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[avatar user= »Suryce » size= »original » align= »left » link= »http://neantvert.eu/minorin/?author=4″ target= »_blank »]Pendant un certain temps, j’ai été un fan de Hajime Segawa, l’auteur du manga Tokyo ESP, mais aussi bien avant cela de Ga-Rei, un shonen qui faisait pour moi l’effet d’une bouffée d’air frais à l’époque en mêlant efficacement mythologie japonaise et temps modernes ; exorcisme, devoir familial et adolescents tokyoïtes qui essayent de vivre leur vie ; le tout saupoudré d’une ambiance de dérision sachant toutefois se taire pour les moments sérieux.
J’avais hâte de lire le manga suivant de l’auteur, Tokyo ESP, dont j’ai cru pendant un bon moment avant de le lire que c’était une suite à Ga-Rei car l’auteur a réutilisé beaucoup de ses chara-designs d’une oeuvre à l’autre. Tokyo ESP est en fait une toute nouvelle histoire, se déroulant toujours dans un Tokyo moderne et avec des adolescents comme protagonistes, mais en y combinant cette fois un concept de super-pouvoirs clairement inspiré de X-Men, ainsi que de films populaires du cinéma américain très ouvertement référencées. Mais malgré ses bons moments, la magie n’a pas marché un seconde fois pour moi, peut-être cela à cause d’un manque de mélange des styles et thématiques comparé à Ga-Rei, et j’ai cessé de m’intéresser au manga au profit de d’autres oeuvres… jusqu’à l’annonce de son adaptation animée.
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Tokyo ESP // Studio Xebec // Débuté en Juillet 2014 // Nombre d’épisodes prévu inconnu (une douzaine ?) // Réalisateur : Shigehito Takayanagi
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Entre temps, il était déjà sorti aussi une adaptation de Ga-Rei, titrée Ga-Rei Zero, car se révélant au dernier moment être une préquelle au manga plutôt qu’une reprise directe des événements de son récit. Ga-Rei Zero est l’une des adaptations les plus particulières qu’il m’a été donné de voir dans le domaine des mangas et anime : elle reprend les personnages et thématiques du manga original tout en les encadrant d’un genre différent : le drame (bien que toujours accompagné d’une dose d’action), pour un résultat très différent du manga shonen plutôt traditionnel dans ses développements à caractère émotionnel. L’anime prend aussi beaucoup de libertés pour le bien de son scénario, quitte à être inconsistant avec le manga, et va jusqu’à adopter un style visuel plus sérieux sans aucun rapport avec celui de l’oeuvre originale, tout en étant à l’inverse strictement fidèle vis-à-vis de certains détails sans importance. Au final, Ga-Rei Zero est à la fois une bonne préquelle, qui introduit les origines de la tragédie qui sera rediscutée dans le manga, et une excellente histoire indépendante, car conclue avec assez de force pour se suffire à elle-même.
Et si j’ai autant parlé de Ga-Rei Zero, c’est parce que, oui, c’est important pour le contexte de l’anime de Tokyo ESP !
Durant les quelques semaines qui ont précédées la diffusion de ce premier épisode, j’ai impatiemment attendu une bande-annonce… qui n’est jamais venue ! Si j’avais été malin, cela m’aurait mis la puce à l’oreille sur le contenu du premier épisode : déjà en me rappelant l’opération médiatique de Ga-Rei Zero, qui avant la diffusion de celui-ci avait fait croire que l’anime n’avait aucun rapport direct avec l’oeuvre originale (la seconde saison de Black Butler avait fait un coup très similaire vis-à-vis de sa première saison), et ensuite en associant cela avec le poster officiel de l’anime Tokyo ESP qui fait un grand cross-over avec ses propres personnages et ceux de Ga-Rei Zero.
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Car la toute première chose qui accueille le spectateur dans cette adaptation de Tokyo ESP est… Kagura. L’héroïne de Ga-Rei Zero. Qui n’a absolument rien à faire là pour de nombreuses raisons. Et elle n’est pas toute seule, car plusieurs autres personnages principaux de GRZ viennent rapidement participer au caméo, suivit par une flopée de personnages secondaires et de figurants qui vont eux jouer un rôle plus actif dans l’action de cet épisode. Plus exactement, ils servent d’adversaires provisoires aux méchants, premiers vrais personnages de Tokyo ESP introduis dans l’épisode, parce que les vrais héros prennent plaisir à se faire attendre.
Ce cross-over est extrêmement culotté pour tout un tas de raisons. Je ne savais pas que Ga-Rei Zero était apprécié à ce point au Japon, mais le fanservice de la chose est évident. Et le risque du coup, c’est d’aliéner les gens qui n’ont pas vu Ga-Rei Zero. Cet épisode a pour ambition de faire un début in media res pour ouvrir la série sur des explosions et capter l’attention, mais du même coup, il utilise un grand nombre de personnages sans en présenter aucun ! Et comme la moitié d’entre eux (tous rôles confondus) est originaire de Ga-Rei Zero, il est fort probable qu’on les revoit peu pour le reste de la série. Les réactions que j’ai pu voir sur le net sont majoritairement positives, mais j’ai aussi vu quelques personnes qui sont sorties confuses de cet épisode, et d’autres plus blasés qui se demandaient pourquoi ils sont censés se soucier de ces personnages dont ils ne savent rien. La gratuité de la présence des personnages de Ga-Rei Zero est d’autant plus évidente que certains apparaissent moins de dix secondes, juste histoire de faire coucou.
Un autre éventuel problème, c’est la logique de l’univers. Doit-on comprendre que dans l’anime Tokyo ESP, les esprits et les super-héros cohabitent, dans le vague secret l’un de l’autre ? Et les événements (futurs) de Ga-Rei Zero sont-ils canons dans T-ESP ? Préserver la cohérence d’un tel univers va être particulièrement ardu. Ou alors, une autre possibilité qui serait plus facile à faire tenir debout : s’agit-il plutôt d’un univers parallèle dans lequel les exorcistes sont à la place une faction anti-espers ?
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Qui plus est, il n’est pas juste question de caméos de personnages, la référence est poussée beaucoup plus loin que ça avec une reprise du style de présentation (introduction avec des crédits sur fond noir qui interrompent les premières scènes pour donner un style cinématographique), du schéma narratif (aussi bien celui de l’épisode lui-même, avec une crise surnaturelle qui dépasse les gens ordinaires sauvés par des individus extraordinaires, que celui de la série dans son ensemble, avec une révélation du climax de l’histoire dès le départ), du chara-design (très reconnaissable au fait de dessiner uniquement la lèvre inférieure), et même l’une des insert songs iconiques de Ga-Rei Zero est ré-utilisée telle quelle, pour mettre en valeur les mêmes personnages dans la même situation que l’original !
Ce désir de ressemblance est déjà assez étrange car ce n’est pas le même studio qui en charge de Tokyo ESP, et même les noms du staff n’ont quasiment rien à voir avec ceux de Ga-Rei Zero, mais surtout il amène un troisième problème : le changement de ton de Ga-Rei Zero par rapport au manga original fonctionnait parce que l’anime possédait son propre récit inédit, reprenant tout au plus quelques scènes issues de flashbacks et modifiées à souhait. Mais l’anime Tokyo ESP a bien l’intention d’adapter le récit du manga, auquel on va retourner de manière chronologique au prochain épisode, et dont l’ambiance générale n’a rien à voir avec ce premier épisode qui essaye d’allécher le spectateur avec des explosions, du sang et du grand spectacle. Donc, nouveau dilemme : le reste de la série va-t-il être lui aussi adapté avec ce même ton sérieux ? Ga-Rei Zero n’était pas dénué d’humour mais le style de Hajime Segawa inclut beaucoup de super deformed et de gags visuels qui ne fonctionneront pas avec ce trait consistant et sérieux. Ou alors, le style de l’anime Tokyo ESP va-t-il revenir à quelque chose de plus proche du manga mais en créant du coup un fossé avec le premier épisode ?
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Vous allez me dire, je parle beaucoup de Ga-Rei Zero et finalement pas tant que ça de Tokyo ESP en lui-même. Hé bien, s’il y a une chose que ce premier épisode fait correctement comprendre à son spectateur, c’est que Tokyo ESP est basiquement un X-Men version anime, et si c’est une recette qui vous donne envie, alors vous ne serez pas déçu du voyage. On retrouve le classique affrontement entre les gentils mutants qui veulent aider les humains et les méchants mutants qui veulent les dominer, et l’influence se poursuit jusque dans les pouvoirs même des personnages, comme la téléporteuse qui laisse derrière elle un nuage de fumée noir exactement comme Diablo dans le second film X-Men, et qui comme lui utilise son pouvoir pour attaquer le siège du gouvernement et ses gardes.
Il faudra donc attendre le reste de la série pour apprendre qui sont vraiment tous ces personnages, mais la grande dose d’action de cet épisode attire certainement le coup d’oeil, surtout quand les animes orientés action (qui plus est dans le style épées et flingues) sont une denrée rare. Ce premier épisode joue exprès le jeu du grand spectacle, et il faut donc le prendre avec une légère pointe de second degré, malgré le style trompeur de l’anime. Si les scènes de la téléporteuse passent à merveille, je trouve par contre que l’épisode est parfois blessé par son remplissage qui n’est pas très finement écrit. J’ai beau avoir moins foi en Hajime Segawa qu’avant, je n’ai été qu’à moitié surpris d’apprendre que la scène de la bombe avec l’esper au mur de vent, qui pousse le ridicule et les clichés d’animes un peu trop loin, n’était pas issue du manga. Qui plus est, l’épisode se termine sur une certaine déception quand, après avoir fait monter le suspens sur l’héroïne pendant 20 minutes, il ne montre même pas le moment de gloire de celle-ci (qui n’était déjà pas très impressionnant car consistant à terrasser un mec étant apparu pendant littéralement 30 secondes et dont on n’est même pas informé du nom). Peut-être voulaient-ils éviter de révéler son pouvoir tout de suite ? mais cela me semble très contre-productif puisqu’ils pourront difficilement rendre ça excitant avec la scène de découverte du manga.
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En conclusion, ce premier épisode fait un choix assez différent de la moyenne pour attirer l’attention du spectateur, en se reposant sur l’action plutôt qu’une introduction en bonne et due forme des personnages, mais y intègre une grosse dose de fanservice pour essayer de réduire les risques de cette stratégie. Personnellement, je trouve ça très culotté, et peut-être doublement risqué, parce que cela revient à tromper les deux publics de l’anime : ceux qui connaissent Ga-Rei Zero se voit promettre une suite spirituelle qui n’en sera sûrement pas une, et ceux qui seraient intéressés par Tokyo ESP pour le style de présentation du manga pourraient être repoussé par la forme sérieuse de cet épisode d’introduction. Dans tous les cas, je suis intriguée de voir comment ils vont gérer ce décalage entre le style de Ga-Rei Zero et le style de Hajime Segawa dans les prochains épisodes.
P.S. : Je me suis seulement rendu compte après l’avoir posté que cet article se consacre uniquement à l’analyse à froid de l’épisode et que j’en ai oublié de parler de mon sentiment plus immédiat en le matant : c’est simple, j’ai adoré ! Quand je dis que les producteurs de l’anime sont culottés, ce n’est pas un reproche. J’aime moi aussi le côté hollywoodien et tout ce qui va avec, car on voit trop peu d’animes prendre ce genre d’approches, et étant un gros fan de Ga-Rei Zero, je ne peux pas dire que le fanservice m’a déplut. A moins que Zankyô no Terror, auquel il faut encore que je jette un oeil, me surprenne, Tokyo ESP est mon premier épisode préféré de cette nouvelle saison.
Je trouve que tu te poses trop de question en fait. ^^
Ils ont voulu une nouvelle fois surprendre avec un épisode WTF (pour s’assurer un public fidèle ?) ; ça avait très bien marché avec « Ga-rei Zero », c’est logique qu’ils s’en inspirent.
J’aime bien ce genre de surprise (surtout que le manga m’avait assez déçu – j’en suis resté au tome 2). Ça faisait très épisode ‘spectacle hollywoodien, vas-y que je t’en mette plein les yeux’. Et, personnellement, j’ai trouvé ça bien réussi.
Je n’ai pas lu le manga, je ne peux en aucun cas comparer avec, mais ce qui est sûr, c’est que c’est un premier épisode efficace. Pas forcément subtil, mais efficace et plaisant.
Perso, l’introduction en bonne et due forme des personnage, je trouve ça trop souvent ultra-chiant et 9 / 10 c’est mal fichu.
Un 1er épisode comme celui-ci, ça me botte diablement plus que 95 % des premiers épisodes de l’animation japonaise (je peux à la rigueur renvoyer à mon article sur l’épisode 1 de AKB0048 présent sur ce site).