la fin. Notons que la 3D est désormais à peu près maîtrisée, ce qui est d’autant moins négligeable dans un animé sur les trains. Sur l’échelle des années 2000, on serait dans le moyen-haut du panier, clairement plus bas de nos jours.
La bande-son se fait discrète et je lui en sais gré. Quant au doublage, à l’exception notable de l’annonceur de gare, il n’est étonnamment pas si mal loti, avec quelques noms un peu familiers (Jun Fukuyama, Maaya Uchida), mais handicapé par des personnages stéréotypés pour un résultat juste pas désagréable.
* * *
Ce premier épisode de Rail Wars! aurait pu être résumé au ton extraordinairement désespéré de l’annonceur de gare dès la première seconde. Il n’est pas réellement blessant dans sa médiocrité, son principal défaut est de n’avoir aucune qualité. Je lui en trouve néanmoins une, qui est d’être un cas d’école d’adaptation alimentaire au public tellement ciblé qu’il en est tenu acquis d’avance, et réalisé dans cet esprit: paresseusement.
Jolies illustrations originales, en effet.
Quelqu’un sur le forum Thalie a posté une image d’Oppai-chan qui a suffit à me convaincre de ne pas mater cette série. Je pense que j’ai bien fait, vu ton article.
Tu parle de Girls und Panzer et je pense que la force de cette série est justement d’avoir réussi à toucher d’autres personnes que le public de niche des military otaku (personnellement, je ne me défini pas en tant que tel et je tripe bien plus sur les avions à hélice que sur les chars). Par contre Rail Wars effectivement, à te lire, à moins d’être un passionné, ça ne présente pas un grand intérêt. Ça n’ l’air ni particulièrement bien fichu, ni particulièrement drôle…
Ca ne me donne pas très envie d’embarquer dans le délire en tout cas.
Personnellement, après deux épisodes, j’ai déjà renommé cet anime Boobs and Train.